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« -C'est une bonne idée de l'avoir fait coïncider avec Halloween !

-Oui, je suis d'accord. Tout est tellement bien pensé.

-Tellement qu'il n'y a qu'une seule lettre qui sépare récolte de révolte !! »

Des rires bruyants suivirent ces propos. Iléa souffla intérieurement. Elle n'avait toujours pas compris pour quelles raisons Anya l'avait placé avec ces deux gamins aussi puérils qu' insupportables. Elle ne supportait plus les plaisanteries incessantes d'Hari, et les questions sans intérêts de Bel. Certes, ils nécessitaient un encadrement, mais Iléa jugeait que ce n'était pas à elle de tenir ce rôle. Elle avait rempli de nombreuses missions, certaines étaient indélicates, et Anya la remerciait en la plaçant à l'arrière du mouvement, avec deux mômes qu'elle étranglerait bien. Elle se garda de leur signifier son mécontentement, elle savait comment ils réagiraient. Ils rigoleraient encore plus fort, et testeraient ces limites. Or, elle devait être entièrement concentrée.

Ils erraient dans la rue, l'air de rien, paraissant aussi innocent que la circulation enfantine. Ils se mêlaient parfaitement dans la masse. Personne ne faisait attention à eux, tous réfléchissaient aux prochaines maisons à visiter tout en comptant la valeur de leur butin. Le panier d'Iléa comportait quelques friandises, à l'instar de Bel et d'Hari, bien qu'ils n'aient visité aucune demeure. Tout avait été parfaitement pensé, et savamment organisé. Rien n'était laissé au hasard, ce qui atténuait quelque peu l'angoisse de la jeune femme. Après tout, cela faisait des années que cette soirée était préparée, et chaque éventualités étaient parées. Et il était peu probable qu'un problème ne survienne.

A l'angle d'une rue, ils croisèrent une femme qui arborait un costume de sorcière. Ils passèrent devant elle, sans lui porter attention, mais Iléa capta son bref clin d’œil. Elle fit semblant de n'avoir rien vu, et poursuivit sa progression, suivie d'Hari et de Bel qui se chamaillaient toujours. Ils émergèrent sur un grand boulevard, où circulaient une foule conséquente. En observant attentivement, Iléa remarqua que la majorité des personnes étaient revêtues, comme la femme qu'ils venaient de croiser, d'un costume de sorcière. Cependant, il y avait aussi plusieurs tenues de voleurs, de vampires, de loup-garou, ou encore de toute sorte d'animaux. Très vite, Iléa apercevait les membres de la résistance. Tout comme elle, ils possédaient un bouton doré sur la manche gauche. Ce petit détail avait une importance capitale : il permettait aux participants de se reconnaître, et de les différencier d'eux. Les humains.

En songeant à cette partie de la population, Iléa frissonna. Elle éprouvait une certaine aversion à leur égard, qui la poussait désormais à se battre contre eux. Elle se devait de réussir, pour permettre à tous ceux comme elle de vivre dans un monde meilleur, sans crainte de révéler son originalité et d'être puni pour cela. A cette pensée, l'image d'une jeune femme blonde aux yeux ambrés comparables aux siens s'imposa à son esprit. Kalia était si belle, et si gentille, mais le destin l'avait détruite. Désormais, Iléa n'aspirait qu'à se venger. Kalia avait été comme une mère, puisqu'elles étaient devenues orphelines très jeunes. Mais à cause des humains, elle

était seule. Seule et perdue. Sa sœur s'était donné la mort, ne supportant pas ce monde impitoyable dirigé par cette race écœurante. Iléa

ne parvenait pas à comprendre pourquoi ils ne souhaitaient pas faire intervenir la magie dans leur vie. Ils étaient vivants eux aussi.

Alors pourquoi ne pouvaient-ils pas être sur un pieds d'égalité ?

C'était ce qui avait poussé Iléa à participer à la révolte. Bien qu'elle n'aimait pas particulièrement les humains, elle ne pouvait néanmoins se résoudre à les blesser ni même les tuer. Pour elle, cet Halloween était synonyme d'un nouveau départ. Ils allaient prouver leurs existences aux humains, qui refusaient jusqu'alors de l'admettre, et ensuite, ils vivraient en communauté. Malheureusement, les plans des sorciers, qui dirigeaient la mission, ne concordaient pas tout à fait avec les siens. Ils souhaitaient effrayer les humains, leur rendre dent pour dent ce que ces derniers leur avaient donné. Iléa, contrairement aux sorciers, ne leur tenait pas rigueur des persécutions commises dans des temps anciens et révolus. Les mœurs avaient changé depuis, et les humains étaient plus ouvert d'esprit. Au fond d'elle même elle espérait secrètement qu'ils les accepteraient sans broncher. Ça avait beau être faux, Iléa n'en démordait pas.

Elle se faufila parmi la masse compact, Bel et Hari sur ces talons. Elle bouscula par inadvertance un petit Frankenstein. Elle voulut l'aider à ce relever mais un homme, sûrement le père, la devança. Elle offrit au garçon des friandises à la barbe à papa pour s'excuser. Il les prit avec joie, puis poursuivit son chemin. Et tandis qu'elle remettait en place son costume de chat, elle se rendit compte que Bel la regardait d'un air ennuyé. Iléa prit sur elle-même pour ne pas exploser. D'une part car cela compromettrait la mission, et d'autre part parce que la petite peste avait pour père l'organisateur de la révolte. Et Iléa n'était pas de taille à affronter les sorciers. Elle n'était qu'une métamorphe après tout. Et puis Hari prendrait certainement la défense de son amie.

Iléa refrénait son envie de meurtre, lorsqu'un cri suraiguë déchira l'air ambiant alors remplis de murmures joyeux. Ils s'observerent tous trois du regard, et, sans se concertés, ils se dévoilèrent. Les fausses canines d'Hari laissèrent place à de vrais dents. Bel laissa tomber le balai qu'elle portait depuis le début, puis amena à elle un léger flux de magie. Sa robe où trônait un nounours ridicule la rendait risible, mais son visage fermé la rendait plus effrayante que jamais. Iléa, quant à elle, se débarrassa de son déguisement qu'elle jugea encombrant, et se transforma en chat. Lorsqu'elle devenait un félin, elle bénéficiait de multiples avantages, tel qu'une vision nocturne, qui, dans le noir de la nuit, lui permettait de distinguer au mieux les formes mouvantes. Et ce jour là, le ciel était dépourvu de lune, et silencieusement elle remercia son don.

Les enfants qui les entouraient se stoppèrent et les dévisagèrent avec effroi. Il n'y avait plus aucuns bruits, exceptées les complaintes du vent. Iléa sentit l'angoisse prendre possession et former un creux dans son ventre. Et si les sorciers n'avaient finalement pas tout prévu ? Les visages stupéfaits qu'elle croisait renforçait ce sentiment, et elle éprouvait des difficultés à avaler sa salive. Elle vit la foule se fendre en deux, et plusieurs sorciers se joignirent à eux. Elle se perdit dans le regard myosotis du petit garçon qui incarnait Frankenstein, et elle se sentit soudainement accablé. Il avait peur, et il était désemparé. Ce n'était qu'un enfant. Ce fut à ce moment là

qu'elle se rendit compte que cette révolte n'était pas une bonne idée. Il aurait fallu l'effectuer avec plus de douceur pour ne pas

bouleverser les humains.

Oui, elle avait beau les détester, ils n’étaient, au final, que des être doués d'esprit, et tous n'étaient pas responsables des erreurs du passé. Elle voulu rassurer le petit garçon quand un sorcier le fit léviter et l'envoya quelques mètres plus loin. Seuls les gémissements du gamin permirent à Iléa de savoir qu'il était encore en vie. En ce moment, sa haine envers les humains disparut et elle se prit d'affection pour eux. Cependant, elle ne pouvait se détourner des sorciers. Pour Kalia, et pour les siens. Elle en avait fait la promesse.

Une sorcière aux cheveux d'un roux peu communs se plaça aux côtés du sorcier, et prit la parole :

« - Chers humains, l'heure est venue de faire tomber votre dictature. Nous voulons cesser de souffrir, et ne voulons plus croire que notre différence nous rend coupables de crimes odieux. Cessons la persécution des être surnaturels. Nous possédons la magie, nous sommes plus fort, dit-elle avec conviction, alors de nous sous-estimez pas. Aujourd'hui est un renouveau, et à partir de ce jour, nous appartiendrons à la communauté. Sachez cependant qu'il est inutile de se réfugier dans une autre ville ou un autre pays, le soulèvement est mondial, à l'heure où je parle, des milliers d'autres sorciers clamant le même discours. Vous avez peur, ricana-t-elle, et pourtant vous portez des costumes de nos natures. Vous êtes un étrange peuple ! »

Elle s'esclaffa, et fut suivie par ces comparses. Une petite fille d'environ trois années aux cheveux identiques tira sur sa robe et la femme lui parla d'un ton maternel :

« - Oui, Cornelia, tout est fini, ma puce. Nous allons vivre heureuse! »

Elle jeta un regard circulaire à la foule, et plusieurs sanglots se firent entendre. Iléa avança de quelques pas. Elle voulait signifier à Anya son avis. Cette dernière avait manqué de tact, et en avait brusqué plus d'uns. Pour Iléa, cette soirée tournait au désastre. Au lieu de les accepter, les humains les craignaient, et ce n'était pas bon signe. Bien sûr, Anya n'y était pour rien, elle ne faisait qu'obéir à Milanna, mais Iléa la connaissait plus douce. Par ailleurs, elle l'était quand elle s'adressait à sa fille. Ce discours, bien entendu préparé, ne lui plaisait guère.

Elle s'approcha d'Anya, lorsque les sorciers qui entouraient cette dernière bougèrent soudainement. Iléa se tourna, et les humains crièrent d'effroi. Elle vit plusieurs d'entre eux, à terre, sans vie. D'autres tentaient de se défendre, mais c'était peine perdue. Les sorciers avaient un net avantage : l'usage de la magie. Tandis que ce scénario irréel progressait, Iléa sentit un rayon de magie frôler ses poils. Il percuta de plein fouet Hari qui s'effondra avant d'avoir pu prononcer quoi que ce soit. Iléa se transforma rapidement, et se porta au chevet de l'adolescent. De ses yeux ambrés, elle chercha un signe de vie, et quand elle palpa son pou, elle arriva à la conclusion qu'Hari ne respirait plus.

Ses pensées se bousculèrent dans sa tête. Pourquoi les sorciers s'attaquaient à leurs partisans ? Iléa perdait toute notion, et ne savait même plus ce qu'il se passait. Plusieurs surnaturels imitèrent Hari, et Iléa sentit la peur l'encercler. A toutes celles des autres, la sienne se mêlait avec plus d'intensité. A ses côtés, Bel s'affaissa à son tour, et Iléa se sentait alors plus déboussolée encore. Ils s'attaquaient même entre eux ? Et alors, la réponse à ses questions apparue, mais trop tard. Un rayon la cogna au poitrail, et elle sentit sa respiration faiblir. Par réflexe, elle se métamorphosa une nouvelle fois. Allongée sur le sol, peinant à respirer, Iléa sentit sa haine se tourner vers les sorciers. Ils les avaient manipulés pour arriver à leurs fins ? Leur but était purement égoïste, ils souhaitaient être seuls à contrôler le monde. Alors que ses forces l'abandonnaient, une touffe rousse chuta devant son champ de vision. Anya venait d'être touché. Cornelia criait, mais elle semblait être épargnée. Pour le moment. Son dernier souffle, Iléa le consacra à sa sœur. C'était, de son point de vue, le seul pont positif de cette dramatique soirée. Elle et Kalia seraient réunies, avec leurs parents. Elle cessa de respirer et tout devînt noir.


Texte publié par Tigerlily, 29 octobre 2014 à 19h30
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