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tome 1, Chapitre 11 tome 1, Chapitre 11

C’était une avalanche de sentiment tous tellement contraire. Au quotidien, l’homme dont je rêvais, qui occupait toutes mes pensées, même la nuit, était plus heureux que jamais. Il nageait dans un océan nouveau, comme le plus grand des aventuriers, perçant à jour les secrets d’une grotte jusqu’alors inconnus. Il était épanoui, découvrant en lui quelque chose de vierge jusqu’alors… un cœur amoureux. Pourtant je rongeais mon frein, s’il découvrait une mer jusqu’alors inexplorée, j’étais la tempête qui mettrait fin à ce voyage.

Lorsque je prenais le bus pour venir en cours, j’étais toujours la première à sortir, et il était là, à m’attendre non loin de l’entrée. C’était une intention, un geste envers moi qui me réchauffait le cœur, comme quand, en hiver, il refaisait toujours mon nœud d’écharpe le matin. Cet acte me faisait toujours plus frissonner que le froid lui-même. Désormais, ce qui me faisait frémir, c’était la rage, de voir l’homme que j’aimais, tous les matins, embrasser la fille qui était à ma place. Peut-être aurais-je dû parler ? Je n’en sais rien, jamais je n’aurais trouvé les mots face à Clément, encore moins face à Elyna. Cette fille…elle dégageait quelque chose de si puissant. Je comprenais bien qu’elle possédait une chose que je ne pouvais atteindre.

Ce n’était pas une question de physique, elle avait cette confiance, ce trait terriblement lointain pour moi, celui de la femme fatale. Elle était la copine, j’étais la meilleure amie. Cela ne me convenait pas ? Je devais sourire et m’en contenter. Je me souviens pourtant ces fois-là, où, sous l’exaspération, je levais les yeux au ciel en soupirant alors qu’ils s’embrassaient. Une fois, elle l’a chauffée devant moi. J’étais folle, j’avais envie de lui sauter au cou, de lui arracher les ongles et de reproduire tous les mouvements que Clément m’avait appris. Comment pouvait-elle oser faire ça ?!

Elyna était vraiment étrange. Je l’adorais et en même temps, je la détestais. Elle avait ce que je voulais, et en même temps le choyait comme il le méritait. Je le voyais bien plus souvent avec ce sourire bête… C’est là, à cet instant que je capturais son visage, il n’était pas que ‘’beau’’. Il était lui.

« Qu’est-ce que tu regardes ? J’ai quelque chose sur le visage ?

— Non…juste, t’as l’air heureux.

— C’est vrai qu’en ce moment, je suis plutôt bien. Elyna, elle a un truc, je saurais pas dire quoi, mais…elle a… chercha-t-il.

— Une aura ?

— Ouais ! Tu l’as remarqué aussi ?

— Comment ne pas la remarquer ? soupirais-je.

— Ouh… madame serait en crush sur ma copine ?

— La ferme, ça va pas toi ! J’aime un garçon !

— Ah ouais ? Raconte, il s’appelle comment ?

La conne.

— T’as pas à le savoir ! »

Je ne suis pas quelqu’un qui rougit facilement. Pourtant, ce jour-là, bien habile, aurait été celui capable de trouver plus rouge. Une personne ayant couru un marathon paraitrait blafarde à mes côtés. Un boxeur ayant pris des coups, livide. Un couple, sortant d’un instant de luxure…fantomatique. Cela déclencha un rire chez mon ami qui passa une main sur mon épaule… j’en frissonnais, mon corps avait envie que cela dure, et mon ventre était un four, un feu, un volcan !

« Je vais au ciné avec Elyna, je voulais proposer à Martin et Romain aussi, ça te tente ? demanda-t-il, en m’observant.

— Je…euh. Je te redis, salut ! »

Prise aux dépourvues j’avais fuis. Je sentais une chose étrange en moi. J’étais terriblement excité par ce contact. Par cette invitation, la colère se transformait en désir. Savoir que j’allais être avec Clément, dans le noir…même avec Elyna non loin, cela me rendait folle. Son regard sur moi, cet échange de quelques secondes…putains. Je dois lui dire que je l’aime.

X

Je ne me souviens pas de ce que nous sommes allées voir ce jour-là. Je me rappelle cependant l’énième débat sur le vainqueur des oscars de cette année. Evidemment Martin penchait pour ‘’1917’’. Cinéphile de première, nous prenions son partit, mais Clément avait une sacrée défense avec ‘’Jojo Rabbit’’. Aucun des deux n’en démordait, et ni l’un ni l’autre ne voulait cracher le morceau. Je riais aux éclats avec les cinéphiles, pendant qu’Elyna discutait avec Romain de Nietzche. Avec un fana de Philosophie comme lui, je n’arrivais jamais à suivre…elle, évidemment, réussissait sans mal. Elle coinça mon ami dans ses contradictions. J’aurais aimé pouvoir discuter seul à seul avec Clément, mais impossible avec tout ce brouhaha. Je glissais tout de même un petit mot, par-ci, par-là… Finalement l’attention fut portée sur ma personne et, réunissant mon courage, j’osais lui dire que j’aimerais parler d’un truc après le film.

Je sentis le regard de sa copine sur moi, elle m’observait, vu la ‘’femme parfaite’’ que c’était, évidemment, qu’elle avait déjà tout deviné. Pourtant, elle ne dit rien, atteignant le comptoir après avoir pris nos places, nous commandions Pop-corn, bonbons, et autres boissons sucrées pour passer une excellente séance. Clément ne prit rien, il nous expliqua qu’il cherchait à être en meilleure forme pour la boxe. Finalement, deux grands Pop-Corn, un café pour moi et quinze euros en moins, nous prirent la direction de la salle de cinéma. Sur le chemin, je sentis mes jambes trembloter, Clément était si proche… j’avais chaud, j’avais envie, je réfléchissais encore et encore à ce que j’allais dire, à ce que j’allais faire. Il fallait cependant que je me calme, prétextant une envie pressante, je pus m’éclipser aux toilettes. Je devais respirer un coup avant de mettre mon plan à exécution.

Me rapprocher de Clément durant la séance.

J’en avais parlé avec ma sœur la veille, cette situation me rendait folle et être honnête serait la meilleure chose à faire. Lui faire comprendre mes intentions, puis tout lui avouer ! Tête baissée, je m’aspergeais le visage pour calmer le feu brulant en moi, seigneur le stress était si intense, mes jambes étaient toute molle dès que j’étais proche de l’homme dont je rêvais et de sa louve. Je n’arrêtais pas de penser qu’il devait ressentir ça sur le ring. Je me souviens encore avoir presque crié quand, en me redressant, je la vis dans le miroir.

« Salut. Dit-elle.

— Hey. T’es pas dans la salle ?

— Non, je viens me repoudrer le nez, comme toi. Tu vas bien ? T’as l’air ailleurs.

— Ouais, je suis juste un peu malade…

— Oh non, pas le covid j’espère ? plaisanta-t-elle.

— Non j’espère pas !

— Blague à part, j’aimerais être honnête Louise, je peux te parler sérieusement deux minutes ?

— Bien sûr, dis-moi tout…

Merde, elle a tout deviné et va me rentrer dedans, va me dire que je suis une affreuse meilleure amie et va tout aller raconter à Clément. Évidemment qu’elle le sait, elle sait tout, c’est une sorcière…il l’appelle comme ça !

— Je me méfiais de toi au début. C’est jamais agréable de voir son copain avec une meilleure amie. Je sais que c’est bête et irrationnel. Mais, plus je te vois, moins j’ai cette peur. T’es une bonne personne, et je suis désolé de m’être méfié. On ne s’est jamais vraiment fait la guerre, mais… on fait la paix ?

Toutes deux gênée, je cherchais une réponse, mais, avant que je ne puisse parler, une alarme retentit sur son téléphone. Posant presque immédiatement son sac sur le lavabo, elle fouilla à l’intérieur et en sortit une plaquette de médicament.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Je euh…Clément ne le sais pas encore, mais…j’ai une maladie assez grave.

— Merde ! Qu’est-ce que c’est ?

— Une Thyroïdite de Hashimoto. C’est un souci hormonal…j’ai souvent des sauts d’humeurs à cause de ça, c’est pour ça que j’avais un peu peur de te parler, je voulais pas, t’agresser.

— Je, euh…désolé ? Je peux faire quelque chose ?

— À part si tu t’appelles Jésus, non. Pouffa-t-elle en avalant son cachet.

— Écoute, pour Clément… moi aussi je me méfie. Je n’ai pas envie qu’il soit blessé par cette relation…c’est vraiment un gars bien ! Mais je vois que tu veux bien faire, occupe-toi bien de lui d’accord ? »

Elle ne me répondit pas, en tout cas, pas avec des mots. Toujours dans son rôle de femme fatale, le clin d’œil fut sa première réponse, puis les toussotements, et enfin, un sourire charmeur. Elle avait quelque chose, cette fille, Clément l’avait bien trouvé, pensais-je… le ressentiment mis de côté, cette fille souffrait de quelque chose de grave. Qui étais-je pour lui prendre celui qu’elle aimait ?

La séance se passa à merveille, je fis finalement le choix de m’installer à côté de Elyna, à deux places de Clément. Je crois m’être presque endormie tant toutes les émotions contraires se calmant m’épuisèrent. Je n’en pouvais plus de ce feu en moi, encore moins de cette colère. Fermer les yeux était un moyen d’atténuer tout cela… je me sentais comme une enfant. Si je me cachais les yeux, personne ne me verrait plus, si je ne voyais pas le problème, le problème disparaissait. La main dans le sceau de pop-corn, j’essayais d’en piocher pour faire passer le goût âcre et dégueulasse du café froid avec celui doux et envoutant du sucre. En enfonçant ma main, j’y sentis une autre… mince. L’espace d’un instant, je crus qu’il s’agissait de Clément, je sentis mes doigts tressaillir, j’en perdais le contrôle…je ne pus m’empêcher de légèrement caresser la mimine. Bien trop tendre pour qu’il s’agisse de celle de mon boxeur, mais… elle était douce.

« Je sais pas de quoi tu rêves, mais ça doit être sympa, soupira Elyna à mon oreille en retirant sa main du sceau. »

X

« Alors, dis-moi Louise, tu voulais me parler de quoi ?

— Euh…je… »

Merde.

Sortir du cinéma fut tout aussi compliqué qu’y rentrer. Si, lorsque nous devions choisir le film, mes jambes étaient molles par la simple présence de l’homme que j’aimais, le moment de quitter la salle devint une épreuve à cause du regard de sa louve. Je le sentais, plus pesant encore qu’à l’entrée. Ce n’était pas celui d’un animal prêt à bondir pour me tuer, mais celui d’une créature dangereuse, amusée par le comportement d’une autre plus faible. Elle avait le dessus sur moi, que pouvais-je faire ? Et maintenant, face à Clément ! Je n’allais tout de même pas tout lui avouer maintenant ?! J’avais prévu cela, mais je ne pouvais pas faire une chose si horrible à quelqu’un de malade…

« Je…je voulais te souhaiter tout plein de bonheurs avec Elyna.

— Oh ! Merci, ça me fait super plaisir ! C’est un peu nouveau tout ça et, j’ai pas envie de faire de la merde. Elle m’a dit qu’elle se méfiait un peu de toi, j’essaye de la rassurer comme je peux, et je te promets que je veux pas mettre de distance entre nous… je veux pas perdre ma meilleure amie.

— Meilleure amie…

— Ouais tu l’es ! T’es quelqu’un de formidable, de drôle, d’attachant, tu me motives mille fois plus que n’importe qui pour la boxe. Le dessin aussi, t’es l’une des plus belles choses qui me soit arrivé. Tu es quelqu’un que j’aime vraiment Louise. »

Il y a des gestes qui, universellement, qu’importe le moment, la relation, l’âge…font du bien. J’en voulais à la terre entière, j’avais envie d’exploser, mais, les larmes qui commençait à couler, furent dissimulées quand je le pris dans mes bras. Enfouissant mon visage contre son épaule, je le serrais en essayant de garder mon souffle. Impossible, hurler…j’avais besoin de hurler. Pourtant, la seule phrase qui sortit de ma bouche fut :

« Moi aussi je t’aime Clément. »

Des mots qui ne pouvaient sortir dans un autre contexte. Des mots brulant, qu’il ne pouvait comprendre, les œillères qu’elle lui avait mis étaient désormais bien installés. Moi, j’étais derrière, un être incapable d’avoir ce qu’elle voulait. Se cantonner au rôle de meilleure amie était désormais ma croix…

Le barrage de mes yeux céda à mon premier pas en direction de chez moi. N’ayant pas pris la peine de dire au revoir aux autres. Encore moins à la louve… j’enchainais les insultes mentales. Pas envers elle, non, ça serait trop simple. C’est moi que j’insultais. J’étais la conne, celle à ne pas l’avoir embrassé, celle qui si j’avais sauté le pas, aurait tout eu. Elyna était un monstre, une voleuse, une connasse. Mais moi j’étais une faible, une lâche, une conne.

« Eh ? T’es toujours avec moi ? demande Clément sur mon canapé.

— Euh, je…ouais, désolé.

— À quoi tu penses ?

— C’est pas important, laisse tomber.

— Louise, je te connais depuis assez longtemps pour voir quand cela ne va pas. Dis-moi, s’il te plait.

— C’est bon ! cri-je presque. Finis de parler d’elle.

— Okay…désolé. Juste, je suis paumé, je sais pas quoi faire.

— Aller avec quelqu’un qui te respecte et qui est en bonne santé.

— Eh ! Elle avait pas le choix d’être malade.

— Mais elle avait le choix de bien te traiter !

— On grandit, on a le droit de faire de la merde ! justifie-t-il.

— Ah ouais ? Et pendant ton dernier combat ?!

— Elle est pas toute blanche okay, mais moi non plus.

— C’est pas avec elle que t’as des comptes à rendre ! »

Soudain, je me lève furieuse, je vais exploser, je sens en moi toute la haine envers cette femme qui remonte… tout le ressentiment, ce que j’aimerais dire à Clément. Je ne veux pas briser le peu d’amitié qu’il nous reste. Mes pieds tapent contre le bois du sol, j’aimerais sortir de la pièce, mais il comprendrait tout.

J’ai une tendance, un peu bête peut-être. J’adore imprimer les photos. Les avoir sous la main, pouvoir les regarder et me remémorer ces moments passés avec des gens que j’aime. J’ai un polaroid posé sur une étagère. Je l’emmenais parfois avec moi. Attachées à une guirlande, certains clichés trônent là comme des trésors suspendus. Avec Cécile, avant qu’elle ne parte à l’étranger, avec Martin à son mariage. Avec Clément aussi, lorsqu’il a emménagé ici.

Mais les photos les plus importantes sont celles encadrées. Il y en a sur mon bureau, sur mes étagères, et les plus importantes sont placardées au mur. Entre une bannière de ma série préférée et ma télévision, se trouve, l’un de mes plus beaux souvenirs.

Tous deux au milieu d’un ring, moi sur ses épaules, les gants ficelés autour de sa nuque, Clément sourient…fière d’avoir remporté son premier combat. Moi, je souris. Encore maintenant je souris…ce soir-là, c’est le soir où je lui ai tout dit.


Texte publié par Charly, 22 mai 2023 à 23h32
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