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tome 1, Chapitre 14 tome 1, Chapitre 14

Feng roulait à toute allure, crispée sur le volant d’une main, tandis que l’autre tentait en vain de comprimer sa blessure qui saignait abondamment. Chaque pulsation de douleur l’emplissait d’une colère sourde. Elle maudit intérieurement tous ceux présents au match : les combats clandestins étaient censés être un terrain d’honneur, régis par des règles strictes. Ce soir, elles avaient été bafouées, et Feng avait été la cible désignée.

Elle n’avait aperçu aucun tatouage distinctif sur son agresseur. Il pouvait appartenir à n'importe quelle organisation. Et s’il avait échoué, il reviendrait pour achever son travail. Elle serra les dents : elle s'était exposée, aveuglée par son orgueil, attisant jalousie et rancune. Valia l’avait pourtant prévenue... mais son ambition l’avait emporté.

En arrivant au parking souterrain du QG de Dragon, Feng coupa le moteur d’un geste brusque. Elle resta un instant immobile, le souffle court, avant de s’extirper difficilement du véhicule, s'appuyant lourdement contre la portière. Chaque pas était un défi, sa main s’écrasant contre le mur pour ne pas sombrer.

Grimacer de douleur, serrer les dents, continuer.

Atteindre sa chambre. Survivre.

Elle n’était plus qu’à quelques mètres lorsque la porte derrière elle s’ouvrit à la volée.

— Feng ?

La voix inquiète de Ming fendit l'air. Elle ravala un juron, tentant de rassembler ses dernières forces pour masquer sa détresse. Ming l’observait, figé, la désolation inscrite dans ses traits.

— Je voulais m’excuser pour… commença-t-il avant de se figer, remarquant la pâleur livide de son visage, la sueur qui perlait sur son front. Tu vas bien ?

Il s’approcha, tendit une main hésitante vers son épaule. Feng recula brutalement, comme brûlée, et le bras de Ming retomba mollement le long de son corps. Un éclat de douleur traversa ses yeux. Depuis son arrivée, il avait tenté de la comprendre, de se rapprocher... mais Feng semblait insaisissable, tantôt douce, tantôt glaciale.

— Que voulais-tu me dire ? murmura-t-elle d’une voix éteinte.

— Je… je voulais m’excuser pour mon attitude tout à l’heure. J’ai été dur. J’espère que je ne t’ai pas blessée.

— Ce n’est pas le cas.

Elle tourna les talons, entrant dans sa chambre sans un regard supplémentaire.

Dans la salle de bain, ses gestes devinrent mécaniques. Retirer ses vêtements poisseux de sang. Se laver les mains qui tremblaient. Attraper le désinfectant. La douleur explosa lorsqu’elle appliqua la compresse contre sa plaie, lui arrachant une larme silencieuse.

L’entaille était profonde, trop pour être négligée. Elle banda son abdomen aussi bien qu’elle put, puis s’effondra sur son lit, à bout de forces.

Des coups secs à la porte la réveillèrent en sursaut, déchirant son sommeil agité.

— Feng, tu es réveillée ? lança Xie Tao.

— Oui, grommela-t-elle en se redressant, le visage crispé par la douleur.

Son bandage était déjà imbibé de sang. Tant bien que mal, elle gagna la salle de bain et fit face à son reflet : ses traits tirés, sa pâleur cadavérique. Elle retira son bandage et inspecta sa blessure : large, nette, calculée. Son agresseur ne l’avait pas frappée au hasard.

Sans hésiter, elle saisit l’agrafeuse médicale. Chaque clic contre sa peau la fit trembler, la ramenant au bord de l’inconscience. Elle prit une douche rapide, refit son pansement et s’habilla à la hâte.

Feng dissimula son couteau dans son dos, prit son sac, et descendit rejoindre les autres joueurs. D'un simple signe de tête, elle les salua avant de se diriger vers son bureau.

Une enveloppe l'attendait à côté de son ordinateur, posée là comme une menace silencieuse. Elle l'ouvrit.

À l’intérieur, une carte frappée du symbole de la Triade 14K.

Son estomac se noua.

Sans réfléchir, Feng attrapa son briquet dans le tiroir et mit le feu à la carte. Elle regarda les flammes consumer lentement le papier, réalisant qu’il s'agissait d'un premier avertissement : elle s'était approchée trop près de leurs secrets. Mais elle n’arrêterait pas. Pas tant que les enfants de Xue Yi ne seraient pas libres.

— Feng ! cria Xie Tao depuis le hall. On doit partir !

Elle glissa le briquet dans sa poche et le rejoignit. Ensemble, ils prirent la voiture qui les conduisit à l’aéroport.

Sur le tarmac, tout était prêt. Les deux pilotes et les hôtesses les accueillirent.

Sacha l’appela alors qu’elle montait à bord avec Shu-Fang et les autres hommes.

À l’intérieur du jet privé, Feng s’installa côté hublot, entre Shi Shu-Fang et en face de Ming et Xie Tao. L’avion décolla dans un ronronnement sourd.

Rapidement, les hôtesses passèrent prendre les commandes. Feng demanda une bouteille d’eau, mais elle ne parvint à boire que quelques gorgées.

La fièvre montait. La sueur dégoulinait le long de son dos. Le monde autour d’elle vacillait. Elle se sentait flotter dans un univers irréel, dérivant à travers les étoiles. Un rayon de soleil traversa le hublot, l’aveugla, la ramenant brutalement à la réalité.

— Ça va ? demanda Shu-Fang, posant une main apaisante sur son épaule.

— Tu n’allais déjà pas bien hier soir, ajouta Ming, les yeux plissés d’inquiétude. Tu es rentrée tard. Il s’est passé quelque chose ?

Feng détourna le regard, incapable de trouver une excuse crédible.

— Tu es retournée te battre, conclut Sacha en russe.

Le regard de Shu-Fang s’assombrit. Il posa ses mains sur ses épaules, la forçant doucement à lui faire face.

— Montre-moi, dit-il d’une voix basse.

Feng voulut fuir. Elle voulut se cacher. Mais elle n’avait plus la force.

— Laisse-la tranquille ! s’emporta Ming. Elle n’a pas besoin de toi !

Personne ne l’écouta.

— Tu sais, murmura Shu-Fang, parfois la vie, c’est trouver quelqu’un à qui on peut dire qu’on souffre, que c’est trop dur.

Son regard la transperça, chargé d’une douceur qui fit éclater les dernières défenses de Feng. Elle hocha faiblement la tête.

Ils se levèrent et gagnèrent la section réservée au personnel. Ming voulut les suivre, mais Sacha l’en empêcha, sa poigne ferme et son regard glacial.

— Ce n’est pas ton rôle.

Derrière le rideau tiré, Feng souleva son haut avec des gestes hésitants. Shu-Fang examina la blessure.

— Allonge-toi, ordonna-t-il doucement.

Elle obéit. Il désinfecta la plaie avec une tendresse surprenante, ôta les agrafes défectueuses et entreprit de la recoudre. Ses doigts étaient précis, assurés, mais son visage trahissait une inquiétude furieuse.

— Depuis combien de temps fais-tu ça ? demanda-t-il.

— De quoi ?

— Depuis combien de temps tu risques ta vie chaque soir pour de l’argent ?

— Ce n’est pas que pour l’argent, souffla-t-elle.

Shu-Fang serra les dents.

— Tu réalises ce que tu fais ? Tu as pensé à ton équipe ? À ceux qui comptent sur toi ? À moi ?!

Sa voix trembla légèrement.

Il souleva son propre tee-shirt, révélant une large cicatrice traversant son torse.

— Moi aussi, j’ai cru aux règles. Jusqu’au jour où un couteau m’a presque coûté la vie.

Respect et loyauté... Ce sont des illusions, Feng.

Il se pencha, effleurant sa joue du bout des doigts.

— Promets-moi de ne plus faire ça. Pas pour toi. Pour ceux qui t’aiment.

Une boule se forma dans sa gorge. Elle hocha la tête.

Shu-Fang déposa un baiser sur son front, scellant sa promesse silencieuse.

— Sais-tu qui t’a attaquée ? demanda-t-il en rangeant la trousse.

Feng hésita.

— Non, répondit-elle finalement.

Elle détourna les yeux. Elle avait confiance en Shu-Fang. Mais certaines batailles, elle devait les mener seule.


Texte publié par Aihle S. Baye, 16 juin 2024 à 11h47
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