«

»

Mon poing en un instant se referme, je sais qui est ce type, et je sais également ce qu’il compte faire. J’ai bien assez regardé ‘’Retour vers le futur’’ pour savoir qu’il ne faut pas répondre au mal absolu. Repenser à cette bagarre suffit à me mettre hors de moi, repenser à la douleur de ces coups… c’était mille fois plus violent que tous ceux que j’ai pris lors de ma, courte, carrière pro. Pourtant, la rage que je ressens en repensant à Elyna dans les bras de ce mec… calme, je dois me calmer.

« Qu’est-ce que tu me veux ? demande ma voix, plus ferme.

— Un sparring, ça te tente ?

— Je ne boxe plus.

— Rho ! Aller ! J’ai rejoint ce club pour t’affronter, j’ai perdu beaucoup de poids pour être comme toi un poids moyen. Trois rounds, en souvenir de notre bagarre au lycée !

— J’ai dit non, ça ne m’intéresse pas, si t’es pas passé à autre chose depuis le lycée, si ça t’ennuie toujours qu’Elyna ait beaucoup parlé de moi, pendant votre relation, j’en ai rien à faire. Salut »

En moi, une ébullition. La même qu’à la Taverne du troll, si j’avais un verre dans les mains, il finirait dans le mur, ou écrasé dans ma paume. J’ai toujours eu du mal à maitriser ce feu, l’éteindre était terriblement douloureux. Aujourd’hui, je ne peux qu’essayer de sortir. Le froid de l’extérieur m’aidera, j’aimerais qu’il pleuve, arrêter de tout chambouler aujourd’hui, ne pas tout casser. Ne plus rien foutre en l’air comme à chaque fois qu’elle revient. J’ai envie de la voir, et si je lui envoyais un message ?

« J’en ai rien à foutre de cette pute. Je veux juste t’affronter.

Je m’arrête net, mon souffle devient plus chaud, l’ébullition est finie, je brule.

— Ne parle pas comme ça d’elle !

— Où sinon ?

— Je t’éclate où tu veux quand tu veux ! hurle ma voix.

— Alors, viens ! Sur le ring, maintenant !

— Lars, mon short est toujours dans ton casier ? »

X

« Le combat se fera en trois rounds de trois minutes. Casques et protège-dents. Une minute entre chaque round. Les coups sous la ceinture sont interdits. Soyez respectueux messieurs, annonce l’adhérant jouant le rôle d’arbitre. »

Le coin du challenger. Cela faisait longtemps. Le cœur qui palpite, le sang qui pulse, que je sens passer partout dans mon corps. Dans ma tête, autour de mes yeux, dans mes poings, mes bras, mon entrejambe, mes mollets. Je suis flasque et tendu à la fois. Mon souffle est plus calme. Je suis prêt. Je le sens. Mes gants noirs sont bien ficelés autour de mes poings, mes chaussures bleues, bien lacées autour de mes jambes. Mon short brodé, entoure mon bassin. C’est Louise qui y a ajouté une flèche, accompagnée de mon nom. Clément ‘’La flèche’’ Mucca. Nous avions trouvé ce surnom quand j’étais encore en amateur, mes jabs partaient comme des flèches… je me battais de loin, un véritable out boxeur. Une grande inspiration. Ça, c’était avant, je vais coller Rémy et l’envoyer au tapis. La cloche sonne, j’expire et me retourne.

Nous nous approchons, jaugeons la distance. Torse nu, malgré les casques, nous apercevons le corps de l’autre. J’ai grossi, il a maigri, c’est un athlète, je suis un chômeur. Ma première flèche file, un tir terriblement précis. La pointe s’écrase dans les défenses, en réponse, il tente un direct. Je l’esquive facilement et réponds par une flèche. Cette fois je l’atteins au menton. Il se remet en garde et envoie un crochet, trop ample !

Je passe au-dessous de son poing et envoie notre coup à Lars et moi. S’il pensait pouvoir insulter Elyna impunément, il se trompait ! Je vais lui faire mordre la poussière ! Enfoiré ! Mon poing s’écrase… dans son coude. Le mur de Berlin a été reconstruit et est plus résistant que jamais. Je tente un crochet au visage, je continue mon enchainement tout de même, mais il bloque et me contre.

Sa gauche s’enfonce dans mon casque, je sens mes dents résonner, ma mâchoire encaisser, mes jambes me lâcher. Les lattes du ring laissé rebondir mon corps las de tout cela. Ma tête rebondit, dodeline, ma nuque n’est plus vraiment entrainée. Le décompte commence.

« Un ! »

Pourquoi faire tout ça ? Il a insulté Elyna et alors ? Elle s’était mal comportée avec moi.

« Deux ! »

Je peux rester allongé, je devrais faire ça.

« Trois ! »

Lars me virera pour de bon…j’achèterais un sac pour chez moi.

« Quatre ! »

J’aimerais quand même lui casser la gueule à ce type.

« Cinq ! »

Il n’a pas fait que lui manquer de respect… il est sorti avec, il est censé l’avoir aimé !

« Six ! »

Quand j’ai pris un Down lors de mon premier combat pro…elle avait dit quoi ?

« Sept ! »

Je savais que tu te relèverais, t’es trop borné pour abandonner.

« Huit »

Elyna…

« Neu…

— Je peux continuer ! Je suis en état ! »

Dis-je à l’arbitre qui m’examine rapidement avant de déclarer la reprise du combat ? Une minute est passée dans le premier round. Encore deux de répits avant que Lars m’engueule.

Mes flèches ne sont plus ce qu’elles étaient, est-ce mon arc qui n’est plus tendu ? Quand ai-je tant perdu en précision ? Mes jabs ne touchent plus leurs cibles. J’en suis si proche pourtant ! Je suis toujours souple et j’arrive à esquiver, c’est un reste de ma relation avec Elyna, j’imagine ? Esquiver le conflit était devenu monnaie courante. Je sens quelque chose contre mon dos… je suis dans le coin ? Cela me rappelle un mauvais souvenir !

« Barre-toi de là ! hurle Lars »

Trop tard, la grosse Berta est déjà en position et fait feu, mon corps est secoué par des crochets, si j’avais déjeuné j’aurais envie de le renvoyer. C’est donc ça se prendre des coups ? J’avais oublié cette sensation. En fait, je n’en ai jamais vraiment pris depuis le lycée. Mes boyaux se saluent les uns les autres, rencontrant des organes qu’ils n’étaient jamais censés croiser. L’intensité de chaque coup me rapproche de plus en plus de l’inconscience. Perdre pied n’est pas une option, ce type m’énerve, la réflexion qu’il vient d’avoir… bâtard !

Il envoie un ‘’une deux’’ l’enchainement le plus basique. Son direct est violent, il vise mon visage, si je le prends je tomberais à nouveau ! Je remonte ma garde… mais mon ventre est exposé et cette fois, je tombe sous la douleur. Mon plexus… j’arrive plus à respirer. Je sens mon corps lourd, je chute de nouveau. Rémy recule pour observer son œuvre, je ne vais pas lui laisser ce plaisir !

J’envoie ma flèche. Il recule prestement, il a failli se faire transpercer. Il répond par un gauche, mais nous sommes plus loin qu’avant, je tape son gant avec le mien pour le dégager et renvoie mon poing.

Le gong sonne la fin du round juste au moment où j’allais lui enfoncer ma flèche dans le nez.

« T’as vraiment fait de la merde, me grondes Lars.

— Je sais…

— Vide-toi la tête. Arrête de penser à une fille, et arrête de le coller putain, on croirait que tu veux le serrer.

— Je vais rester plus loin d’accord.

— Défonce-moi ce lourdaud, après tu pourras m’emmerder avec toutes les femmes de la création.

— Merci Lars. »

Je me relève, prêt à continuer, tournant la tête un instant, je la vois, aux côtés de mon coach, celle dont je défends l’honneur, en hommage à ses mots que j’ai reçus.