Standard (jusqu'à 1.000 mots)
Objet/chose « herbe »
Émotion/état « remord »
Couleur « bleu »
Le bleu du ciel était une caresse à ses sens. La dragonne étalée sur l’herbe profitait des quelques rayons de soleil, malgré le frimas de l’hiver qui grignotait davantage les landes. Le givre parcourait les rares plantes toujours debout, comme la menthe qui offrait un tendre parfum à sa chevelure étalée. Elle se mit à rouler dans l’herbe, ignorant la morsure du froid sur sa peau frêle. Cela serait plus amusant sous forme de dragonne, mais Carra n’avait pas envie d’enlever sa robe en soie. Quelque part, la marque du froid lui faisait oublier cette sensation si gênante, qu’elle portait en son cœur depuis quelques jours.
Carra avait rencontré une demoiselle, il y a plusieurs mois. Cette pimprenelle paraissait fort douce et aimante, et elle devint rapidement une amie de cœur. C’était une petite humaine qui rêvait d’être une elfe, et bien entendu, Carra affichait à tous ceux qui n’étaient pas de sa constellation, cette fausse image d’elfe de lune au sourire délicieux. Cette amie l’admirait pour sa stature, pour ses grands yeux de péridot qu’elle chantait dans ses poèmes. Carra n’avait pas vu venir cette ombre se faufiler dans son âme. Quelque chose grignotait ses veines depuis qu’elle côtoyait celle qu’elle pensait être honnête et affable.
Dans son élan d’amour et de joie non dissimulée, Carra décida de présenter cette nouvelle alliée à Doug, Mayva et Jasmine. Ce fut dans une taverne douillette, celle que Carra préférait, que cette présentation fut faite. Son amie, qui portait le nom de Capucine, serra timidement la main de ces quatre elfes, amours de toujours de la belle rousse. Carra les avait présenté comme sa famille, ses indispensables âmes qui la suivaient partout. Capucine esquissa une grimace fugace, que seul Doug perçut à la lueur des bougies de l’établissement. La conversation essayait de se maintenir. Les silences gênants de Capucine tiquèrent Mayva, qui plissait sa jupe de velours d’un geste délicat de ses doigts effilés. Quant à Jasmine, elle n’appréciait pas que cette nouvelle venue, s’accroche si désespérément au bras de Carra.
C’est au lendemain que les choses commencèrent à prendre le goût de l’âcre. Capucine fit quelques remarques, sous couvert de miel. Elle évoqua à quel point elle n’appréciait pas que Doug caressât la cuisse si douce de Carra. Encore, elle se mit à pester contre Mayva, qu’elle devinait violente sous ses airs de bacchantes. Enfin, quant à Jasmine, elle lui rappelait trop sa mère qui fut maltraitante. Carra lui répondit, déboussolée, qu’ils étaient l’amour de sa vie et qu’elle les aimait. Capucine se renfrogna depuis ce fait.
Les jours s’écoulèrent et bientôt, la saison automnale laissait place à l’hiver progressivement. Les fêtes s’annonçaient grandioses en présence de sa famille bien-aimée. Cependant, Capucine commença à se révolter. Alors que Carra devait rejoindre sa tribu draconnesque, elle exigea qu’elle soit présente à sa maisonnée. S’enchaînaient les crises et les réflexions acerbes, au point ou Capucine manœuvrait pour trouver les failles de sa comparse. Sans aucun égard à sa sensibilité, elle se mit à l’insulter, à la rabaisser, dévoilant son vrai visage à l’aube de la nouvelle année. La sœur jumelle de Carra, Melodya, vint lui rendre visite un soir de décembre. Elle lui apporta des douceurs à partager, dans leur tanière chaude et bien décorée. Quelle ne fut pas sa surprise d’y voir Capucine ! Aucun non-dragon n’était invité en ces lieux et Carra s’était bien gardé de lui ouvrir la porte. Non, l’audacieuse l’avait suivie et espérait bien découvrir tous ses secrets !
Doug, fou de colère, exhorta l’indélicate à déguerpir.
« Vous êtes des monstres, voilà la vérité ! Vous gardez mon amie contre sa volonté ! »
Carra se souvint encore de ses mots, tous plus englués de rage, les uns que les autres. Elle dut intervenir et couper définitivement le lien. Un sort d’oubli lui fut apposé, et on laissa la blonde dans une taverne, au loin, afin qu’elle reprenne sa vie, sans eux à ses côtés.
Carra garda les scories de cet échange malmené. Elle était pleine de remords, c’était un fait. Elle en avait sans doute trop dit à cette Capucine trop curieuse. Cette femme voulait la contrôler et virer de sa vie tous ceux qu’elle chérissait pour l’éternité.
Elle se trouvait toujours dehors, lorsque Melodya, accompagnée de Doug, Mayva et Jasmine, vint à ses côtés.
— Ma belle, souffla Melodya, de sa voix délicate, tu vas attraper froid, en robe de soie par ce frimas. Viens donc prendre un peu de chocolat chaud avec nous.
Carra se redressa, essuyant d’un revers de la main, une larme glissante sur sa joue.
— Je me sens si idiote, marmonna-t-elle.
Tous, ils vinrent la serrer, formant un cercle chaleureux autour d’elle.
— Nous t’aimons fort, murmura Jasmine, et tu n’as pas à t’en vouloir d’avoir aimé une amie. C’est à elle de s’interroger. Elle nous a manqué de respect, à voulu te couper à nous et te garder pour elle seule. Tu n’es pas un objet.
Carra hocha doucement la tête, profitant de cette chaleur rassurante. Doug prit la parole.
— Tu ne peux changer les gens, laisse la sur son chemin. Quant à nous, nous avons un moment tendre à vivre, autour d’un chocolat chaud près de notre âtre.
Ils se relevèrent et l’invitèrent à la suite jusqu’à leur repère. Rapidement, le cœur de Carra s’allégea, l’odeur des épices et du chocolat fondue lui rappela à quel point elle était aimée et choyée. D’autant plus que leur cousine Galatea venait d’arriver. Assise sur le canapé rempli de plaids et de coussins, la jolie brune leur sourit et elle fut vite entourée pour profiter de ces instants magiques, en famille.
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