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tome 1, Prologue tome 1, Prologue

«Cher journal, En vrai, je ne sais même pas pourquoi je tiens un journal, en fait. D'ailleurs, c'est sans doute la seule page que j'écrirai. Pas sûr de la finir, en plus. C'est tellement ringard et archi cliché. Bon, ma mère me l'a offert parce qu'elle avait pas d'idée de cadeau pour mon anniversaire. Oui, celui du mois dernier. En même temps, vu qu'elle ne connait rien à ma vie, c'est logique. Et c'est très bien comme ça, surtout.

Bref.

Il ne se passe jamais rien dans ma vie (de merde) de lycéen (de merde). Ah oui. Evitons la déconsidération, c'est mauvais pour l'estime de soi. Il parait. Meilleures questions, est-ce-que ça va changer ma vie? Nope, sir. »

(tiens, m'fait penser que j'ai oublié un truc, pas grave ça va revenir).

«Comme dirait l'autre, si on commençait les présentations? Toi, t'es un tas de papiers recyclés (j'espère, tu me mentirais pas hein? Tu sais que la planète va mal?) et moi, juste un con- pardon - un lycéen qui fréquente un merveilleux lycée pas du tout anxiogène, dans une ambiance de liberté, d'expression et d'échange ou chacun est ce qu'il a envie d'être.

Ah merde, ça y est, ça me revient. Le devoir d'anglais à terminer. Je vais devoir le commencer d'abord. La procrastination, c'est aussi une forme d'art. Je sais, je suis un génie incompris. Je voulais être le geek, mais le poste était déjà pris.

C'était en fait mon meilleur pote, le geek de service ; il est facile à reconnaître, il est le plus souvent accroché à sa bombe de Ventoline. Et non, c'est même pas un cliché, puisqu'il est très fort en sport. Surtout sur Pro evolution soccer. Une master classe, je dis. Enfin je suppose parce que j'aime pas ça, moi, les jeux de foot. Je trouve ça chiant comme la pluie. Et encore, la pluie, c'est même pas si chiant, en vrai. Ça fait un bruit presque mélodieux. Je m'égare.

Sérieusement, j'ai déjà dit beaucoup trop de conneries pour continuer. Je vais devoir parler de mon avenir, des filles, de ma famille et tout... J'ai pas vraiment envie. Je pourrais te raconter de gros bobards, mais ça servirait à quoi, au final?»

«—Mais qu'est ce que tu fous?»

«Ah, oui. Ça, c'est Stella. La grande sœur maléfique qu'on rêve tous de ne pas avoir. Obnubilée par la réussite de sa vie sociale, à défaut de la réussite tout court. Vu ses copines, elle a pas placé la barre très haut, je dirais.»

«—J'y crois pas! T'es en train tenir un journal? En vrai? Mec, même les blogs c'est des trucs de vieux! Faut te mettre à la page!»

«—Tu m'offres un smartphone, alors?»

«Bon, finalement, je vais peut être mentir un peu, des fois que tu tombes malencontreusement entre ses griffes aussi malveillante qu'indiscrète.»

«—Pff, va mourir. J'ai pas les thunes et si c'était le cas, tu te doutes bien que jamais je ferai un truc pareil. Pour ta propre survie. E la mienne. Je suis juste venue récupérer ça...»

Elle attrapa l'agrafeuse.

«Mais ce prétexte ne trompe personne. L'œil aux reflets mordorés de Stella voit tout! Elle nous observe, mon Précieux! Ses yeux sournois se plissent pour essayer de lire en toi, comme le livre ouvert que tu es, et que j'ai laissé bêtement à sa portée. »

«—Eh! T'essaies pas de lire!

—M'en fiche de ta vie. Je suis certaine que t'es en train de meubler. Tu réussirais à tuer d'ennui, si on te lisait, alors j'vois pas pourquoi j'perdrais mon temps. Maman m'envoie te dire qu'on mange à 19h, quoiqu'il en soit.

—Ok, je prends note. Et justement, ça tombe bien parce que...

—Tu serais pas en train de parler de moi, des fois?

—J'vois pas pourquoi j'f'rai un truc pareil.

—Sinon t'aurais rien d'intéressant à raconter.

—Qu'est-ce que t'en sais, d'abord?

—Je te dirais quand je l'aurais lu. Et t'as –encore– oublié de sortir la poubelle et d'accorder "malveillantes et indiscrètes".»

Je l'observai fermer lentement la porte pour bien la faire grincer sans me lâcher du regard. Stella adorait me mettre la pression. Juste ce qu'il faut.

«—Au fait, tu sais que tenir un journal, c'est plutôt un truc de nana?»

«Même le claquement brusque de la porte de ma chambre ne masque pas son rire de hyène. Parce que oui, cher journal, elle a un rire de hyène. Et la pilosité qui va avec. Mais bon , elle a dix huit ans, je serais bientôt débarrassé d'elle. N'hésite pas à le lui dire si jamais tu venais à être pris ou capturé.

De plus, je suis à deux doigts de sortir avec la fille que j'aime et qui m'aime aussi, de tout son cœur. Elle s'appelle Charlotte et elle adore mon humour et les chewing-gum à la fraise qu'elle colle très souvent sur mon bureau, c'est hyper romantique! Il parait que dans certaines cultures, ça équivaut à une demande en mariage... Ou du flirt... Ou un menace de mort? J'ai oublié, mais cette petite marque d'attention est à la fois originale et attachante. Incroyable!

On a prévu d'aller au bowling avec mon pote et tous les siens, parce qu'on est une super bande. Y a Mattéo, Enzo, Timéo, Thiméo avec un "H" et Matéo avec un seul "T". On s'y perds souvent mais c'est pas très grave car ils se ressemblent tous. On adore blaguer, et l'autre jour, ils m'ont enfermé dans la douche! Qu'est ce qu'on a rit! Surtout après le seau d'eau froide. Demain les cours, et une semaine interminable d'excitation et de joie en perspective.»

Putain, j'ai hâte.

En vérité, j'étais à peu près aussi proche de Charlotte que Beijing l'est de Washington DC. A tout point de vue. J'avais bien tenté de faire une blague une fois, pour la faire rire, mais ça n'avait pas bien marché, je voyais pas pourquoi. Point positif, les révisions en géo avançaient, c'était toujours ça de pris. Les trois connards que je confondais tout le temps, je les détestais, bien sûr et ils me le rendaient bien. J'imagine que c'était ça, l'esprit collectif, un esprit pour trois ou quatre mecs qui avaient quasiment le même prénoms à quelques lettres près. C'était quand même pas ma faute si leurs parents n'avaient eu aucune imagination. Du coup, c'était moi qui ramassais tout.

J'ai jamais trop compris pourquoi. Au début, j'ai mis ça sur le compte de mon incroyable impopularité, avant de m'apercevoir que tous le monde s'en foutait ; puis, sur le fait que j'étais moyen dans tout sans être bon nulle part. Une sorte de petite performance en soi. Il faut bien dire aussi que la médiocrité passe bien mieux quand on est populaire.

Alors Max et moi, on se contentait de rester dans notre coin, en rasant les murs. Mais ça marchait pas bien : ils n'avaient pas de poils.

Ma théorie secrète –celle que je ne pourrais jamais écrire dans ce journal–, c'est que j'étais trop bizarre. J'ai donc débattu longuement avec moi-même : pourquoi? Étais-je si différent?

Non, je sais pas où était mon père, la justice non plus, d'après ma mère et non, on roulait pas sur l'or. Et c'était un euphémisme. (Merci les révisions de français qui avançaient bien, elles aussi). Alors, on faisait comme on pouvait. Et on pouvait pas grand chose. D'où le journal intime vieux comme Hérode à la place du téléphone portable et le mois de retard sur l'anniversaire qui était mon exclusivité personnelle.

Mais voilà, c'est la vie! On choisit pas toujours, on subit, le plus souvent.

Bordel, même pas encore officiellement adulte et déjà aigri. Mais j'étais bien décidé à reprendre les choses en mains. Et c'était prévu pour demain. Enfin, c'est ce que je croyais.


Texte publié par Yedelvorah, 18 avril 2024 à 16h45
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