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tome 1, Chapitre 15 « Les Rives du Memnys » tome 1, Chapitre 15

Après une longue marche au travers de la gorge minérale, rendue difficile par les nombreuses flaques d’eau, qui rendaient le sol glissant, enfin nous nous reposons au creux d’une anfractuosité, à l’abri du terrible vent qui souffle par ici. En fait, nous ne pouvons avancer, car la tempête, qui se déchaîne, charrie de microscopiques grains, abrasant tout sur son passage. Or les traces des Songieux s’enfoncent en direction de cette région hostile, que nous devrons traverser, si nous voulons sortir de ce désert insensé.

– Ce vent s’appelle le souffle de Chronos, car, tel le temps qui fait disparaître toute chose, ce dernier s’en fait revenir à son état d’origine quiconque s’engage en ces lieux.

– Loki. Ce vent n’a aucune parenté avec les Ténèbres, c’est un enfant du temps et de la lumière.

– Oui, tout comme toi. Alors à mon tour de t’aider, mais te sens-tu capable de te plonger dans le temps du rêve.

– Je… je ne sais pas. Je n’ai jamais rêvé dans l’Onirie. Que veux-tu faire ?

– Cette tempête est une incarnation du temps, mais si nous nous glissons dans un autre temps, plus lent, alors nous traverserons cette plaine morte, bien avant qu’il ne nous rattrape et nous réduise en poussière. Plonge dans cette fraction et je nous ferai traverser de l’autre côté.

– Et que dois-je rêver Loki ?

Un voile de tristesse passe sur ses yeux mercuriels et d’une voix sombre murmure :

– Rêve ta mort, Voyageur !

Rêve de Mort

Dong, le vent sonne la première heure, sombre de malheurs

J’appelle mes ombres, heureuses et furieuses

Dong, le vent sonne la seconde heure, heurts et malheurs

J’invoque les ombres, peureuses et malicieuses

Dong, le vent sonne la troisième heure, ombre de malheur

Je sollicite tes ombres, vicieuses et douloureuses

Dong, le vent sonne la quatrième heure, heure du malheur

J’invite ces ombres, doucereuses et ravageuses

Dong, le vent sonne la cinquième heure, décombres de malheur

J’adjure ses ombres, valeureuses et accapareuses

Dong, le vent sonne la sixième heure, fleurs de malheur

Je réveille leurs ombres, aguicheuses et fielleuses

Dong, le vent sonne la septième heure, nombre de malheur

Je conjure l’Ombre de la Faucheuse.

Me détachant de mon corps, je le contemple. Loki est sur mon épaule.

– Prête-moi ta part de Lumière et traversons le Désert des Songes.

Plantant mon regard éthéré dans ses yeux argentés, je le laisse échanger ombre et lumière. Je sens mon corps se fracturer, mes bras deviennent des ailes, mon tronc s’allonge, de même que mon cou, tandis que mes jambes sont des pattes aux griffes puissantes. Je suis le phœnix d’Ombre. Je pousse, nous poussons un cri rauque et nous nous saisissons du corps inanimé. Plongés ainsi dans le rêve de ma mort, le souffle de Chronos n’a plus aucune emprise sur nous et c’est à tire-d’aile, que nous quittons ce lieu d’oraison et de désolation. Bientôt, nous sentons retomber ce vent fourbe. Cependant, nous ne nous poserons que la crête déserte, que nous apercevons à l’horizon.

– Bientôt, nous arriverons dans les contreforts du désert. Ce sont ces crêtes déchiquetées que nous apercevons à l’horizon. En ce lieu, tu pourras sortir du rêve et réintégrer ta chair.

Nous poursuivons notre vol, oiseau de proie et d’ombre, oiseau de songes. Arrivés près des crêtes muettes, nous nous posons et, enfin, je me détache. Des lambeaux d’ombre se détachent de mon esprit. Alors plongeant dans mon regard vide, j’inspire :

Mort de Rêve

Je conjure l’Ombre de la Faucheuse.

Dong, le vent sonne la septième heure, nombre de malheur

Je réveille leurs ombres, aguicheuses et fielleuses

Dong, le vent sonne la sixième heure, fleurs de malheur

J’adjure ses ombres, valeureuses et accapareuses

Dong, le vent sonne la cinquième heure, décombres de malheur

J’invite ces ombres, doucereuses et ravageuses

Dong, le vent sonne la quatrième heure, heure du malheur

Je sollicite tes ombres, vicieuses et douloureuses

Dong, le vent sonne la troisième heure, ombre de malheur

J’invoque les ombres, peureuses et malicieuses

Dong, le vent sonne la seconde heure, heurts et malheurs

J’appelle mes ombres, heureuses et furieuses

Dong, le vent sonne la première heure, sombre de malheurs

Je ressuscite, le corps sans vie s’anime et s’étire, poupée de chiffon, à qui l’on rend son souffle de vie. Je ne peux ouvrir les yeux, le soleil m’éblouit trop. Perché sur mon épaule, Loki me guide au travers des éperons rocheux. Mes mains s’écorchent sur les roches acérées et les pierres, qui roulent sous mes pieds, manquent à chaque pas de me renverser. Nous marchons ainsi de longues heures sur un sentier de sel et de gemmes, où chaque pas supplémentaire est un supplice.

– Peux-tu entrouvrir les yeux ? Nous sommes arrivés de l’autre côté de la crête et il nous faut dévaler une pente raide.

– Je pense. Seulement, j’ai la sensation que des ombres se dissimulent par ici.

– Sans doute, car je sens peu à peu la mémoire de ces lieux me revenir.

J’entrouvre alors légèrement les paupières. Le soleil m’éblouit toujours, néanmoins il ne m’aveugle plus. Lentement, je descends l’à-pic rocheux, au pied duquel s’épanouit une plaine verdoyante et odorante. Le chemin est raide et abrupt, cependant les roches traîtresses ont disparu, de même que les aiguilles salines. À mesure que j’avance, des touffes d’herbes rases apparaissent, jusqu’à devenir un tapis dense et touffu.

Désormais, c’est sur une terre fraîche et légère, dépourvue de tout piège, que je marche. Un peu plus loin, j’aperçois un arbre, immense chêne au tronc vermoulu, mais dont la fantastique ramure nous offre une ombre bienfaisante et réconfortante.

– Loki ! Reposons-nous quelques instants sous ce vénérable. Je crois que nous avons tous les deux besoins.

– Oui ! Nous ne sommes plus très loin de ce que tu es venu chercher.

– Le lac Memnys…

Les mots jaillissent sans frémir de ma bouche. Des mots à la saveur fade et pourtant familière. Hélas, hélas, j’ai oublié de quoi ou de qui il s’agit. Mais le temps n’est pas à la réflexion, plutôt au repos. Ces questions et ces interrogations ne peuvent rester éternellement sans réponse.

Au pied du chêne, je me glisse dans son tronc, où je ne tarde pas à m’assoupir, Loki couché en boule sur mon ventre. Je ne sais combien de temps, nous avons ainsi dormi, mais ce fut d’un sommeil dépourvu de rêve. Et lorsque j’ouvre enfin les yeux, il fait nuit. L’écorce du chêne a poussé pendant notre somme, nous ensevelissant dans un tombeau de liège.

– Loki ! Loki ! Que s’est-il passé. Je m’éveille et nous voici prisonnier d’un chêne. Je ne goûterai guère de servir de petit déjeuner à un arbre carnivore.

– De quoi parles-tu Voyageur, mâchonne un Loki, à demi endormi.

– Regarde autour de toi ! lui renvoie-je un peu fâché.

Il faillit me lancer un regard noir, avant de se raviser en découvrant ce qui restait de notre liberté.

– Ne bougent surtout pas ! Je sors jeter un coup d’œil aux alentours. Il me semble que quelque chose nous guette.

– Fais attention ! Lancé-je, tandis qu’il prenait son envol dans la nuit phosphorescente.

Pendant ce temps, je m’approche de l’ouverture, juste assez grande pour que je puisse y passer la tête. Dans un ciel empli d’étoiles, une lune à demi dévorée contemple la forêt, d’un œil torve. Je tends l’oreille à l’affût du moindre souffle, du moindre chuintement. J’entends seulement un très mélancolique gémissement, si ténu que je n’arrive pas en deviner la provenance. Du regard, je fouille la nuit à la recherche de Loki. Mais ce ne sont que les silhouettes des ramures et des frondaisons, qui s’offrent à ma vue. Je sais que je dois prendre mon mal en patience et cependant je ne peux m’empêcher de penser à mon étrange compagnon et à son sacrifice. Je passe distraitement une main sur la cicatrice qui orne désormais ma poitrine, pensant à mon propre sacrifice. Et alors que mes propres réflexions s’approfondissent et que je me réfugie au fond du nid, deux argentés se mettent à briller.

– Loki ?

La forme noire saute à côté de moi, puis grimpe sur mon épaule.

– Oui, Voyageur. Nous n’avons rien à craindre de lui. Au contraire, il nous protège du regard de la lune perché dans le ciel.

Je pense aussitôt au gémissement entendu plus tôt.

– Est-ce que cela à voir avec les bruissements que j’ai entendus en ton absence ?

– À quels bruits fais-tu allusion ? À quoi ressemblaient-ils ?

– Je crois, que c’étaient des pleurs d’enfants.

– Oui, c’est bien elle. Elle pleure, chaque nuit, l’enfant perdu. Et chaque nuit, elle traque les imprudents à la recherche de ce dernier. Au lever du jour, aveuglé par l’orbe solaire, elle ne peut poursuivre sa chasse et le chêne s’ouvre alors. Dormons Voyageur. Bientôt, nous arriverons.

– Merci Loki.

Je ferme alors les yeux en même temps que lui et, mélancoliques, nous nous sommes endormis. Cette fois des images fugitives transpercent mon sommeil : un enfant sans visage, un homme brisé sautant dans un abîme, une lune dévorée et vérolée par un mensonge intérieur. Quelques heures plus tard, ce sont les rayons d’un soleil ardent qui nous réveillent. Mais est-ce vraiment l’éclat de l’astre matinal et non plutôt le chagrin qui nous a étreints. Au-dessus de nos têtes, l’écorce avait disparu, nous laissant libre de nos mouvements. En remerciement, je ramasse quelques-uns de ses glands, lui promettant de les planter dès mon retour chez moi, à Clamart. Le chêne pousse alors un long soupir et se met à dépérir. Ces feuilles tombent en une pluie ininterrompue, tandis que ses branches craquent, puis cèdent. Dans le creux de son tronc, sa chair se désagrège en une fine poussière. Ainsi, dans un ultime sourire, le chêne s’écroule sur lui-même en un soupir d’apaisement. Dans mes mains, je tiens une poignée de gland, qui, je l’espère, seront les germes d’une nouvelle renaissance.

Ni moi, ni Loki ne disons mot, respectant un vœu de silence tacite et mutuel. Posé sur mon poignet, je lui caresse la tête dans un mélange de tristesse et de tendresse.

Désormais, rien ne permet de dire qu’en ces lieux reposait le Roi-Chêne, sauf, sans doute, ce petit tas de sciure jaune, dont je ferai le terreau de ces jeunes pousses. Je m’agenouille par terre et, sortant un mouchoir de ma veste, je ramasse les poussières de liège, que je dépose délicatement sur le carré de tissu. Loki m’aide à faire le nœud, puis nous repartons vers l’étendue d’eau, dont nous apercevons les reflets dans le lointain. Reflets ou reliefs, nous ne pouvons dire, car à mesure que nous marchons, le ciel se couvre de paysages extraordinaires. Étrangement, la forêt est toujours aussi silencieuse et ce n’est pas le bruit de mes pas qui en trouble la quiétude et la solitude. Intérieurement, j’ai envie de baptiser ce lieu, le Bois de la Renaissance. Mais je n’en souffle mot, de peur de briser ce si beau silence. Sur mon épaule, Loki s’endort bercé par le calme qui règne. S’il n’y avait ce besoin impérieux de me rendre sur les rivages de ce lac, j’en ferais autant que lui. Plongé dans le silence, les émotions affluent, les pensées s’agitent, je marche au bord de l’abysse. Un abysse dans lequel un homme se jette… Perdu dans mes réflexions, je ne remarque l’orée du bois, qu’en trébuchant sur une racine traîtresse, provoquant l’envol soudain de Loki. Quant à moi, je ne dois mon salut qu’à la chance, mon visage s’étant assoupi à seulement quelques centimètres d’une magnifique flaque de boue. Posé, Loki me regarde d’un air narquois ;

– Tu as eu de la chance. Néanmoins, un masque de boue ne serait pas un mal après notre éprouvante traversée du Désert des Songes.

– Crois-tu que ce soit vraiment le moment de parler esthétique ?

Loki convient que non, mais ne se départit pas pour autant de son air moqueur. Dans le ciel, une cité souterraine déploie ses merveilles, palais englouti, maisons sous-marines où s’ébattent, au milieu de coraux de couleurs vives, une foule de créatures que je n’ai encore jamais vue. Mais elle disparaît, diluée dans la verdeur d’une lande déserte, d’où émergent seulement quelques colossales roches.

– Loki. Toutes ces images ressemblent à des souvenirs, des souvenirs embellis et engloutis.

Mais Loki, muré dans le silence, ne veut pas me répondre. Cependant, je ne lui en tiens pas rigueur. La vérité m’apparaîtra d’elle-même, quad bien même elle devrait être cruelle, elle n’en restera pas moins belle. Je marche encore de longues heures, jusqu’à enfin arrivé devant une étendue d’eau limpide, si claire que je peux voir le fond. Dans le ciel, les images se brouillent, contradictoires, bouillonnantes, cinglantes. Dans mon esprit, la lutte s’effectue entre ma volonté farouche de retrouver mes souvenirs volés et cette entité, qui ne cessent de vouloir m’écarter. Mais c’est une lutte acharnée qui s’avérera vaine, car elle ne peut briser ma part de lumière, que j’ai offerte à cette jeune sombrure, qui porte désormais le nom de Loki. Là-haut, l’Ombre recule, puis se retire vaincu, du moins pour cette fois. À la place, une scène familière se dilue. Deux hommes s’approchent, je reconnais sans l’ombre d’une hésitation Grand Machin, qui est aussi cet étudiant, Gontran, dont je n’ai pu voir le visage. Là encore, je ne peux le voir. Quant à l’autre, je le reconnais également, bien que difficilement. C’est moi ! Un moi inhumain qui me fait face et qui plante son regard dégénéré dans le mien. Je le vois qui a étendu le bras et sa main qui s’emparera de l’éclat. Sa main s’en vient vers mon visage, ses doigts se rapprochent. Qu’a-t-il vu ? Je sens ses doigts plonger dans mon œil droit, puis s’enfoncer jusque dans les tréfonds de mon cerveau. Je hurle de douleur tandis que ses griffes se referment, arrachant à mon être cet éclat de Ténèbres. Je veux m’accrocher à cette main monstrueuse, mais je suis paralysé et mon corps refuse de bouger.

Je ne les vois plus, submergé que je suis par les souvenirs qui déferlent en hurlant dans mon esprit. Je sens ma main se retirer, un feu de douleur incendie mon œil. J’ai la sensation de pleurer des larmes de foudre et de lave. Son bras se retire, puis disparaît tout à fait, tout comme son image, qui se brouille dans le reflet ardent. Mon corps se libère et se tord sous l’effet de la douleur. Je pose mes mains sur mon œil incandescent, d’où s’échappe un torrent de flammes sanglantes. Loki s’approche alors de moi et d’un coup de bec sur ma tempe apaise ma douleur.

– Comment te sens-tu à présent ?

– Mieux. Merci. Je n’ai plus mal à mon œil, mais…

J’enlève délicatement mes mains, maintenant que le feu est éteint.

–… je suis aveugle de cet œil. Cependant, je sens que j’ai retrouvé tous mes souvenirs à l’exception d’un seul.

– Lequel Voyageur ?

– Celui qui appartient à l’Assemblée des Silencieux. Je me souviens m’être rendu chez eux en quête d’indices sur une personne…

– Mais ce n’était là qu’un prétexte pour répondre à une question bien plus profonde, à laquelle tu n’osais répondre, à cause de la peur que t’inspirait la réponse, complète Loki.

– Oui, mon ami.

Je l’invite à prendre place sur mon bras gauche, puis la caresse. Son plumage noir est de toute beauté avec ses reflets bleutés, dont les nuances vont du noir anthracite brillant et luisant, au noir le plus mat.

– Et ce souvenir se trouve dans mon œil, maintenant aveugle, ajouté-je.

– Cependant, tu possèdes toujours ce souvenir, même s’il t’a encore interdit.

– Oui, je le sens prisonnier de mon globe aveugle et il le sera tant qu’il en sera ainsi.

Loki a affectueusement posé sa tête sur mon épaule, tandis que je replie mes bras pour le recueillir.

– Alors, tu verras ce que-t-ont montré les Silencieux. Ton œil verra et ton souvenir refera surface. Aie confiance, Voyageur.

– Que faisons-nous à présent ? Retournons à la maison, où veux-tu te reposer encore un peu ?

– Rentrons, nous nous reposerons une fois de retour.

– Très bien. Mais comment faisons-nous pour sortir de mes souvenirs ?

– Plonge avec moi dans le reflet du lac Memnys et nous quitterons ces lieux.

– Ne risque-t-on pas de perdre une nouvelle fois la mémoire ?

– Non, car dans ton souvenir, tu es dans son reflet, celui-là même qui te l’a rendue.

Serrant contre moi Loki, nous plongeons dans l’écho glacé et le miroir se brise. Heureusement, j’ai lâché mon compagnon, car je me suis fait catapulter contre bureau, demeuré intact. Cependant, à peine mis debout, Loki coincé entre les rayonnages, je me baisse brusquement en entendant les craquements du miroir, qui explose presque aussitôt en un millier d’éclats.

– Tu n’es pas blessé Loki, soufflé-je en me relevant au milieu de ce qui ressemble maintenant au champ de bataille de Waterloo.

– Non, je ne crois pas. Tout au plus, en seras-tu quitte pour un bon coup de balai.

– Nous verrons cela plus tard. L’important n’est-il pas que nous soyons ici sains et saufs. Que dirais-tu d’un petit somme ? J’espère simplement qu’Ercus ne fera pas trop la tête en te voyant.

Ce dernier m’a fusillé du regard :

– Qui c’est ça, Ercus ?

– Heu… mon chat.

Loki a gonflé son plumage, me signifiant par là son courroux et sa désapprobation.

– Allons, vous ne vous êtes même pas encore vu. Tu sais, il est du genre débonnaire, hum… il ressemble un peu à ses fumeurs de hasch. Et tu es bien trop grand pour être une proie pour lui.

– Si tu le dis, me répond-il dubitatif.

Puis il est descendu de l’étagère à mon épaule. Abandonnant derrière moi le champ de bataille, je monte enfin dans ma chambre, après un court détour par la salle d’eau. Arrivé dans ma chambre, je ne cherche pas longtemps. Il est là, étalé de tout son long, pacha sur son coussin.

– J’avoue Voyageur, ton chat est bien loin d’être une terreur. Il ressemble à un pouf à quatre pattes. Un patapouf, quoi.

– Peut-être. Seulement, méfie-toi, car il est très susceptible et un brin farceur. Je crains qu’il ne t’en cuise d’avoir prononcé pareilles paroles.

– Pourquoi donc ? Monsieur dort.

– D’une oreille seulement, d’une oreille. Enfin, je te mets en garde.

Loki hausse ses ailes et se perche en haut du baldaquin, cherchant un coin où dormir confortablement. Pendant ce temps, je m’allonge sur le lit, bousculant au passage un Ercus voluptueusement étalé, avant de plonger ma chambre dans le noir. Finalement, un bruissement d’ailes crève le silence et Loki se couche sur mon lit, non loin du second oreiller. Et dès lors que le ronronnement de ma carpette poilue commence à me bercer, je m’endors aussi sec. Le lendemain matin, je retiens le fou rire qui monte de peur de gâcher la surprise. J’attrape par la peau du cou mon farceur, qui me gratifie d’un miaulement de fauve, avant de mettre son moteur en route. En attendant, le réveil de mon oreiller à plume, j’attrape l’un de mes nombreux livres de chevet : Les Mystères de Paris, d’Eugène Sue. Je jette un coup d’œil à ma pendule, qui me rend sept heures et trente minutes. Je ne serai pas en retard pour mon rendez-vous au musée impérial du Louvre, avec madame Bourgueuil. Satisfait, je me replonge donc dans ma lecture, quand un cri perçant m’arrache à mes pages.

– Ah ! Mais… mais qu’est-ce que je fais coincer dans ce coussin.

Ercus en profite pour le lever une paupière et le regarder d’un air benoît et innocent, à mi-chemin entre la moquerie et l’ironie.

– Mais, mais… J’ai l’air de quoi là-dedans. Je ressemble à un…

– Patapouf, a miaulé Ercus en baillant

– Je comprends mieux pourquoi tu as parlé de susceptibilité. Tu auras pu ajouter rancunier.

– Avoue ! Tu l’as bien cherché en le comparant à un pouf.

– Oui, mais… euh… bon. Ce n’est pas une raison pour m’enfermer dans un coussin.

– Remarque, tu ferais un tabac à la revue du Moulin bleu, avec ton liseré noir et rouge.

En retour, Loki me fusille du regard, derrière les ronronnements hilares d’un Ercus, ravi de sa niche.

– Allez ! Libère-le, je crois qu’il a retenu la leçon.

Et quelques secondes plus tard, libéré de ses entraves en lainage, Loki volette autour de nous.

– Bien. Je crois que vous avez fait connaissance, alors passons aux présentations. Loki, voici Ercus. Ercus, voici Loki.

Les deux zozos se sont toisés un moment du regard, avant d’échanger une poignée de pattes.

– Bon, ce n’est pas tout, mais les émotions, ça creuse. Venez avec moi, allons préparer le petit déjeuner.

À la suite, j’enfile ma robe de nuit et je me rends à la cuisine, mes deux compères sur mes traces. J’attaque la chose en me préparant un rooïbos des Sorcières, dont les arômes envahissent bientôt ma cuisine.

– Oui, oui, Ercus ! Je sais ce que tu veux, mais je ne sais pas encore ce que mange Loki. Pardonne mon ignorance.

– Il n’y a pas de mal. Mais tu vas te moquer de moi, car je n’en ai aucune idée moi-même.

Je dois vraiment avoir l’air d’un parfait ahuri, car tous deux se mettent à se tordre de rire.

– Eh bien, merci. Vous tenez vraiment à me vexer tous les deux, leur lancé-je. Très bien, Loki, tu auras droit comme Ercus à du foie-de-veau. J’espère que cela te conviendra.

– Nous verrons bien, Voyageur.

Rassuré, je sors la pièce de viande du placard à froid, que je dépose sur ma planche à découper. Ercus profite de mon inattention pour sauter sur le rebord de la fenêtre, tandis que Loki prend place sur le lustre. Curieusement, je sens peser sur ma personne deux paires d’yeux particulièrement gourmands. Je prends un immense couteau, à la lame si affilée, qu’elle est tranchante, et découpe de fines lamelles rosées, que je pose à côté dans une assiette en porcelaine. J’attrape ensuite un citron vert, dont j’exprime jusqu’au bout le jus, non sans l’avoir proprement décapité d’un coup sec et transpercé férocement de ma fourchette. Arrosé avec générosité, je retourne les tranches, avant de les laisser mariner. À la suite de quoi, je sors de quoi préparer une délicieuse salaison : sel gemme, poivre gris, poivre blanc, gingembre frais et une pointe de sucre brut, le tout mélangé dans l’huile d’olive et le citron de ma marinade. Je prends alors un pinceau que je trempe dans la préparation et en badigeonne le foie, avant de les coiffer d’une nouvelle assiette.

– Je vous ai à l’œil, tous les deux.

– Je vais me vexer, Voyageur ! réplique Loki.

– Moi aussi, miaule Ercus.

– À votre guise.

Et je m’en retourne préparer mon propre petit déjeuner, tartines, miel et compote, avant de sortir une poêle, que je mets sur le feu. De nouveau, je sens se poser sur ma personne d’étranges regards, ou plus exactement sur mes mains manipulatrices. Vivement, je me retourne pour ne rencontrer des fondements vexés. Je jette alors les morceaux de foie dans la poêle, désormais brûlante, d’où s’échappent aussitôt des arômes piquants. Je la recouvre le temps de la cuisson. Et le temps de savourer mon infusion, j’en surveille la cuisson, ainsi que mes deux gourmands.

– À table ! Loki ! Ercus !

Toujours aussi dédaigneux, ces derniers semblent résolus à ne me présenter que leurs postérieurs respectifs. Qu’à cela ne tienne, je découpe soigneusement les lamelles en petits dés, que je répartis à parts égales dans deux bols, posés sur le rebord de la fenêtre. Ignorant de leur présence, j’entame mes tartines. Mais à peine mets-je le nez dedans, que des bruits gourmands ont envahi la cuisine, mastication et satisfaction.

– Alors cela vous plaît-il ?

Aucune réponse ne me parvient, ils sont bien trop occupés à se régaler. Ding, ding… ding, l’horloge égrène ses huit coups et demi.

– Loki, j’ai rendez-vous au musée du Louvre avec la conservatrice. Veux-tu m’accompagner ? Ercus, je suppose que tu seras le gardien impitoyable de mon lit.

Ce dernier a acquiescé en miaulant, tout occupé à finir sa gamelle, tandis que Loki me regarde d’un air interrogateur.

– Volontiers. Mais ne va-t-on pas t’interroger sur ma présence ?

– Non. Et quand bien même quelqu’un me poserait la question, je répondrai que tu étais un oiseau blessé, que j’ai recueilli. N’est-ce point la vérité ?

– Oui, alors, allons-y ! Qu’attendons-nous ? A tout à l’heure, Ercus.

Ai-je rêvé, ou se sont-ils tous deux échangés un clin d’œil. Que peuvent-ils bien me réserver comme surprise ? J’avoue encore rire au souvenir de Loki transformé en oreiller, par la grâce d’une malice de bon brave Ercus.

Dehors le temps est encore plein de fraîcheur, aussi m’habille-je chaudement, omettant tout même gant et bonnet, mais non une écharpe couleur bois. Sur mon épaule, Loki s’agrippe pour ne point offrir de prise au vent.

– Merci pour le petit déjeuner, Voyageur. Ce fut excellent.

– Et ce fut un plaisir pour moi de vous régaler.

– Ce n’est pas tout, mais tu ne m’as pas dit pourquoi tu te rends au musée du Louvre.

– Je ne le sais pas exactement. Mais je présume que cela à voir avec une expérience en cours là-bas. Expérience dont j’ai eu vent malgré moi et qui pourrait me faire avancer grandement dans mon enquête.

– Tu ne m’en as jamais parlé. Que recherches-tu ou qui recherches-tu ?

– C’est une histoire très étrange, dont je me demande si elle ne me concernait pas depuis le début.

Je lui narre alors, par le menu, la venue de ma cliente, madame Obligay et son étrange demande. Je ne manque pas d’évoquer l’énormité de mes honoraires et toutes les atteintes directes ou non à ma personne. Je lui raconte également ma découverte des mémoires du général Beaujard, chef de file du projet Persona, ainsi que ce mystérieux personnage, qui hante les nuits les salles du Louvre, sans oublier la résurgence des masques à travers toute la capitale. Finalement, je m’arrête aux événements, qui font suite à ma dernière excursion à la Sorbonne.

– Alors, je crois que nous jouons l’avant-dernier acte de cette odyssée.

– Je le pense aussi et je sais déjà où se jouera le dernier acte. Il ne me manque plus qu’une réponse, murmuré-je en pointant du doigt mon œil aveugle.

Je hèle un fiacre, qui passe, et demande au conducteur de nous emmener jusqu’au Louvre. Je préfère être seul cette fois et le tramway ne sera pas l’endroit le plus propice pour me recueillir. En arrivant rue Vercingétorix, je demande au cocher de s’arrêter quelques instants.

– Comme vous voudrez mon prince. Je rajouterai l’arrêt à ma course.

Je hausse les épaules et descends sur le trottoir, accompagné de Loki.

– Que faisons-nous ici ?

– Je compte faire quelques vérifications, lui réponds-je mystérieux.

Je lui raconte en quelques mots ma rencontre avec Arsène et Rose, étranges propriétaires des Doigts sans Soif. Après quelques minutes de marche, nous arrivons devant la devanture. Tout a changé, les Doigts sans Soif sont devenus le bistrot Jusqu’à plus Soif, les réclames lumineuses ont elles aussi disparu. Par curiosité, je pousse la porte, à l’intérieur un grand bonhomme, maigre, s’affaire autour de quelques piliers de bars.

– Qu’est-ce que j’vous sers, m’sieur ?

– Un p'tit nègre.

Je ne bois jamais de café, mais en l’occurrence l’entorse est nécessaire. Rapidement, je jette un coup d’œil sur le mur. La fresque a presque disparu, néanmoins j’y distingue encore les étranges masques.

– Dites patron ! Qu’est-ce que c’est qu’cette toile sur vot'e mur.

– Bah, ne me parler pas de cette horreur. Impossible de la faire partir. Avec ma Rosine, on a tout essayé, m’me de peindre par d’sus. Elle revient toujours, alors tant pis, on la laisse.

Inutile de l’interroger sur mes précédents propriétaires, j’ai ce que je désirai savoir. J’ai terminé ma tasse, avant de sortir, non sans lui régler ma note. Dans le fiacre qui nous emmène, Loki semble songeur :

– Voyageur, une chose me chiffonne. Je sais que de tels phénomènes sont possibles, seulement à une telle échelle, voici qui ne manque pas de m’inquiéter. Je n’ose imaginer…

– Moi aussi je suis inquiet Loki, encore plus depuis que j’ai lu le récit de la bataille de Waterloo…

– Qu’est-ce…

– Chut… les murs ont des oreilles. Je t’en ferai la lecture à notre retour, à la maison.

Loki se tait et nous nous absorbons dans la contemplation du chahut des rues parisiennes. La cohabitation des voitures à cheval, moteur, tramway et autres piétons cyclés, s’avère, chaque jour, de plus en plus périlleuse. Heureusement, panneaux de régulation et poteaux de signalisation commencent à fleurir aux endroits stratégiques.

– M’sieur !– J’suis désolé, mais j’crois que j’pourrai pas vous emmener plus loin.

– Où sommes-nous ?

– J’nous ai arrêté place de la Concorde. La rue de Rivoli est plus est plus encombré encore que mon ventre à la fin du repas. J’crois qu’vous aurez plus vite fait à pied.–

– Cela ne fait rien. Combien vous dois-je pour la course ?

– Deux francs mon prince. J’vous compte pas l’arrêt de t’à l’heure, rue Vercingétorix, vu qu’j'vous amène pas là, où vous vouliez.–

– Merci, lui lancé-je en lui tendant une pièce.

Au pied du fiacre, je propose à Loki de se dégourdir un peu les ailes en allant remonté la rue, pendant que je le ferai à pied. Pendant ce temps, le brave homme manœuvre comme il peut sa monture et son carrosse, exécutant un demi-tour tout en grâce. En route pour la cour intérieure du Louvre, je ne fais pas attention aux nombreux marchands qui appellent le chaland, tout le long de la rue. Enfin dans la cour, je me fraye un chemin au travers des foules de badauds, jusqu’à un poste de garde.

– Bonjour monsieur. J’ai rendez-vous avec la conservatrice, madame Bourgueuil. Pourriez-vous m’indiquer comment me rendre à son bureau.

– Bien sûr. Patientez un instant, je vais me renseigner.

– Merci.

–…

– Alors son bureau est au sous-sol, à l’est de l’ancienne tourelle ouest. Prenez l’escalier, descendez-le sur deux étages, prenez le couloir de gauche, dernière porte à porte droite, puis prenez le petit escalier sur six marches, la porte sur votre gauche, au fond du couloir la porte de gauche.

Je remercie l’homme tout en me demandant comment je ferai pour ne pas me perdre. Mais où donc est encore passé Loki, quel sacripant celui-là. Enfin, je le vois qui picore des graines, qu’un passant jetait aux oiseaux de passage. D’un mot, je l’appelle et il se précipite aussitôt sur mon épaule, à la plus grande surprise du gardien. Et une minute plus tard, nous arpentons les marches raides d’un escalier en colimaçon.

– Alors, tu t’es régalé !

– Oui, ce n’était vraiment pas mal. En tout cas différent du foie de veau.

– Tant que tu ne tombes pas malade, régale-toi et fais-toi plaisir. Je n’ai rien à redire.

– Merci. Où allons-nous maintenant ?

– Nous allons rejoindre madame Bourgueuil. Elle nous attend près de l’ancienne tour ouest.

– Et depuis quand les tours sont-elles en sous-sol ?

– Le château du Louvre, qui est au-dessus de nos têtes, a été construit par-dessus l’ancienne forteresse, dont on a mis au jour les contreforts, il y a quelques années. En fait, son office se trouve dans les douves, qui encerclait les lieux au Moyen-Âge.

– Qu’est-ce donc que cette chose-là, le Moyen-Âge ?

– C’est une période de notre histoire. Hélas, je n’aurai pas assez de temps pour tout expliquer en chemin, nous arrivons. Cependant, dès que mon enquête sera achevée, nous irons à la bibliothèque impériale, combler toutes ces lacunes.

– Tu me le promets, Voyageur ?

– Oui.

Au bout du couloir, dans la pâle lumière des becs de gaz et des appliques électriques, j’aperçois madame Bourgueuil, toute emmitouflée.

– Bonjour, monsieur. Vous êtes en avance, mais ce n’est pas grave, car ce que j’ai à vous montrer ne souffre aucun retard.

– Diantre ! L’affaire est-elle si grave que cela ?

Elle se mord la lèvre inférieure, comme si elle s’apprêtait à me révéler un secret d’État.

– Je… euh. Venez dans mon bureau, nous y serons plus à l’aise et plus au chaud pour en discuter.

– Ce n’est pas de refus.

Tout à notre marche, elle poursuit son récit :

– Nous avons enfin terminé le développement toutes les plaques delanotypiques et… et… nous sommes face à un mystère des plus obscures.

– De quoi s’agit-il ?

Pour toute réponse, elle me tend une photographie, où figurent trois hommes. Les mêmes que j’avais aperçu dans une bibliothèque, quelques jours plus tôt.

– Je reconnais Frédéric Joliot-Curie. Cependant, qui sont donc les deux autres ?

– Au milieu, vous avez Gabriel Delanne, un spécialiste du spiritisme et à sa droite Issam Piperie, ancien professeur de psycho-physique à la Sorbonne.

Enfin, enfin je peux mettre un nom sur ce visage, qui me semble terriblement familier

– Quel est le problème ?

– L’homme que vous voyez ici, Issam Pierzi, est porté disparu depuis plusieurs mois. Je pense que vous avez suivi l’affaire de la Sorbonne.

– Bien sûr. Deux des témoins principaux ne sont-ils toujours activement recherchés.

– Tout à fait. Avicennius, le maître d’hôtel, et monsieur Pierzi. Et…

Mais la phrase meurt entre ses lèvres. Nous sommes devant son bureau.

– Entrez. Et asseyez-vous pendant que je prépare le projecteur.

Et elle s’en va au fond de la pièce, où je l’entends remuer des piles d’objets, en équilibre précaire. Pendant ce temps, j’ôte mes oripeaux, avant de prendre place dans le confortable fauteuil. Soudain la lumière baisse et une image prend vie, puis elle prend place à côté de moi :

– Vous compr… hiiii

Son cri déchire mes tympans, puis s’évanouit. Je me retourne et je le vois, lui, avec son tricorne et son masque tricéphale, le prisonnier à l’intérieur de sa cape. Loki, lui, s’est réfugié derrière une pile de livres, car, à mon tour, je me mets à hurler de douleur. Mon œil droit, le feu couve, le feu roule, le feu coule dans mon œil, faisant renaître les souvenirs enfouis. Et je suis à nouveau devant l’assemblée des Silencieux, face à l’immense boule lumineuse, où ils méditent.

– Voyageur, tu te demandes qui est l’homme au tricorne.

Une image s’impose à mon reflet. Peu à peu sa barbe disparaît et ses traits se font plus pointus. C’est lui, aucun doute, il est l’homme qui chaque nuit hante le musée.

– Voyageur, cet homme n’est qu’un fragment de toi. Celle qui a été dévorée par l’Ombre de la Persona, et il n’appartient qu’à toi de la lui reprendre.

Comme je m’effondre, les Silencieux ont repris leur conversation :

– Voyageur. Nous n’avons fait que surgir les vérités qui t’habitent. C’est seulement l’Ombre qui les a obscurcis. Maintenant, il te revient d’accomplir le reste du chemin.

J’ouvre mon œil droit, je suis par terre, côté de moi, évanouie, madame Bourgueuil. Je tends l’oreille. Personne. Nos cris n’ont alerté aucun membre du personnel. Je l’allonge sur le canapé, rassuré par son souffle régulier. Rassuré, j’en profite, malgré la migraine qui me prend dans son étau, pour fouiller son bureau à la recherche d’autres indices, quand je tombe sur une vieille pochette à la couverture délavée, intitulé : Reconstitution, CEI. Je l’ouvre les mains tremblantes et ce que j’y découvre me glace d’effroi. Aussitôt, je prends conscience de la gravité de ma situation. Loki est sorti de son abri, lui aussi vient de comprendre dans quel guêpier je suis fourré.

– Que vas-tu faire ? Te livrer tout de suite ou finir ta quête, au risque d’être traqué ?

– Je vais terminer mon enquête et ensuite, seulement, je me rendrai aux autorités pour être disculpé, même si leur dire la vérité s’avérera extrêmement délicat. Tu sais à quel point le mensonge me répugne.

– Je ne le sais que trop. Mais comment prouveras-tu ton innocence ?

Je lui montre alors mes mains.

– Je vais me disculper grâce à la dactyloscopie, mise au point par Bertillon. Je suis certain que mes empreintes palmaires sont différentes des siennes.

– Ne tardons pas alors.

– Oui. Laisse-moi juste le temps de rédiger un petit billet pour madame Bourgueuil, qu’elle ne s’étonne pas de mon absence.

Dix minutes plus tard, nous sommes dehors à la recherche d’un fiacre.

– Crois-tu n’avoir rien oublié ?

– Je ne le pense pas. J’ai bien pris soin d’arracher les câbles du téléphone et je l’ai enfermé à double tour. Quant au gardien…

– Rassure-toi, il dort à poings fermés.

– J’espère qu’elle n’est pas trop rancunière.

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Pli confidentiel

Ministère de la Science au ministère des Armées

Nous autorisons le transfert du delanotype au CIE dans le cadre de l’enquête sur l’agression de monsieur Gabriel Delanne.

Veuillez trouver ci-jointes les autorisations paraphées.


Texte publié par Diogene, 15 juillet 2015 à 20h12
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