Shu-Fang gara la voiture devant la majestueuse Shanghai Tower, sommet de verre et d’acier s’élevant à 632 mètres, dominant la ville comme un géant silencieux. Il confia les clés à un voiturier avant d’ouvrir la portière pour Feng. Elle leva les yeux vers le colosse qui perçait les nuages. Un instant, elle en oublia presque de respirer.
Shu-Fang lui tendit la main. Elle glissa ses doigts entre les siens. Silencieusement, ils pénétrèrent dans le hall opulent, prirent un ascenseur au mur de verre, et s’élevèrent à une vitesse vertigineuse jusqu’au 120e étage.
Une réceptionniste les accueillit avec une révérence polie et les guida jusqu’à une table isolée, dressée avec une bougie vacillante et une rose violette. Shu-Fang tira la chaise pour elle. Feng s’assit en silence, captivée par la vue : Shanghai s’étendait à l’infini sous leurs yeux, une mer de lumières et de reflets.
Un serveur discret leur apporta une bouteille de vin qu’il ouvrit avec élégance, puis remplit leurs verres avant de s’éclipser.
— À cette soirée, dit Shu-Fang en levant son verre.
— À cette soirée, répéta Feng, un sourire fin aux lèvres.
Ils trinquèrent. Une douce musique flottait dans l’air, presque irréelle.
— Tu as privatisé tout l’étage ? demanda-t-elle.
— Oui. Je voulais que ce moment n’appartienne qu’à nous. Sans regard curieux. Sans oreilles indiscrètes. Est-ce trop ?
— Non. C’est… parfait, souffla-t-elle, touchée par l’attention.
Le serveur revint avec un chariot argenté. Il déposa deux assiettes sous cloche devant eux. À l’ouverture, une vapeur parfumée s’échappa, révélant un plat raffiné mêlant cuisine chinoise traditionnelle et influences modernes.
— Tu avais prévu cette soirée depuis longtemps ? demanda Feng, alors que le serveur s’éloignait.
— La Shanghai Tower appartient à la Triade Huo, répondit-il, presque à contrecœur.
Feng suspendit son geste. Son regard se fixa sur l’assiette sans la voir. Ce n’était pas la nourriture qui la troublait. C’était ce que cette phrase révélait, en filigrane. Elle avait toujours su que la Triade Huo avait de l’influence… mais à ce point ?
Une pensée la frappa, brutale.
— Depuis combien de temps ?
— Comment ?
Elle releva brusquement la tête. Son regard s’était glacé.
— Depuis combien de temps la Triade Huo me surveille ? Depuis combien de temps vous attendez mon arrivée en Chine ?
— Feng…
— J’ai été stupide, murmura-t-elle en russe, en s’adossant à sa chaise. Tellement naïve.
— Ce n’est pas ce que tu crois.
— Réponds-moi !
Il reposa lentement ses couverts. Il aurait voulu que ce dîner reste un moment suspendu, hors du tumulte. Mais rien n’était simple avec elle. Rien n’était jamais superficiel.
— La mafia russe est une force. Incontournable. Le parrain, tes choix… tout a une influence. Alors oui, la Triade Huo observe. Comme toute organisation sérieuse. De loin. Sans jamais intervenir. Jusqu’à ton arrivée en Chine, nous ignorions même que tu avais quitté la Russie.
— Et je suis censée te croire ? demanda-t-elle avec une froideur tranchante.
— Je ne cherche pas à te convaincre. Je te dis la vérité. À Shanghai, n’importe qui peut tenter sa chance. Même la fille du parrain.
Feng pinça les lèvres. Elle avait l’impression que chaque décision qu’elle croyait sienne était peut-être… conditionnée. Observée. Calculée.
— Tu es venue ici. Tu t’es adaptée. Tu as compris les règles. Tu les as respectées. C’est ça qui t’a valu notre reconnaissance. Pas ton nom. Pas ton sang.
Et pourtant, c’était elle qui avait provoqué leur rencontre. Elle qui, volontairement, s’était immiscée dans l’orbite de Shu-Fang pour sonder ses intentions, comprendre ce qu’il représentait dans l’équilibre de la ville. Elle pensait tenir les rênes. Alors pourquoi cette impression que tout lui échappait, comme si elle jouait dans une pièce écrite à l’avance ?
— Et notre rencontre ? demanda-t-elle, la voix plus basse, plus brisée. Ça aussi, c’était prévu ?
Il se leva. Contourna la table. Se pencha vers elle, le regard franc, la voix calme, presque grave.
— Non. Ce n’était pas un plan. C’était… le destin.
Il se leva. Contourna la table. Se pencha vers elle et murmura, le cœur au bord des lèvres :
— Je n’ai jamais joué de toi. Jamais. Ce que je ressens est réel. Et si tu me rejettes ce soir, alors je repartirai, mais sache-le : je donnerais ma vie pour toi. Parce que je t’aime, Feng.
Le temps sembla suspendu. Elle plongea ses yeux dans les siens, cherchant une faille, une once de mensonge. Elle n’en trouva aucune.
Ils se regardèrent, puis il l’embrassa avec douceur, et elle répondit en l’étreignant. Il la prit ensuite dans ses bras et l’emmena dans une suite de l’hôtel.
Face aux étoiles, ils s’unirent dans une bulle hors du monde. Feng ferma les yeux, chassant les dernières pensées parasites, les soupçons, les calculs. Juste pour cette nuit. Juste pour cette trêve.
Elle voulait y croire. Que ce n’était pas un jeu d’échecs, pas un piège. Juste deux êtres au milieu du chaos.
Et dans le murmure d’un « je t’aime », elle s’endormit, serrée contre lui, le cœur encore incertain… mais battant.
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