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tome 1, Chapitre 3 « Chapitre 3 » tome 1, Chapitre 3

Il y a des jours comme celui-ci, où, tellement de choses se bousculent dans notre tête, tant de pensées, de mots, d’action, qu’aucune n’ose sortir. Ces longues secondes de mutisme qui suivent une chose inattendue. Le long silence de tout le monde quand j’ai annoncé mon départ. Tous ces yeux braqués sur moi telles des arbalètes me tenant en joue. Qui finirent par tirer leurs carreaux seulement des heures après. Puis-je rester comme cela aujourd’hui ? Ne rien dire et regarder ma tante avec mes grands yeux. Non. Je ne peux pas faire ça, tout le monde se poserait des questions.

« Pourquoi me regardes-tu comme cela ? demande l’archère de génie.

Je vois qu’elle s’en pose déjà.

— Je te demande pardon. Tu l’as vaincu si facilement.

— Fleur, murmure Frédéric. Lâche ce garçon s’il te plait.

— Ils ne nous feront pas de mal ?

— Je vous promets à tous, personne ne vous fera le moindre mal. Annonce fièrement le chevalier chimère. »

Cet homme est sûr de sa puissance. Son sourire fier, sa dentition parfaite malgré de nombreux combats. On croirait voir une peinture représentant un dieu. Un être parfait, dont même le sang ne se verrait pas sur sa peau couleur ébène. Le chevalier chimère rentre parfaitement dans cette description parfaite que m’en avait faite ma tante. Son chapeau à plume désormais relevé laisse apparaitre un nez assez fin, des lèvres entourées par une toute petite moustache et une barbe bien taillée. Moins costaud que Frédéric, ses muscles ne sont pas aussi imposants, mais il suffit de poser ses yeux sur le cou du chevalier… C’est un bœuf. Son cou est celui d’un taureau. Son corps est couvert de divers vêtements, rien cependant qui colle à la description faite par sa protégée du futur.

« Que fait une Hyranes avec vous ?

— Une Hyrane ? Où ça ? Cri presque l’enfant qu’écrasait Fleur il y a quelques minutes.

— Léo ! Que t’ai-je répété cent fois ?

— Un roi, ça doit bien se tenir et ne pas crier… »

Le roi des Hyranes ne peut pas être cet enfant. Mes grands-parents paternels ont réalisé un schisme au sein de notre race. Nous vivions avec les Aranes, un peuple de créatures mi-êtres, mi-animaux, mes grands-parents ont refusé de les attaquer pour prendre leurs territoires. Le roi, l’Hyrane le plus fort, les a chassés, eux et tous leurs sympathisants, ils sont ainsi venus ici, et avec le possesseur de la pierre de la terre, ont créés ce village protégé des montagnes. Jusqu’à l’assaut d’Hyranes ennemies tuant mes grands-parents, seul mon père y a survécu, il était prince pas roi, qui plus est, il s’appelait Léonard Sparkel, pas Léo… Oh !

Je reste bête après toute ma petite théorie ridicule. Face à moi, c’est mon père, oui. Cet enfant aux cheveux châtain à peine plus foncé que les miens, c’est celui dont je tire mon sang. Comment puis-je en douter ? Ce garçon, il est comme moi : il regarde la femme qu’il aime avec des yeux remplis d’étoile.

Ma mère ne le remarque pas, évidemment, trop concentrée à foudroyer Sakoto des yeux pour ce qu’elle a fait à son preux chevalier. Ma tante, placide, ne daigne accorder un regard à la princesse. Personne en réalité n’observe Léonard à part moi, ses cheveux coupés assez cours crépite d’une toute petite flammèche… Je m’approche de lui, mais Georges me barre la route avec son Bassentô.

« Pas un pas de plus, je connais Frédéric, mais qui es-tu ?

— Je m’appelle Rose, j’ai rencontré Frédéric et Fleur dans le désert, enchanté, s’en suis évidemment une révérence. (Que je déteste les politesses absurdes.)

— Rose, comment s’appellent tes parents ?

— Euh… »

Sakoto m’avait parlé de la perspicacité de cet homme, il était selon ses dires l’homme le plus fort d’Elvene, capable de vaincre Butch le plus fort des dieux en combat singulier. Au début je croyais à des rumeurs, puis j’ai rencontré ce fameux Butch. Il ne faut jamais rencontrer les parents de son meilleur ami, parait-il, lorsque Simon m’a parlé de son père comme d’un homme plutôt fort, je ne m’attendais pas à rencontrer un dieu. Alors ce Georges, dans sa jeunesse, a vaincu le père de mon meilleur ami ? Je ne vais pas le provoquer. Alors que dois-je répondre à cette question ? J’aimerais que le silence soit une réponse valable, surtout devant un public qui évidemment regarde le grand chevalier. Foutue pour foutue, autant être honnête.

« Mon père est mort lors du massacre, ma mère est morte en couche, ce sont des amis de la famille qui m’ont élevé.

— Oh, je vois. Pardonne ma question, tous les Hyranes ne sont pas forcément bons… »

La pression redescend comme elle est montée, le soupir de soulagement que je laisse échapper ne semble pas déranger le chevalier chimère, cependant, ma tante se rapproche de son frère pour le protéger. C’est amusant, ils ne se ressemblent pas beaucoup, Sakoto est la seule à avoir des yeux bridés… un instant.

« Vous êtes frère et sœur ?

— Nous n’avons pas de lien de sang, mais nous nous considérons comme telles oui, répond avec automatisme Sakoto. »

On lui pose souvent la question vu sa voix monocorde, même dans mon époque, que ça fait bizarre de dire cela, elle n’était pas aussi froide et expéditive dans ses phrases. Sakoto n’est pas quelqu’un de très démonstratif, pourtant, à chaque fois qu’elle me parlait de mon père, elle l’était. Sa voix devenait plus chaleureuse, son œil aussi humide que lors de mon départ. Ses mains, déformées de cornes à cause du frottement avec la corde de son arbalète, se mettaient à trembler. Mon père est quelqu’un à qui elle tenait profondément. Un ami, un frère… ah Sakoto, que je suis heureuse de t’avoir devant moi.

X

« Je vois ! La créatrice de la pierre de l’eau se trouve à quelques heures de cheval du village de l’épée. Léonard voulait revoir ce village, nous vous y conduirons avec grand plaisir après cela ! annonce fièrement Georges.

— Dit ? murmure une petite voix derrière moi.

— Oui ?

— C’est vrai que tu es une Hyrane ?

— Bien sûr, regarde ma paupière, je ferme mon œil gauche et pointe du doigt la cicatrice.

— Oh… oui j’ai la même ! pouffe mon père. »

C’est étrange. Je n’ai pas connu beaucoup d’enfants, enfin, même à l’adolescence, j’étais en majorité avec des adultes. Les personnes plus âgées, ça me connait, mais mon père semble… plus jeune. Il m’a l’air d’avoir dix ans plus que treize. Peut-être est-ce une mauvaise comparaison, mais, Sakoto a l’air… lui, il m’a l’air, faible. Pourtant il porte une épée à la ceinture, je ne sais pas du tout comment il s’en sert, mieux vaut ne pas le juger avant de l’avoir vu à l’œuvre. Il faut se méfier de l’eau qui dort et en l’occurrence, dans le futur, c’est le guerrier le plus fort de tout Elvene. Ma tante m’a raconté que déjà jeune, il lui donnait du fil à retordre. C’est justement vers quatorze ans qu’il l’a dépassé, et que, plus jamais, elle n’a réussi à le vaincre à nouveau.

Nous nous dirigeons tous vers le château, Frédéric m’a lancé un regard désolé, lui comme moi aimerions être loin. Cependant, si ce monstre que j’ai vu est toujours présent, il ne pourra rien ! Il ne peut pas être plus fort qu’un homme capable de vaincre un dieu. Georges est certes plus vieux, mais lorsqu’il s’est approché, la pression est montée de dix crans ! Frédéric m’écrase par son physique monstrueux, mais Georges… cache quelque chose. Il me lance également un regard pendant la marche, et m’envoie un léger sourire.

Les flèches qu’il vient de me tirer dessus me transpercent de part en part. J’ai la sensation que ses yeux et ses dents bien entretenus sont un masque et, que derrière celui-ci, un serpent est prêt à fondre sur moi. Je baisse presque les yeux. Le Bassentô est la queue de cette chimère. Une arme conçue pour tuer les Hyranes, pourtant elle s’est battue avec mes grands-parents. Sakoto après la perte de son œil s’est intéressée à cette arme. Un des conseils qu’elle m’a donnés avant de venir fut : « Ne touche pas le Bassentô. » Après avoir bataillé de longues journées pour qu’elle m’en montre un, elle a fini par me présenter ce qui restait de celui utilisé par la chimère, un simple morceau de fer, inutilisé depuis des années. Brisé par de trop nombreux combats, l’âme de guerrier contenue dans l’objet était toujours là, car, à peine ai-je effleuré le tranchant, mon doigt se mit à saigner abondamment.

Les marches s’enchainent les unes après les autres, mon cœur, lui, bat au rythme de mes pas, c’est-à-dire violemment. J’aimerais me diriger à l’opposé de ce château délabré. ‘’Le cœur des Hyranes’’ c’est comme ça qu’on l’appelle. Ce vieux château devrait donc être mon cœur ? Le mien de cœur est une orange tombée du ciel et, je préfère cela ! Ma moitié de fruit est là dans ma poitrine, l’autre, moitié dans une femme qui mériterait des ailes d’anges et un tendre baiser.

Nous suivons les nouveaux arrivants, pour qu’ils nous conduisent ensuite jusqu’à la créatrice de la pierre de l’eau. Un service pour un service, bien que je nous imagine difficilement les protéger et non l’inverse. Sakoto est terriblement jeune et, pourtant, a vaincu un homme capable de supporter une baleine des sables sur ses épaules. Même en étant accompagné par plusieurs êtres, d’une puissance démesurée, j’ai un mauvais pressentiment, comme si, le monstre d’hier était là juste derrière moi… jetez un coup d’œil ne me tuera pas.

« Tu as vu quelque chose, Rose ? demande Fleur à ma droite.

– Hm ? Non, je fais juste attention.

– Je vois.

– Dis-moi, qu’en penses-tu de cet autre petit groupe ?

– Je connais Georges évidemment. Mais cette Sakoto et ce Léonard, je ne les apprécie pas. Grommelle-t-elle.

– Pourquoi ?

– Elle est hautaine, trop forte, alors que lui, il est faible. C’est un roi ? Qu’il se comporte comme-t-elle.

– Et c’est quoi se comporter comme un roi ?

– Ne pas courir partout, ne pas parler trop fort, encore moins face à son peuple…

Elle a un léger mouvement de tête pour me désigner.

— Et puis, je ne sais pas, je me méfie des Hyranes.

— Tu te méfies de moi ? D’accord.

— Nous nous sommes rencontrés il y a peu… mais ce n’est pas ce que je voulais dire. »

Elle met fin à notre discussion d’une manière assez violente, son silence en dit beaucoup. Elle s’est mal exprimée, oui, mais ça fait mal. Aller, Rose, fait un petit effort. J’approche ma main de l’épaule de Fleur, quand soudain j’entends un craquement. Nous nous arrêtons tous brusquement, juste à côté de moi, la marche sur laquelle se trouve mon père s’écroule. Ma main tendue vers ma mère change de cible, mais je suis trop loin.

« Sakoto ! cri Georges. »

Il ne bouge pas, continue presque d’avancer, n’envoie même pas un regard à mon père. Ce n’est cependant pas Sakoto qui attrape mon père, mais ma mère qui me bouscule légèrement en attrapant sa rapière. Prenant en main la garde, elle tend le plus possible la lame que le roi attrape avec férocité. Mais, ma mère aussi forte, soit-elle, se retrouve à glisser à cause du poids au bout de l’arme. C’est ma tante qui se colle à ma mère pour l’aider à reculer, pendant que moi, je me jette aux pieds des deux demoiselles pour tendre une main à Léonard.

Quand enfin il arrive à l’attraper, son poids repose au bout de mes muscles, mon bras, mon dos, j’ai l’impression que jamais ça ne sera assez pour le remonter. J’ai beau tenter de me redresser, rien n’y fait, mon corps est coincé dans ces escaliers faits de pierres. Pourquoi me suis-je jetée dessus déjà ? C’est rageant, j’ai l’impression d’être trop faible ! J’aimerais pouvoir juste me relever comme si de rien n’était, j’aimerais avoir la force de dix hommes ! J’essaye de me redresser une énième fois, mais, celle-ci est la bonne, car, mon corps s’éloigne du sol, je ne suis pas folle ! Mon corps s’éloigne et je me redresse, me remettant sur mes jambes. Léonard est à côté de moi, en train d’être remonté par… Frédéric. Avoir la force de dix hommes, oui, c’est avoir la force d’un Frédéric. Je soupire légèrement, frustré de ne pas avoir sauvé à moi seule mon père.

« Léonard. Vous saignez ! remarque Frédéric.

— Oh oui, c’est en attrapant la rapière, j’ai serré trop fort le fourreau. Ce n’est pas bien grave, merci à tous de m’avoir sauvé !

— Donne-moi ta main, ordonne plus que ne demande ma mère.

— Pourquoi ?

Amenant une main à son propre visage, ma mère passe un doigt sous ses magnifiques yeux couleur café et rabat légèrement la tête, balayant ses cheveux dorés. Au bout de son index, prêtes à tomber, elles sont là, les larmes salvatrices. Avec un sourire à l’intention de mon père, elle les dépose sur la main blessée. Le soin donne toujours une étrange sensation. Désagréable pour certaines personnes, agréables pour d’autres. Mon père sembler adorer cela, très certainement dû au fait qu’il peut ainsi regarder les yeux de cette jolie blonde.

« Pourquoi n’as-tu pas bougé ?

— Je savais que Sakoto s’en occuperait Frédéric. Et puis, je n’allais pas lui tendre le Bassentô, plaisanterie bien malvenue de sa part.

— Voilà, c’est totalement guéri. Fais attention la prochaine fois, murmure ma mère. »

Les mimiques de la princesse, douce et remplie de bonté, me clouent sur place. Désormais j’y crois, cette enfant, une fois adulte, aurait avec juste un regard pu arrêter une guerre. Ses larmes ne sont pas comme les miennes. Elle implore le corps de l’autre d’aller mieux, donne de sa personne, ses larmes sont un pouvoir sacré. Les miennes à côté font bien pâle figure, la cigarette à la bouche j’osais soigner les gens ? La petite blonde se retourne doucement et soupire à mon intention :

« Voilà ce que c’est, se comporter comme une reine. »

X

C’est exactement comme dans le futur. Tout est détruit, délabré, cassé… que je déteste cet endroit. Je me demande si un jour cette cité à connus ne serait-ce qu’une once de beauté ? L’extase contenue dans les yeux de mon petit père semble vouloir dire que oui. Il est né vers la fin du massacre de notre peuple. Je me demande à quoi tout cela ressemblait, avant ?

« C’est étrange ce trou derrière les trônes, fait remarquer Sakoto.

— C’est là où se trouve le portail hyranes, tu te souviens que je t’en ai parlé.

— Je m’en souviens, Georges, oui. Où nous emmène-t-il celui-ci ?

— La ville de Leaf. C’est vraiment plus qu’une cité. Là-bas…

— Tout est possible. »

À nouveau tout le monde me regarde, mais les autres adultes hochent la tête. Leaf est plus qu’une ville. C’était le petit frère de Butch, le dieu de la nature. Lorsque je l’ai rencontré, nous avons énormément discuté. L’alcool délie les langues, et la sienne en avait bien besoin. D’une immense sagesse, il avait un corps à peine plus vieux que le mien. Un dieu âgé de plusieurs siècles contenus, dans la peau d’un jeune homme. Amourachée d’une vampire depuis… un long moment. Il m’a raconté avoir nommé la ville en hommage à son petit frère, mort lors d’un affrontement terrible et Elvene en hommage à la femme que son frère aimait. Leaf est mort à seulement quinze ans… pauvre enfant.

« C’est normal que le portail soit ouvert ? »

Les quelques mots de ma mère me glacent le sang. Qui ?! Qui a pu ouvrir ce portail ! Sakoto m’a parlé de ce jour comme un moment tranquille, presque hors du temps alors, comment un autre Hyrane pourrait-être là ? Impossible, elle n’en a jamais connu d’autres que mon père ou moi. Perdu dans mes pensées, il me faut quelques instants de plus que les autres, pour porter attention à la porte principale du château. Là où se trouvent deux hommes ? Il n’y a pas l’être avec un masque d’horloge. L’un des deux est couvert d’une longue cape, son visage est dissimulé. L’autre, c’est Kennon.

Depuis mon départ je n’ai pas pensé à ce monstre. J’ai tant cauchemardé à son sujet pourtant. Ce Darane tout droit sorti des Enfers. Simon est un Darane, c’est un beau vampire. Les trolls que j’affrontais dans les rues en étaient, cette chose… ne peut en être une. Les démons que j’ai rencontrés étaient tout rouges, lui est noir. Leurs cornes étaient plus ou moins droites, les siennes, comme celles d’un bouc. Son corps, plus résistant que n’importe quelle armure, et sa rage, plus grande que n’importe qu’elle être en Elvene. Je suis la seule ici à le connaitre, pourtant, bien que m’ayant surement soupçonné d’avoir ouvert le portail, je vois la chimère prendre fermement son Bassentô en main.

« Qui êtes-vous ? leur grogne-t-il. »

Le Darane noir passe devant l’homme encapuchonné et semble lui faire signe, pour qu’il se taise.

« De simple touriste, nous repartons avec le portail.

— Comment vous appelez-vous ? Et votre compagnon ? 

C’est Frédéric cette fois qui parle, et qui attrape son épée. Sakoto l’imite, suivie de Fleur. Seul Léonard ne bouge pas.

— Kennon. Son nom à lui, vous n’avez pas à le savoir. Maintenant, écartez-vous.

— Et de quelle race es-tu ? Je n’ai jamais vu pareille créature.

— Je suis un Darane.

— Impossible, ils sont rouges.

— On s’en fout de ma couleur, que je sois rouge ou noir, qu’est-ce que cela peut changer ? Je vous tuerais si vous ne vous écartez pas ! »

Il porte à la ceinture deux épées bâtardes. Ces outils de malheurs qui ont pris la vie d’André. Ce salopard à cause de son corps s’en ait toujours tiré, même Timmie n’a jamais réussi à le vaincre. Sa peau faite d’écaille noire terriblement résistante est une plaie, le blesser reste possible, mais il régénère même les membres coupés. La seule solution qui serait possible serait de détruire son cœur, est-ce possible ? Pour le moment personne n’a réussi. Simon en avait fait une affaire personnelle, voulant venger le tenancier, il s’est entrainé durement. Jamais il n’a réussi à faire plus qu’arracher un bras de ce monstre.

Pourtant ce n’est pas lui qui bouge en premier. Il a beau avoir attrapé le manche de ses épées, c’est la flèche qui pénètre son cou la première action de ce combat. Projeté en arrière par la violence du projectile tiré par ma tante, il bouscule son compagnon. Ce dernier attrape un objet dans la poche du Darane noir et commence à avancer vers le portail. Personne n’ose bouger, c’est étrange. Il porte sa main au-dessus de lui et dévoile une pierre.

« La pierre de la terre, murmure Georges non loin. »

Dans le futur cette pierre n’existe plus, détruite il y a un moment. Son créateur étant resté introuvable, Oh-Faty s’est consacré à nous traquer, nous, les possesseurs de pierres. Je dois récupérer cet artefact !

Je me jette avec la détermination de mille êtres droits vers cet homme. Caché par une cape, il est l’inconnu de cette équation ridiculement complexe qu’est le temps. Et j’en suis la solution ! Je vais lui arracher cette pierre. Couteau dans la main droite, la gauche prête à se changer en flamme pour traverser sa garde, il se tourne dans ma direction. Derrière moi, Georges et Frédéric sont déjà en train de lever les armes, me suivant prêts à affronter cet encapuchonné. Cependant, Kennon s’interpose et m’arrête net. Passer en force est trop dangereux. Frédéric et Georges pourtant me hurlent d’arrêter l’autre, ils abattent leurs armes en même temps sur le Darane.

Quand les deux épées de ce dernier sont occupées, je le contourne et remarque ma tante faire de même. Plus proche, j’atteins en première l’encapuchonné que je tente de poignarder.

Un hurlement.

C’est tout ce qui sort de ma bouche quand il m’assène un coup de coude au niveau des côtes. Cela ne dure que quelques secondes, pas assez longtemps pour que je m’évanouisse sous la douleur, mais juste assez pour que je maudisse mes ancêtres sur quelques générations. L’attaque m’a atteint et je suis presque sûr, impossible de l’être complètement vu l’immensité de la douleur, qu’il a tourné le coude pour me faire encore plus mal. Mais je suis certaine d’une chose, il m’a fêlé une côte. C’est à genoux, visage contre le sol, respirant bruyamment que je l’aperçois s’éloigner, toujours couvert de sa longue cape.

Sans m’adresser un regard, la semelle de sa botte se posant non loin, de mon visage couvert de poussière. Ma tante tire une flèche direction l’être encapuchonné, mais ce dernier passe en vitesse le mur. La projectile pénètre la cape, mais cette chose ne laisse échapper aucun bruit. Je me redresse et fais de mon mieux pour avancer. Derrière, un combat fait rage, je ne peux le regarder, mais j’entends les épées s’entrechoquer, les cris et les insultes voler au rythme des attaques. Je dois aller récupérer la pierre ! J’ai mal, mais j’ai déjà connu pire, mon bras cassé me faisait souffrir des dizaines de fois plus. Je suis une lâche ! Je ne peux rester là. Tu veux revoir Sacha ? Alors, relève-toi, Rose ! Relève-toi et bats-toi !

Je hurle à nouveau, entre autres sous la douleur, mais surtout pour expulser ce trop-plein d’amour. Ma femme m’attend à la maison, ce n’est pas un coup de coude qui va m’empêcher d’avancer ! Debout je commence à trainer du pied, la douleur est fulgurante. Je grogne à chaque pas, mon père passe à mes côtés sans même me regarder, il n’a aucune arme, il est celui que nous devons absolument protéger, pourtant, il court vers le trou dans le mur… là où se trouve ma mère et l’encapuchonné !

J’accélère le pas, Sakoto, étonnamment plus empathique que mon père, m’attrape et m’aide à marcher. Je tourne la tête l’espace d’un instant et détaille le combat qui a lieu sous mes yeux. Il est d’une tension si grande, me donnant presque envie d’arrêter de bouger. Georges avec son arme tranche la peau de Kennon comme s’il s’agissait d’une vulgaire viande. Frédéric avec sa force surhumaine épaule la chimère et tranche les écailles, pourtant, même à deux contre un… il survit voire domine presque cet affrontement. Avec ses deux épées, il tient en respect les meilleurs guerriers qu’Elvene ait connus. Malgré la force phénoménale du chevalier de ma mère, il ne surpasse que très légèrement le Darane. Georges dans sa jeunesse était le plus grand chevalier du monde, et bien désormais, il n’atteint que peu la créature. Kennon est si puissant même dans le passé… il ne l’est que plus dans le futur… il faut le tuer maintenant !

« Tuez-le ! Il est beaucoup trop fort, il faut en finir ! »

Mon cri résonne dans l’entièreté du château, je connais ce monstre mieux que quiconque et si nous ne l’arrêtons pas maintenant, il ne sera que plus indestructible dans le futur ! Ma plainte semble se faire attendre, car, Georges envoie un coup. Il est d’une violence sans égale, une attaque phénoménale, presque trop belle pour être vraie. Il tranche le bras du démon et Frédéric ajoute sa force à ce coup pour totalement sectionner le membre. Kennon, grogne, ce que Simon a mis des mois à atteindre en suçant notre sang à Sacha et moi, ces deux hommes l’ont fait en quelques minutes. Le membre tranché s’écrase quelques mètres plus loin, tenant encore l’arme, de prédilection de ce démon. Ce qui rend cette créature encore plus monstrueuse qu’elle ne l’est déjà, c’est que, malgré la perte de son bras, aucun son ne sort de sa bouche. Rien, la douleur ne semble même pas l’affecter. Il se voute cependant et se met à courir dans la direction du trou derrière le trône.

« Je ne te laisserais pas faire ! hurlé 'je

— Hors de mon chemin puterelle ! »

Bousculer serait un mot bien trop faible pour désigner la violence par laquelle j’ai été projeté par Kennon. Bien que retenue par ma tante, nous avons toute deux, voltigées pour nous écrouler contre le mur. La poussière lourde ne vole pas, mais tombe des imperfections des parois du ‘’cœur des Hyranes ’’. Foutue lâche ! Mon corps me fait un mal de chien, et Sakoto, beaucoup plus jeune, ne semble pas aussi solide. Elle boitille quelque peu quand nous nous relevons. Georges et Frédéric arrivent également, mais eux, leurs états est bien plus catastrophiques.

La chimère, si elle en était vraiment une, aurait eu une aile transpercée et la queue coupée. Ici, il se tient l’épaule et pourtant ne parvient pas à arrêter le saignement bien trop important. Son cou également est entaillé, et ses vêtements de manière générale sont en lambeaux. Frédéric lui, à l’avant-bras gauche en charpie, il ne le tient pas… et semble incapable de le plier. Il s’en est servi comme bouclier et, comme son allié, le corps est couvert de blessures, toutes très proches des points vitaux.

« Frédéric ton bras ! m’écrié ‘je

— Ce n’est rien. Fleur va me soigner…

— Lâche là ! hurle une petite voix »

C’est à la hâte que nous entrons dans la pièce où se trouve le portail hyranes, les deux guerriers trainent des pieds, non pas par choix, mais, parce qu’ils voient trouble. Mon père se tiens face au portail ouvert, l’homme encapuchonné, tiens ma mère sur son épaule. Celle-ci dans les vapes respire très lourdement, elle a pris un coup à la gorge, j’en suis sûr. L’encapuchonné approche du portail sans réellement faire attention à mon père qui, tout à coup, hausse encore le ton.

« Je t’ai dit de la lâcher ! »

Ce qui s’ensuit est d’une violence qui restera gravée en moi jusqu’à la fin de mes jours. Je me souviens du moment ou pour la première fois j’ai utilisé la pierre du feu. J’étais toute petite, sans aucun contrôle dessus. Mon corps entier s’est enflammé pendant que je pleurais et, il m’a fallu trois minutes d’un feu terriblement intense avant de m’évanouir. Mon père du haut de ses treize ans, s’enflamme également, mais d’une manière différente. De nombreuse braisent volent droit vers le plafond, la chaleur semble pour les autres devenir suffocante, car, Sakoto se met à tousser et pourtant arme une flèche. La précédente toujours ancré dans le tissu semble en réalité avoir atteint sa cible.

« La… pierre du feu, grogne l’encapuchonné. Toi et moi nous allons vite nous revoir…

— Reste là ! »

Léonard se jette, sans arme face à cet être totalement inconnue. Ce dernier, tenant toujours ma mère, tend une main prêt à affronter le feu lui-même, il n’a peur de rien… pourtant, en un simple contact, la cape s’enflamme. Toute le tissus prend feu et l’être en dessous se met à grogner, la chaleur semble ne pas non plus déranger cet être qui d’un revers de la main, retire le voile de feu. Il envoie le tissu incandescent dans notre direction et lorsque celui-ci est totalement consumé… il n’est plus là. Seul reste Léonard, encore en train de brûler, tenant un objet dans sa main, seule partie inchangée de son corps. Une chaine d’or tombe de son poing fermé, au bout de celle-ci, un pendentif. Celui que j’ai offert à Sacha… celui de ma mère. Fleur a disparue… le court du temps a changé.


Texte publié par Charly, 29 mars 2023 à 13h44
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