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tome 1, Chapitre 14 « Fluctuations Oniriques » tome 1, Chapitre 14

Issam pensait en termes d’univers parallèles, des univers où les lois de la physique seraient différentes de celles qui régissent le sien. Avicennius voyait autre chose. Le rêve qui l’avait plongé dans la Sorbonne, sa lecture de Flatland et le secret du parc floral de l’observatoire de Meudon. Tout cela lui donnait l’impression d’un immense puzzle dont il n’entreverrait que certaines pièces. Mais une chose était certaine pour lui, il lui fallait garder le secret le plus absolu sur ces hypothèses et surtout sur les travaux de Moshé Ebernezer.

Joliot-Curie, Delanne, Issam et Avicennius étaient toujours dans le bureau, bavardant autour d’un thé qui venait de leur être servi.

– Une chose m’échappe Frédéric. Nous avons une hypothèse, qui est la plus probable malgré son caractère invraisemblable. Mais quel serait alors le mobile de pareille action ?

Avicennius et Issam se turent aussitôt réagissant à l’unisson, mais pour des motifs parfaitement différents.

– Vous semblez gêner. Que vous arrive-t-il ? s’enquit Joliot-Curie.

– Oh rien de grave ! bredouilla Issam. Simplement, je trouve regrettable de ne pas y avoir pensé moi-même. D’ailleurs, à ce propos, un acte de sabotage serait des plus probables, n’est-ce pas ?

– Certes, acquiesça Delanne visiblement embarrassé. Néanmoins, nous n’avons aucune idée de l’identité possible due ou de ses commanditaires, ni encore une fois sur leurs possibles motivations.

– Vous le savez aussi bien que moi, de nombreuses forces se conjuguent pour affaiblir l’Empire Européen. Souvenez-vous des événements des années 70, quand les anarchistes parisiens se sont soulevés. Ils ont failli essaimer à travers tout le continent et ainsi planter les graines d’un futur chaos socialiste. Aujourd’hui ce sont des forces venues de l’extrême Est qui sont à l’œuvre, et d’autres plus sournoises encore.

– Je vous prierais de ne pas parler de cela Issam. Le capitaine Dreyfus a été réhabilité ! coupa Joliot-Curie.

– Mais la révolution d’Octobre, si c’est cela que vous faites allusion, a été matée par le tsar Nicolas II, déclara Delanne reprenant le fil de la conversation.

– Au moins aura-t-il servi à cela. Mais tous les rouges n’ont pas été arrêtés et ces derniers se sont éparpillés et exilés comme ce Lénine et toute sa clique. De là ils œuvrent encore au travail de sape de l’Empire, n’est-ce pas Frédéric.

Cette fois ce fut Delanne qui intervint pour mettre un terme à une conversation qui menaçait de dégénérer :

– Je ne suis pas sûr que nos opinions politiques aient droit de citer dans cette discussion.

– Voyons Gabriel ! Pourquoi monter ainsi sur tes grands chevaux ? Je ne fais qu’énoncer des faits, rien d’autre. Il n’empêche qu’ils se sont déjà rendus coupables d’actes de sabotage et de terrorisme.

– Mais cela signifierait que nous aurions une taupe au sein du CIE ! s’écria Delanne en fixant Joliot-Curie.

Ce dernier perdait de plus en plus sa contenance, menaçant à tout moment de s’emporter. Cependant, Avicennius, que la situation mettait de plus en plus mal à l’aise, prit la parole :

– Excusez-moi ! Mais je crois que quelque chose d’essentiel nous a échappé.

Trois paires d’yeux se braquèrent brusquement sur lui.

– Nous supposons qu’une personne appartenant ou non à notre plan de réalité s’est introduit dans la cave du pavillon de recherche pour y saboter le réacteur. Je ne présumerai nullement de son appartenance politique, qui ne nous occupe point pour le moment.

Issam et Joliot-Curie se jetèrent un regard mutuel lourd de menaces.

– Cependant, nous devrions nous interroger sur le ou les moyens mis en œuvre pour aboutir à un tel résultat. Tout d’abord, j’exclus l’hypothèse d’une technologie inconnue, car ce ne serait pas le seul forfait de cette nature. Or il est le premier de son espèce, comme vous l’avez sous-entendu, n’est-ce pas monsieur Joliot-Curie.

Ce dernier acquiesça d’un hochement de tête et Avicennius poursuivit :

– Donc soit cette personne appartient à un univers parallèle où les lois de la physique permettent pareille possibilité. Soit quelqu’un est parvenu à envoyer une personne physique dans l’un de ces univers pour y accomplir son forfait, acheva-t-il.

En son for intérieur, cette hypothèse ne tenait pas, non qu’il ne crût pas en l’existence d’univers parallèles, mais des interactions physiques de cette nature lui paraissaient hautement improbables. Seulement la raison principale tenait en ce rêve. Mais en était-ce réellement un ? Ce qu’il avait vu et vécu cette nuit-là était si fantastique et en même temps si familier. L’écho de son expérience se répercutait toujours avec autant d’intensité dans son âme. De sa lecture de Flatland, des idées commençaient à émerger çà et là. Mais il devait tout d’abord retrouver les écrits de Moshé Ebernezer. Pendant ce temps, la discussion allait bon train entre Issam, Delanne et Joliot-Curie, Issam s’évertuant avec un certain succès a rallié Joliot-Curie et Delanne a sa position. Ces derniers ne l’interrompant que pour lui demander de préciser un ou deux points dans ces idées.

– Cependant, j’entrevois une troisième hypothèse qui nous a complètement échappé jusqu’à présent poursuivit Issam

– Oh ! Et quelle donc cette hypothèse, cher ami ? enchérit donc Delanne.

– Eh bien. Nous partons du postulat de l’existence parallèle et je pense que malgré ce qui s’est produit à la Sorbonne, les résultats obtenus forment un faisceau de présomptions fort quant à leur existence.

– Tout à fait et où voulez-vous en venir Issam ? répliqua Joliot-Curie.

– Certes, mais je souhaiterai, même si ce sera désagréable pour chacun d’entre nous, revenir sur ce que nous avons respectivement vu dans le Delanotype.

Aussitôt les visages se fermèrent, car chacun avait en tête, ce qui avait été révélé.

– Vous vous souvenez de ce que nous avions décidé. Renouvelons donc notre expérience hors de toute présence humaine, car nous sommes d’accord, cette toile dévoilait nos pensées, nos images les plus intimes.

– Bien sûr ! morigénèrent Joliot-Curie et Delanne.

– Maintenant, partons de deux postulats : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, qui appartient à Lavoisier et celui d’Einstein qui dit que la matière est énergie et l’énergie est matière.

– Certes, nous savons cela. Où veux-tu en venir ? l’interrompit Joliot-Curie, de plus en plus mal à l’aise.

– Eh bien. L’énergie psychomagnétique que nous sommes capables d’appréhender grâce à nos cerveaux supérieurs, comme l’a démontré Gabriel peut se propager non seulement dans notre univers, mais également dans les univers parallèles. Le Pelade en constitue la preuve la plus éclatante.

– C’est exact ! confirma Delanne. Dans ce cas, il s’agirait alors d’une transmission de nature vibratoire.

– Exactement et cette toile tiendrait le rôle d’amplificateurs ou de résonateurs. Elle permettrait ainsi à nos ondes psychomagnétiques de se condenser dans l’un ou l’autre de ces univers, univers avec lequel nous aurons le plus d’affinités. Ici n’interviendraient donc pas d’hypothétiques habitants d’univers parallèles, mais des échos du nôtre crées par les ondes énergétiques de toute nature. Il ne s’agirait non plus de l’envoi d’une personne physique dans l’un de ces univers, qui, je pense, ne pourrait interagir avec le nôtre physiquement parlant. Nous pouvons donc penser qu’une personne, avec un mental suffisamment puissant et certainement la technologie adéquate, aura projeté ses ondes psychomagnétiques dans l’un de ses échos. Elle créera alors une distorsion suffisamment puissante pour créer un écho d’elle-même capable d’interagir dans les deux univers, puisque appartenant aux deux univers. Nous avons donc trois hypothèses en lice et si nous appliquons le principe du rasoir d’Occam, nous ne retiendrons que la plus simple. Celle-ci, vous en conviendrez naturellement.

Delanne et Joliot-Curie approuvèrent d’un hochement de tête la justesse de son raisonnement, de même qu’Avicennius qui ne voulait rien laisser paraître.

– Nous sommes donc bien devant un acte de sabotage, rumina Joliot-Curie.

– Mais cela signifie également qu’une taupe a infiltré le CIE ! renchérit Delanne.

– Oui, et c’est une perspective qui ne me réjouit guère Gabriel, compléta Joliot-Curie. Je vais devoir en référer au haut commandement. Heureusement, cela ne devrait pas entraver la reconstruction d’un nouveau réacteur.

– Je l’espère aussi, commenta d’un ton neutre Avicennius. Néanmoins, maintenant que nous avons vraisemblablement élucidé le moyen par lequel l’attentat s’est produit, nous devons trouver le mobile. Je pense que nous avons trois hypothèses devant nous : la première serait une personne ayant eu connaissance de ces travaux et travaillant elle-même sur ce sujet, qui, voulant en recueillir les fruits, les aura retardés. La seconde pourrait être liée à la volonté d’une puissance, étrangère ou déviante, de saboter les efforts du CIE pour l’empêcher de prendre une avance technologique trop importante. Mais nous rejoignons ici la première hypothèse. Enfin, la dernière serait que… l’un d’entre nous n’ait condensé ses peurs, au point de… créer cet… cet écho qui aura en réaction à la peur détruite la machine à l’origine de celle-ci.

Delanne éclata d’un rire tonitruant en entendant cela et Issam eut tout le mal du monde à le calmer.

– Excusez-moi Avicennius. J’espère que vos n’irez pas prendre ombrage de mon hilarité, mais je nous crois tous au-dessus de la peur et de la superstition. Et ce malgré la terreur première qu’a pu nous inspirer, ce que renfermait le Delanotype. Du moins, je devrais dire que nous sommes très certainement incapables de générer pareille peur à même de faire œuvre de destruction. Mais c’est une hypothèse intéressante, seulement quid de la quantité faramineuse d’énergie nécessaire. Je pense qu’Issam ou vous Frédéric sera à même de la calculer.

– En effet. Néanmoins, je préférerai en déléguer la tâche à Issam. Je crains que les tracasseries administratives ne m’accaparent que de trop. J’espère que tu n’y verras pas d’inconvénient mon cher ami.

– Nullement Frédéric acquiesça l’intéressé. Cependant, nous devrions nous pencher sur la ou les personnes susceptibles de s’intéresser à nos travaux, elles ne sont pas légion à ma connaissance.

– Assurément Issam. Seules les personnes ayant eu connaissance des travaux de Moshé Ebernezer sont les plus susceptibles de conduire des recherches dans les mêmes voies que les nôtres. Et si je puis me permettre, étant donné l’heure tardive, je vous invite à rester au centre pour la nuit. Gabriel ?

– Avec plaisir Frédéric ! Issam, Avicennius, serez-vous également des nôtres ?

– Bien sûr ! D’autant que nos dernières nuits n’ont pas été des plus faciles, n’est-ce pas Avicennius ?

– Cependant, je ne vous démentirai pas sur ce dernier point. Merci de votre générosité Frédéric.

– Venez messieurs ! Je vais vous conduire à vos appartements.

Et Joliot-Curie les invita à sortir du bureau et ils se mirent à arpenter les longs couloirs impersonnels du centre de recherche. Bientôt ils arrivèrent devant une porte mobile en acier, qui s’effaça aussitôt dans un chuintement, et Joliot-Curie les invita à le suivre d’un geste.

– Où allons-nous rigola nerveusement Delanne, très mal à l’aise.

– Oh pardon Gabriel. J’avais oublié que tu étais claustrophobe. Seulement, nous devons prendre cet élévateur pneumatique pour rejoindre les appartements situés en hauteur. Pourras-tu rester calme jusque-là ?

– Heu, je pen…, mais Delanne n’acheva pas sa phrase qu’il s’effondrait dans les bras d’Avicennius, qui l’avait rattrapé de peu. Il l’avait alors installé du mieux qu’il put sur le sol, tandis que la cabine s’élevait avec célérité vers les hauteurs du centre.

Soudain, alors qu’il surveillait Delanne, Avicennius sentit un vertige l’envahir et gagner en intensité. Tout autour de lui, la pièce tremblait, tout devenait flou. Il était incapable de fixer un point, alors qu’un abîme s’ouvrait sous ses pieds. Il vit disparaître Delanne et Joliot-Curie tandis qu’une ombre enveloppait Issam. Puis tout reflua aussi vite que cela était venu, laissant à Avicennius un goût métallique dans la bouche. Il s’était mordu la lèvre jusqu’au sang. Mais il n’était pas le seul à avoir été victime d’un malaise, Issam aussi. Ce dernier avait le regard hagard, sa bouche s’articulant en un cri muet. Seule Joliot-Curie semblait n’avoir rien remarqué, à moins qu’il n’ait été lui aussi victime du phénomène. Cependant, Avicennius reconnaissait, malgré le malaise qu’il avait éprouvé, les sensations qu’il avait éprouvées à l’institut de psycho-physique à la Sorbonne. Néanmoins ce qu’il avait vécu ici était d’une tout autre intensité. Ce fut comme si la trame du monde sensible se déchirait pour laisser s’engouffrer l’univers dans son ensemble. Ils étaient en train de recouvrer leurs esprits et Delanne émergeait de son évanouissement, quand Joliot-Curie leur annonça le terme de leur ascension.

– Nous voici arrivé messieurs. Je vous renouvelle encore une fois mes excuses pour les désagréments que vous avez dû subir. Malheureusement, il nous est impossible d’éviter l’accélérateur de matière.

– De… de quoi parlez-vous Frédéric ? bredouilla Avicennius à peine ses esprits recouvrés.

– Nous construisons en ce moment même un appareil d’exploration de la matière. Nous l’avons installé dans les sous-sols de gigantesques aimants éthériques et nous attachons à y insérer les conducteurs de matière, avant la construction de nos détecteurs. Cependant, les travaux avancent si bien que nous pouvons espérer percer les ultimes secrets de la matière dans environ cinq ans. Pour le moment, nous nous contentons d’un prototype de taille et de puissance inférieure, dont le principe a été repris pour la mise au point du Delanotype.

– En effet, murmura Delanne qui revenait à lui, je ne vous en serai jamais assez reconnaissant d’avoir pu concrétiser mon rêve.

Les portes s’ouvrirent dans le même chuintement de métal souffrant. Joliot-Curie sorti suivit de ses trois invités dans un couloir, toujours aussi fonctionnel, mais à l’atmosphère nettement plus chaleureuse et vivante. Des fresques et des peintures s’animaient sur les murs, se mouvaient, se transformaient, évoluaient au fil du temps. Au plafond la voûte céleste luisait faisant inlassablement défiler la lente précession des étoiles.

– Je vous en prie messieurs ! Choisissez la chambre qu’il vous plaira. Elles sont toutes aussi spacieuses et confortables les unes que les autres. De plus chacune dispose de tout le confort nécessaire.

Tous se séparèrent et prirent possession de leurs chambres respectives. Sagittarius échut à Delanne, Issam prit Gemini et Avicennius Virgo.

Delanne se coucha immédiatement, éprouvé qu’il avait été par l’ascension, alors qu’il n’avait pas souffert de claustrophobie depuis des années. Dans sa chambre Issam se demandait si ses sens ou son esprit n’avaient pas été abusés. N’avait-il pas entraperçu l’espace d’un instant, l’ensorcelante Anima ? Mais une petite voix lui soufflait que cela ne pouvait être, les seuls en présence étaient Gabriel, Frédéric et Avicennius. De plus comment pareil artifice aurait pu survenir, à moins de n’être le fruit d’une obsession particulièrement tenace qui déformerait tous ses sens. Mais il préféra se dire qu’une bonne nuit de sommeil effacerait ce tourment. Avicennius se coucha inquiet et préoccupé par l’Ombre surgit des Ténèbres. L’Ombre qui avait pris possession d’Issam, le temps d’un souffle. Il s’endormit rapidement sans pour autant que son sommeil fut des plus réparateurs. Il était empli de songes peuplés de créatures fantastiques.

Avicennius marchait dans une prairie d’herbe grasse, le soleil mangeait la quasi-totalité du ciel, sans que la chaleur soit pour autant écrasante. Il regardait autour de lui, mais nulle part il n’aperçut la présence d’un animal ou d’une construction qui trahirait une quelconque activité. Çà et là se découpaient quelques massifs touffus et de maigres arbres, à peine vêtus de quelques feuilles. Ne sachant que faire, il prit la direction du Nord tournant résolument le dos au passé. Il marchait depuis longtemps quand il crut apercevoir un mouvement dans un fourré. Il s’en approcha et fouilla quelques instants en vain le massif incriminé. Préférant renoncé à une recherche qui s’avérait infructueuse, il se remit sur le chemin. C’est alors qu’il aperçut au loin une masse noire et compacte qui venait de surgir de nulle part. Interloqué et surpris de ne pas avoir remarqué ce qui ressemblait de loin à un donjon moyenâgeux, il se surprit à marcher dans sa direction. Soudain une voix surgit du néant l’interpella :

– Que fais-tu Avicennius ?

Cherchant du regard qui l’appelait, il découvrit, caché dans les branches d’un arbre, un enfant tout habillé de vert, des grelots pendant à son chapeau.

– Bonjour mon enfant. Qui es-tu ?

– Moi ! Je suis le faune du chaos, celui qui bouscule l’ordre rien de plus.

– Et puis Avicennius. Ne va pas par là ! Non, vraiment pas ! Ce n’est pas pour toi, ajouta-t-il d’un ton badin. Il n’y a vraiment rien de passionnant.

– Pourquoi me dis-tu cela ?

– Je te l’ai dit Avicennius. Je suis le chaos et j’ai horreur de l’ordre. Que vas-tu faire maintenant ? Fais-tu demi-tour, te diriges-tu vers le donjon ou viens-tu jouer avec moi ?

– Je n’ai pas envie de faire demi-tour. Je sais d’où je viens et bien que ce château m’intrigue, je préfère jouer avec toi.

– À ta guise Avicennius. Tu ne le regretteras pas !

Et l’enfant se métamorphose en dragon miniature et prit son envol. Avicennius le suivit jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’horizon. Il découvrit alors un chemin pavé, bordé de fleurs multicolores qui babillaient. Avicennius ne comprenait pas un traître mot de ce langage végétal et poursuivit sa route. Bientôt apparut au loin une forêt sombre et menaçante, qui tranchait singulièrement avec le décor bucolique, qu’il traversait en ce moment même. Elle était dominée par un énorme chêne, planté à l’orée. Hésitant, il s’approcha néanmoins de ce lieu hostile. Au-delà de la forêt, il aperçut de nouveau l’inquiétant donjon. Arrivé au pied de l’arbre, il vit qu’aucun des chemins ne lui permettrait de contourner la forêt et tous semblaient converger vers cette mystérieuse Tour Sombre.

– Je vois que tu hésites Avicennius. Pour autant, es-tu certain de retrouver cette tour au bout du chemin, une fois que tu auras traversé cette forêt et ses dangers.

Levant les yeux en direction de la voix haut perchée, il vit un chat souriant. Un chat au regard débonnaire, dont le corps semblait en de multiples endroits la fois. C’est alors qu’il pencha sa tête qui se retrouva juste sous le nez d’Avicennius, alors que son arrière-train était toujours perché sur la branche.

– D’ailleurs, reprit-il d’un ton mystérieux. Existe-t-elle vraiment ou n’est-ce qu’une ombre parmi d’autres.

Sur ces mots le chat se mit à disparaître en éclatant de rire. Mais Avicennius ne s’en formalisa pas et dépassa l’arbre. S’avançant doucement vers les arbres ténébreux, sans autre a priori que sa curiosité. Il constata alors un phénomène étrange. Bien que solides d’apparence avec des couleurs vives malgré les Ténèbres, ces arbres lui semblaient faux ou n’être que des fantômes, en un mot des ombres. Il posa alors sa main sur le tronc d’un jeune hêtre, ou du moins ce qui s’en approchait le plus. Elle s’y enfonça sans rien rencontrer sinon du vide. Il y plongea le reste de son bras, puis son corps en entier, traversant de part en part l’ombre. Aussi, plutôt que de suivre le chemin qui se déroulait devant lui, il partit en zigzaguant, se laissant guider par son instinct, frayant son chemin à travers les ombres. Il n’eut pas parcouru une centaine de mètres que la forêt s’éclaircissait déjà devant lui, laissant place à un lieu désormais familier. Il se précipita alors vers un arbre immense où il savait qu’il y découvrirait une échelle fixée sur son tronc. Une échelle menant à une plate-forme dissimulée dans sa ramure. Arrivé en haut, quelqu’un l’attendait.

– Bonjour Avicennius ! Te voir ici m’emplit de joie.

– Moi aussi…, mais il fut interrompu d’un doigt sur ses lèvres

– Poursuis ta route Avicennius. Tu es sur la route de la connaissance, mais non de la réunion encore, car ceci ne te concerne pas.

– Au revoir Avicennius.

Et tout le paysage commença à se brouiller, comme une peinture encore fraîche sur laquelle on jetterait des lampées d’eau glacée. Bientôt tout se confondit et Avicennius s’endormit.


Texte publié par Diogene, 30 juin 2015 à 11h42
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