Shi Shu-Fang conduisit Feng dans un luxueux restaurant du district de Xuhui, réputé pour la qualité de ses services et sa discrétion. Un lieu que les Triades appréciaient particulièrement pour discuter affaires en toute tranquillité.
— Bienvenue, vous avez réservé à quel nom ? demanda poliment la réceptionniste.
— Shi, répondit Shi Shu-Fang d’une voix posée.
Après une rapide vérification, la femme les guida jusqu’à leur table. Ils s’installèrent dans un coin calme, légèrement à l'écart du reste de la salle.
— Prenez ce qui vous fait plaisir, déclara Shi Shu-Fang en désignant le menu élégant déposé devant eux.
Feng ouvrit la carte : un choix raffiné de mets, composés d'ingrédients rares et savamment travaillés. Ils passèrent commande, puis Feng observa son environnement avec attention : un couple bavard à une table voisine, un groupe d’hommes d’affaires discutant sérieusement au fond, quelques solitaires plongés dans leur repas. L'atmosphère respirait la stabilité, la normalité, une vie réglée entre travail, famille, sécurité. Une vie qu’elle n’avait jamais vraiment eue.
Shi Shu-Fang suivit son regard et, avec un léger sourire, l’assura :
— Ne vous inquiétez pas, ce restaurant appartient à l’Ancien.
— Je suis simplement... prudente, corrigea Feng, en tirant lentement sur le tissu qui couvrait son tatouage.
Son téléphone vibra sur la table, affichant le nom de Ming. Shi Shu-Fang lui adressa un signe encourageant.
— Vous pouvez répondre.
— Ça peut attendre, déclara Feng en coupant l’appel d’un geste sec.
Ce n’était pas un comportement exemplaire pour une manageuse esportive, mais Dragon n'était plus sa priorité. Et bientôt, elle n’aurait plus à maintenir cette couverture.
— Quels renseignements pourrions-nous fournir à la Triade Huo ? demanda-t-elle directement.
Un serveur arriva, déposa les plats méticuleusement dressés et servit un vin d'exception dans des verres en cristal.
Ils mangèrent d’abord en silence, savourant les subtilités culinaires. À chaque bouchée, Feng s’abandonnait brièvement à la richesse des saveurs, se rappelant que même en affaires, certaines choses méritaient d'être appréciées.
Au moment du dessert, Shi Shu-Fang reprit la parole :
— Je souhaite être totalement transparent avec vous. Une véritable alliance demande une confiance absolue.
— Je partage cet avis, répondit Feng, le regard direct. Qu'attendez-vous de mon organisation ?
Shi Shu-Fang reposa calmement sa cuillère et croisa ses bras sur la table.
— Nous souhaitons obtenir des renseignements sur la Russie.
Feng garda une expression neutre malgré le frisson qui parcourut son échine.
— Soyez plus précis.
— Nous savons d’où vous venez. Nous savons dans quel monde vous avez grandi.
Son ton restait posé, sans menace apparente, mais le message était clair : ils connaissaient son passé. Feng n'était pas surprise. Pour établir une alliance durable, chacun devait connaître les forces et les faiblesses de l'autre.
— Vous souhaitez vous implanter en Russie, déduisit-elle.
— Exactement.
— La mafia russe détient le monopole là-bas, et l’homme qui la dirige... est mon père.
Il n'eut pas une seconde d’hésitation.
— Allez-vous nous aider ?
Feng marqua un temps de réflexion. Elle ne pouvait prendre cette décision seule.
— Je vous donnerai ma réponse après avoir consulté mes Hommes. Notre organisation a ses propres projets et je dois m’assurer que votre implantation ne nous sera pas préjudiciable.
Shi Shu-Fang hocha la tête, comprenant la nécessité d’une telle prudence.
— Contactez-moi quand vous serez prête, conclut-il en se levant.
Feng se leva également, ils échangèrent une poignée de main ferme, puis quittèrent ensemble le restaurant, chacun nourrissant l'espoir d'une alliance qui pourrait bouleverser l'ordre établi.
— Où puis-je vous déposer ? demanda-t-il une fois installé au volant.
— À l’atelier Phénix, répondit Feng en lui indiquant la route à suivre.
Elle devait parler rapidement avec ses membres et faire un point sur la marchandise réceptionnée.
Alors qu'ils roulaient, Shi Shu-Fang demanda soudain :
— Pouvons-nous être moins formels entre nous ?
Feng acquiesça, esquissant un bref sourire. Il y avait quelque chose d'authentique chez lui, une forme de loyauté rare dans leur milieu. Mais elle restait sur ses gardes : que cherchait-il vraiment derrière cette collaboration ?
— Nous sommes arrivés, l’avertit-il.
— Je te tiens au courant, promit-elle en descendant.
Il répondit par un clin d’œil avant de s’éloigner.
Feng balaya la rue du regard, salua Xue Yi posté en vigie, puis descendit au sous-sol.
— Commençons, annonça-t-elle en ôtant sa manchette pour s'asseoir à la table.
Tous ses membres étaient déjà présents.
— Nous avons récupéré un kilo de cocaïne, rapporta Arkadi.
— Cela représente 125 sachets de 8g, compléta Vitali.
— À 500 yuans le gramme... soit 4000 yuans le sachet, calcula Feng à voix haute.
— Plusieurs organisations seraient prêtes à nous en acheter, ajouta Arkadi.
— Cherche à en faire des clients réguliers. Cela stabilisera nos revenus, précisa Feng.
— Entendu.
— Une prochaine livraison est prévue pour la semaine prochaine, ajouta Vitali.
— Modifiez le lieu et l'heure du rendez-vous. Ne laissons rien au hasard.
Ils opinèrent, puis Feng aborda le sujet principal.
— La Triade Huo veut des renseignements sur la mafia russe.
— Ils cherchent à s’y installer ? demanda Sacha.
— Oui. Et cela pourrait être notre chance de fragiliser la mafia russe.
— Mais tu hésites, remarqua Vitali.
Feng appréciait sa capacité à lire entre les lignes.
— C’est un pari risqué. Leur ambition ne doit pas entraver nos plans.
Ils donnèrent chacun leur avis. Vitali soutenait l'idée, soulignant la nécessité de bâtir une vraie relation de confiance. Arkadi rappela leur manque de soldats, un point stratégique incontournable. Valia et Sacha proposèrent un échange de bons procédés : des informations contre d'autres précieuses pour Phénix.
Feng écouta, nota chaque remarque. La fatigue se lisait sur les visages de ses compagnons, l’exil leur pesait, mais ils restaient déterminés.
Elle clôtura la réunion et quitta l’atelier, la culpabilité nouant son estomac. Elle retournait jouer la manageuse chez Dragon, encore une fois. Ce n'était pas digne d’une marraine de la mafia. Mais ce rôle, aussi factice soit-il, avait ouvert des portes.
Bientôt, elle quitterait cet univers. Plus que quelques semaines.
Elle ressentit alors un frisson d'excitation mêlé à un besoin viscéral d'adrénaline.
Sortant son téléphone, elle appela Valia.
— Xenia ? répondit aussitôt celle-ci.
— Où se déroulent les prochains combats de rue ?
Elle entendit les doigts de Valia courir sur un clavier.
— Ce soir, dans une usine désaffectée au sud de Xuhui.
— Envoie-moi l’adresse.
— Xenia… ce n’est pas raisonnable.
— Maintenant, ordonna-t-elle froidement.
Valia s’exécuta sans insister. Feng savait parfaitement les risques. Les combats illégaux étaient une excellente vitrine… et un piège mortel. Mais elle en avait besoin, ce soir.
Elle rangea son téléphone, déterminée à maintenir la hiérarchie au sein de Phénix : elle devait rester forte, inaccessible.
— Liu Feng ? appela alors une voix.
Elle se retourna et aperçut Zhang Heng, le PDG de Dragon.
— Des candidats pour remplacer Warren ont déposé leur dossier. Ils vous attendent dans votre bureau.
— Merci, répondit-elle d’un ton neutre.
Elle s’inclina, gagna son bureau, puis s’immergea dans son travail, passant en revue chaque candidature. Une joueuse attira son attention : son profil était impressionnant, ses statistiques remarquables, sa maîtrise de multiples personnages un atout considérable. Feng la contacta immédiatement et programma un entretien pour le lendemain.
Elle ne s’interrompit que lorsque son alarme sonna. Elle s'étira, monta discrètement au deuxième étage pour ne croiser personne, enfila une brassière noire, un short de sport, banda ses mains avec soin, remit sa manchette sur son bras tatoué, puis enfila un sweat noir. Elle compléta son attirail d’un masque, d'une casquette et récupéra son couteau.
Elle quitta le QG sans se retourner. Elle emprunta la porte arrière menant au parking. Bientôt, cette couverture ne serait plus nécessaire. Quelques semaines, peut-être plus. Elle aurait alors rempli sa mission. Et redeviendrait ce qu’elle n’avait jamais cessé d’être : une stratège, une survivante, une prédatrice.
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