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tome 1, Chapitre 4 « La Traque » tome 1, Chapitre 4

L’homme passait désormais le plus clair de son temps à observer les habitants des lieux, tant et si bien qu’ils finirent par le considérer comme faisant partie de leur colonie. Quand il le pouvait, c’est-à-dire le moment où ses compagnons d’infortune se retiraient, il s’en allait explorer les nids des gardiens, car il avait remarqué la nervosité, voire de l’hostilité franche de certains à son égard, quand il partait en direction des escaliers cyclopéens.

Néanmoins, à force de persuasion, il avait réussi à établir un lien de confiance ténu avec certains habitants. S’interrogeant sur l’absence de « sujets » âgés, ceux qui avait osé se confier, lui avait avoué à demi-mots que les gardiens étaient responsables de leur disparition. Seulement pour l’homme, tout cela sonnait faux et se teintait de mysticisme. Les gardiens n’avaient tout d’abords jamais fait preuve de la moindre hostilité envers lui, malgré des pillages répétés, et surtout il n’avait jamais découvert le moindre reste ou relief de repas à base de lézard lors de ses expéditions. Étrange pour des monstres réputés aussi féroces et sans pitié. Poussé par sa curiosité, l’homme se mit à observer sous un nouveau jours les mœurs de ces curieuses créatures, aux fausses allures reptiliennes. Mais plutôt que de rentrer dans un processus de mimétisme à la manière d’un ethnologue, il préféra se limiter au rôle de simple spectateur. Il prit alors définitivement ses quartiers sur l’une des plate-formes désertées surplombant le village troglodyte et les nids ; de là il pouvait étudier gardiens et habitants sans risque de compromission.

Pendant un temps, l’homme n’avait rien remarqué de particulier et s’endormait aussitôt la colonie revenue à sa tanière. Pourtant lors d’une veillée un peu tardive, il crut apercevoir un troglodyte sortir de sa tanière et se diriger d’un pas mécanique vers les escaliers. Il voulut le suivre, mais ce fut le sommeil qui fut le plus rapide et il s’endormit sans avoir pu deviner le lieu où se rendait la créature. Piqué au vif, il préféra à son réveil poursuivre « sa nuit » afin d’en apprendre plus sur ce qu’il avait entraperçu la veille. Quand enfin il s’éveilla, les derniers membres disparaissaient dans leurs tanières respectives. Se demandant combien de temps durerait sa veillée, il faillit ne pas voir la silhouette qui se glissait lentement dans un escalier, situé non loin de sa position. Sans précipitation, il se coula dans les ombres et se glissa le plus discrètement possible qu’il put jusqu’à une croisée des chemins. Devinant toujours la silhouette floue qui poursuivait sa route d’un pas toujours aussi mécanique, il se mit en devoir de la suivre. Mais alors qu’il était sur le point de la rattraper, la forme lui échappa un instant du regard et disparue. Ce fut comme si elle venait d’être happée par les ténèbres qui régnaient en maître en ces lieux.

Sondant et fouillant à tâtons en vain, l’homme préféra renoncer, voulant être certain du chemin emprunté. Il veilla ainsi plusieurs « soirs » de suite ; il ne se passa pas une nuit où ne se produit pas l’étrange ballet. Une ou plusieurs créatures quittaient leur terrier, puis les yeux vides allaient se perdre dans les ténèbres ne se départissant jamais de leur démarche d’automate. Ils avaient également tous à peu près le même âge ou tout du moins la même allure cacochyme, à quelques exceptions près. Désormais, sûr de lui, l’homme se glissa vers l’escalier sombre et se dissimula dans les hauteurs, certain de ne pas être surpris. Il n’eut pas à attendre très longtemps, que déjà gravissait d’un pas lent et lourd une masse indistincte, qui se fondait dans l’obscurité. L’homme descendit sans bruit quelques marches, toujours dissimulé par les ombres, non loin du lieu où la créature allait disparaître. La forme grandissait à mesure qu’elle se rapprochait de lui et bifurqua soudainement dans un renfoncement du mur. L’homme s’en approcha et découvrit une niche habilement dissimulé par un trompe-l’œil en trois dimensions, lui donnant l’aspect d’un mur plein. S’enfonçant à son tour dans la cavité, il mit au jour un long corridor d’où émergeait au bout une vive lumière. Sans hésitation, l’homme marcha un long moment dans le couloir ainsi dévoilé, la silhouette de la créature se détachant nettement devant lui, quand soudain elle s’évanouit sans crier gare. Sans pressé le pas, l’homme arriva bientôt au bout et s’arrêta net, la luminosité était presque aveuglante et lui brûlait les yeux. Mettant une main devant son visage, il s’avança avec précaution vers la source et pénétra dans ce qui ressemblait à une tourelle moyenâgeuse, avec ses meurtrières et son déversoir à poix. Mais en fait de poix, il discernait en contrebas un amoncellement de cadavres et d’ossements.

- Ainsi, se suicident-ils, murmura-t-il.

L’atmosphère en ces lieux était si étouffante, oppressante et délétère qu’elles poussaient ses habitants au suicide, pour qui il était la seule issue pour échapper à son emprise. Voilà qui pouvait expliquer pas cette démarche si particulière lors de leur funeste ascension et qui disculpait définitivement les gardiens de leur rôle de bourreau, qui leur avait été injustement attribué par les malheureuses créatures. Avant de rebrousser chemin, l’homme jeta un coup d’œil par les meurtrières de la tour. Ce qu’il y vit le déconcerta complètement : autour du château, de la verdure à perte de vue et un soleil qui mangeait les trois-quarts du ciel. Cela lui fit penser aux univers de poche ou jouet abondants dans ses lectures, ou à une boule à neige où un sujet est enfermé. Battant en retraite, l’homme fit demi-tour et s’en retourna dans sa cachette, en haut de la corniche, pour méditer sur ses récentes découvertes. Seulement, il avait beau retourner le problème dans tous les sens, il ne trouvait rien qui puisse l’éclairer sur le moment. Il avait toutefois la certitude que la clé de cette énigme résidait dans l’un de ces mystérieux œufs.

Dans les temps qui suivirent, il se remit avec encore plus d’ardeur à la fouille des nids, non pour se sustenter mais pour y découvrir ce qui y était caché. Alors qu’il fouillait un nid dans un lieu qu’il explorait pour la première fois, l’homme avisa un œuf dont l’aspect se distinguait nettement des autres. Sa couleur était plus blanche, il semblait renfermer un liquide et sa coquille avait l’aspect du verre. L’homme approcha sa main jusqu’à l’effleurer, la surface était lisse et rigide contrairement aux autres qui avait la consistance d’une guimauve.

Pourquoi le fit-il, aucune idée, toujours est-il qu’il s’en empara et courut se réfugier dans les ombres pour l’étudier au calme. Mais lorsqu’il se releva, c’est avec stupéfaction qu’il constata que plusieurs gardiens avançaient d’un pas incertain dans sa direction. Ne perdant pas de temps, l’homme se précipita vers les escaliers, l’Œuf serré contre lui. En revanche, arrivé en bas des escaliers une autre surprise l’attendait. Plusieurs groupes de créatures s’étaient massées en contrebas et le regardait avec une avidité non feinte.

L’homme ne sut jamais ce qu’il s’en était suivi. Il se souvenait juste avoir galopé à travers la salle, emprunté des couloirs sans fin, puis une chute interminable et le trou noir.


Texte publié par Diogene, 27 novembre 2014 à 10h17
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