Chaque seconde qui passe à la suite de mon réveil est un nouveau coup de couteau de ma culpabilité. Le dernier regard que m’a lancé Sacha est gravé en moi, ses yeux… assise comme ce matin, en boule, les yeux clos, j’essaye de réunir les forces nécessaires pour m’en aller, pour ne pas rouvrir ce portail et rentrer dès maintenant. Cela dure un certain temps, garder la face devant tout le monde était dur. Si Timmie était parti à ma place, il serait déjà en train de remonter ce foutu gouffre, mais, il n’aurait jamais pu rouvrir le portail pour rentrer, moi je le peux. Je ne dois rester ici qu’un temps. Je n’ai même pas réfléchi à la durée minimale de ce séjour dans le passé, je ne sais même pas si je suis dans le passé.
Je me relève presque d’un bond et expire violemment, comme pour expulser toutes ces incertitudes hors de mon corps. Et pour graver ma nouvelle confiance dans le marbre, je fais un premier pas en direction du sommet de ce gouffre. Je vais sortir d’ici ! J’écrase le sol de mes bottes ternes et, soufflé d’une énergie nouvelle, mon corps avance et agit presque de lui seul. Je vais sortir, je vais sortir !
En arrivant après une montée interminable au sommet des escaliers du trou, je suis accueillie par la plus terrible des nouvelles. Une tempête de sable bloque mon chemin. Par où dois-je partir ? Pourquoi Sakoto ne m’en a-t-elle pas parlé ?! Merde ! Ces souvenirs sont lointains, elle a dû oublier… qu’importe. Il est impossible de se repérer dans une tempête de sable, je suis déjà morte.
C’est la première pensée qui me vient à l’esprit, puis bien vite, je la balaye, je ne dois penser qu’à une chose : la réussite de mon plan. Je cache comme je peux mes yeux avec mes cheveux, et, relève ma petite chemise pour en couvrir ma bouche et mon nez. Avec cette tenue digne des plus grands clowns d’Elvene, je me dirige vers le sommet du gouffre. Nous sommes arrivés par l’ouest, donc je devrais partir vers la… gauche.
Je pars à l’aveugle totale, entre mes nombreuses mèches châtaines, je ne perçois qu’à peine le sol. La couleur jaunâtre du sable a été remplacée par le gris indissociable d’une tempête. Le premier pas hors des escaliers est d’une difficulté terrible. J’ai la sensation de voir toutes les épreuves d’un monde me foncer dessus. Ce n’est pas une vulgaire tempête, c’est le premier défie me séparant de mes retrouvailles avec Sacha ! Plus je m’éloignerais de ce portail, plus je serais proche d’elle ! Alors Elvene, je te sauverais ! Oh-Faty… je te tuerais !
Une tempête de sable dure en moyenne, vingt-quatre ou quarante-huit-heures, pourtant celle-ci semble vite perdre en intensité, car, après je dirais, une heure et demie de marche, je finis par voir à environ quelques centaines de mètres. Juste assez loin donc, pour apercevoir, une baleine des sables, sauter hors du sol et s’écraser non loin d’une charrette. Je ne sais pas pourquoi mon corps réagit de cette manière, mais je m’élance pour venir en aide aux possibles blessés. Cependant, il me faut bien, dix minutes ? Pour atteindre la charrette qui malheureusement n’a pas été épargnée par l’immense bedaine de la baleine. Le sable qui, depuis l’essoufflement de la tempête, a repris des couleurs les perd à nouveau au profit d’une teinte écarlate. Il y a des victimes, merde ! Faire le tour de l’animal est long, alors je crie, je hurle, je m’égosille :
« Il y a quelqu’un !?
— Ici ! Au secours ! »
C’est une voix de jeune fille, il y a une enfant ici ! Je dois aller l’aider, je ne peux pas la laisser être écrasée par ce monstre ! Les sons me paraissent si loin, viennent-ils de derrière la baleine ? Très bien. Je m’approche de la créature, et change mon corps en flamme. Devoir déjà utiliser l’un de mes jokers, et ce, sans être face à Oh-Faty. Ces inconnus sont tout de même en danger, si je dois m’évanouir, autant que ce soit pour une bonne cause. Je traverse la créature, mon feu entrant, dans les imperfections de ses écailles, je cours tout de même pour ne pas trop fatiguer, mais, lorsque je ressors de l’autre côté de la bête, force est de constater que j’ai gagné du temps.
Quelques mètres plus loin, trop concentré pour faire attention à ma présence, une petite fille blonde. Au-dessus d’elle, un vieil homme, enfin vieux, sensiblement le même âge que Timmie. La quarantaine c’est vieux non ? Tous deux tirent le bras d’un homme dont l’autre extrémité est coincée sous la baleine. Faire ça est une terrible idée, ils vont lui arracher un bras ! Au lieu de les aider à tirer comme des dératés, je me jette au sol proche de l’homme, et plonge mes mains dans le sable. Je creuse, envoie les grains le plus loin possible et tente de créer assez d’espace pour tirer l’homme. Mais ma tentative se révèle bien vite infructueuse, la tempête de sable est toujours là, et j’ai beau retirer par pelleter avec mes mains, celui-ci, toujours, revient dans le trou.
« Nous devons partir, si la baleine se retourne, nous serons écrasés, éructe l’homme.
— Jamais je n’abandonnerais un de mes sujets ! »
Ce hurlement poussé par la petite blonde me glace le sang, elle est jeune, mais bornée. Sujet ? Ce mot est étrange, seules les royautés datant de plusieurs siècles utilisent ce mot, il n’y a plus de roi ou de royautés, ils ont disparu avec l’argent et les pièces d’or. Qu’importe, je poserais les questions plus tard. L’homme cependant écoute… la princesse ? Il ne reprend pas le tirage désespéré, mais se met à pousser la baleine. La blonde tire, je creuse et lui, pousse. C’est vrai qu’il a l’air féroce cet homme. J’aperçois, sous la fine chemise qu’il porte, des muscles très bien dessinés. Tous se contractent quand il commence à user de ses jambes, de son dos et de ses bras, en parfaite harmonie, pour pousser l’animal échoué. L’homme grogne, cri presque, alors que, devant deux spectatrices incrédules, la baleine bouge. Ce sont des mouvements de quelques centimètres, tout au plus, mais l’homme — que je ne considère déjà plus comme tel — continue et gagne millimètre après millimètre, un peu de place.
« Tirez ! Tirez bon sang ! »
Le hurlement qu’il nous lance fait écho à la souffrance contenue dans ses muscles, cet homme ne bouge pas des baleines tous les quatre matins. Je me place aux côtés de mon alliée d’infortune, et tire, la pression est moins grande, et le léger trou que j’ai creusé aide effectivement. Nous avons de la marge de manœuvre ! Cependant, alors que j’ai l’impression d’enfin voir le bout de cet effort des plus affreux, j’ai la sensation que celui-ci redevient plus difficile. À peine le temps de relever la tête que mon corps décolle du sol, je sens une main, contre mon ventre. Quelques mètres plus loin, je me relève dans la panique la plus totale, l’homme tient la petite blonde à bras le corps, comme un pirate tiendrait le plus précieux de ses trésors. Grande foulée et hurlement à mon égard :
« Cours ! »
Tu as toujours vu ce genre de spectacle de loin Rose, ça fait quoi de le vivre de près ? Ne pas être dans les bras de Timmie, pendant qu’il utilise sa pierre pour te tirer d’affaire, ça fait quoi de voir la baleine se retourner, prête à t’écraser ? C’est pour ça que l’homme a réussi à la bouger ? Où est-il assez fort pour réaliser cet exploit ? Ce n’est pas le moment de te poser ce genre de question, fait ce qu’il te dit ! Je me mets à courir en direction de mes alliés. Ma respiration se fait difficile, toutes les indications que l’on m’a données au cours de ma courte vie se bousculent, pour survivre face à une baleine ? Que fait-on ? Il faut être à dos de cheval, ou de chameau, et prier pour que la pluie tombe. Que la pluie tombe ! J’ai la pierre de l’eau ! Ma mère me l’a transmise lorsque je suis né… et je me maudis. Je me maudis à chacun de mes pas, pour avoir, toujours, privilégié la pierre du feu. À part pleurer et soigner les autres, je ne sais rien faire du seul cadeau de ma mère.
J’aimerais pouvoir démarrer la pluie, claquer des doigts et être sauvée ! Je cours, telle une esclave jetée dans l’arène. Derrière moi, ce n’est pas un lion, mais l’idée est là. Je fais face à une créature contre laquelle je ne peux que gagner du temps. Un éclatement dans le ciel, quelque chose de si puissant que mes tympans vrillent. Une explosion aurait pu retentir à côté de mes oreilles, je crois que je n’aurais pas eu plus mal. L’éclair qui a scindé le ciel en deux, n’est que l’annoncent du début de mon salut. Un coup de canon droit dans la baleine. Les premières gouttes tombent environ une ou deux secondes après l’éclair. Je n’ai plus bougé, après ce dernier. Comme si j’avais peur d’être celle visée par ces boulets tombant du ciel, comme si c’était moi qui les craignais. Alors que derrière, mugissant, celle qui craint réellement l’eau retourne se cacher sous le sable. Ma pierre m’a donc sauvé ? J’ai réussi à repousser la baleine en invoquant la pluie ?
La joie se dessine dans mon être, cette pensée rebondit dans mon crâne : « je viens d’user de ma pierre, je viens d’user de ma pierre ! » Je rejoins mes camarades, en me répétant cette phrase. L’homme observe la jeune fille, celle-ci, debout et essoufflée, caressée par la pluie, arrache la pensée joyeuse de mon esprit. Face à moi, la chemise désormais mouillée de la blonde tombe sur son épaule, et dévoile son tatouage. Cette fille est celle qui a démarré la pluie. Elle est celle qui possède la pierre de l’eau.
Je sens une légère tristesse au fond de moi, bien que je n’aie jamais connu ma mère ou mon père, ils auraient été fiers de mon avancée, finalement, il n’y en a aucune. Cependant, si ce n’est pas moi qui ai réalisé cet exploit, c’est cette jeune fille. Je finis par arriver à leur niveau, j’ai beau les avoir aidés, l’homme semble se méfier, car il se place devant la maîtresse de la pierre de l’eau.
« Frédéric.
— Rose. Enchanté. Et, comment s’appelle la jeune femme ?
— Fleur. Fleur Wider, la présente-t-il »
Merde.
Cette fille. C’est… Wider est mon second nom. Mes parents venaient de familles ayant reçu les honneurs par les dieux, donc un nom de famille. Peu de personnes en Elvene en ont… et face à moi, il a fallu que l’une de ses honorables personnes, la première que je rencontre… soit ma mère.
La baleine était, en fait, un baleineau. C’est ce que nous a expliqué Frédéric lorsque nous sommes revenus à l’endroit où celle-ci s’est échouée. Le cratère laissé est plus petit, et le poids de cette dernière était également moins grand.
« Elle a bougé d’elle-même ou c’est toi qui as…
— Un peu des deux. Au début, c’était moi, puis elle a bougé et je vous ai poussé. »
— Désolé, pour cette question, mais, que faites-vous ici, dans le désert ? Avec une si jeune enfant ?
— Et vous Rose ? Il n’y a absolument rien dans ce coin. La mort et la désolation, tout au plus, remarque Frédéric.
— Perdu, comme vous, je le présume. Mon cheval est mort d’épuisement, j’ai continué ma route, la tempête m’a surprise, pourtant je connais bien le désert.
— Vous connaissez bien le désert, reprend l’homme. Où pouvons-nous trouver la créatrice de la pierre de l’eau ? »
Je reste pantoise, la créatrice de la pierre de l’eau ? Cela existe ? Les six créateurs des pierres élémentaires sont encore en vie ? Ils doivent tous avoir plusieurs siècles, par tous les dieux. On a oublié de me parler de beaucoup de choses. Ce Frédéric, déjà. Qui est ce colosse ?
« Je… je ne sais pas. Mais au village de l’épée il y a peut-être quelqu’un susceptible de vous venir en aide non ?
— Cela m’ennuie de devoir y aller. Mais vous avez raison.
— Frédéric… je ne me sens pas très bien, bredouille la petite.
— Fleur ? »
La pluie s’arrête brusquement, pas comme après une averse, où, les choses sont douces. Ici, c’est tellement violent qu’on croie s’être réfugié sous un porche. Les nuages gris disparaissent, place au soleil de plomb. Les baleines peuvent revenir à n’importe quel moment, pourtant, Frédéric comme moi, ne décrochons pas de l’horreur, qui, face à nous, s’abat. Ma mère ne bougeait plus depuis l’illumination de son tatouage. Bras ballant, cheveux trempés par la pluie, elle n’a plus prononcé un mot… Jusqu’à maintenant. Après sa courte phrase, telle l’eau qui s’écrasait contre le sable, son corps tomba lourdement contre celui-ci. Ce n’est pas comme le déchainement des éléments qui eut lieu plus tôt, pas de magnifiques gouttelettes s’écoulant le long des dunes, juste, un corps, faible, ne pouvant plus, tenir, résister, supporter son propre poids.
Une impulsion, un coup de pied plus qu’un pas, c’est en essayant de repousser Elvene entier, que nous nous approchons de la princesse, avec Frédéric. À genoux auprès de cette fillette, l’homme passe ses mains sous sa protégée. La première au niveau des genoux, et la seconde, derrière les omoplates. Se redressant, comme si de rien n’était, il observe les deux chevaux qui n’ont pas été écrasés par le baleineau.
« Quel est le village le plus proche ?
— L’ancien village hyrane, ma réponse est instinctive.
— Merde. Guide-moi, Rose. Je t’en prie. »
Ma mère est morte. Lors de l’accouchement, elle est décédée, quelques minutes après m’avoir donné la vie. Lorsque l’on m’a expliqué cela, je n’ai pas compris comment. Comment pouvait-on mourir en couche ? Comment une telle chose peut-elle être possible ? Maintenant que je la vois, sur un cheval, non loin, dans une profonde léthargie. Je comprends. User de ma pierre du feu m’a déjà exténuée, j’ai déjà dormi des jours entiers à cause de cela. Alors pour quelqu’un, dont l’utilisation la plus simple de sa pierre, la rend comateuse, je comprends que, donner la vie puisse prendre la sienne.
Le village hyrane, au nord du désert, est celui par lequel, nous sommes arrivés avec Sakoto, Timmie, ma femme et Simon, ce matin… dans vingt ans ? Qu’importe. De grandes montagnes entourent le village. Elles n’ont rien de naturel, on dirait, une sculpture, faite par l’homme, pour imiter la nature. Frédéric lève les yeux, des montagnes dans le désert ? Il posera, sûrement, des questions après. La priorité du moment, c’est la princesse blessée. Par chance nous arrivons du sud, la montagne cachant cette façade du village est le seul moyen d’entrer, de part, l’énorme trou perforé par mon peuple dans la roche. C’est une sorte de tunnel qui a été agrandi avec les années, assez immense pour laisser passer une baleine des sables.
Frédéric cependant n’en a cure, il traverse, au galop sur son cheval, le tunnel. À la hâte également je le poursuis, moins bonne cavalière que cet homme, je ne pose pied à terre que, quelques minutes après lui. Sur la place du village, là où se trouvent un puits et un mausolée, il pioche avec le saut de bois, le plus d’eau possible. Fleur est au sol, allongée, ses yeux couleurs café n’ont plus le même éclat, et ses cheveux blonds… pâlis par la poussière du village. La princesse est bien loin, désormais, il ne reste plus que cette enfant déchue. Nous allons l’aider à reprendre son titre. Je m’assois en tailleur, au-dessus d’elle, et pose doucement sa tête sur mes jambes. Je caresse ses cheveux et lui parle, ses réponses ne me parviennent qu’à mi-voix, mais je prends tout ce qu’elle veut bien me donner.
Frédéric, lorsqu’il revient, est torse nu… Par tous les dieux d’Elvene, qu’il est musclé ! Il n’est pas en, « Bonne forme » c’est une statue vivante. Chaque détail qu’un sculpteur pourrait apporter à son chef-d’œuvre est là. Sa mâchoire est si dessinée, ses muscles sont imposants et semblent pouvoir tout supporter. J’ai connu des hommes d’une quarantaine d’années comme lui, André, ou Timmie. Le premier touchait plutôt la cinquantaine et était un bon vivant, le second, touché par la grâce d’un ange, semblait ne pas savoir ce que « vieillir » voulait dire. Je suis mauvaise langue, Frédéric semble plus vieux que Timmie oui, mais ce dernier vieillissait. Ces trois hommes ont un point commun. Ce regard qu’ils apportent à leurs protégés.
C’est discret, une chose que je remarque, car elle dure juste assez longtemps. Une lueur, non, c’est encore trop visible. Une étincelle, voilà. Une étincelle qui parcourt les yeux des êtres fiers de leurs protégés. Timmie l’avait quand il me regardait, André, quand il posait ses yeux abîmés par le temps, sur sa nièce, et, Frédéric, en tapotant sa fine tunique, imbibée d’eau, sur le front de Fleur, à ce moment précis, durant moins d’une seconde, cette étincelle parcourt tout son être.
« Princesse, vous êtes réveillé ?
— Ai-je dormi longtemps ?
— Quelques heures tout au plus. Comment vous sentez-vous ? »
Ce ton qu’emploie Frédéric, je le connais aussi, c’est celui d’un père. Timmie l’avait toujours, constamment même, rassurant même dans les pires moments. Un tantinet énervant à l’adolescence… mais rempli d’amour.
« Rafraîchis… Je ne pensais pas qu’une chose si simple m’épuiserait autant.
— C’était impressionnant, ajouté ‘je.
— Je vous remercie… pouvez-vous me rappeler votre nom ?
— Rose. »
Je mords ma pauvre langue pour me faire taire. Je suis Rose, juste Rose. Je n’ai pas de nom de famille, et encore moins celui de mon père.
« Je vous remercie, pour votre aide, comment pouvons-nous vous remercier ?
— Ne vous en faites pas, monsieur. Je ne demanderais rien en retour. Seulement, je vous le redemande, que faisiez-vous perdu là-bas ?
— Vous mentir, après l’aide que vous nous avez apportée serait malvenue… vous l’avez vu, Fleur possède la pierre de l’eau. Nous cherchions la créatrice de celle-ci pour venir en aide à la princesse.
— Je vois… je ne vais pas vous mentir non plus… »
Je mens, je ne peux pas leur dire qui je suis, ils me prendraient pour une folle, une illuminée, ou peut-être me croirait-il ?
« Je suis une Hyrane, je souhaitais venir voir au moins une fois dans ma vie ce village.
— Je l’avais deviné, notifie Frédéric.
— Comment ? C’est impossible, ahuri par ses paroles j’ouvre grand les mirettes.
— Votre paupière gauche, il s’y trouve une marque. Peu visible cependant, vous n’êtes pas complètement Hyrane n’est-ce pas ? »
Me voilà en moins d’une journée, percée à jour. Enfin, pas complètement, mais si cet homme a réussi à deviner cela… Je vais devoir faire profil bas, beaucoup plus que je ne l’aurais pensé.
« Qui êtes-vous ?
— Frédéric, chevalier de sa majesté Lily, reine de l’île de Butch, et d’Ambroise, roi de la même île. »
Je pensais avoir à faire au chevalier chimère, dont Sakoto m’a parlé. Cependant si un guerrier tel que Frédéric n’est qu’un chevalier servant, alors ce « Georges » doit être invincible.
Mes deux nouveaux compagnons m’ont demandé de leur indiquer un lieu où ils pourraient construire une sépulture décente pour leurs compagnons morts plus tôt. Ma… mère — bordel, elle est vraiment là devant moi âgée de treize ans — semble détachée de toute chose, pas comme ces vagabonds appréciés de Timmie, qui vivent au gré de la nature. Elle semble ne porter attention qu’à ce qui la concerne. Ces personnes mortes, elle ne va pas les pleurer. Si Frédéric n’avait pas proposé de construire quelque chose, elle ne l’aurait pas fait.
Empilant quatre pierres les unes sur les autres, le chevalier me rappelle une coutume, que nous avons dû laisser depuis le début de la guerre. Nous construisons des statues pour nos morts, pour que leurs formes soient à tout jamais avec nous. Puis nous prions les Dieux, pour leur offrir un cadeau dans l’autre monde. Que ce soit de devenir un ange protecteur des dieux, ou de vivre en tant qu’esprit heureux dans les enfers.
« Ô, grand Oh-Faty ! Offrez à mes compagnons votre pardon, offrez-leur une seconde vie en tant qu’esprit. Ils étaient d’une bonté rare, soyez clément, ils ont fait la guerre, mais n’étaient pas mauvais. Je vous remercie, soupire-t-il, dans une prière douce.
— Tu ne pries pas Fleur ?
— Je ne souhaite pas le faire maintenant. Mes prières ne changeront pas le jugement qu’Oh-Faty leur apportera. »
J’opine du chef en entendant sa réponse, son ton est d’un monotone rare. Elle parle de la mort des êtres censée la protéger tellement nonchalamment… Elle semblait absolument vouloir les sauver tout à l’heure. Comment peut-elle refuser cela ? D’un pas décidé, je passe à côté de la princesse. Cette femme est ma mère ? Impossible !
Après un soupir qui fait lever un sourcil de la princesse placide, je m’en vais dans le village. Cela m’a étonnamment énervée, de voir la femme que l’on m’a décrite comme, ‘’l’être le plus doux et gentil d’Elvene’’, une femme qui, par sa bonté, et sa beauté, aurait pu arrêter une guerre se comporter ainsi. C’était exagéré certes, mais, comment cette fille peut rester de marbre face à la mort ?
Alors c’est ça le passé ? Le massacre de mon peuple a dû avoir lieu il y a une quinzaine d’années… je le vois en traversant les rues du village : des maisons détruites, pillées, du sang qui n’a jamais voulu partir de la pierre composant les murs. Le cœur du village, surplombant toutes les petites bâtisses, est détruit. Les grands escaliers pour s’y rendre sont, dans un état pitoyable, les fenêtres… Je peux compter sur les doigts d’une main, celles qui ne sont pas brisées. Le blason des Sparkels, anciennement accrochés, est parti en fumée.
Mon père a vécu ici, je me demande à quoi il ressemble à cette époque… merde.
Face à moi, une présence, regardant vers le château, distraitement, portant un grand manteau, descendant jusqu’à ses chevilles, un être dont je ne saurais décrire la nature, mais j’entends une chose provenant de lui : Le cliquetis d’une horloge.
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