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tome 1, Chapitre 8 tome 1, Chapitre 8

*Anaidéia*

L’horloge du salon indiquait minuit. Assise dans le canapé de Jude, la jeune femme lisait un article sur son téléphone « Le corps du candidat favori aux municipales n’a toujours pas été retrouvé». La Maison savait y faire lorsqu’il s’agissait de faire disparaitre un corps sans laisser de trace, ils n’en étaient pas à leur premier essai. « Parfait » pensa Anaidéia, il ne fallait pas que la police leur tombe dessus avant elle. Son téléphone vibra elle décrocha :

- Ana c’est moi ! Bon…Il refuse de parler.

La voix de Lili était plus aigüe que d’habitude et son débit de parole était plus rapide, Anaidéia en déduisit qu’elle commençait à perdre patience avec leur otage. Son interlocutrice reprit :

- Il répète qu’il ne sait rien et qu’il n’était qu’un gars lambda qui s’occupait de la méth. Ana vient m’aider sinon je lui arrache les yeux avec le premier outil qui se trouve dans mon garage. J’ai tenu le plus longtemps possible comme tu m’avais demandé : accès limité à l’eau et la bouffe, pas de torture… mais je commence à craquer.

Elle eut un rire proche de l’hystérie. Anaidéia craignait qu’elle ne dérape. Elle lui avait déjà prouvé par le passé qu’elle n’aimait pas vraiment les manières douces en matière d’intimidation.

- On peut passer à ma méthode maintenant ?

- Bouge pas, j’arrive. Je suis là dans dix minutes.

La jeune femme ne prit pas le temps d’écouter la suite et raccrocha. Elle se leva, mit son long manteau et sa casquette noirs.

- Je pars rejoindre Lili. Lança-t-elle a Jude, qui jouait sur son téléphone, assis face aux multiples écrans de caméra de surveillance, les pieds sur le bureau.

- Ça marche. Je vous tiens au courant s’il y a du mouvement, comme d’habitude.

Bien qu’il n’en ait pas toujours eu l’air, Jude était en permanence sur ses gardes. Tous les faits et gestes des citoyens de la ville étaient épiés, étudiés afin de déceler les éventuels membres de La Maison. Les trois compagnons avaient fait exploser leur usine de stockage de méthamphétamine, il y a une semaine de cela. Puisque le gang avait maintenant connaissance de leur existence depuis le meurtre de Delart, ils avaient décidé de passer à l’action. Ils avaient contemplé l’explosion de loin s’assurant par la même occasion qu’aucun survivant n’était recensé. Un seul homme avait réussi à échapper aux flammes mais pas à Lili, qui l’avait kidnappé et ramené chez elle pour obtenir plus d’informations sur La Maison sous les directives d’Anaidéia.

Lili habitait dans la maison de feu sa mère, décédée il y a trois ans d’un cancer du poumon. A l’écart du centre-ville, la maison était située dans quartier résidentiel calme et familial. De l’extérieur, la façade était propre, le jardin entretenu. Un parterre de fleurs rose, orange, vermillons apportait une douce odeur aux alentours. Les petits arbrisseaux qui étaient repartis çà et là dans la propriété proposaient de nombreux perchoirs pour les oiseaux venant observer les passants. Les autres feuillus plus grands, plus touffus, apportaient de l’ombre et un air frais bienvenu au vu de la chaleur d’été ambiante.

Personne ne pouvait se douter que dans la cave de cette bâtisse était retenu captif un membre de gang, brulé au troisième degré sur toute la partie gauche de son corps suite à l’explosion de l’entrepôt.

La jeune femme, toqua. Deux coups, une seconde, un coup. Puis elle entra sans attendre de réponse. Elle descendit à la cave où elle rejoignit Lili et leur otage. Affamé et assoiffé, l’homme d’une trentaine d’années était affalé sur le sol, toujours vêtu des habits qu’il portait lors de l’explosion, ces derniers semblaient avoir fusionnés avec sa chair à vif, suintante. Personne ne lui avait apporté de désinfectant. La douleur qu’il pouvait ressentir n’était pas le problème d’Anaidéia et Lili, quant à elle, semblait plutôt s’en réjouir.

Cette dernière était assise en tailleur sur un plan de travail entouré d’outils de bricolage, de mallettes en métal et de fil de fer. Les cheveux mal tressés, comme à son habitude, elle tenait une clé à molette sale et ne quittait pas l’homme des yeux. Elle ressemblait à un chien devant sa gamelle de nourriture. Anaidéia savait que Lili était quelque peu dérangée. Mais elle avait fini par s’habituer à ce côté de sa personnalité voire même à l’apprécier. Sa soif de violence permanente amusait maintenant la jeune femme bien qu’elle soit quelquefois difficile à contenir.

Face à l’homme brulé qui lui tenait tête, elle avait activé son mode « chasse », un mot d’Anaidéia et il n’était plus. Elle avait voulu y allait doucement avec leur prisonnier. Son plan premier était de le laisser retourner dans le gang bien amoché afin qu’il transmette le message qu’Anaidéia était sur leur trace. Elle n’avait pas prévu de se montrer. Mais Lili était en train de péter les plombs, Anaidéia savait qu’il ne rentrerait jamais chez lui. Elle choisit ses mots avec précaution lorsqu’elle s’adressa à Lili.

- Bon on va passer à la méthode forte. Mais essaye de ne pas le tuer tout de suite, qu’il nous donne quelques infos quand même.

Lili bougea à peine, elle esquissa un simple sourire en coin, sans détacher son regard de sa prochaine victime. Son souffle était lent, calme. La tension était palpable. L’homme au sol avait, quant à lui, du mal à respirer, les brulures devaient être insupportables. Un sentiment de satisfaction émergea dans la poitrine d’Anaidéia, bientôt tous subiront cette même douleur, qui n’était rien comparée à ce qu’elle avait vécu. Elle émit un très léger rictus lorsqu’elle traina une chaise en métal pour l’installer face à son otage. Elle s’assit posément, croisa les jambes, et posa ses mains sur ses genoux. Droite, elle leva le menton pour l’observer de sa hauteur. Elle s’efforçait de ne pas laisser paraitre le moindre sentiment, mais elle ne pouvait s’empêcher de savourer ce moment. Son coeur battait à tout rompre. Si Lili était dérangée, Anaidéia l’était tout autant. Bien qu’elle gardait généralement un air impassible, elle appréciait chaque frémissement de ses victimes, chaque regard désespéré, chaque souffle coupé. Elle évitait cependant de se salir les mains et laissait à Lili tout le loisir de se défouler.

Elle brisa le silence de la pièce.

- Pour qui travailles-tu au sein de La Maison ?

Pas de réponse. L’homme la défiait du regard. Ce qui amusa Anaidéia, l’homme n’était clairement pas en position de se battre et pour autant il défendait son bout de viande avec véhémence. C’en était presque impressionnant. Elle leva la main d’un signe nonchalant et s’adossa à sa chaise.

- Lili.

En entendant son nom, la jeune femme déplia les jambes et sauta de la table en claquant des mains. Elle s’accroupit à hauteur de leur victime. Le regard de ce dernier changea du tout au tout. En voyant la lueur de folie dans les yeux de Lili, il comprit très vite que l’heure n’était plus aux négociations. La jeune femme tressée laissa tomber sa clé à molette au profit d’un petit couteau qu’elle sortit de sa poche. Sans attendre longtemps elle l’enfonça lentement, très lentement, dans la chaire à vif de l’otage. Évidemment, elle avait sciemment choisi la chaire déjà abimée. Ce dernier hurla de douleur. Du sang ruissela de la plaie lorsque le couteau fut retiré sèchement.

- Je reformule ma question. Quel exécuteur t’emploie ?

L’homme avait le front collé sur le sol froid. Il gémissait en se tenant la cuisse. Mais il ne répondit toujours pas à la question. Un coup d’oeil dans sa direction et Lili savait que c’était à son tour, elle planta à nouveau le couteau dans la cuisse de l’homme. en rigolant Exactement au même endroit que la première fois. Cette fois, elle tourna le couteau à droite, puis à gauche. Le brulé hurla de plus belle, de la bave coulait de sa bouche, il se recroquevilla en couinant. Anaidéia exalta en l’entendant gémir. Une troisième entaille fit son apparition dans le corps déjà bien amoché de l’homme. Puis une quatrième, une cinquième. Lili pouvait continuer ce jeu toute la journée. Et Anaidéia ne l’en empêcherait pas.

- Par pitié. Eut-il la force de souffler au bout de longues minutes de torture.

Le plaisir coupable qu’elle ressentait jusqu’à maintenant en observant le spectacle laissa soudainement place à une rage difficilement contenue.

- Quelle pitié ? Demanda Anaidéia, glaciale, elle se pencha en avant, une mèche de ses cheveux ébène tomba de son épaule. La même que celle que vous avez eue lorsque vous avez tué un petit garçon de 3 ans un soir de Noël ?

L’homme tiqua, il se contorsionna pour regarder Anaidéia, un mélange de stupeur, colère et souffrance dans le regard. Elle avait délibérément évoqué cette nuit fatidique espérant que l’homme soit au courant de quelque chose à ce propos. Il ne réagit cependant pas comme elle l’aurait voulu :

- On a tué beaucoup de gamins tu sais. Je ne sais pas duquel tu parles.

Cette remarque manqua de faire vriller Anaidéia. L’image de son neveu dans les bras de ses parents, tous sans vie, réapparut dans la mémoire de la jeune femme. Cette image qu’elle tentait d’enfermer au plus profond de son cerveau s’affichait maintenant clairement dans son esprit. Elle se fit violence pour contenir sa rage et ne pas sauter au cou de son otage. Elle s’accroupit lentement près de l’homme et souffla avec difficulté :

- Vous avez décimé une famille un soir de Noël. Et gravé « Traitre » dans le ventre du père de cette même famille.

Elle comprit qu’elle avait fait mouche lorsqu’il la dévisagea comme s’il avait vu un fantôme.

- Attends, comment es-tu au courant de cette affaire ?

Elle ne répondit pas et le laissa réfléchir un instant à haute voix :

- Je me souviens de cette mission. Je ne faisais pas partie de l’équipe mais on lui avait demandé de tuer tout le monde ce soir-là…Il nous a assuré s’être chargé des six personnes sur la liste…L’affaire a été étouffée. Comment quelqu’un peut-il être au courant ?

La paupière gauche d’Anaidéia tremblait, il était extrêmement difficile pour elle d’évoquer cette nuit. La nuit où tout avait basculé pour la jeune fille innocente de 23 ans qu’elle était. L’homme devant elle savait quelque chose, en quatre ans elle n’avait jamais eu affaire à quelqu’un qui était mêlé de près ou de loin à son histoire. Son coeur accéléra de plus belle, il martelait dans sa poitrine. Elle entendait son pouls battre dans son oreille. Ses muscles étaient crispés. Elle luttait pour ne pas se jeter sur son prisonnier et lui ouvrir la cage thoracique en deux. Mais il semblait sur le point de lui fournir de précieuses informations. Elle parvint à articuler avec difficulté, le ton menaçant :

- Six personnes ? … Je ne sais pas de qui tu parles mais il vous a menti. Il n’y a eu que cinq morts cette nuit-là.

L’homme en face comprit immédiatement l’allusion qu’elle venait de faire. Sa voix était rauque et saccadée, il s’affaiblissait à vue d’oeil.

- Tu es la sixième alors ? Tu… tu aurais dû mourir. Il ne devait plus rien rester de la famille de ce traitre.

« Traître ». Ce fut le mot de trop, Anaidéia craqua. Elle prit le couteau des mains de Lili, qui, depuis qu’elle l’avait rejoint près de l’homme, la regardait en silence. Anaidéia planta le couteau dans la main de sa victime, il cria de rage et de douleur, elle enleva le couteau et, sans attendre, replanta ce dernier dans le corps meurtri du mafieux. Ce schéma se répéta durant de longues minutes. Elle plantait puis enlevait son couteau avant de le replanter à nouveau dans n’importe quelle parcelle de corps qui était à sa disposition. Son otage se tordait de douleur. Trop affaibli, il ne pouvait pas fuir, il se débattait à peine.

L’esprit d’Anaidéia fourmillait, elle n’était plus maitresse d’elle-même. Tout ce qu’elle souhaitait en cet instant précis était entendre les cris de douleur et apprécier la vision du visage tordu de sa victime.

Un toussotement la fit cependant revenir à elle. L’homme baignait maintenant dans une mare de sang et la jeune femme craignit un instant qu’il ne meurt avant de lui avoir donné le nom de l’homme qui avait mené la mission du 25 décembre. Elle jeta son couteau au sol, et attrapa l’homme par les cheveux. Elle lui souleva la tête sans difficulté, l’homme parvenait à peine à garder les yeux ouverts. Le ton glacial qu’elle employa contrastait avec le brasier allumé dans ses yeux assombris par la fureur.

- Qui a mené cette mission ?

La victime cracha du sang, il était en train de mourir. Anaidéia y avait été trop fort pour un homme déjà mal en point. Il parvint tout de même à articuler :

- Eh bien…Quitte à ce que je meure à cause de sa connerie autant qu’il m’accompagne dans la tombe. C’est ce fils de pute de Franck.

Franck … elle avait enfin un nom. Elle relâcha la tête de l’otage qui s’explosa au sol. L’homme respirait à peine dorénavant. La jeune femme se leva, elle poussa le couteau du pied en direction de Lili.

- Finis-le. Lui indiqua-t-elle, autoritaire.

Lili qui la regardait avec une sorte de fascination étrange, acquiesça en silence, prit le couteau et ouvrit la jugulaire de leur victime. Ce dernier eut un dernier glapissement puis ne bougea plus.

Anaidéia avait du sang partout sur le corps et sur le visage, elle puait la mort, littéralement.

- Je peux prendre une douche ? Demanda-t-elle à Lili en s’essuyant les joues avec dégout.

- Evidemment. Suis-moi.

Lorsqu’elles montèrent les escaliers pour sortir de la cave, Lili prit la parole. Elle semblait retenir ses paroles, ce qui n’était pas son habitude:

- Ça fait longtemps que je ne t’avais pas vu comme ça.

Anaidéia ne répondit pas. Elle était encore trop enragée. Lili continua, se parlant maintenant plus à elle-même qu’à Anaidéia.

- Je me souviens la première fois que l’on s’est rencontrées. J’avais voulu t’étrangler pour te voler ta thune. Tu t’étais défendue et m’avais tabassée avec le même regard effrayant. Je me sens chanceuse de n’avoir reçu que des coups de poing de ta part tout d’un coup.

La jeune femme frissonna en se remémorant ce souvenir mais elle affichait un sourire satisfait. Elle se frotta les bras et dans un soupir de bonheur confia :

- Ah… C’était jouissif.

Les deux femmes arrivèrent à la salle de bain, Lili sortit des serviettes pour Anaidéia puis s’éclipsa, les yeux toujours pétillants d’admiration.

Enfin seule, Anaidéia se déshabilla face au miroir. Elle observa sa peau claire. Des cicatrices parcouraient son corps, plus ou moins fines, plus ou moins longues. Elles ne les détestaient pas, elles racontaient son histoire. Le tatouage sous ses côtes était d’ailleurs légèrement abimé par une de ces balafres. Elle passa ses doigts dans ses longs cheveux noirs qui jusqu’alors étaient plaqués en arrière sur sa tête, avec du gel. Elle avait l’allure d’une folle. Elle sourit. Voilà donc à quoi ressemblait la sixième personne à tuer. Clifford allait devoir se lever tôt s’il voulait la voir morte. Elle avait maintenant un nom à accrocher sur le tableau en liège, directement lié au meurtre de sa famille. Franck. Elle sourit de plus belle, ses yeux déjà foncés d’ordinaire étaient encore plus sombres, d’un noir si profond qu’il semblait pouvoir aspirer toute âme.

Franck.. Qui était-il pour La Maison ? Un exécuteur ? Un homme de main ? Anaidéia ne tarderait pas à la savoir, sa vengeance se mettait en place doucement.


Texte publié par Lunare-my, 14 mars 2024 à 09h37
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