If we all look the same, we'll disappear. Si l’on se ressemble tous et toutes, on disparait. Grandir c’est prendre conscience des mythes et croyances qui ont forgé notre enfance. Cet exercice pour moi est passé par le corps. Le chemin est tortueux, mais je souhaite me réaproprier ce corps que la société, ma mère, mes harceleurs m’ont volé. Ce corps que j’ai détesté à en crever. Ce corps que j’ai maltraité. Ce corps qui m’est offert. Ce corps en bonne santé. Mais surtout, ce corps qui vieillit et qui réunit à lui tout seul mes plus grands combats et mes plus belles réussites.
Je me suis rendu compte en me réappropriant ma vie que les silences ont forgé une partie de celle que j’ai était jusqu’alors. L’enfant terrorisée, l’adolescente enragée et la jeune adulte déterminée, toutes ont existé au travers d’une solitude étouffante. Quand j’y pense, c’est la colère qui envahie chacune de mes particules. La colère de ne pas avoir été entendue, la colère d’avoir été brimée, violentée, de ne pas avoir été protégée. Comme il est difficile de se construire avec l’impression terrible de ne pas être assez…
Pour palier à ce ressenti ténu, j’ai longtemps essayé d’être celle que les gens voulaient que je soit: la fille parfaite, toujours disponible, studieuse, jolie; la grande soeur idéale, rassurante, protectrice, forte; la nièce exemplaire; l’amie facile… De toute façon, je n’ai jamais compris le sens de toute cette mascarade. J’aurais tout donné pour avoir un guide qui reprenait étape par étape comment, pourquoi, qui et comment. À la place, j’ai observé, analysé puis recopié; méticuleusement.
Bien sur, rapidement, il y a eu des failles dans ma méthode. Je n’étais jamais à la hauteur. Pour ma mère d’abord, qui avait imagé une version tellement précise de sa fille parfaite, une version inaccessible. D’autant plus que je me suis rapidement rendu compte que cette relation n’était que dans un sens; je passais ma vie à tenter d’être sa fille parfaite mais elle n’a jamais essayé d’être la meilleure mère possible (contrairement à elle, je n’ai jamais demandé la perfection). Elle ne m’a pas protégé. Ne m’a pas câliné. Ne m’a pas dit je t’aime.
Ensuite, c’est surtout en dehors du foyer que les jeux ce sont corsés. Je n’ai jamais rien compris à l’amitié. Je n’avais pas d’ami(e)s, seulement des potes, qui se jouaient plus de moi qu’il ne tentaient d’établir de véritables relations. On s’est moqué de moi, j’ai été harcelé, trompé, violé, sans jamais comprendre comment j’en étais arrivée là. Heureusement pour moi, j’étais loin des histoires de crush et d’amourettes, trop happée par ces amitiés toxiques auxquelles je m’accrochais pour survivre socialement.
Entre l’adolescence et le début de la vie adulte je me suis promis de devenir la meilleure version de moi-même. Je ne voulais plus être « faible ». J’étais en colère. Contre moi-même d’avoir été autant une victime. Contre les autres, d’avoir faut de moi leur proie. J’ai quitté le foyer familial et je me suis engluée dans la colère pour ne pas me laisser submerger par la tristesse et le désespoir. Pour la dernière fois, j’ai compris que je ne pouvais conter que sur moi-même et que personne ne viendrais me chercher au fond de mon puit.
Le début de la vingtaine est passé comme ça. Dans la détermination et la rage. Dans cette quête de la meilleure version de moi-même, j’ai essayé plusieurs modèles: l’entrepreneuse ou Girl Boss, l’activiste, la Baroudeuse, l’artiste… J’ai enfilé des vestes trop petites ou grandes pour moi, toujours en tachant d’être la meilleure, la plus forte et la plus belle. Une fois encore, je n’étais jamais assez. Je me suis fait prendre à mon propre piège: j’étais devenue ma propre cage, incapable de sortir des cases dans lesquelles j’avais toujours essayé de rentrer.
Deux dépressions, trois podcast, quatre échanges internationaux, cinq diplômes, six projets bénévoles, sept stages et huit voyages plus tard; me voilà. Me voilà à essayer de trouver ma propre taille de chemise. Mon propre style. Ma propre voie/voix. Je ne veux pas disparaitre dans la masse des sosies, pas après tout se chemin parcouru. Alors je tâche de comprendre qui je suis et surtout qui je veux être. Je parle ici d’un idéal, pas d’une perfection. Je ne dis pas que je me suis débarrassée de ma colère et de mon désespoir. Je ne dis pas que le regard des autres, d’elle ne me blesse plus. Mais je tente de prendre la petite fille dans mes bras et l’adolescente par la main pour enfin me permettre d’exister dans mon unicité.

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