« J’étais parti avant, tout seul mais perdant.
Le monde entier contre moi à ne rêver que de toi.
Alors j’ai décidé de ne voir que le bien.
Il y aura certainement quelqu’un pour m’écouter quelque part.
Mais ils n’y arriveront pas, à nous dégrader.
Moi je t’aimerai encore, encore et jusqu’à ma mort. »
Nos Célébrations, by Indochine
« Je pense que c’est une excellente idée » déclara Anthony.
Christian regarda le psychiatre comme s’il était devenu fou. Il se trouvait dans le bureau de ce dernier pour une consultation et lui avait raconté sa soirée d’Halloween. Son horrible soirée !
« Vous plaisantez, j’espère ? »
Anthony soupira fortement et répliqua :
« Est-ce que je me suis déjà moqué de vous une seule fois durant nos séances ?
— Oui. Et pas qu’une seule d’ailleurs » râla Christian.
Touché ! songea le psychiatre, mais répondant plutôt :
« Là n’est pas la question. Voyez ce moment comme une façon d’exorciser vos erreurs et d’aller de l’avant.
— Je ne vois vraiment pas en quoi monter dans cette voiture de malheur me libérera de quoi que ce soit. Elle me précipitera surtout six pieds sous terre plus tôt que prévu. »
On était le cinq novembre. Cinq jours que cette fameuse partie de poker, où le vainqueur pourrait donner un gage à l’un des perdants, avait eu lieu. Cette fin de soirée avait été tout simplement parfaite, jusqu’à ce qu’ils se mettent à parler de voiture.
« Dans l’épisode d’hier, ils retapaient une vieille Coronet. »
Christian, qui avait perdu depuis longtemps (il se demandait d’ailleurs pourquoi il continuait à jouer avec ses amis), quitta la table pour aller chercher d’autres amuse-gueules. Il n’était vraiment pas un super-fan des automobiles, préférant de loin prendre les transports en commun pour se déplacer d’un point A à un point B. Heureusement, il vivait dans une grande ville où tout était à disposition. Il ignorait comment il aurait fait sinon.
Il savait d’où venait son aversion pour ces engins à quatre roues qui faisaient la fierté des autres membres de la gent masculine et également de certaines femmes. Et une chose était sûre, jamais il ne mettrait un pied dans l’habitacle d’une quelconque voiture.
Foi de Brown.
« Dodge a de très belles cylindrées » put-il entendre parler Dylan alors qu’il remplissait deux bols, « mais leur plus belle création est incontestablement la Dodge Charger. »
Un frisson d’effroi parcourut la colonne vertébrale de Christian. Il n’avait tout de même pas… ?
« Tu dis ça uniquement parce que tu en as une » ricana Zackary.
Ses mains furent prises d’un moment de faiblesse et lâchèrent les bols qu’il tenait entre ses doigts. C’était impossible… Il avait dû mal entendre.
« Tout va comme tu veux, Christian ? » appela Bartholomé, mais il fut dans l’incapacité de parler.
« Je vais aller voir » déclara Dylan.
Il perçut des bruits de pas puis il apparut dans l’encadrement de la cuisine.
« Ça va, Chris ? »
Ce dernier ne répondit pas. Son cerveau tournait à plein régime pour tenter d’absorber la nouvelle. Il sentit la crise arriver avant même qu’elle ne soit là, reconnaissant les signes avant-coureurs.
Ses mains tremblaient, son souffle se faisait haletant, des gouttes de sueur froides coulaient sur ses tempes, dans son cou ainsi que le long de son dos, et ses oreilles étaient assourdies par un bourdonnement constant.
Il lui sembla alors se retrouver au milieu d’une rue assombrie par la nuit et éclairée uniquement par quelques lampadaires. Au loin, un crissement de pneus et le bruit de la carrosserie qui se froisse lui parvinrent.
Une voix qui hurle.
Soudain, deux mains se posèrent en coupe autour de son cou, le ramenant dans la cuisine et procurant à Christian une chaleur bienfaitrice. Ses yeux se fixèrent alors dans ceux de la personne qui se trouvait en face de lui.
Dylan.
Ce dernier n’avait pas oublié, même après vingt ans, les signes précurseurs qui annonçaient lorsque Christian allait faire une crise. Combien de fois avait-il dû le consoler, l’apaiser, pour atténuer ses tremblements ? Il ne comprenait pas pourquoi il en avait une maintenant, alors qu’il allait bien jusque-là. N’avait-il pas consulté le docteur Craig dans le but de soigner ce genre de choses ? Devrait-il vivre éternellement avec elles ?
Il l’obligea à bouger pour qu’il puisse prendre place sur une des chaises.
« Tout va bien là-dedans ? » interrogea Bartholomé en entrant à son tour.
Il s’était déplacé uniquement pour éviter à Gaël de venir voir ce qu’il se passait. Avec lui, ils auraient tous été mis dehors pour une simple égratignure. Et son aversion pour Dylan semblait le pousser à toutes les stupidités.
Lorsqu’il les vit, quelque chose dans son regard s’illumina et il repartit aussitôt pour rassurer les autres, se moquant de la maladresse de Christian et leur assurant que Dylan l’aidait déjà suffisamment pour les empêcher d’aller voir.
Il proposa même qu’ils sortent fumer une cigarette et embarqua Gaël de force en passant un bras autour de son cou. Tout le monde ne fumait pas, mais tous suivirent le mouvement.
Une fois la porte fermée et le calme revenu dans l’appartement, Dylan reporta son attention sur l’autre homme et constata qu’il était toujours pâle et que ses dents s’étaient mises à claquer.
« Tu veux que… tu aimerais que je chante ? » demanda-t-il, la honte chauffant ses joues.
Christian leva son regard légèrement hagard sur lui et l’observa un instant avant qu’un petit sourire ourle ses lèvres. Il secoua doucement la tête et lorsqu’il parla, sa voix était rogue, limite cassée.
« Non. Je ne veux pas que tu sois mal à l’aise. »
Le refus le rassura autant qu’il l’irrita.
S’il proposait, c’est qu’il était d’accord pour ça. Mais il était tout de même soulagé de ne pas devoir fredonner. Cela lui aurait donné l’impression d’être bien plus proche de Christian qu’il ne le devrait. Une idée germa alors dans son esprit et il sortit son portable de sa poche pour se rendre sur YouTube. Il dénicha une vidéo avec la fameuse chanson Let it be des Beatles. Il la lança avant de poser son téléphone sur la table et sans trop savoir pourquoi, il reposa ses mains autour de son cou.
Il fut rassuré de sentir le pouls de Christian ralentir sous ses doigts à mesure que la mélodie envahissait la pièce.
« Merci » répondit ce dernier, fermant les yeux et semblant savourer la musique.
« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »
Christian garda le silence quelques secondes. Il ne voulait pas parler de ce genre de choses. Surtout pas avec lui. Mais lorsqu’il croisa les pupilles vertes et inquiètes, il ne put s’empêcher d’ouvrir la bouche.
« Comment tu as pu garder cette voiture ? »
Les sourcils de Dylan se froncèrent d’incompréhension sur le moment, puis la lumière se fit dans son esprit.
« J’ai passé tellement de temps dessus à tenter de la réparer. Je n’allais tout de même pas la jeter pour un petit accident de rien du tout » essaya-t-il de rassurer.
Ce n’étaient définitivement pas les bons mots à dire et il le comprit rapidement lorsque des yeux bleus et colériques se posèrent sur lui.
« Un petit accident de rien du tout ?! Est-ce que tu te rends compte que tu as été percuté par un camion ? Que la carrosserie était tellement pliée que j’ai dû d’extirper tant bien que mal par le pare-brise ?!
— Chris…
— J’ai tout vu, Dylan. J’étais juste derrière toi quand… quand… quand la Dodge Charger a… »
L’énervement et l’angoisse bloquèrent une fois de plus ses poumons, rendant sa respiration sifflante et laborieuse.
« Respire, Christian ! ordonna Dylan. C’est fini maintenant. Ce moment est derrière nous et je vais bien.
— J’ai cru que tu étais mort… » avoua-t-il, sa voix se brisant dans un sanglot.
Christian tourna la tête vers le mur de sa cuisine et ferma les paupières avec force pour empêcher les larmes de couler. Merde à la fin ! Il commençait à en avoir marre de pleurnicher tout le temps.
« Mais c’était pas le cas et maintenant je suis devant toi vingt ans plus tard, répondit Dylan. Tu aurais voulu que je fasse quoi ? Que je la jette ?
— Parfaitement, déclara-t-il avec force en ramenant son regard sur lui.
— Certainement pas ! On t’a jamais dit qu’il fallait toujours remonter à cheval après une chute ? En plus, c’est le seul cadeau que Mike m’ait jamais fait. Enfin, si l'on oublie son blouson qui a malheureusement fini à la poubelle. Toujours est-il que, si j’avais mis la Dodge Charger à la casse, je n’aurais jamais plus remis les pieds dans une voiture. »
Il rigola à cette idée stupide, mais son rire se coinça dans sa gorge lorsqu’il remarqua le regard fuyant de Christian.
« Ne me dis pas que…
— Si. Et je m’en porte très bien » répliqua-t-il vivement.
Dylan eut alors un fort éclat de rire au point que des larmes apparurent dans ses yeux. La colère et l’humiliation que Christian ressentit eurent tout de même le don d’annihiler sa crise.
« Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle, Johnson ! » siffla-t-il.
Aïe. À l’époque, lorsqu’il l’appelait par son nom de famille, ce n’était jamais bon signe et il doutait fort que ça ait changé entre-temps. Malgré tout, son rire pouvait toujours se faire entendre dans sa voix quand il répondit.
« Franchement Christian, c’est ridicule. Je veux bien comprendre que cet événement t’a marqué, mais tu n’étais même pas dans la voiture quand ça s’est produit et je n’en suis pas mort. Je suis persuadé que même après avoir quitté Pryor Creek tu as pris de mes nouvelles. Comment, je ne sais pas, mais j’en suis sûr. Je me trompe ?
— Non.
— Donc tu as dû savoir que je m’en suis très bien remis, dit Dylan avant d’ajouter devant le silence de Christian : N’est-ce pas ?
— Oui. »
Pourtant, quelque chose dans la réponse de ce dernier l’embêtait. Il avait l’impression qu’il lui cachait quelque chose.
« Tu es sûr ? Je sais qu’on vient tout juste de se retrouver et de mettre les choses à plat toi et moi, mais je ne mentais pas quand je te disais que je voulais qu’on soit amis. J’aimerais qu’il n’y ait pas de secret entre nous. En tout cas, rien qui concerne cette époque de notre vie. »
Christian le regarda un instant. Devait-il lui dire ? Devait-il lui avouer qu’il avait tenté de se suicider à la suite de l’accident ? Non ! pensa-t-il, il ne doit pas savoir. Ça ne servirait à rien si ce n’est nous faire du mal inutilement. Il secoua donc la tête et déclara :
« Ne t’inquiète pas, il n’y a rien de plus à dire. J’ai effectivement appris ton rétablissement, mais ça ne m’empêche pas de ne pas aimer les voitures et encore moins la tienne en particulier.
— Wouah ! Dylan porta une main sur son coeur de manière théâtrale. Tu me fends le coeur de dire une telle chose ! Je ne peux pas concevoir que mon ami n’aime pas ma beauté. Il va falloir que je remédie à ça.
— Même pas en rêve » grogna-t-il en se levant pour ramasser les morceaux de bols et les amuse-gueules répandus sur le sol.
Puis Dylan avait gagné. Et il avait choisi Christian pour le gage. Gage qui consisterait à monter avec lui dans la Dodge Charger pour faire les cinq tours de circuit de l’Auto Club Speedway qu’un ancien collègue lui avait offert. Il avait beau avoir déclaré qu’il ne le ferait pas, ses protestations étaient rentrées par une oreille et sorties par l’autre.
Dylan alla même jusqu’à dire qu’il viendrait dormir chez lui la veille pour être sûr qu’il ne tente pas de s’enfuir.
« Pour quand est-ce que c’est prévu ? demanda Anthony.
— L’heure de ma mort est annoncée pour le vingt-sept novembre, répondit Christian avec fatalisme.
— Vous ne pensez pas que vous dramatisez un peu ? »
Il posa alors un regard colérique sur le psychiatre.
« Je ne dramatise pas !
— Si. Ce n’est pas votre genre pourtant. Je comprends vos réticences sur les voitures, mais Dylan a soulevé deux points importants : vous n’étiez pas dedans et il s’en est sorti. »
Anthony fronça les sourcils, en proie à la réflexion.
« Pourquoi avez-vous tenté de vous suicider, Christian ? »
Ce dernier se raidit à la question.
Ce maudit psychiatre avait le don pour mettre le doigt sur ce qu’il ne voulait pas déterrer. Il le regarda droit dans les yeux, la bouche hermétiquement close, et bien décidé à ce qu’elle reste comme ça. Peu de gens connaissaient ce secret. En fait, les seuls qui en avaient connaissance étaient ses parents et il ne leur parlait plus.
Mais son silence ne dérangea pas Anthony. Avec lui, il avait fini par être habitué à devoir creuser pour obtenir des informations. La première fois qu’il l’avait eu comme patient, Christian était parti en emportant avec lui des secrets qu’il ignorait. Il était bien décidé, aujourd’hui, à faire sortir tous les squelettes de leur placard pour que l’homme en face de lui puisse enfin vivre une vie tranquille.
Car même si, de premier abord, Christian avait un rythme lambda, il n’en restait pas moins, au vu de ce qu’il disait à Anthony, qu’il y avait des trous dans le filet. Par exemple, il y avait toujours cette étincelle d’envie qui s’illuminait dans ses yeux lorsqu’il décrivait la vie de famille de son frère ou de ses amis. Il manquait cruellement quelqu’un dans sa vie et pourtant, il n’arrivait pas à garder un partenaire plus d’une semaine.
Il rayonnait chaque fois qu’il parlait de ses neveux et nièces, mais jamais il n’avait cherché à se renseigner pour avoir lui-même un enfant. Non pas que le fait de ne pas en avoir était mal, mais Anthony voyait parfaitement le bonheur et le mal-être qui l’entouraient quand ils abordaient le sujet.
Sans qu’il s’en doute, Christian hurlait en silence son besoin d’avoir une famille. Il l’avait plus ou moins créée avec les amis de son frère, mais il n’était pas stupide et savait qu’elle n’était pas totalement ce qu’il souhaitait. Pas la peine d’avoir un diplôme en psychiatrie pour voir que son patient voulait un homme dans sa vie, des parents aimants et peut-être la chance d’avoir un enfant à élever.
Oui, Christian avait encore du chemin à parcourir avant d’être totalement bien dans sa peau. Et l’étape suivante consistait à monter dans la voiture de Dylan et faire avec lui les cinq tours.
Cette voiture semblait avoir été le témoin de beaucoup d’événements entre eux deux. Elle représentait également les erreurs que Christian avait commises. S’il n’avait pas menti, il n’aurait pas eu besoin d’avouer à Dylan qui il était vraiment. Ce dernier n’aurait pas pris la voiture pour se sauver le plus loin possible et il n’y aurait pas eu cet accident. Il n’y aurait pas eu de remords. Pas eu de regrets. Il n’y aurait aucune cicatrice sur leur coeur.
Mais il semblait qu’un obstacle de taille se dressait entre cet objectif et Christian. Anthony était bien décidé à le trouver avant la fin de la séance, qui aurait lieu dans trente minutes.
« Je commence à vous connaître, vous savez, poursuivit-il devant le mutisme de son client. Lorsque vous n’ouvrez pas la bouche, c’est que vous tentez de me dissimuler quelque chose d’important. Mais ce n’est pas grave, je me fais assez confiance pour trouver ce fameux secret par moi-même. Donc résumons, voulez-vous ? Après l’accident de Dylan, vous êtes reparti à New York avec vos parents. Vous auriez eu diverses raisons de vouloir vous suicider, mais vous n’avez rien fait. Durant toute la période d’hospitalisation de Dylan, vous n’avez jamais cherché à mettre fin à vos jours. Alors pourquoi ça a changé soudainement à son réveil ? Je ne pense pas que vous ayez attendu d’apprendre qu’il s’en sorte pour passer à l'acte. Vous avez plus une personnalité à agir par culpabilité ou par tristesse. »
Christian grinça des dents devant la perspicacité du psychiatre. Mais il ne parla pas pour autant.
« Dylan était hors de danger et les médecins ont déclaré dans son dossier qu’il n’aurait aucune séquelle physique ni mentale. Alors apprendre son réveil aurait dû être un soulagement pour vous. Pourquoi avez-vous tenté de vous suicider, Christian ? Quel était le but de la manoeuvre ? »
Ce dernier serra les dents et ferma les yeux à s’en fendre les paupières. Une part de lui avait envie de se soulager de ce poids qui pesait sur ses épaules. Il voulait en parler avec quelqu’un qui saurait l’écouter, et qui mieux qu’Anthony pouvait être cette oreille ? Le psychiatre lui avait montré à de nombreuses reprises qu’il était de bon conseil.
Il allait ouvrir la bouche, quand ce dernier émit soudainement une hypothèse.
Les yeux de Christian s’écarquillèrent un peu plus à mesure qu’il parlait, choqué par la véracité des faits. Entendre sa propre histoire racontée par une autre personne déverrouilla la porte derrière laquelle se trouvait son dernier secret et les sentiments qui allaient de pair l’assaillirent avec force.
La crise fut longue et douloureuse et ils dépassèrent le temps d’une séance pour l’endiguer. À la fin, Christian se sentit vidé et il avait la terrible impression de faire du surplace.
« Ce n’est pas vrai, le rassura Anthony. Pour le moment vous avez l’impression de ne pas avancer, car vous luttez toujours pour cacher certaines choses. Ce qui est tout à fait normal. On a tendance à enterrer ou camoufler ce qui nous semble imparfait lorsque nous n’arrivons pas à le réparer ou le corriger de nous-même. Votre histoire avec Dylan, ça fait vingt ans que vous la dissimulez dans un coin de votre esprit dans l’espoir de ne jamais plus en entendre parler. Alors, j’aurais été sincèrement étonné que vous me révéliez tout en seulement une séance. Même si je trouve que vous faites de réels progrès. Bien plus que lors de nos premiers rendez-vous.
— Je n’ai pas le même âge non plus, déclara Christian après avoir séché ses dernières larmes. Mais ces derniers temps j’ai plus l’impression d’être une demoiselle en détresse qui n’arrête pas de chouiner, qu’autre chose. »
Un sourire étira les lèvres d’Anthony lorsqu’il entendit les propos de son client. Pourtant, c’est d’une voix calme et dépourvue d’humour qu’il répondit :
« Peut-être que c’est normal.
— Comment ça ?
— Lorsque vous sortiez avec Dylan, comment ce dernier vous traitait-il ?
— Bien, pourquoi ? demanda Christian confus.
— Je reformule. Est-ce qu’il se comportait avec vous comme si vous étiez une jeune fille indépendante et avec du caractère ou plutôt comme si vous étiez fragile et délicate ? Était-il du genre à vous laisser vous débrouiller ou à vous protéger pour un oui ou pour un non ?
— Oh ! Eh bien… ni l’un ni l’autre. En vérité, je pense que c’était un peu donnant, donnant. J’arrivais à le calmer lorsqu’il était au bord de la crise de nerfs et à lui faire exprimer ce qu’il ressentait. Il n’était pas un garçon très bavard sur ses sentiments et ses faiblesses… ça n’a d’ailleurs pas vraiment changé, constata Christian en rigolant doucement. Quant à lui, il était toujours là pour moi. Et je ne sais pas comment il faisait, mais il savait toujours quand ça n’allait pas. Je ne pouvais rien lui cacher. Enfin, presque rien. Quand j’avais des crises, il me berçait jusqu’à ce que ça passe en me chantant une chanson. Avec lui, je me suis vraiment senti aimé pour la première fois de ma vie.
— Vous l’aimez toujours.
— Quoi ? Non ! Bien sûr que non, répliqua vivement Christian.
— Hmm… Si vous le dites. Toujours est-il qu’une partie de vous pleure ces moments que vous avez vécus avec lui.
— Je ne comprends pas. Vous pensez que le fait de pleurer prouve que j’aime Dylan ? C’est absurde. Si je pleure c’est uniquement parce que me souvenir de toutes les erreurs que j’ai commises me fait du mal. Rien de plus.
— On peut regretter certaines choses que nous avons faites. Moi-même j’ai fait des erreurs dans ma vie dont je ne suis pas très fier. Mais la différence entre nous deux, c’est que j’ai accepté mes actes et que j’ai fait la paix avec eux. Dans votre cas, c’est comme si une part de vous s’appelait encore Christie et qu’elle vous flagellait d’avoir avoué votre secret à Dylan. D’avoir brisé ces bons moments vécus à deux. Alors, dites-moi, Christian, pourquoi ces souvenirs vous font tant de mal si vous ne ressentez rien pour lui ?
— C’est pas que je ne ressens rien. Ok, je l’aime, mais pas d’amour. C’est juste un ami.
— Juste un ami ?
— Oui, juste un ami » répliqua Christian avec vigueur.
Anthony le fixa de longues minutes durant lesquelles il se sentit très mal à l’aise. Puis le psychiatre répondit avec un sourire narquois au coin des lèvres.
« Vous devez drôlement l’aimer votre “juste un ami” pour le laisser vous entraîner dans une aventure qui ne vous plaît pas. »
Il ouvrit la bouche, prêt à répliquer, mais rien ne vint. Il ne trouva aucune réponse à donner, car, au fond de lui, il savait qu’Anthony avait raison et cette réalité lui faisait peur.
Voyant le cheminement que prenaient les pensées de son patient, il décida de changer de conversation.
« Parlez-moi donc de votre nouvel ami, Alexandre. »
Christian le regarda un moment, perdu dans ce revirement soudain de sujet avant qu’un tendre sourire n’éclaire son visage et qu’il commence à raconter à Anthony quelques anecdotes qu’il avait apprises sur cet homme charmant.
Attendre le week-end de Thanksgiving fut infernal pour tout le monde. Enfants et adultes. Dylan regarda son portable pour la énième fois tandis que la dernière heure de cours de la semaine s’étirait sans fin.
Il ne devrait pas perdre de temps, car l’avion de Zack décollait à quinze heures. Il finissait à midi, ce qui laissait un battement de trois heures. En soi, c’était largement suffisant, mais l’armée avait appris à Dylan à être toujours prudent, et avec le week-end de Thanksgiving il risquait d’y avoir beaucoup de monde sur la route, même en début d’après-midi.
Normalement, c’est Mary qui aurait dû venir à Los Angeles, mais les parents d’Amélia ne pouvaient pas avoir leurs vacances de Noël. Elle lui avait donc demandé s’il était d’accord pour échanger afin que Zack puisse les voir.
Dylan avait dit oui à condition que les enfants passent Noël avec lui. Ils iraient à ce moment-là chez Patrick. Ce dernier pourrait ainsi profiter de ses petits-enfants également.
Ensuite, Zack et Mary prendraient l’avion pour rentrer chez leur mère et son fils reviendrait à Los Angeles après le Nouvel An.
Enfin, tout ça, c’était si rien ne venait entraver leurs projets. Car ils s’étaient rapidement rendu compte que tout ne se déroulerait pas comme ils l’avaient convenu au départ. Entre leur travail, leurs amis, les enfants, les parents, les aléas de la vie, il n’était pas toujours facile de s’accorder avec les emplois du temps de tout le monde.
Zack et Mary ne se plaignaient pas outre mesure de la séparation. Chacun avait son train-train de collégien à mener et cela les accaparait assez pour qu’ils ne se soucient pas du manque de leur père ou de leur mère. En fait, si l’on regardait les choses correctement, c’était plus Amélia et Dylan qui souffraient de ne pas les voir.
Triste vie que d’être parents !
Son portable vibra dans sa poche et lorsqu’il lut le message qu’il avait reçu de Bartholomé, il grimaça.
N’oublie pas notre discussion d’hier. Je compte sur toi et Christian pour vous entraîner sérieusement pendant ce week-end !
La veille, Bartholomé l’avait pris à part pour lui demander un service.
« Après tout, je t’ai bien aidé avec ton fils et non, avant que tu partes sur tes grands chevaux, il n’y avait rien d’intéressé dans mon geste. Mais j’ai vraiment besoin de toi » avait-il déclaré.
Dylan n’avait pas spécialement eu d’objection, jusqu’à ce qu’il entende la demande de l’autre homme.
« Quoi ! s’était-il exclamé. Hors de question. »
Mais Bartholomé avait insisté. Argumenté. Il avait donc fini par dire oui et maintenant, il s’en voulait affreusement pour ça.
Il rangea le portable, bien décidé à ne pas répondre.
Lorsque la cloche sonna la fin des cours et le début de ce long week-end, tous les élèves étaient déjà changés et prêts à quitter l’établissement. Dylan compris. Il ferma le gymnase tout en ayant le téléphone coincé entre son oreille et son épaule pour appeler Zack.
« Coucou bonhomme, tu es prêt ?
— Oui ! Je n’attends plus que toi, papa.
— Je serais là dans dix minutes si tout se passe bien. Attends-moi en bas et pense à bien verrouiller la porte avant de partir.
— Ok! »
Il raccrocha et marcha rapidement vers sa voiture. En temps normal, il ne venait pas au Centre avec, car la Dodge Charger avait des dimensions qui l’empêchaient de trouver facilement des places dans sa rue. Et il était hors de question qu’elle dorme trop loin de lui. Il devrait d’ailleurs songer à chercher un garage en location. Ou à se trouver un appartement qui en possède un. Il se ferait moins de cheveux blancs à son sujet. Mais aujourd’hui il avait une exception puisqu’il devait emmener son fils à l’aéroport.
Lorsqu’il arriva devant son immeuble, Zack l’attendait de pied ferme avec un sac à dos aux coutures tirées à l’extrême à cause de la surcharge. Il se gara rapidement et patienta que son garçon ait fait le tour de la voiture et se soit installé sur le siège passager.
Il avait tout juste attaché sa ceinture que Dylan s’engageait dans la circulation, déjà dense, de la rue.
« TU AS FAIT QUOI ! »
Christian sursauta violemment sur son tabouret avant de relever la tête vers Bartholomé. La nouvelle que ce dernier venait de lui annoncer l’avait fait sortir de ses gonds ! Plusieurs regards se tournèrent vers eux, mais il n’en avait cure. À l’heure actuelle ses propres yeux étaient posés sur son imbécile de meilleur ami, le foudroyant sur place.
Heureusement que le reste du groupe n'était pas dans les parages. Personne ne devait être au courant de cette stupidité !
« Chut, moins fort, râla Bartholomé avant d’enchaîner. Je lui ai demandé de jouer cet acte avec toi devant les élèves pour qu’ils puissent voir que tout n’est qu’une question de jeu de rôle.
— On aurait très bien pu le faire ensemble » répliqua Christian en balayant de son regard la salle.
Ils étaient au Heaven’s in Hell et aujourd’hui, c’est Bartholomé qui tenait le bar. Ulrik commencerait sa journée vers dix-sept heures. Christian était venu voir son ami pour qu’ils mangent ensemble. Ce soir, il fermerait sa librairie pour le week-end. Il aurait pu avoir hâte s’il n’y avait pas eu ce maudit gage et voilà que maintenant, Bartholomé en mettait une seconde couche !
« Ne sois pas ridicule. Ils trouveraient à dire que c’est facile pour nous, car on s’apprécie. Alors qu’avec Dylan, ils ne sont pas au courant de vos liens. Et puis, on peut pas dire qu’il fasse très gay.
— Ce n’était pas une raison pour lui demander de m’embrasser devant les élèves ! grogna Christian.
— Hé ! C’est pas comme s’il avait dit non ou que j’étais en train de lui mettre le canon d’un flingue sur la tempe pour qu’il s’exécute ! répliqua Bartholomé, la situation l’amusant grandement.
— Tu n’as qu’à l’embrasser toi ! » répondit-il en posant le regard sur son ami.
Ce dernier l’observa avec de grands yeux qui semblaient dire, Vraiment ? Tu veux que moi, je roule une pelle à Dylan Johnson ? Il les imagina aussitôt en pleine action et sans qu’il ne puisse s’en empêcher ses entrailles se tordirent de jalousie. Non ! ragea-t-il. Si Dylan devait embrasser un autre homme, ça ne pouvait être que lui ! Et il s’autoflagella pour avoir de telles idées.
Un éclat de rire le sortit de ses pensées et il comprit que Bartholomé avait très bien réussi à suivre son raisonnement. Il pinça ses lèvres et détourna le regard, maudissant mille fois son ami dans sa tête.
« Tu as prévu quelque chose pour Thanksgiving ? lui demanda soudain Bartholomé.
— Dylan m’a invité chez lui pour qu’on le passe ensemble, répondit-t-il avant de proposer : Tu veux te joindre à nous ?
— Non, je tiendrai le bar demain soir. J’ai donné son jeudi et vendredi à Ulrik pour qu’il puisse passer un peu de temps avec sa famille. J’avais espéré que tu en fasses de même. »
Christian reposa violemment son verre et jeta un regard noir à Bartholomé.
« Et moi j’avais espéré que cette année vous me fichiez la paix Gaël et toi. Comme quoi, on n’a pas toujours tout ce qu’on veut dans la vie.
— Ne sois pas désagréable » répliqua Bartholomé avant de lever les mains en signe d’abandon quand il vit ses yeux s’assombrir un peu plus.
Mais il était trop tard. Christian déposa un billet sur le comptoir pour payer sa boisson et quitta le bar sans un regard en arrière malgré les appels incessants de son ami.
Il savait qu’il ne pouvait pas totalement en vouloir à Bartholomé. Ce dernier n’était pas au courant de toute l’histoire et il pensait agir pour le mieux. Mais Christian commençait à en avoir marre qu’on ne l’écoute pas. Il y avait des choses qu’il pouvait tolérer. Il pouvait accepter que Dylan le force à monter avec lui dans sa voiture. Il pouvait comprendre que Gaël se mêle de ses affaires. Il pouvait admettre que c’était dur pour Bartholomé de se retrouver entre son frère et lui. Mais il y avait des sujets sur lesquels il ne fallait pas trop l’asticoter et ses parents en faisaient partie.
Il retourna donc travailler sans avoir mangé, l’estomac serré, le coeur lourd et l’esprit maussade.
Malgré tout, il ne put s’empêcher d’envoyer un message à Bartholomé peu de temps après son départ pour lui demander pardon. Il n’aimait pas être fâché contre lui.
« Laisse-moi résumer que je comprenne bien, déclara Alexie d’une voix quelque peu pâteuse à cause de l’alcool. T’as jamais, jamais, jamais, regardé Star Wars ?!
— Chérie, je crois qu’il est vraiment temps que tu arrêtes de boire » déclara Carmen en prenant son verre de vin blanc pour le vider cul sec.
Christian était assis par terre, dos contre le canapé. Alexie et Carmen se trouvaient juste en face de lui, à même le sol également. Dylan, quant à lui, était allongé sur le divan derrière Christian et il rigolait de la mine déconfite de sa petite soeur qui grognait contre sa fiancée.
« Je ne suis pas soûle !
— Si tu l’es. C’est la quatrième fois que tu poses la même question à ce pauvre Cricri. Alors pour lui épargner une nouvelle répétition, je vais répondre à sa place. Non, il n’a jamais vu Star Wars ou Le Seigneur des anneaux ou encore Harry Potter. Oui, il est saint de corps et d’esprit. Non, nous ne nageons pas en plein délire et OUI il s’en porte très bien. Satisfaite ? »
Christian se retint de rire, mais ce ne fut pas le cas de Dylan. C’était un son grave et chaud qui s’infiltra dans le corps de Christian, faisant battre son coeur plus vite. Déjà quand il était jeune, il adorait l’entendre et aujourd’hui, alors qu’il n’avait plus à cacher qui il était, il ne l’appréciait que davantage. Il avait parfois du mal à admettre qu’ils s’étaient retrouvés tous les deux. Que la vie lui avait, pour ainsi dire, donné une seconde chance. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il avait peur de ses sentiments pour Dylan. Que se passerait-il si ce dernier apprenait ce qu’il ressentait ? Il craignait que celui-ci ne s’éloigne, même involontairement.
Il allait devoir faire attention afin qu’il ne se doute de rien.
« T’inquiète pas, Alexie, déclara soudainement Dylan. Chris dort à la maison ce soir, alors je vais lui montrer Star Wars. »
C’était effectivement vrai. Et contre toute attente de la part de Christian, Dylan lui avait proposé d’installer son matelas dans sa chambre. Alors qu’il était en train de le gonfler et que Dylan cherchait des draps à lui filer, il se fit la réflexion que cette soirée ressemblait à celle qu’on pouvait voir dans les séries télévisées pour adolescent.
L’idée lui plut.
On ne pouvait pas vraiment dire qu’il avait vécu une jeunesse heureuse. Ses seuls moments de bonheur étant ceux qu’il avait partagés avec Dylan. Savoir qu’il allait s’en faire de nouveau avec lui l’avait rendu joyeux au point que sa poitrine avait du mal à contenir ce trop-plein d’émotion positive.
« Je n’ai peut-être pas envie, répliqua Christian.
— C’est vrai, mais t’es trop poli pour dire non alors que t’es pas chez toi. »
Il ne répondit pas. Il n’y avait pas grand-chose à dire de toute façon puisque c’était vrai. Dans son dos Dylan éclata de rire une fois de plus. Il était vraiment de bonne humeur et cela faisait plaisir à voir. Et Christian n’était pas le seul à l’avoir remarqué.
« Tu es bien joyeux ce soir, Dylan » lança Carmen, approuvée par un hochement de tête endormi de la part d’Alexie.
Christian regarda avec attendrissement la jeune femme poser sa tête sur l’épaule de sa fiancée, ses yeux luttant contre le sommeil. Dire qu’il n’y a même pas quelques minutes elle s’acharnait encore avec vigueur contre lui.
« Quoi ? J’ai pas le droit de rire maintenant ? râla Dylan en se redressant sur un coude pour fusiller gentiment Carmen du regard.
— Si, bien sûr, mais t’entendre rire est aussi rare que de voir de la neige à Los Angeles.
— Ah bon ? dit Christian. Pourtant il rigole souvent avec moi.
— Vraiment ? »
Alexie se redressa brusquement et jeta ses mains en l’air en hurlant :
« C’est l’amour !
— Ok ! s’exclama précipitamment Dylan. Je crois qu’il est temps que la petite aille se coucher. »
Carmen plissa les yeux devant son air alarmé, mais après un certain temps elle déclara à l’oreille d’Alexie :
« Allez ma belle. On va rentrer. »
La jeune femme grogna une sorte d’acquiescement et se releva tant bien que mal, aidée par sa fiancée.
« Merci pour la soirée les gars, dit-elle alors que Dylan leur ouvrait la porte. Ça nous a fait du bien à Alexie et moi. »
Il l’embrassa sur la joue et lui caressa le dos en signe de soutien. Il connaissait le passé tragique des deux femmes. Entre Alexie qui avait perdu ses parents trop jeune et Carmen qui n’en avait plus parce que ces derniers l’avaient rejetée, on ne pouvait pas dire que niveau famille elles avaient été gâtées.
Pourtant, elles ne se laissaient pas abattre et leur envie de créer une famille malgré les circonstances était quelque chose qui avait toujours rendu Dylan admiratif. Lui, lorsque Amélia lui avait annoncé qu’elle attendait un bébé, la seule chose qu’il avait ressentie à ce moment, c’était une peur immense.
S’occuper de Sacha avait été un calvaire. Comment ferait-il avec un enfant ? Et s’il devenait violent comme Mike ? Patrick l’avait alors rassuré en lui disant que personne ne naissait avec un instinct préprogrammé à la paternité ou la maternité. Le principal ce n’était pas qu’il soit un père parfait, juste qu’il aime son enfant.
Bon, honnêtement, les paroles de Patrick avaient été tout de même un peu plus imagées…
« Arrête de chialer comme une madeleine et assume ! Si tu ne voulais pas avoir de gosses, t’avais qu’à enfiler un préservatif, crétin. Alors maintenant, tu vas me faire le plaisir de t’occuper de ce bébé qui va arriver. Ce n’est tout de même pas de sa faute si son père est un idiot ! »
Un truc dans ce genre-là.
Ce souvenir arracha un petit rire à Dylan et attira l’attention de Christian. Ils étaient tous les deux dans la cuisine en train de faire la vaisselle. Le repas avait été copieux, chacun ayant ramené quelque chose.
Ils discutèrent de tout et de rien. Christian expliqua à Dylan qu’il avait beaucoup de travail depuis le début du mois, car les commandes de Noël commençaient à arriver.
« Déjà ? s’étonna l’autre homme.
— Certaines personnes s’y prennent en avance pour leurs cadeaux. Ça leur évite de tout dépenser le même mois.
— Pas bête » commenta Dylan.
Une fois la vaisselle terminée, ils s’installèrent sur le canapé devant la télé et Dylan lança le fameux film Star Wars.
Christian se considérait comme quelqu’un qui avait l’esprit ouvert à toute nouveauté. En bon ami, il joua le jeu et regarda le film avec attention. Il ne joua pas longtemps. Après tout juste quinze minutes de visionnage, il était totalement immergé dans cet incroyable univers.
À un moment, au milieu du film, il retourna s’asseoir par terre, car il s’y trouvait plus à son aise. Dylan ne protesta pas, mais Christian était tellement concentré dans l’histoire qu’il n’y aurait même pas prêté attention.
Lorsque le générique de fin apparut, il avait une tonne de questions à poser. Il se tourna vers Dylan dans l’espoir de pouvoir obtenir des réponses et sursauta légèrement en voyant qu’il était bien plus près qu’il ne le pensait. Son ami s’était assoupi, allongé sur le côté, un bras passé sous sa tête en guise d’oreiller et l’autre ramené près de son corps.
Sans vraiment s’en rendre compte, Christian tendit la main vers son visage. Ses doigts le picotaient dans leur envie de redessiner les courbes de la pommette et l’angle de la mâchoire de l’autre homme. Il retira néanmoins sa main à la dernière minute, évitant un geste regrettable et serra les phalanges dans un poing ferme qu’il posa contre sa cuisse afin de ne pas céder à la tentation.
La vibration de son portable lui offrit une belle diversion et un tendre sourire étira ses lèvres lorsqu’il constata qu’il s’agissait d’un message sur Whatsapp de la part d’Alexandre.
Salut Christian ! Comment tu vas ? Joyeux Thanksgiving !
Bonjour, Alexandre. Merci, joyeux Thanksgiving à toi aussi.
Houlà ! Tu nous fais une crise d’insomnie ? Il doit être pas loin de 2 h du mat chez toi ? C’est les tours de circuits de samedi qui te stressent ?
Non, lol. C’est juste que mon ami a voulu qu’on regarde un film ensemble. Et puis tu sais, ce n’est pas vraiment les cinq tours qui m’angoissent.
Tu veux développer ou c’est trop privé ?
Disons que je n’aime pas la voiture dans laquelle je vais monter ! Elle me rappelle de mauvais souvenirs.
Et le mec qui t’a offert ce cadeau, il est au courant que ce dernier est empoisonné ?
Ce n’est pas un cadeau, mais un gage. Et oui, il est au courant.
Sérieux ? Mais quel connard ! Pourquoi tu as accepté, Christian ? Tu aurais dû lui dire merde.
C’est un ami.
Raison de plus ! Quand on est ami avec quelqu’un on lui fait pas ce genre de crasse ! Malgré tout, je suis étonné que tu aies accepté. Tu ne me sembles pas être le genre de personnes à dire oui à n’importe qui et pour n’importe quoi. Tu dois vraiment tenir à lui pour t’être laissé embarquer dans cette histoire…
Christian regarda le message pendant un moment sans trop savoir quoi répondre. Devait-il lui parler de Dylan ? Après un instant de réflexion, il décida que non. Il aimait beaucoup Alexandre. C’était un homme très gentil qu’il avait rencontré sur un site qui mettait en relation des personnes de différentes nations. Le fait qu’il soit Français lui avait beaucoup plu, car il voulait justement améliorer son écrit et son oral.
Finalement, leur rencontre avait été bénéfique pour les deux hommes, chacun souhaitant progresser dans la langue de l’autre.
Ils avaient pris contact pour la première fois durant l’été. Au départ, ils s’entendaient bien, mais ne discutaient ensemble qu’une fois de temps en temps. Puis un jour, Alexandre s’était énervé contre un fait divers qui s’était passé dans son pays sur un jeune homosexuel. C’est d’ailleurs ce jour-là que Christian avait appris qu’il était également gay.
Cependant, ce n’est pas ce détail qui avait fait leur rapprochement, mais plutôt le fait qu’ils avaient bien plus de points communs qu’ils ne l’avaient pensé au départ.
Alexandre ne parlait plus à ses parents depuis ses vingt ans tout comme Christian. Ils avaient également les mêmes goûts musicaux et de ce fait, chacun conseillait à l’autre une chanson dans sa langue maternelle qu’ils devaient ensuite traduire. Après, ils passaient souvent de longs moments à parler des paroles ou de la mélodie.
C’est ainsi que Christian avait découvert de très belles chansons françaises comme Avant toi de Calogero ou encore Les Tournesols de Marc Lavoine. Il avait également eu droit à des styles plus… folkloriques, comme J’aime trop ton boule de Fatal Bazooka (le nom du chanteur était aussi étrange que les paroles) ou Joyeux Noël de Max Boublil.
Mais malgré leur complicité, Christian préféra garder secrète son histoire avec Dylan.
{i]C’est un bon ami.
Juste un ami ?
Juste un ami.
Ok. Je te crois. Allez, je te laisse dormir. J’ai encore un peu de taff avant d’aller manger. Bsx, bsx. Je t’aime !
Le sourire de Christian revint dessiner ses lèvres lorsqu’il lut le message et il répondit aussitôt.
Bon courage. Bon appétit. Et moi aussi je t’aime.
Il prit la télécommande qui se trouvait sur sa table basse et éteignit l’écran plat. Il regarda le visage de Dylan une dernière fois. Ses traits étaient détendus et ses lèvres légèrement entrouvertes. Parfois, ses sourcils se fronçaient ou son nez se plissait et quelques paroles incohérentes sortaient de sa bouche.
Christian plaça sa tête dans le creux de sa main et profita du sommeil de l’autre homme pour l’observer. Il avait toujours pensé que s’il ne rencontrait pas la bonne personne pour partager sa vie, c’est uniquement parce qu’il n’était pas encore prêt pour être en couple.
Mais depuis qu’il avait revu Dylan, une étrange hypothèse s’était formée dans sa tête.
Peut-être que s’il n’avait jamais réussi à trouver chaussure à son pied, c’est tout simplement parce qu’il avait toujours été amoureux de cet homme allongé sur le canapé.
À partir du moment où cette idée lui était venue, Christian avait tenté de toutes ses forces de la repousser. Et les raisons d’un tel refus sur ses sentiments étaient simples.
Mais comme on le dit souvent, « le coeur a ses raisons que la raison ignore ». Et Christian avait beau enchaîner les coups d’un soir, maintenant qu’il avait revu Dylan et qu’il s’était rendu compte que ses sentiments à son égard n’avaient pas changé, tous les autres hommes lui semblaient inintéressants !
Quelle idée stupide que de tomber amoureux, Christian Brown, se flagella-t-il dans sa tête. Et d’un hétéro de surcroît. Décidément, on touche le fond là !
Puis sur cette réflexion il réveilla doucement Dylan pour qu’ils partent se coucher tous les deux.
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