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tome 1, Chapitre 18 tome 1, Chapitre 18

Après le départ de Yeva, les joueurs voulurent sortir prendre l’air, visiter un peu les alentours. Feng refusa. Si l’homme qu’ils détenaient dans le sous-sol de l’hôtel appartenait bien à la mafia russe, d’autres rôdaient peut-être dans les parages, prêts à intervenir pour le libérer. Elle ne pouvait pas les laisser déambuler librement dans un monde qui n’était pas le leur.

— Demain, je vous montrerai quelques coins sympas, leur promit-elle avec un sourire paisible.

Ils obéirent sans discuter. Un film plus tard, ils allèrent se coucher.

Feng attendit que le silence s’installe, que chacun plonge dans un sommeil profond. Alors seulement, elle quitta la suite en compagnie de Shu-Fang. Dans le hall, ils contournèrent le comptoir et empruntèrent une porte dérobée menant à une volée de marches. En bas, l’obscurité moite du sous-sol les enveloppa.

Devant la porte du local, Shu-Fang s’apprêtait à entrer, mais Feng posa une main sur son bras. Une tension sourde persistait depuis la venue de Yeva, et elle devait être dissipée avant d’aller plus loin.

— Tu m’en veux… de ne pas t’avoir parlé de ma fille ? demanda-t-elle, les yeux ancrés dans les siens.

— Non.

— Tu mens.

— Alors pourquoi poser la question si tu connais déjà la réponse ? grogna-t-il, irrité.

Elle ne répondit rien. Lui avouer à quel point son avis comptait serait trop risqué. Cette distance qu’il instaurait la blessait plus qu’elle ne l’aurait cru.

— Est-ce que tu me fais confiance ? demanda-t-il soudain.

— Oui, sans hésiter.

— Pourtant, tu continues de me cacher des choses.

— Ce n’est pas un manque de confiance, corrigea Feng. C’est une protection. Pour ta couverture.

— Et la tienne, tu y penses ?

— Je suis la marraine de la mafia. Mon rôle m’impose de prendre des risques. Mais je sais ce que je fais.

Pour elle, les risques étaient calculés. Pour Shu-Fang, c’était différent. Il n’était pas encore chef de la Triade. Et il aimait trop sa vie d’idol pour s’en détacher sans douleur. Renoncer à la scène lui coûterait.

— Je comprends. Mais j’aimerais mieux te connaître, souffla-t-il en s’approchant d’elle.

— J’aimerais tout te dire, tout t’expliquer… Mais parler de mon passé m’est difficile, murmura-t-elle en baissant la tête.

Elle était forte. Son éducation, son entraînement, ses épreuves l’avaient forgée. Pourtant, une cicatrice béante restait en elle. Vivace. Elle ne se refermerait qu’une fois justice — ou vengeance — obtenue.

Elle rêvait de ce jour presque chaque nuit.

Mais elle ne pouvait pas tout dire à Shu-Fang. Chaque confidence fragilisait son plan. Plus il y avait de témoins, plus il y avait de failles. Et elle ne pouvait pas se permettre d’échouer.

Shu-Fang glissa un doigt sous son menton, releva doucement sa tête, puis caressa sa joue.

— Quand tu seras prête, je serai là. Je ne partirai pas.

Il déposa un baiser sur son front. Elle ferma les yeux.

— Merci, souffla-t-elle, la gorge serrée.

Dans sa bienveillance, il devenait un ancrage. Un refuge silencieux où elle pouvait déposer ses doutes et sa peine.

Mais l’instant passa.

Ils s’écartèrent. Feng détacha la manchette qui dissimulait son tatouage et ouvrit la porte.

Dès qu’ils entrèrent, un changement s’opéra. Leurs visages se durcirent, leurs regards s’assombrirent, leur présence devint plus lourde. Ils basculaient dans l’ombre.

Les mafias et Triades formaient leurs recrues à neutraliser la peur, la culpabilité. Grâce à cet entraînement, Feng et Shu-Fang pouvaient effacer leur humanité en un instant.

Le prisonnier tenta de se lever. Les cordes le maintenaient fermement à la chaise. Il déglutit en voyant Shu-Fang tirer une autre chaise pour s’asseoir face à lui.

— Nom et prénom, dit-il calmement.

L’homme rit.

— Nom et prénom, répéta-t-il, plus ferme.

Un crachat fut sa seule réponse.

Shu-Fang esquissa un sourire. Ce genre de réaction ne venait jamais d’un haut placé. Juste un pion. Mais même un pion pouvait détenir des informations utiles.

Il échangea un regard avec Feng. Elle acquiesça.

Elle s’éloigna dans l’ombre. Des cliquetis métalliques se firent entendre. Une perceuse. Un chariot roula jusqu’à la lumière.

Le prisonnier perdit un peu de sa superbe. Il essaya de rester stoïque.

Feng passa sa main au-dessus des outils.

Elle avait appris à torturer en subissant la torture. Son corps portait encore les stigmates de cet apprentissage. Son père, parrain de la mafia, avait personnellement supervisé ses leçons. Et il y avait pris plaisir.

Aujourd’hui, elle maîtrisait l’art de faire parler. La torture avait ses règles, ses limites. Il fallait éviter de se perdre dans la douleur de l’autre. Certains finissaient par y prendre goût. Par ne plus pouvoir s’en passer.

Elle choisit une petite pince, parfaite pour arracher des ongles. Elle attrapa la main du prisonnier. Il se débattit. Son regard bascula dans la terreur. Son front ruisselait de sueur.

— Nom et prénom, relança Shu-Fang.

— Pitié… arrêtez…, implora-t-il en russe.

— Nom et prénom.

Silence.

Shu-Fang hocha la tête.

Le hurlement du prisonnier déchira la pièce. Sa tête bascula en arrière. Il perdit connaissance.

Feng, implacable, lança un seau d’eau sur son visage et lui donna deux claques.

— Nom et prénom.

Il tremblait, terrifié. Mais se taisait encore.

Deux autres ongles arrachés.

Le cri fut atroce. Du sang éclaboussa la bâche noire.

— Nom et prénom, répéta Shu-Fang.

L’homme serra les dents, se mordit la joue. Il refusait de trahir les siens.

Feng acheva les deux derniers ongles de sa main droite. Nouvelle perte de conscience. Nouveau seau d’eau. Elle passa à la main gauche.

— Arrêtez… je vous en supplie…

— Nom et prénom.

La pince toucha son pouce. Il blêmit.

— Aksyonov Vyacheslav ! cria-t-il dans un sanglot.

Feng le regarda, impassible.

— À quelle organisation appartiens-tu ? demanda Shu-Fang.

Silence. Un ongle de plus vola.

Il commençait à encaisser la douleur. Feng changea d’arme.

Un couteau à lame dentelée.

Elle entailla son torse, d’abord par-dessus le tissu. Il gronda, gémit à chaque nouveau coup. Son haut fut rapidement réduit en lambeaux.

— À quelle organisation appartiens-tu ?

Il osa bomber le torse. Un sourire narquois.

Elle le lui arracha.

Un coup puissant, diagonal. La lame transperça la chair. Il hurla à s’en briser la voix.

— La mafia russe ! finit-il par céder.

— Quels étaient tes ordres ?

— Surveiller… la fille. Attendre… le bon moment… pour la capturer…

— Pourquoi ?

— Je… je ne sais pas…

Feng enfonça la lame dans son torse.

— Attendez… Attendez ! On devait surveiller… l’hôtel…

— Dans quel but ? fit Shu-Fang.

— Pour la capturer, lâcha-t-il en fixant Feng.

Il avait parlé. Il n’en savait pas plus.

Feng le comprit. Il n’était qu’un pantin. Son père voulait récupérer sa petite-fille. Et elle, pour lui faire payer sa trahison.

Elle échangea un regard avec Shu-Fang. Il comprit.

Sans un mot, elle planta la lame dans le cœur de Vyacheslav. Il s’affaissa, baignant dans son sang.

Elle resta droite, le regard figé sur le corps.

La vengeance venait de commencer.


Texte publié par Aihle S. Baye, 23 juin 2024 à 14h10
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