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tome 1, Chapitre 5 tome 1, Chapitre 5

« Espèce de petit con ! Je t’ai déjà dit que je ne voulais pas te revoir ici ! »

Jab, jab, cross, esquive en me baissant, crochet du gauche au corps, uppercut du gauche. L’impression d’être de retour sur le ring me prend aux tripes. J’enchaine sans m’arrêter le pauvre sac de frappes qui, en plus d’essuyer chaque jour des milliers de coups, subit désormais les assauts répétés d’un chômeur de vingt-deux ans, frustré par son ex. J’entends, par-dessus la musique bien trop forte dans mes oreilles et le son métallique de la chaine retenant le sac de sable, la voix de mon coach. Il m’a toujours gueulé dessus de toute manière. Comment pourrais-je lui en vouloir ? Au début, c’était un passe-temps, puis après ma rupture… Il avait une boule de colère à façonner. Je vais lui montrer ce que l’on a travaillé ensemble !

Mon anatomie est étrange. Je ne suis pas vraiment moche aux dernières nouvelles, bien que mes quelques poils se battant en duel au niveau de mon menton aient toujours était sujet à la blague. Je ne suis pas si grand. Le saint mètre quatre-vingt est atteint, mais pas dépassé. Je colle souvent mon adversaire, je ne sais pas pourquoi je fais ça, quand j’étais pro, je me tenais à distance. Mes bras sont immenses, Louise me disait que c’était la seule chose presque aussi longue que ma…eh, pour une fois je ne pense pas à Elyna ! Mes longs membres supérieurs me permettent de tenir à distance n’importe qui, pourtant, avec Lars, mon coach, on a développé un coup. Un truc, ‘’à nous’’. Entre poulain et entraineur.

D’abord, je dois esquiver un direct en me penchant sur le côté. Ensuite, faire pivoter tout mon corps pour placer un coup au foie. Mon adversaire se plie de douleur, et j’enchaine avec un crochet au visage. Enfin, un uppercut au menton. C’est avec cet enchainement que j’ai gagné mon premier combat pro.

« Ton crochet au visage était trop ample, il pouvait être bloqué, soupire Lars incapables de s’en empêcher.

— Désolé, c’est ça de plus être dans le milieu.

— Tu continues de courir ?

— Évidemment. Corde à sauter aussi, les mêmes circuits, dis-je sans même être essoufflé.

— Pourquoi t’as arrêté ?

— Tu m’as dit de dégager d’ici non ?

— T’étais excellent petit con. T’as gagné ton premier combat pro par KO au second round, aucune défaite en amateur, et tu t’es couché.

— Je me suis pas couché…

— T’es tombé à la première reprise parce que ta copine et toi vous vous êtes disputés. »

Il y a toujours deux faces aux choses : Tout le bien que l’on peut en tirer, et tout le mal qu’il peut nous apporter. La boxe, ça fait partie de ces trucs ou, il y avait tout le bien du monde, et rien d’autre. Ça a toujours était comme une sorte d’échappatoire, que ce soit quand ça n’allait pas dans ma première relation, ou après ma séparation. Mon premier combat pro…

« Tu penses que ça va aller ?

— Depuis quand tu t’inquiètes pour moi ?

— Depuis toujours gros malin, je t’aime, je n’ai pas envie que tu te fasses casser la gueule. M’a-t-elle dit.

— Sacrée confiance. Pouffais-je. »

Elle avait voulu répondre, mais, je me suis levé. Torse nu, la perte de poids rapide avait fait son effet, j’étais pile assez léger. Jamais elle n’avait autant bavée sur mon corps qu’avant la pesée. Le gant posé au niveau de son cœur, je lui ai souri, et je suis parti en lui rappelant de prendre son médicament.

J’ai gagné par KO au premier round ce soir-là.

Tout le mal est arrivé après. Le soir de mon deuxième combat…

« Eh ! je te parle ! cri mon coach.

— Désolé, je…

— Arrête de penser à elle, ici t’es loin de tout ça.

— Je sais, je sais. Je devrais rentrer, il va se faire tard. »

J’aimerais lui parler de la lettre, mais…non. Ce n’est pas le moment.

« Salut les gonzesses ! »

Une voix détonne derrière moi, elle est forte et je la connais. Pourtant, à part Lars, je ne parlais à personne ici. Détournant le regard, mes yeux croisent ceux, bleu cyan, d’un inconnu de visage. Sa voix étrangement, me parle toujours autant lorsqu’il salue d’autres boxeurs.

« C’est qui ? J’ai l’impression de le connaitre.

— Remy, il a rejoint le club juste après ton départ. Il n’est pas mauvais, répond Lars en me tendant ma bouteille d’eau.

— On a dû se croiser, mais il me dit quelque chose…

— J’y crois pas ! Clément ! cri l’inconnu presque connu.

— On se connait ?

— Tu ne te souviens pas de moi ?

— Non du tout désolé.

— Merde ! J’aurais pensé. Je ne peux pas oublier ta tête, moi, et puis… on m’a tellement parlé de toi !

— Oh, je suis une star ici ? tentative ratée de plaisanterie.

— Non, Elyna elle n’avait que ton nom à la bouche ! »

Les souvenirs parfois nous jouent des tours. Impossible de me remémorer l’endroit où j’ai vu pour la première fois ce type. Sa voix pourtant dessinait une époque très précise : le lycée. Je me rappelle très bien avoir fait face à ces sons. Je sentais comme un malaise jusqu’à ce qu’il me parle. C’est lorsqu’il abat ce nom sur la table que le souvenir devient plus clair. Que la personne face à moi sort de l’ombre de ma mémoire et, que je me rappelle la machine à café.

Il y avait, dans mon lycée, deux machines à café. Posée, l’une à côté de l’autre, à la fine frontière entre les bâtiments professionnels et ceux des généraux. Lorsqu’une des deux tombait en panne, le ciel tombait sur la tête des pauvres lycéens. Plus aucune goutte du précieux nectar marron, hors de prix et aussi bon qu’un bouillon d’os de veau. Mon addiction tient peut-être de mon masochisme, retournant continuellement vers une liqueur qui, en plus d’être amère, manquait de gout si l’on n’appuyait pas trois fois sur le bouton ‘’plus de sucre’’. Lorsque cette lubie de faire plus attention à mon alimentation pour le sport m’a pris, j’eus envie de stopper le sucre dans le café. Par extension j’arrêtais de lâcher quotidiennement quatre-vingts centimes pour user et surabuser du thermos présent chez moi et de la cafetière de mes parents.

Cependant, ne pas acheter quelque chose ne m’empêchait pas d’y accompagner mes amis, en particulier lorsque ceux-ci débattaient inlassablement du dernier film sorti ou du remplacement probable de notre existence par des IA. Il faisait chier Romain avec les robots, mais il nous en a tellement appris. Ce jour-là, je ne sais plus exactement de quoi l’on parlait, peut-être d’une série où…ce n’est pas important.

Une petite semaine s’était écoulée depuis ma rupture. Je l’avais entraperçue de loin, impossible de chasser l’envie de la griffonner sur mon carnet à dessin. Facile d’arracher les pages où l’envie devenait trop grande pour être refoulée. Aujourd’hui, elle était là, pour prendre son café noisette avec deux doses de sucre. Et il était là, ce grand gaillard, épais comme deux joueurs de rugby. Mon remplaçant. Il a bousculé Romain, il l’avait fait exprès, et je revois très clairement le café tomber sur mon ami. Puis le son du rire gras du mal absolu resonné dans mes oreilles. S’il ne fallait pas déconner avec moi, car je me battais souvent, c’est Martin qui m’a surpris et qui l’a poussé.

« Regarde où tu marches toi !

— C’est bon Martin, je vais m’en acheter un autre…

— C’est bon mec, calme-toi, ai-je dit pour apaiser mon ami. Il a juste pas fait exprès.

— Vous êtes sur mon chemin. Barrez-vous.

— Répète un peu pour voir ?!

— Martin ! Martin, oh ! Calme, c’est bon. On se casse mec. On veut pas d’embrouille.

Je pensais l’histoire réglée après ça, mais, lorsque j’ai pris mon ami par le bras et que je suis passé non loin…’’d’elle’’, il m’a retenu avant de me pousser.

— T’approche plus d’elle.

— Mais dégage, on t’a rien fait ! Laisse-nous.

— C’est bon Remy. Laisse-le… soupira-t-elle.

— C’est ça alors ? Les tas de gars comme moi ?

— Toi commence pas ! Remy c’est bon, on y va !

— Et ton café ? »

Elle ne prit même pas la peine de lui répondre et partit en trombe. C’est là que la guerre froide commença entre elle et moi. Elle était le régime communiste, j’étais l’Amérique. L’armée rouge était chaque jour de plus en plus forte et continuellement plus vicieuse. J’aurais aimé rendre coup pour coup, mais, dans cette guerre, bien que j’eusse était le camp de l’Amérique… la crise des missiles nous avait valu la séparation, et cet homme aux proportions de murs était celui de Berlin. Il devait chuter un jour, et c’est à cette date que je compris la violence qu’il avait fallu pour faire ce mur en quatre-vingt-neuf.

Machine à café du lycée polyvalent Pyrène. Quinze heures, vingt-sept.

Ce moment où, tout dérape. Où tout le mal d’une chose apparait. Ce moment où, pour la première fois, on se bat en dehors d’un ring, sans règles. Tous les coups sont permis, en particulier ceux qui sont interdits. Pas besoin d’une bonne raison pour se battre, juste d’un prétexte pour l’expliquer aux autorités. L’erreur était peut-être mienne, me relever trop vite de la machine, me retourner sans vraiment regarder, et renverser mon café sur Remy.

Mille excuses n’auraient pas suffi pour apaiser la colère de cette bombe nucléaire. Mon dos s’écrasant contre la machine à café me fit mal, son poing qui se serait écrasé contre mon visage…fut repoussé. J’avais relevé ma garde, Lars m’avait appris à faire ça. Lui était presque bras ballant, alors ma gauche fila et lui écrasa le nez. Un coup, et il recula, un pas en avant, une autre gauche, et il tomba au sol. Toujours rester en garde, détendre ses épaules, il était plus lourd, je ne devais pas m’en prendre une.

« Connard ! »

Avait-il crié en attrapant mes jambes pour me soulever et m’emmener par terre. Mes jambes ont toujours été un point clé de mon physique, j’avais confiance, elle était forte, me permettait de frapper violemment…et désormais elle quittait le sol. La sonnerie annonçant la récréation sonna lorsque mon dos heurta le sol. Je devais me relever, je devais me battre !

Il frappait comme un demeuré, aucune technique, mais tellement de force que, je ne savais pas quoi faire. Enfin si, je devais me relever, mais, comment ? Je protégeais ma tête, rentrais mon menton, essayais de pas me prendre de coup au corps… mais finalement, j’ai vu rouge aussi. Au diable la technique, je l’ai collé pour le frapper avec mon gauche. Jusqu’à ce que la douleur soit trop grande et qu’il se relève pour reprendre son souffle. Je le suivis dans son mouvement, mes oreilles bourdonnaient, je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Son nez pissait le sang après mes jabs, et il tentait un crochet pour me garder éloigné, c’était le moment !

Mon corps se plia, passa sous son bras, et le coup au foie s’écrasa dans sa cible. Plié en deux par la douleur, Fat man me paraissait bien moins effrayant, le crochet au visage qui suivit lui fit perdre l’équilibre, et je le terminais avec un uppercut.

La respiration saccadée, le corps fatigué par…même pas un round. J’observais Little Boy que je venais de coucher avec notre coup à Lars et moi. Soudain, je me rendis compte du monde autour, c’était ça le brouhaha ? Mes mains, couvertes d’un peu de sang, le mien comme le sien, tremblaient. J’étais perdu, les surveillants allaient arriver, j’allais être arrêté. Je devais fuir, mais elle était là. Observant la scène sous le choc. Mes mots lui furent destinés alors qu’enfin, un adulte arriva.

« Tu mérites mieux qu’un gars comme ça Elyna. »


Texte publié par Charly, 31 mars 2023 à 12h10
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