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tome 1, Chapitre 6 « Débris de Persona » tome 1, Chapitre 6

Que s’est-il passé ? Ma tête raisonne comme une cloche et mon haut de forme est devenu aussi plat qu’une montre suisse passé sous une presse hydraulique. Cela dit, son amortissement n’a nullement empêché la poussée d’une excroissance sur le sommet de mon crâne, qui me semblait pulser comme un phare au milieu de la nuit. Pourquoi n’ai-je aucun souvenir ce qu’il m’est arrivé ? Pourquoi ai-je seulement cette impression d’un voile noir qui viendrait obscurcir mon jugement. Néanmoins je n’ai pas oublié que j’étais attendu au bistrot des Doigts sans Soif, rue Vercingétorix à Paris. Aussi ai-je dû presser le pas pour attraper le trolleybus, que j’ai aperçu s’enfuir un peu plus loin. Pourtant, je me surprends, à plusieurs reprises, à m’arrêter net et à observer l’environnement, comme si les rues autrefois familières ne l’étaient subitement plus. Mais l’incident le plus étonnant est survenu lorsque je suis arrivé au niveau du petit abri en bois. Alors que je pensais de voir attendre quelque temps le prochain, le voilà qui arrive à vive allure. Comment est-ce possible ? Sûrement ma chute aura-t-elle provoqué une légère commotion, qui aura troublé ma vision.

Une fois dans le véhicule, je me suis installé dans un siège à l’arrière, avant de me faire bercer par le ronronnement des roues, sans pour autant cesser de m’étonner par ce qui m’entoure. Cependant à mesure que la douleur reflue et que ma bosse s’atrophie, cette sensation s’amenuise et ma conscience reprend son libre cours. Bientôt nous arrivons au terminus, porte de Vanves, d'où d’un pas alerte je me rends aux Doigts sans Soif. Je reconnais aussitôt les lieux à leur décorum joyeux et surréaliste. En revanche les danseuses de Toulouse-Lautrec ont été remplacées par des gnomes égrillards, qui sortent de terriers multicolores. Amusé je contemple quelques instants la fresque illuminée. Au fond de la brasserie j’aperçois Rose et son mari, affairés derrière le comptoir. Je leur adresse un salut de la main, mais je n’ai pas l’impression qu’ils m’aient aperçu. Qu’à cela ne tienne, j’ouvre la porte de l’établissement et franchit le seuil d’un pas décidé. Arsène se précipite vers moi d’un air jovial. Je lui rends aussitôt son étreinte chaleureuse, ainsi qu’à Rose qui est venue à sa suite. Hélas à peine les ai-je salués qu’une douleur fulgurante me fend le crâne, juste au niveau de ma bosse, comme si mille chevaux se précipitaient dans ma tête. La suite, ce sont mes hôtes qui me l’ont racontée : Je me suis mis à hurler de terreur avant de m’évanouir brutalement, tandis que du sang s’écoulait de mes oreilles. Alors qu’il me voyait me débattre contre des chimères visibles de moi seul, j’ai senti mon crâne s’ouvrir en deux et en jaillir trois formes aux allures de spectres de Ténèbres. Elles m’ont fixé de leurs yeux, où brillaient une infinie sagesse, avant de s’évanouir aussi vite qu’elles étaient apparues. Néanmoins j’ai eu juste le temps de les entrapercevoir s’enfuir par l’œil de l’oiseau de la fresque. Ensuite, ensuite… hé bien c’est le trou noir, jusqu’à mon réveil une dizaine de minutes plus tard. Mais m’ont-ils appris, ce n’est pas dix minutes qu’a duré mon évanouissement, mais bien plutôt une heure. Un médecin est tout de suite accouru et m’a placé dans un bocal, où circule un air de montagne. Il m’a alors expliqué que ma chute avait provoqué une compression de mon cerveau, qui heureusement avait été prise à temps. Néanmoins, il ne comprenait pas la présence d’un trou dans mon crâne, juste au niveau de ma bosse. Une trépanation spontanée sans laquelle, je ne serai plus à l’heure qu’il est, ou dans le meilleur des cas une drôle de plante verte. Hélas, il est des choses qui ne peuvent être ainsi dévoilées, aussi ai-je préfère garder le silence sur ce fait singulier.

Le médecin m’a alors ordonné une convalescence de plusieurs jours avec interdiction formelle de bouger, profitant que mes hôtes lui avait proposé de m’héberger. J’ai accepté sans rechigner, touché par la gentillesse de Rose et Arsène. Il me sera également plus aisé d’éclaircir les points obscurs de mon enquête.

– Hé bien ! Vous pourrez dire que vous nous avez fait une belle peur. Comment vous sentez-vous à présent.

– Heu, je dirai comme flottant entre deux eaux, à mi-chemin entre deux mondes.

– Reposez-vous encore ! Arsène est parti chercher de quoi vous restaurer. Vous avez perdu pas mal de sang et malheureusement le médecin n’a pu vous transfuser. Votre sang est resté rétif à tout mélange avec les nôtres.

Aussi étrange que cela puisse paraître, je ne suis nullement étonné, sans savoir d’où me vient cette certitude.

– Merci à vous deux. C’est extrêmement généreux de votre part de me garder chez vous le temps de ma convalescence.

– Pourquoi nous remerciez. Il n’y a rien de plus naturel. Faites attention à ne pas passer votre main au-dessus de votre tête, votre blessure est loin d’être cicatrisée.

– Oh bien sûr…

Mais le reste de ma phrase n’a pas voulu sortir. Mes lèvres brûlent, scellées par du plomb.

– Rendormez-vous. Nous discuterons de tout cela à votre réveil.

J’ai acquiescé, avant de m’endormir aussitôt entrecoupé de rêves familiers, tous hantés par une mystérieuse tour noire.

Plusieurs heures plus tard, j’ai enfin émergé de cette sieste réparatrice. Un regard sur l’horloge murale m’indique qu’il ne s’est pas passé plus d’une heure. Voilà qui est fort curieux, mais je n’ai pas le temps d’achever ma réflexion, qu’une tornade blonde a déboulé dans la pièce.

– Ah ! Enfin, vous voilà réveillé. Cela fait plus de vingt-quatre heures que vous vous êtes assoupis.

Je regarde Rose avec des yeux ronds comme des soucoupes.

– Heureusement la clientèle est rare en ce moment. Venez et revêtez donc cette robe de chambre, m’a-t-elle lancé, en me tendant un lainage anthracite.

Dans ce vêtement pour géant, je me fais l’impression d’être l’un des nains du conte de Perrault, Prof ou timide, j’hésite. Au sol, fleurit une confortable paire de charentaise, qui n’attendent seulement que l’on s’y glisse. Tanguant comme un navire pris dans la houle, je suis d’un pas ivre mon hôtesse dans les escaliers, qui prennent des allures grotesques, tant ils se tordent en tous sens. Les marches combien sont-elles ? Il me semble qu’elles se démultiplient à l’infini, comme autant de fourmis voraces et avides de m’ajouter à leur repas. Enfin je pose mes pieds sur le carrelage rassurant de la brasserie, où m’attend déjà Arsène attablé devant un copieux déjeuner.

– Installez-vous, régalez-vous, faites honneur et bombance, me lança-t-il, un clin d’œil grivois à sa femme.

Je ne me fais surtout pas prier, affamé que je suis. Et, je me mets à dévorer avec entrain un gratin dauphinois des plus succulents, alternants les couches fermes de pommes de terre, qui une fois en bouche se mettent à fondre, et les délicieusement parfumées tranches de comté, qui grésillent sous la langue.

– Je regrette de vous mettre dans autant d’embarras.

– Voyons ! De quoi parlez-vous donc. N’est-ce pas la plus élémentaire des devoirs d’un hôte que d’offrir le gîte à son invité, surtout quand celui est en détresse.

– Nous ne pouvions pas décemment vous renvoyer chez vous dans cet état, renchérit Rose. Et puis Arsène en a profité pour musarder dans quelques-unes des bibliothèques, dont il a les secrets, quant à votre perte d’identité.

– Je… je suis confus devant pareille hospitalité et de gentillesse. Je ne vous ai rencontré, il n’y a que quelques jours à peine et…

– Tss, tss, vous nous avez offert une grande marque de confiance. À nous de vous rendre la pareille, en vous apportant de quoi peut être éclairé cotre lanterne.

– Vous m’en voyez extrêmement touché…

Arsène m’a dévisagé de ses yeux pétillants. Je lui ai rendu son amitié d’un sourire sincère. Finissant avec soin les derniers reliefs présents dans mon assiette, j’ai jeté un coup d’œil à la fresque des amants. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais j’ai cru, l’espace d’un instant, voir s’effacer les oiseaux au profit de trois femmes de trois âges… Mais reportant mon attention sur mes hôtes pour dissimuler mon trouble, je soupire, ceux-ci ne semblent n’avoir pris conscience de cet événement étrange. Pour le moment, je ne désire pas me disperser et enfoui dans ma tête cette curieuse énigme. Pourtant le tiraillement, qui me chatouille le crâne en cet instant, aurait dû être un avertissement. Mais il n’en a rien été, mettant cela sur le compte de la cicatrisation de ma blessure. Et quand bien même l’aurai-je retenu que rien de ce qui arrivera par la suite n’aura pu se passer autrement. Mais chut… n’anticipons pas et laissons s’épaissir plutôt le voile du mystère. Je vous promets que cette énigme est tout aussi intéressante.

– Êtes-vous si peu désireux d’en apprendre plus sur vous-même ?

Perdu dans mes pensées, Arsène m’a pris au dépourvu en déposant sur la table tout une pile de livre, qui tenait largement du miracle Newtonien.

– Arsène ! Que fais-tu ? Je m’apprête à apporter le dessert, s’est soudain exclamée Rose. Où veux tu que je pose ma tarte maintenant ?

– Heu, oh… pardon mon Bouton. J’étais si pressé de m’entretenir avec notre ami, que j’en ai oublié le dessert. Heu… quelle sera ma pénitence pour pareille indélicatesse ?

Rose s’est penchée quelques instants et a murmuré deux ou trois mots dans le creux de son oreille. Arsène s’est mis à rougir brusquement, puis à suffoquer brutalement :

– Oh ! Je préfère encore le supplice du baklava.

– À ta guise mon gentleman, a-t-elle minaudé d’un air guilleret.

Un instant plus tard la Tout de Pise littéraire disparaît, aussi vite qu’elle est apparue, pour faire honneur à une magnifique tarte brillante de caramel et de pommes rôties. Fasciné par les volutes brunes qui s’échappent des pommes brûlantes, je me laisse emporter, puis charrier sur un fleuve de cannelle, où flotte çà et là des grains de vanille, pour certaines encore dans leur gousse. Bientôt j’arrive dans des rapides, où je suis secoué comme un bouchon dans la tempête. Cependant, j’ai l’impression que le courant ralentit, comme si le fleuve s’épaississait d’un coup. Arrivent alors, dans mes narines, les effluves tendres d’un caramel, mélange des végétaux noirs et âpres. Mais voilà que le fleuve rejoint bientôt son affluent dans un bouillonnement lent et affectueux. Et c’est paisiblement que nous rejoignons, avant de nous étaler paresseusement, le lac de pommes, tandis qu’au-dessus de nous, un dôme couleur crème s’abaisse de toute sa tendresse. Je sens la pâte nous envelopper de sa douceur, nous recueillant dans un sanctuaire, où palpite une chaleur qui manque à mon cœur.

Des mots me parviennent par bribes éparses :

– Rose… ide-moi…, nouïe,… longe… re,… reiller

– Que… que m’arrive-t-il ? Bredouillé-e.

– Je ne sais pas. Vous avez humé avec délectation la tarte et l’instant d’après vous nous avez quitté.

En entendant cela, je suis pris d’un immense fou rire, battant des bras dans le vide pour rassurer mes hôtes. Quand enfin mon hilarité se calme, j’entreprends de leur expliquer l’origine de ma légère absence. Mon glissement dans l’Onirie, jusqu’au lac de pommes, le long d’une rivière de cannelle et de caramel.

– Hé bien C’est en effet très spectaculaire, mais vous nous avez fait peur. Nous avons cru un instant à une rechute. ?

– Vous comprenez maintenant mon embarras devant certains plats. Ils sont si riches émotionnellement, que je ne peux empêcher mon esprit de glisser vers l’Onirie.

– Pourquoi ne pas rédiger des poèmes ou des histoires à partir de vos voyages. Ils sont si riches et si beaux, qu’il serait fort dommage de les garder seulement pour vous.

– Rose a raison, a renchéri son mari. De plus quelque chose me dit que vous pourriez, par la même, redécouvrir votre passé et votre identité.

La chose m'a pris totalement au dépourvu. J’en avais certes déjà caressé l’envie, mais jamais je n’avais jusque là franchi ce pas.

– Enfin n’en parlons plus et ne boudons pas notre plaisir. Faisons plutôt honneur et bombance à cette tarte et dégustons-la.

Et c’est dans le silence, seulement entrecoupé du bruit de nos mastications, ponctué de quelques exclamations sucrées, que nous avons dévoré la tarte de Rose. La dernière bouchée avalée, je me précipite pour féliciter mon hôtesse :

– Hé bien, je ne devrais peut-être pas vous le dire, au risque de froisser votre modestie, mais Rose vous êtes un authentique cordon bleu.

– Voulez-vous donc vous taire, vous allez finir par me faire rougir. Et toi ! N’ajoute pas un mot de plus, a-t-elle ajouté à l’adresse de son mari, un sourire au coin des lèvres.

– Mais je n’aurai jamais osé ajouter quoi que ce soit, voyons !

– Vraiment, a-t-elle rétorqué, avant de lui coller un baiser sonore entre les deux joues.

Contaminé à mon tour, je me mets à mon tour à rire, ajoutant à la bonne humeur ambiante. Comme je vais pour me lever et me débarrasser, Arsène m’a arrêté d’un geste :

– N’en faites rien, ce n’est l’affaire que de quelques secondes.

Et à peine a-t-il prononcé ces paroles, que tout a disparu comme par enchantement, à la place trônait la Tour de Pise. Rose s’est assise à son tour, quand elle a soudain jaillit de son siège, tel un diable à ressort de sa boîte.

– Quelque chose manque ?

– Nenni…

Elle n’a pas achevé pas sa phrase et a disparu dans une tornade blonde, revenue presque aussitôt.

– Voici, me dit-elle en me tendant un objet rectangulaire, recouvert d’une peau en cuir bleu nuit. Ouvrez-le, s’il vous plaît.

J’ai obéi et découvert un carnet aux pages patinées par l’âge, renfermant en son centre un sublime porte-plume.

– Ne dites rien et laissez parler la plume.

Sans un mot j’ai pris le porte-plume, son corps en ébène était équilibré, ni trop lourd, ni trop léger. Sa plume, de platine à ce qu’il m’a semblé, était fine et robuste, gage d’une écriture en harmonie avec l’esprit. Arsène et Rose n’ont pas détourné leurs regards, mais j’étais si loin que je ne les voyais plus. A l’instant je me suis fondu dans le carnet, l’esprit est devenu plume et les pages réceptacle. Sur la page face à la garde, je trace d’une calligraphie, que je ne me connais pas, ces quelques mots :

Les Fragments du Livre du Voyageur

Le Voyageur

Le 16 février 1924

Je tourne encore une page et fébrilement ma main danse sur le papier couchant l’une de mes pensées :

Timidité d’une Feuille de Papier

Vif et incisif, la plume taille dans l’if

Sculptant et ciselant un mot par ci, un mot par là

Rarement s’appesantissant, souvent virevoltant

La pointe effleure et caresse de son adresse et de son encre soyeuse

La feuille prude et nue, qui se drape de sa blancheur

Comme d’un voile de pudeur, qui ne se découvrira

Qu’au poète, l’esthète des mots et des lettres

Qu’à l’écrivain, qui, de ses mains, joue des mots et des lettres.

Je demeure stupéfait et mes deux amis se regardent d’un air entendu. Entre mes doigts, je sens le carnet vibrer, comme animer d’une vie nouvelle.

– Merci, ai-je murmuré la gorge serrée, avant de refermer le carnet et de le ranger près de mon cœur. Cependant, je suis fort intrigué par cette tour littéraire. J’ai aperçu quelques auteurs, mais tous sont loin de m’être familier. Néanmoins, je devine que tous ont trait de près ou de loin à la psyché humaine.

– C’est vrai. Notre sujet de prédilection est l’ego et, pardon pour le terme employé, mais à ce propos vous un sujet de choix.

Surpris, je me suis alors souvenu de notre précédente conversation et de leur réaction.

– Vous êtes tout excusé Arsène, je vous en prie.

– Tout d’abord, savez-vous ce qu’est la Persona ? S'est enquis Rose

Rose se serait servie d’un marteau pneumatique pour m’asséner cette question, que la violence aurait été la même. Dans ma tête, une porte vient de voler en éclat, le fracas est tel que j’ai la sensation de voir mugir, sous mes yeux, les féroces ondes sonores. Elles se propagent tel un ouragan dans mon crâne, fracassant, brisant, détruisant tout sur leur passage, ne laissant derrière elles, que la ruine et la désolation. Elles sont si rapides, que c’est à peine si j’entraperçois le masque. Non pas un masque, ni le Masque, mais une chose polycéphale, nuance d’émotions, imitation d’émotions, figées dans une terre noire et blanche, dont les reflets eux-mêmes sont une souffrance. Haine, tristesse, ironie, toutes sont figés dans ces visages de glace et de Ténèbres. Qui donc a pu donner naissance à tant de souffrance ? Et malgré son apparence repoussante je l’appelle, en vain, car il n’entend que les échos de ses propres hurlements. Je lui ai tendu la main, hélas son tourment est bien trop grand, et de dépit il rugit. Un rugissement primal, un rigissement infernal, qui bientôt s’estompe et s’efface de mon esprit. Quelle est donc cette bête sauvage et indomptable qui sommeille dans mon âme. ? Un écho de ton passé me souffle une voix, que je ne reconnais pas. Elle est pourtant si proche et si familière.

– Vous avez dit quelque chose ?

La voix familière d’Arsène raisonne à mes oreilles.

– Euh…

Mes pensées sont confuses, mais le présent revient.

– Non ! Je pensais à un masque.

Arsène s’apprête à ouvrir la bouche, lorsque j’ai eu la sensation que toute la scène se figeait, ou du moins que le temps se ralentissait. À mes oreilles raisonnent un chœur de deux voix lancinantes et fascinantes. Je regarde mes hôtes, impassibles et immobiles, dont seules les lèvres bougent. Puis la pièce, de nouveau, se dissout. J’entends le cliquetis de l’infernale horlogerie. Devant se dresse, terrifiant et singulier, le masque polycéphale. Je me concentre alors sur le bruit, tandis que sa figure pivote. Je cherche à m’en approcher, mais hélas c'est pour mieux s’éloigner de moi, toujours flottant dans les eaux de l’imaginaire. Cependant sous mes pieds, je sens le sol, il en est donc de même pour lui. Plongeant alors le lieu dans un soleil onirique, j’en dévoile enfin les mystères vaincus. Tout autour de ce visage étrange et grotesque. Je distingue avec peine un tricorne et une immense cape de laine. Son corps plonge dans un brouillard épais, qui bientôt l’engloutit. Je sens qu’il s’apprête à disparaître. Je me jette alors sur lui et ma main heurte son intérieur. C’est un toucher glacial qui me surprend et me plonge dans l’abîme.

Quand je rouvre les yeux, Arsène et Rose sont à côté de moi.

– Qu’avez-vous ?

– Le vide ! ai-je répondu d’une voix atone et sans nuance.

Et tandis que ces mots franchissent mes lèvres, ma main se souvient. Elle se souvient que derrière ces masques, il 'y avait rien. Même le tonneau des Danaïdes aurait été plus rempli.

– Reposez-vous ! Arsène va vous préparer la banquette, où vous pourrez vous reposer. Vous êtes pâle et tout en sueur.

– Mer… merci Rose.

Quelques minutes plus tard, je suis confortablement installé dans un canapé, ma foi, des plus confortables. Mes hôtes patientent une dizaine de minutes, le temps d’infuser un rooïbos des Sorcières ; tisane aux arômes des plus envoûtants.

– Maintenant que vous êtes remis de vos émotions. Vous sentez-vous capable de nous décrire ce que vous avez vu ?

Je leur ai narré, malgré ma confusion intérieure, mes visions de terreur. Une fois achevé mon récit, j’ai aperçu un pli soucieux barré le front de Rose, tandis que son mari s’était mis à compulser un épais volume.

– Mon ami, vous nous mettez fort dans l’embarras. Nous ne savons même pas par où commencer ? a marmonné mon hôte.

– Nous devrions peut-être laisser de côté les archétypes et vos visions, pour y revenir ensuite.

Ce mot m’a fait immédiatement dresser l’oreille, mais j’ai préféré ne rien dire, car je venais d’apercevoir le livre Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologisch Forschungen. Un ouvrage que je n’ai jamais osé ouvrir, de peur d’y découvrir certains de mes secrets enfouis. Pendant ce temps, Rose a pris la pose de l’auguste professeur face à son amphithéâtre, empli d’élèves bruyants.

– Commençons par l’étymologie du mot ego. Dans son sens primitif, ego est le pronom personnel de la première du singulier en grec ancien. Il signifie le je/moi. Vu ainsi, il pourrait désigner la totalité de l’individu, si l’on ne considère que sa partie consciente. Seulement comme l’ont montré des travaux sur la psyché humaine, les choses sont loin d’être aussi simple. Mais je ne vais pas rentrer dans le détail.

Je m’apprête à interrompre Rose, pour qu’elle m’explique un peu plus en profondeur les choses, pour finalement me raviser.

– Quant à la Persona il faut la considérer comme l’ensemble de ce dont l’individu a conscience. Elle est un point de contact, un masque, entre les mondes extérieurs et intérieurs.

– Vous me parlez là d’un diplomate d’un genre un peu particulier.

– Voici une excellente image. En effet il parle aux « entités » de ces deux réalités. Cependant, il peut être aussi partial, selon qu’il est plus ou moins sensible aux influences intérieures ou extérieures. Ce fait dépend pour beaucoup de l’environnement extérieur, selon que l’on valorisera la richesse extérieure, à la richesse intérieure et inversement. Comme un cupide est attiré par l’or, l’ego est attiré par ce qui brille. Les flatteries extérieures ou les joyaux intérieurs, l’un comme l’autre sont dangereux, lorsqu’ils deviennent exclusifs. Mais je dérive, et là n’est pas nullement mon propos.

Je bois littéralement ses paroles, faisant surgir mille et unes images, mille et une émotions en moi. Je commence à percevoir nettement le lien avec ma perte d’identité, tandis que l’image d’un masque revient à la charge, tout en s’éclairant d’une lumière nouvelle.

– Maintenant que nous avons donné un visage à la Persona, tournons-nous vers l’un des anciens élèves de Sigmund Freud, qui a approfondi ses travaux, Carl Gustav Jung. Bien sûr nous n’aborderons pas l’ensemble de ses travaux, qui sont bien trop vastes. Je parle d’ancien élève, car ils ont brutalement mis fin à leur collaboration, suite à un désaccord profond sur la nature de l’inconscient en 1913. Lui qui voyait en Freud, un père spirituel, a vécu, à la suite de cette rupture, un bouleversement, qui, osons le mot, l’a transfiguré. De cette expérience est née le Livre Rouge. Il y décrit ses rêves, ses visions et sa métamorphose. Cet ensemble constitue une grande partie de la matière de ces travaux sur la dissolution de la Persona, les archétypes, le concept d’inconscient collectif, l’imagination active ou encore la Fonction Transcendante.

– Voyons Rose, l'a gourmandé son mari. Tu vas perdre notre ami.

– Oh non ! Surtout pas ! me suis-je récrié. Bien que n’étant guère familier avec ces notions, je les ai déjà croisées au cours de plusieurs de mes lectures.

– Arsène grand gourmand ! Pensais-tu vraiment que j’allais te priver de ton plaisir, a-t-elle éclaté de rire.

Pour toute réponse celui-ci lui a plaqué un énorme baiser sonore sur la joue, tout en lui offrant une élégante claque, sur une portion de son anatomie, que la décence et la pudeur m’interdisent de nommer. D’une pirouette, celui-ci s'est planté devant moi, éclipsé, avant de réapparaître avec un grand tableau noir, qu’il a posé sur un chevalet, dissimulé dans un coin.

– Avant d’aborder la nature des archétypes ou de l’inconscient collectif, nous nous intéressons plutôt à leur organisation dans la psyché.

Il s’est alors mis à tracer des cercles concentriques, depuis le noyau de la personnalité jusqu’à la surface de la réalité. Puis, pointant les premiers, il a inscrit les mots Persona et Ombre, puis à cheval sur le second cercle, le mot ego.

– La Persona n’est-elle pas le nom des masques employés dans le théâtre grec, pendant l’antiquité, m’enquis-je auprès de Rose.

Cette dernière m’a regardé d’un air narquois, m’encourageant à creuser l’idée, qui venait de germer dans mon esprit.

– Que se passe-t-il lorsqu'elle disparaît et que l’ego se retrouve à nu. N'est-il point dangereux pour le personne que de se voir telle qu’elle est, sans ce masque pour la dissimuler.

Dans ma tête l’idée a pris racine, s’enfonçant toujours plus profondément.

– Ce sera la perte d’identité de la personne. La perte de son identité extérieure, de son apparence, mais non de sa personnalité profonde.

– Pas tout à fait, m’a interrompu Arsène. Comme l’ego, la Persona est en contact avec les mondes intérieurs et extérieurs. Si elle vient à disparaître, l’équilibre entre les contenus conscients et inconscients sera rompu. De la même manière que deux gaz vont se mélanger et s’homogénéiser, il se produira la même chose et l’ego cessera d’exister. Il se dissoudra dans le maelström, entraînant par la même l’identité de la personne. À votre air, je pense que vous aurez deviné, quel est le chemin, que nous arpentons depuis le début de notre conversation.

– Je crois… oui. Vos mots prennent un sens nouveau et je crois comprendre pourquoi vous m’avez offert ce précieux carnet. J’ai l’impression que la disparition du Masque, les rêves de madame Obligay, sont liés à des souvenirs disparus, ou plutôt enfouis dans les Ombres. Et si aujourd’hui je n’ai aucune attache, ni d’identité, c’est que, suite à un événement, dont j’ignore tout, ma Persona a volé en éclat. Où est-elle désormais ?

– Je ne me prononcerai pas sur ce point. En aucun cas, nous ne pouvons et nous ne devons interférer entre vous et votre quête, m’a glissé Rose. Mais nous pouvons cependant vous donner quelques explications quant à sa nature profonde.

Arsène a farfouillé quelques instants dans la monumentale pile de livres, gesticulant et bouillonnant en tout sens, jusqu’à ce que, triomphant, il surgisse de derrière le chaos littéraire.

– Enfin ! S’est-il écrié en me remettant entre les mains un livre à la couverture usée et au corps délabré, dont je distingue avec peine le nom.

Mais nul besoin de lire le titre, je connais ce livre, pour n’avoir jamais osé l’ouvrir. Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologisch Forschungen écrit conjointement par C.G. Jung et M. Ebernezer. Déjà je sens pointer une furieuse envie de lire ce livre. Mes mains tremblent et deviennent moites, tant l’envie d’en découvrir les secrets me terrifient.

– Je doute que vous puissiez lire cet exemplaire, il est rédigé dans la langue de Goethe. Cependant ne vous inquiétez pas, nous allons vous expliquer quelques-uns des points qui nous intéressent. Mon Pygmalion, je te laisse la parole.

– Avez-vous jamais entendu parler des archétypes ?

J’ai acquiescé d’un hochement de tête. Depuis plus d’un an se préparait une exposition monumentale au Château du Louvre : Archétypes et Civilisations. Toute la capitale ne bruissait que des rumeurs sur la nature des joyaux qui y seront exposés.

– Le mot archétype vient du grec archea et typos. Typos, l’image, la représentation, Archea primordiale, premier. Littéralement l’archétype est une représentation, une image, non pas ancienne, mais brute, à la manière du brouillon d’une œuvre. Les premiers vers d’un poète, les premiers coups de burin du sculpteur ou les premières notes du compositeur. Le psychanalyste C.G Jung utilise ce terme pour désigner la tendance humaine à utiliser une même « forme de représentation donnée a priori », renfermant un thème universel structurant la psyché, commun à toutes les cultures mais figuré sous des formes symboliques diverses. L’archétype est un processus psychique fondateur des cultures humaines. Il exprime les modèles élémentaires de comportements et de représentations issus de l’expérience humaine à toutes les époques de l’histoire, en lien avec l’inconscient collectif. Ils sont nombreux et polymorphes, cependant chacun d’entre eux possède des attributs qui lui sont propres, a la manière d’un verre en cristal qui ne possède qu’une seule fréquence vibratoire.

Mais n’allons pas trop loin, je risquerai de déflorer certains mystères, ce qui serait fort regrettable au vu de votre insatiable curiosité, a-t-il siffloté joyeusement, tout en tapotant de l’index le vieux livre posé sur la table, un sourire en coin. Maintenant vous l’aurez compris, la Persona est un archétype. Pour moi c’est le rouge du rubis, pour Rose c’est une lune de cristal pour votre cliente, visiblement ce masque noir et blanc. Vous le voyez son apparence est multiple, mais son attribut est toujours le même, un intermédiaire entre deux mondes. Néanmoins les pouvoirs, dont nous l’investissons en dépendent que de nous. Sans conscience de sa présence, les pouvoirs de la Persona sont uniquement influencés par l’environnement et par les fluctuations inconscientes, avec tous les problèmes que cela peut engendrer chez la personne.

Par la suite, la conversation a pris un autre tour et s’en est allée dériver vers des contrées plus légères, jusqu’à ce que le jour tombe. Cela faisait presque une semaine que j’étais logé chez mes hôtes et ma tête étant remise, je leur ai fait part de mes projets. Et le lendemain matin, je suis rentré chez moi. L’hiver étreignait toujours autant la ville, mais les rayons du soleil qui perçaient les nuages étaient déjà porteurs de toutes les promesses du printemps.

– Misère, gémis-je en apercevant ma boîte aux lettres se répandre en larmes dans mon jardin.

J’ai ramassé le courrier détrempé. Heureusement, il ne s’agit que de vulgaires et quelconques réclames. Ayant entrepris de soigneusement récolter les fruits des services postaux, je suis rentré chez moi au chaud. Au chaud ! En voilà de bien grands mots pour habiller l’atmosphère glaciale et humide de mon pavillon, malgré le luxe de précautions déployées. Sans attendre, je me suis précipité à la cave, dans la pièce où est installée, une rudimentaire, mais néanmoins efficace, centrale à chaleur. Comme je m'y attends attendu, la trappe du déversoir à charbon est grande ouverte sur l’instantanée d’une course ratée. Un morceau de charbon, d’une taille plus que respectable, se fait matamore et empêche la cavale de ses compagnons. Me saisissant alors de la longue tige d’un tisonnier, je l’enfonce dans la gueule noire, avant de le retiré d’un coup sec. Aussitôt c'est la Bérézina, chacun se précipite à qui mieux-mieux dans la fournaise gelée. Mais avant qu’elle ne déborde, je fait retomber sèchement la trappe, guillotinant un morceau un trop avide. J’ai tout d’abord ouvert la grille de la centrale à chaleur, puis me concentrant j’ai plongé ma main dans le vide, qui l’engloutit goulûment. Quelques secondes plus tard, elle reparaît, poing de flammes, que je plonge dans la gueule en fonte, où elle enflamme aussitôt le tas noir, qui se met à rougir et à rugir d’aise. Dans la tuyauterie, c’est alors l’affolement général, l’eau se précipite pour se gorger de calories, avant de s’égailler joyeusement à l’assaut de la maison. Quelques minutes plus tard, je suis dans mon bureau, où ronronne comme un bienheureux le chat-feu, une tasse de Nuit d’Orient à la main. Posé dans mon fauteuil, je contemple ma fresque, ma fresque et son cabinet secret.

Dehors, il n’y a pas âme qui vive. Je préfère néanmoins m’assurer du secret le plus complet le concernant. Aussi est-ce seulement une fois les volets fermés que j’opère. Au moment où je tourne l’espagnolette, une violente bourrasque cingle la vitre, qui manque de peu ma figure. Je hisse avec difficulté les volets, qui ploient sous le coup des invectives du vent déchaîné. Néanmoins je parviens à rassembler mes barreaux de ferraille et je plonge mon bureau dans le fond de mon encrier.

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In Folio, La Science et la Vie

n°76, octobre 1923

Intéressons-nous désormais à la nature plausible de la machine enfoui dans les sous-sols du Pavillon de Recherche. Les caractéristiques à retenir sont lui suivantes :

La puissance de l’explosion, semblable à celle d’une météorite de quelques tonnes.

L’émission d’un rayonnement dont la portée est d’environ 300 mètres.

Une taille réduite.

D’après le rapport d’enquête que nous avons pu nous procurer, des fragments de câbles, fait d’un alliage de niobium et de titane, ont été retrouvés dispersés aux alentours. Or selon le professeur Curie de tels matériaux ne sont utilisés que pour transporter des courants électriques extrêmement puissant.

Décision de Censure

Par arrêté du tribunal Impérial de Paris, au vu des articles L.302.45 et L.212.32 du code de la Presse et L.54.56 du code militaire, nous ordonnons la censure de l’article à partir du paragraphe ci-dessus, pour violation du Secret Défense.

Parution clandestine :

La Science et la Vie ; n°76, octobre 1923

Si de tels câbles faisaient partie de l’installation à l’origine de la déflagration, celle-ci ne pouvait que délivrer une puissance exceptionnelle. Si nous faisons appel à des sources énergétiques traditionnelles : gaz, pétrole ou charbon, les installations nécessaires à la production d’une telle débauche de courant ne sauraient être autres que gigantesques. Or nous l’avons constaté le volume disponible est des plus restreints, guère plus de quelques mètres cubes. De plus la génération de courant ne peut se faire que via la rotation d’un puissant aimant dans une bobine de métal. Là aussi cela nécessiterait des installations d’une grandeur incompatible avec de tels lieux. Cependant résoudre le premier problème apporte également une solution au second.

Tous les jours nous ne pouvons que constater les bienfaits de l’éther fluctuants, dont les immenses usines productrices d’électricité n’en sont que les avatars les plus emblématiques. Ces centrales, bien qu’améliorer par l’utilisation de l’éther fluctuant, n’en utilisent pas moins des combustibles classiques et non l’énergie contenue dans le cœur de la matière, elle-même.

Rappelons qu’il a fallu presque cent ans pour formaliser une théorie expliquant les effets de la compression des corps atomiques en présence d’éther fluctuant. Cependant, nos savants et ingénieurs n’avaient pas attendu cette formalisation pour l’exploiter de façon empirique. C’est ainsi qu’on fleurie une quinzaine d’année les premières centrales éthériques expérimentales. Étant donné leur très grande instabilité, elles ont toujours dans des régions dépourvues de population. Il fallut plusieurs dizaines d’années de tâtonnements et d’expérimentation, avant d’être en mesure de bâtir des centrales fiables et robustes. Par mesure de sécurité, elles sont toujours bâties en sous-sol, toujours loin des grandes densités humaines. Ceci est en fait devenu possible par la taille relativement modeste de la chambre réactionnelle, le reste des installations étant en surface.

Mais cessons-la notre digression et intéressons-nous au fonctionnement de cette chambre réactionnelle et de ce qui y a lieu… Quelques années après la découverte de l’éther fluctuant, de nombreuses expérimentations ont eu lieu, dont certaines eurent des résultats spectaculaires. C’est ainsi que fortuitement ils découvrirent, ce que nous savons aujourd’hui être, une fission nucléaire induite et non spontanée, découverte en 1896 le professeur Henri Becquerel. Mais surtout ils mirent en évidence, ce qui s’avère être la source d’énergie du soleil et des étoiles, en général : la fusion nucléaire. Pour cela des corps simples plus ou moins lourds ont été comprimés en présence d’éther fluctuant, conduisant à un formidable dégagement d’énergie. Ce dégagement était d’autant plus important que l’élément utilisé est léger. La principale difficulté réside dans le contrôle de ces réactions. Très rapidement, des prototypes de centrale à fission virent le jour, car cette réaction s’est avérée la plus facile à contrôler. Cependant les déchets issus de la fission se sont avérés si problématiques et si dangereux, que les ordres hygiénistes se sont élevés contre les menaces qu’ils pourraient faire peser sur la robustesse et la pureté de la descendance de la race européenne. Mais ce qui mit définitivement à cette technologie fut un accident gravissime dans les plaines retranchées de l’Oural. Un réacteur expérimental a explosé suite à un enchaînement d’erreur humaine et de conception, contaminant de vastes étendues fertiles dans le Kazakhstan, les condamnant pour des centaines d’années.

Moins d’une dizaine d’années plus tard, le premier prototype de centrale à fusion éthériques vit le jour dans une ancienne mine de sel, pour confiner le rayonnement et les contaminants en cas de perte de contrôle. Cependant la conception du réacteur et son principe même interdise ce genre d’accident. Dans le cœur de ce réacteur se trouve un noyau d’hydrogénium métallique. L’hydrogénium est un mélange de deux isotopes d’hydrogène lourd : le deutérium et le tritium, sous-produit de la fission du lithium, comprimé en présence d’éther fluctuant devient métallique. Sous cette forme, il devient aisément manipulable et transportable, tout en facilitant la fusion des atomes, lorsque la pression en présence d’éther fluctuant est augmenté. Autour du noyau métallique circule de l’éther fluctuant sous pression, qui engendre la fusion des noyaux de deutérium et de tritium. Cela entraîne la libération un noyau d’hélium et une particule neutre, qui au contact de la paroi tapissé de lithium, engendre un nouveau noyau de tritium. L’eau circulant dans le réacteur quant à elle sert à la fois de fluide caloporteur et de refroidissement, transformée en vapeur elle est envoyée dans un alternateur magnétique, qui générera un courant électrique puissant. En l’absence d’éther fluctuant dans le réacteur, les réactions s’éteignent d’elles-mêmes, car la pression exercée sur le noyau d’hydrogénium est très insuffisante pour entretenir la réaction. Par mesure de sécurité, les circuits de refroidissement sont toujours en service lorsque le réacteur est au repos, même lors du déchargement du cœur. Cependant l’arrêt de ce circuit entraîne systématiquement celui de l’éther fluctuant. La seule manière de provoquer l’explosion de ce type de réacteur est alors de le faire fonctionner à vide, en l’absence de tout refroidissement. L’unique manière de l’envisager est une intervention manuelle sur le réacteur, en forçant le redémarrage du circuit éthérique. Seulement un tel acte relève du pur suicide, car la réaction s’enclenche avec une rapidité extraordinaire. Enfin par comparaison l’énergie dégagée par un seul gramme d’hydrogénium correspond à la combustion de 10 tonnes de pétrole. L’hypothèse de la présence d’un réacteur à fusion éthérique dans les sous-sols est donc la plus probable et le plus plausible, pour expliquer l’explosion survenue en cette nuit de juillet 1923, et ce en tenant compte de toutes les contraintes que nous avons précédemment énoncées.


Texte publié par Diogene, 8 janvier 2015 à 14h15
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