Jacky avait toujours rêvé d'être un nain, un tout petit nain. Pas un nain pour être nain mais pour être si petit qu'il pourrait parler aux plantes, aux fleurs, aux insectes, à taille égale !
Avec sa taille d'homme adulte, même pas trop grand, aucune chance de communiquer avec tout cet univers qu'il côtoyait tous les jours dans ce jardin qu'il aimait, son jardin. Pourtant il en rêvait parce qu'il soupçonnait qu'il y avait là une grande part du secret de la vie, du bonheur simple de vivre dans l'épanouissement, dans la coopération avec le petit monde de l'entourage immédiat.
Les fleurs ne se déplacent pas et puis, pour une fleur, plaire aux insectes c'est la renommée assurée, les abeilles colportent la nouvelle et pas seulement aux autres abeilles mais à tous ceux et celles qui butinent et qui les voient faire. De toute façon elles sont partageuses, car elles ont conscience que tout ce qui aide la plante à se disséminer, à se reproduire est bon pour elles, garantie de futures ressources, donc pas de frilosité !
Et les fourmis donc ! Ces éboueuses pour qui tout fait ventre, tout se stocke, se digère, se transforme en réserves pour nourrir la reine et la fourmilière. Malheur à celui qui échoit malencontreusement sur leur tertre : il est considéré comme devant disparaître : il est vrai que pour atterrir là, il faut que quelque chose soit déréglé, détraqué, cassé et donc elles ne font qu'anticiper un peu la fin prochaine en ne laissant pas se gâter une source providentielle de nourriture donc de vie future.
Tout cela Jacky le savait, avec sa tête surtout. Il l'imaginait, le pressentait, avait lu à peu près tout ce qui s'écrivait de mieux sur ces questions, mais il restait insatisfait, sur sa faim : il voulait comprendre avec son corps, avec sa chair, se baisser pour éviter les brins d'herbe courbés par le vent, se cacher pour échapper au coléoptère pataud d'apparence qui le survolait bruyamment, grimper ou s'enfouir pour éviter la gueule de la couleuvre ou les pattes crochues de la mante religieuse, tomber nez à nez avec le phasme-brindille si discret, glisser bêtement dans le sillage encore humide d'une limace ou d'un escargot, sentir battre son cœur à tout rompre au survol d'une mésange ou d'un merle, écouter la sève monter dans la tige du dahlia et le haricot déchirer le sol humide pour déployer ses feuilles, entendre le cliquetis des iules, des cloportes, des pince-oreilles et autres petits insectes. Vivre tout cela pour de vrai, pour mieux sentir la vie au plus près de ce sol nourricier qui lui donnait tant de joies, qu'il aimait et soignait aussi, au moins dans son jardin ou il passait le plus clair de son temps depuis qu'il était en retraite.
Absorbé qu'il était dans ses pensées, il n'avait pas entendu qu'on l'appelait de nombreuses fois, depuis longtemps déjà.
Quand il perçut un bruit sourd accompagné de craquements de bois sec, il était trop tard : la lourde chaussure du gendarme venu constater au jardin sa disparition l'écrasa dans une horrible odeur de cuir neuf et de café !
Chéri ! Tu te lèves ? Le café est prêt !
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