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tome 1, Chapitre 24 « Souvenirs ravivés » tome 1, Chapitre 24

Deux heures étaient passées depuis la séparation du groupe de Link avec Gray. Chevauchant leurs destriers respectifs, l'hylien, Epon et Iria avaient traversé la plaine et la forêt de Firone. Après avoir franchi le pont séparant cette dernière région de Latouane, ils suivirent un sentier parmi les arbres environnants. La luminosité du lieu s'affaiblissait à cause de la progressive tombée de la nuit. Mais cela ne rendait pas pour autant ces bois sinistres. En tout cas, pas encore.

Epon, qui foulait cette contrée méridionale pour la première fois, contemplait le paysage sylvestre. Tout semblait si calme et paisible dans cette partie d'Hyrule. Encore plus qu'à Firone ! La jeune hybride ne ressentait aucune présence maléfique dans les parages. Les seules créatures vivantes qu'ils croisaient étaient quelques oiseaux perchés sur les branches en train de chanter, et des écureuils courant rapidement sur le sol avant de grimper sur les troncs d'arbres, probablement à la recherche de nourriture.

Quelques instants plus tard, les trois jeunes gens arrivèrent devant une maison construite en hauteur dans un arbre, à la manière d'une grande cabane.

« C'est ici qu'habite Link. » expliqua Iria à la demi-zora, tandis que le blond descendait de sa jument, avant de lui tendre la main pour l'aider à en faire de même. La bleue, surprise de cette révélation, observa la demeure du héros d'Hyrule. Elle n'imaginait pas du tout sa maison ainsi. En vérité, c'était la première fois de sa vie qu'elle voyait une résidence avec une telle architecture. Mais d'un autre côté, Epon trouvait cela...

« Trop cool... » s'émerveilla-t-elle en descendant de son destrier blanc pour s'approcher de l'arbre et admirer l'habitation de plus près. Sa réaction fit gentiment rire Link :

« Je te trouve bien facilement impressionnable, Epon !

— Ce n'est pas souvent que je vois un truc pareil, en même temps !

— Dans ce cas, je suis curieux de voir la tête que tu feras en visitant le reste du village. Allez viens, c'est par ici ! » proposa-t-il en s'avançant en direction de Toal, suivi par Epona et par Iria. L'élue de Nayru, tout en tenant les rênes de Hydrie, marcha derrière eux.

Toal n'était pas le village le plus vaste, ni le plus animé d'Hyrule. Mais le côté rustique et campagnard des maisons, les champs de potirons qu'on y trouvait, la petite rivière qui traversait le village en faisant tourner un moulin à eau à proximité, l'odeur et les bruits de la nature... Tout cela donnait un certain charme à cette localité reculée.

« C'est vraiment différent du domaine Zora, mais j'aime beaucoup ! » affirma la princesse aux cheveux bleus. Ce compliment fit sourire ses deux amis qui étaient heureux de voir que leur lieu de vie lui plaisait. Tout à coup, trois enfants, ayant chacun l'air joyeux, coururent en direction du trio.

« Link et Iria sont revenus ! » s'exclama un petit garçon brun, suivi un autre plus jeune que lui, et par une jeune fille blonde qui semblait légèrement plus grande et plus âgée. Les concernés reconnurent Fénir, Balder et Anaïs. Fénir avait littéralement bondi dans les bras de Link, qui le rattrapa en manquant de tomber en arrière :

« Je suis content de tous vous revoir aussi, mais doucement quand même ! »

Epon ne s'attendait pas à un accueil aussi mouvementé, mais voir ces enfants aussi heureux à la vue de ses amis la faisait sourire. Ils étaient surexcités et se mettaient à tous parler en même temps à Link et à Iria pour leur demander comment s'était déroulé leur voyage. Cependant, au bout d'un moment, ils remarquèrent la présence de la demi-zora.

« Qui est cette jeune fille ? Une nouvelle amie à vous ? » demanda Anaïs, intriguée à l'instar des deux garçons. Link fit rapidement les présentations. Les trois enfants furent surpris en apprenant le statut de princesse zora d'Epon.

« La Princesse des zoras ?! » s'exclamèrent-ils à l'unisson, tant ils n'en revenaient pas. Leur vacarme attira l'attention de bon nombre de villageois sur eux. La plupart de ces derniers se rapprochèrent alors, à la fois heureux de revoir Link et Iria en bonne santé et stupéfaits d'avoir la visite d'une princesse dans leur village. Parmi eux se trouvaient les parents de Balder, de Fénir et d'Anaïs, mais aussi un quatrième enfant aux cheveux courts blonds qui tenait un bébé dans ses bras. Il s'agissait de Colin avec sa petite sœur Liné qui avait tout juste six mois. Tous accueillirent chaleureusement le trio fraîchement arrivé. Néanmoins, Iria s'étonna de l'absence de certaines personnes.

« Où est mon père ? demanda-t-elle aux résidents. Et Ute ? »

Mais la plupart affichèrent un air attristé en guise de réponse, chose qui surprit la jeune fille mais également Link et Epon. Colin s'approcha du trio et lui expliqua :

« Monsieur Bohdan est tombé malade depuis quelques jours. Il est actuellement alité. Quant à ma mère, elle est avec lui. Elle veille sur lui en ce moment. »

En entendant cela, Iria afficha un air horrifié avant de courir brusquement en direction de sa maison, l'air inquiet. L'hylien et l'hybride la suivirent sans hésiter, laissant derrière eux une petite foule peinée. Les trois ne mirent que quelques secondes pour atteindre la maison du chef du village. Après y être entrés en trombe, ils se précipitèrent jusqu'à la chambre de Bohdan. Celui-ci dormait, allongé sur une grande paillasse. Ute se trouvait assise sur une chaise à côté de lui. Sa surprise fut grande en voyant les trois amis débarquer à vive allure dans la pièce.

« Link ? Iria ? »

La châtaine s'approcha doucement de son père. Ce dernier, dont les traits étaient déformés par une désagréable grimace, avait une serviette humide posée sur son front.

« Papa... murmura-t-elle, accablée de le voir dans cet état.

— Que lui est-il arrivé ? demanda Link à Ute. Il est tombé malade brusquement comme ça ?

— C'était il y a deux jours, expliqua la mère de famille. Bohdan aidait à la récolte de potirons mais s'est tout à coup évanoui. Il a eu une soudaine poussée de fièvre et est devenu très faible en quelques heures. Nous avons fait appel à un docteur qui lui a prescrit un traitement. Mais je n'ai pas l'impression que ce soit efficace. Sa fièvre n'a pas l'air de tomber.

— Bon sang... » grogna Iria, frustrée. Elle n'aurait jamais dû laisser son père pour voyager à travers le royaume avec Link ! Si elle avait su, elle serait restée à Toal avec lui. Link, de son côté, serra inconsciemment ses poings. Lui qui voulait s'entretenir avec le chef du village au sujet du fléau qui menaçait Hyrule, il ne pouvait rien lui raconter tant qu'il se retrouvait alité de cette manière. Quant à Epon, elle pensait que son séjour à Toal lui permettrait d'oublier un peu les mésaventures de ces derniers jours. Malheureusement pour elle, c'était loin d'être le cas. Toutefois...

« Je ressens une étrange énergie en cet homme, avoua-t-elle aux autres.

— Comment ça ? lui demanda Link en la regardant.

— Je ne sais pas trop comment la décrire, mais j'ai l'impression qu'il renferme en lui une énergie qui ne lui appartient pas. Et je me demande si ce n'est pas à cause d'elle s'il se retrouve dans cet état.

— Tu veux dire... comme une sorte de malédiction ? demanda Iria. Ça voudrait dire que nos ennemis auraient...

— C'est une possibilité, coupa Epon en fixant toujours le père de l'adolescente. Mais je ne suis sûre de rien. Tout ça n'est qu'une hypothèse. »

La châtaine observa l'hybride quelques secondes, puis s'attarda un peu sur Link avant de finalement regarder son père. Elle posa une main sur le front de celui-ci d'un air attristé pendant qu'Ute la réconfortait en lui disant que Bohdan était un homme fort et qu'il finirait par guérir de cette maladie.

*

Alors que l'obscurité nocturne envahissait les cieux du royaume, Gray venait de pénétrer au sein d'Orkidië. Il s'était séparé de Rutella et de son escorte quelques minutes plus tôt. La reine des zoras lui avait d'ailleurs offert une besace contenant divers fruits et quelques brochettes de poisson. Cette nourriture était à la base destinée à Epon, mais la souveraine estimait que Gray en avait plus besoin qu'elle. En y repensant, l'homme en noir afficha un léger sourire.

« On dirait ma mère. » pensa-t-il en avançant à travers les ruines du village jusqu'à sa maison. Comme il s'y attendait, les quelques pièges qu'il avait posés autour de sa demeure avec l'aide d'Epon avaient attrapé quelques bokoblins, probablement venus pour piller son habitat. Certains se retrouvaient suspendus la tête en bas pendant que d'autres étaient carrément transpercés par des piques acérées. Dans les deux cas, ils étaient morts. Sans doute depuis un moment. Une désagréable odeur s'élevait de leurs cadavres qui commençaient à se décomposer.

Mais ce qui surpris l'argenté était cette silhouette debout devant sa maison, le regard rivé sur celle-ci. Fronçant les sourcils avec méfiance, Gray invoqua un sabre dans sa main et s'approcha à pas lents, prêt à se défendre si besoin. Au fur et à mesure qu'il avançait, il parvint à distinguer les traits de cet individu, notamment cette longue chevelure dorée flottant au gré du vent qui lui paraissait plus que familière.

« Gabriel ? » s'étonna l'élu de Din en le reconnaissant tandis qu'il baissait son arme. À l'entente de cette voix et de son nom, le blond se retourna et adressa un tendre sourire à son ami.

« Bonsoir mon ange ! Je ne m'attendais pas à te croiser ici ce soir.

— À vrai dire, moi non plus. Mais je suis content de te revoir ! » répliqua le plus jeune en lui rendant son sourire. Il était à la fois heureux et soulagé de voir Gabriel bien portant, chose qui semblait réciproque chez ce dernier.

Suite à leurs retrouvailles et après avoir dégagé les cadavres des monstres, Gray invita son ami à entrer dans sa modeste demeure. Plusieurs dizaines de minutes s'écoulèrent pendant lesquelles tous deux s'installèrent en allumant une cheminée et plusieurs lanternes qui leur apportaient lumière et chaleur. Une fois cela fait, le duo s'installa autour de la table pour déguster ensemble le repas que Rutella avait offert à l'argenté.

« Ces brochettes sont vraiment délicieuses ! complimenta Gabriel qui se régalait. Les zoras sont de véritables cordons bleus !

— Je suis d'accord ! acquiesça Gray. Epon a beaucoup de chance.

— En parlant d'elle, comment va-t-elle ? Et Link et Iria ? »

Gray lui exposa ce qu'ils avaient vécu à Cocorico. Il ne lui raconta pas qu'il avait échappé de justesse à la mort pour ne pas l'inquiéter, mais expliqua qu'ils avaient réussi à protéger les habitants de ce village, ainsi que les gorons de leurs ennemis.

« C'est vraiment une bonne nouvelle, répliqua le blond. Mais je suppose que la lutte est loin d'être terminée, pas vrai ?

— C'est le cas. En plus, certains de nos alliés ont pris cher à cause de toute cette histoire. Mais ce qui m'inquiète le plus... »

Gray bloqua dans sa phrase et détourna son regard en fronçant les sourcils.

« Mon ange ? l'appela Gabriel, étonné d'une telle attitude. Tout va bien ?

— T'inquiète, ça va. C'est juste que ce fameux phénix bleu chez Epon... J'ai vraiment un mauvais pressentiment à ce sujet.

— Tu penses que cette mystérieuse créature en elle pourrait la mettre en danger ?

— C'est déjà le cas, étant donné que Gilgamesh et ses acolytes veulent la capturer pour ça. Mais je fais surtout allusion au fait que ce phénix lui-même pourrait nuire à la santé d'Epon.

— De quelle manière ?

— C'est ce que je vais tenter de découvrir. Après le jour du massacre de notre village, j'ai pu sauver pas mal de livres parlant de toutes sortes de légendes Hyruliennes. C'est en partie grâce à ces livres et à diverses archives vol... empruntées à la bibliothèque de la citadelle qui j'ai réussi à comprendre l'histoire entourant ma marque divine. Peut-être qu'en fouillant un peu dans ces bouquins, je pourrais en savoir plus sur ce phénix bleu et comprendre pourquoi Gilgamesh le convoite tant. »

Gabriel observa silencieusement son cadet. Celui-ci avait pas mal changé durant toutes ces années écoulées. Son ange, comme il l'appelait, était plutôt réservé, voire timide lorsqu'il était enfant. Mais aujourd'hui, il découvre devant lui un Gray qui avait grandi, mûri, et qui était à présent animé par une grande détermination. Il était même allé jusqu'à dérober des archives de la librairie de la capitale pour mieux comprendre les mystères sur sa marque de Din. Par contre, une chose n'avait pas changé chez lui à ses yeux : son côté protecteur envers son entourage. Et cela se voyait particulièrement avec Epon.

« Si tu as pris le risque de revenir ici seul dans ce but, c'est que tu dois tenir énormément à cette petite princesse. Je me trompe ? » demanda le blond avec un sourire un tantinet malicieux. Gray, en sentant clairement un sous-entendu derrière cette phrase, afficha un air blasé.

« Ce n'est pas du tout ce que tu crois, Gaby. »

Cette réaction de sa part fit rire son compagnon. Mais ce dernier se calma rapidement, avant de regarder en direction de la cheminée avec un doux sourire aux lèvres.

« Personnellement, elle me rappelle Lyon, confia-t-il. Sa joie de vivre, son courage, sa combativité, sa sensibilité... Ce que je vais dire va te paraître étrange, mais j'ai vraiment l'impression de voir en elle une version féminine de ton petit frère. »

L'homme en noir observa Gabriel d'un air abasourdi. Ce que venait de dire son aîné, c'était exactement ce qu'il pensait dans le fond. Il avait l'impression que le blond avait lu dans ses pensées. Il ne s'y attendait tellement pas qu'il ne savait pas quoi répliquer. Il détourna simplement son regard, sans rien dire. Son ami d'enfance n'avait pas lâché la cheminée des yeux. Mais selon lui, le silence de Gray en disait long sur la vérité.

« Tu penses la même chose, n'est-ce pas ? demanda-t-il à son ami en noir. Tu revois Lyon en cette jeune fille. Ça expliquerait ton attachement et ton côté protecteur envers elle.

— C'est... Hum... plus complexe que ça... » admit l'argenté avec hésitation tandis que de légères rougeurs lui montaient aux joues, à l'étonnement de Gabriel.

« Il s'est passé pas mal de choses après ce jour funeste qu'à connu Orkidië, continua le plus jeune. Et...  »

Il bloqua à nouveau dans son propos. Il regarda timidement Gabriel, chez qui la surprise s'accroissait au fil des secondes. Mais le blond connaissait son ange très bien. Il sentait que celui-ci désirait se confier, mais l'argenté semblait très gêné à le faire. Visiblement, Gray n'avait pas complètement perdu sa timidité malgré toutes ces années. Son invité approcha alors sa chaise de la sienne, avant de poser ses mains sur les épaules de l'homme en noir. Un sourire bienveillant étirait ses lèvres.

« Mon ange, tu n'as pas à te sentir embarrassé. Tu peux tout me dire, tu sais ?

— C'est plus facile à dire qu'à faire. Après, j'ai bien réussi à en parler avec Rutella. Donc, je pense pouvoir en discuter avec toi aussi. Par contre, tu risques de me prendre pour un fou après ça...

— Crois-moi Gray, après tout ce que j'ai vécu depuis notre séparation, tu ne peux pas être plus fou que moi, je peux te le garantir ! » confia Gabriel, dont le sourire s'était élargi en prenant un air joyeux. L'argenté le regarda avec étonnement, avant de finalement se détendre et de sourire à son tour :

« Un fou qui se confie à un autre fou... Voilà un bien drôle de tableau !

— Plus on est fou plus on rit, comme on dit ! plaisanta le blond.

— Euh... Je ne suis pas sûr que cette expression soit appropriée à la situation.

— Ça, je le sais bien ! Mais vu qu'on parle de fous... »

Gray ne put s'empêcher de lâcher un petit rire devant une telle réplique. Il était content de découvrir que Gabriel n'avait pas perdu son sens de l'humour plutôt singulier, mais néanmoins drôle. L'argenté parvint à se détendre grâce à cette bêtise et accepta finalement de dévoiler ce qu'il ressentait vis-à-vis d'Epon à son ami d'enfance. Celui-ci parut d'abord surpris par ce que le plus jeune lui racontait. Mais plus l'élu de Din avançait dans son récit, plus le blond en devenait attendri. Ce dernier ne s'était pas attendu à une telle histoire de la part de son ange. Mais il trouvait l'attitude de ce dernier adorable et comprenait mieux ses motivations.

Il commençait à se faire tard. Après cette soirée de conversation, il était temps pour les deux jeunes hommes de se rafraîchir avant d'aller dormir. Gabriel était le premier du duo à pénétrer dans la chambre. Vêtu d'une robe de chambre rouge bordeaux emprunté à Gray, le blond observa la pièce avec nostalgie. Avant de devenir le refuge de l'argenté suite au massacre d'Orkidië, cette demeure était la sienne et celle de son défunt père. Revenir ici après toutes ses années lui faisait donc un pincement au cœur. Il marcha lentement à travers la chambre en prenant le temps de la contempler, jusqu'à arriver devant la commode. Sur celle-ci reposait le cadre contenant la photo d'un Gray enfant, dormant assis sur les genoux de sa mère.

« Tu nous manques, Nicole... pensa le blond alors qu'un triste sourire s'emparait de ses lèvres. Toi, Lyon, mon père, nos amis... Vous nous manquez tous.

— Gaby ? »

L'escrimeur se retourna et vit Gray entrer à son tour dans la chambre, uniquement vêtu d'un bermuda gris. Ce fut à cet instant qu'il remarqua le bandage recouvrant la blessure sur son torse infligée par Envy.

« Gray... » murmura-t-il, horrifié. Face à son inquiétude, l'autre le rassura en souriant :

« Ne t'inquiète pas. Ce n'est pas une blessure grave. Elle ne me fait même plus mal maintenant, bien qu'elle picote encore un peu. »

L'air grave, le plus grand se rapprocha et posa délicatement une main par-dessus le bandage. Les paupières closes, il demeura silencieusement dans cette position pendant plusieurs secondes.

« Tu devrais faire plus attention, mon ange, lui conseilla-t-il en ouvrant les yeux.

— Tss ! Tu peux parler, toi ! » retourna Gray tandis que son sourire s'agrandissait et qu'il écartait de sa main une partie de chevelure dorée de son ami. Il révéla ainsi une vilaine bosse à la droite de son front. L'expression sérieuse de Gabriel se transforma en un sourire un peu gêné :

« C'est... juste un malheureux accident ! Je me suis cogné la tête contre une porte ce matin, à la citadelle.

— Je ne te savais pas aussi maladroit !

— Ce sont des choses qui arrivent. Quoi qu'il en soit... »

Le blond posa ses mains sur les épaules du plus jeune en retrouvant une mine plus austère. L'argenté en était surpris car il n'avait pas l'habitude de voir son meilleur ami tirer une tête pareille, même durant leur enfance.

« Ne t'expose pas inconsciemment au danger, reprit le blond en plongeant ses iris gris dans les pupilles océan de son interlocuteur. Je sais que tu es costaud et que tu arrives à te sortir des situations les plus désespérées. Mais en tant qu'humain, tu restes fragile. Au moindre faux pas, tu peux facilement mourir. Et c'est quelque chose que je ne veux pas. Encore moins après t'avoir enfin retrouvé. »

Une certaine tendresse envahit Gray en cet instant. Même s'il regrettait de voir Gabriel aussi soucieux à son égard, le fait d'apprendre qu'il comptait toujours autant pour lui, même après toutes ces années de séparation, le touchait énormément. Afin de le rassurer, il hocha affirmativement la tête en étirant ses lèvres :

« C'est mignon de ta part de te soucier autant de moi, même après tout ce temps passé.

— Plus naturel que mignon, je dirai. Tu restes mon meilleur ami et leur seul entourage d'Orkidië qu'il me reste de surcroît. Mon inquiétude à ton égard ne devrait pas te surprendre ! »

Voilà un point sur lequel il avait raison, et l'argenté le savait très bien. Ce fut pour cette raison qu'il acquiesça les dires de son aîné en lui pinçant gentiment la joue pour l'embêter un peu. Les deux amis se mirent à se taquiner et à rire ensemble pendant encore plusieurs minutes, avant d'aller finalement se coucher. Dormir dans le même lit ne les dérangeait pas car ils avaient l'habitude de le faire durant leur enfance.

Éclairés par une bougie posée sur la commode, les deux hommes demeuraient silencieux en attendant de sombrer dans un sommeil mérité. Gray était le premier à s'endormir. Gabriel, par contre, avait des difficultés à fermer l'œil. Le regard fixant le plafond, il affichait un air maussade alors que diverses pensées s'accaparaient de son esprit. De temps en temps, il contemplait l'argenté et ne pouvait s'empêcher de sourire. Malgré ce qu'il avait vécu et ses inquiétudes, l'élu de Din parvenait à dormir paisiblement.

Ou presque.

À un moment, l'argenté commença à s'agiter dans sa léthargie. Il se retourna dans la paillasse, tremblant et légèrement recroquevillé sur lui-même. Gabriel, pensant qu'il avait froid, se redressa doucement et s'apprêta à le couvrir plus qu'il ne l'était déjà avec les draps. Mais il remarqua quelque chose briller au niveau de l'épaule droite de son protégé.

« Sa marque divine de Din... »

L'homme à la longue chevelure dorée comprit rapidement : son ange n'avait pas froid. Il était en train de vivre un cauchemar à cause de cette marque. Afin de l'apaiser, Gabriel se colla à lui tout en le blottissant avec douceur contre son torse.

« Je suis là, mon ange... » murmura-t-il en espérant que Gray l'entendrait et que de telles paroles, ainsi que sa présence le rassureraient.

*

À Toal, les habitants s'étaient réunis pour partager le dîner ensemble avec Link, Iria et Epon. Durant ce repas, Epon s'était présentée plus en détails sans mentionner sa marque divine ou le phénix bleu en elle, tandis que Link et Iria avaient expliqué que le royaume était une nouvelle fois menacé. Ils les rassurèrent toutefois en leur révélant qu'avec l'aide de Zelda, de la Résistance, des soldats et d'autres alliés rencontrés à Cocorico ou au domaine Zora, ils mettaient tout en œuvre pour arrêter cette menace. Malgré cela, la peur se lisait sur les visages de certains, particulièrement chez les enfants qui craignaient désormais le pire. Il fallait dire que l'état du chef du village n'arrangeait pas les choses. C'était sur cette ambiance plutôt angoissante que tous étaient rentrés chez eux. Iria était retournée chez elle auprès de Bohdan afin de veiller sur lui.

Chez Link, Epon, vêtue d'un pyjama blanc et rouge que lui avait prêté Iria, était allongée sur une couchette que le blond avait installée non loin de son lit. Elle observait le plafond de la modeste mais paisible demeure du héros, tout juste éclairée par une lanterne trônant sur une table à proximité. L'hybride n'arrivait pas à trouver le sommeil pour plusieurs raisons : elle s'inquiétait pour Iria et pour son père, elle se demandait ce que faisait Gray et s'il allait bien, elle voulait savoir si sa mère et son escorte étaient bien arrivées au domaine Zora... Mais elle s'inquiétait également pour Link. Elle se redressa légèrement pour regarder en direction de celui-ci. Son ami s'était assis sur sa paillasse, le dos collé au mur derrière lui, et contemplait le ciel nocturne par la lucarne à sa gauche. En se sentant ainsi observé, le jeune homme se tourna vers la princesse et lui adressa un sourire bienveillant :

« Tu ne dors pas ?

— J'aimerais bien, confia la bleue en s'asseyant sur sa couche. Mais il s'est passé tellement de choses aujourd'hui que je n'y arrive pas.

— Je te comprends. Comment ne pas être inquiet par rapport à tout ce qui se passe en ce moment... »

Un silence s'ensuivit pendant que Link détournait son regard en serrant discrètement ses poings. Il ne le montrait pas, mais Epon parvenait à déceler une certaine inquiétude mêlée à de la frustration dans ses yeux. Et en repensant à leurs récentes péripéties à la montagne de la mort, il n'était pas compliqué pour l'hybride de deviner la raison de son angoisse.

Désirant le réconforter, l'élue de Nayru se leva et s'approcha du lit du héros vêtu d'une chemise et d'un pantalon bleu ciel. Elle s'assit ensuite à côté de lui en souriant légèrement, sous l'air surpris de son ami.

« Tu t'inquiètes pour la souveraine du Crépuscule, n'est-ce pas ? »

Le concerné demeura silencieux quelques instants, avant de tourner ses yeux vers le plafond.

« C'est le cas, en effet. Le fait de ne pas savoir comment elle va me rend fou.

— Ça se voit, avoua Epon en observant dans la même direction que lui. Et ça se comprend. Après ce que ces salauds de Gilgamesh et d'Envy nous ont raconté, il y a de quoi se faire du soucis pour cet autre monde. Et aussi pour celui d'Hyrule d'ailleurs. »

Link observa de nouveau par la fenêtre. Le firmament obscur était couvert par quelques nuages menaçants, mais cela n'empêchait pas de voir la lueur de certaines étoiles.

« Vous deviez être très proches, cette femme et toi, pour que tu t'inquiètes à ce point pour elle. » continua la jeune princesse en le regardant à nouveau. Cette supposition fit doucement sourire le blond.

« Midona et moi-même avons voyagé et combattu divers ennemis ensemble pour sauver ce royaume et le sien. On ne peut pas dire qu'on s'entendait spécialement bien au début. Mais petit à petit, on a fini par beaucoup s'apprécier. Malheureusement, après avoir accompli notre mission et afin de préserver Hyrule et le Crépuscule, elle a brisé le miroir des ombres lorsqu'elle est retournée dans son monde.

— Mais maintenant, ce miroir et le passage qui relie les deux mondes ont été restaurés, à en croire le rapport de la Résistance. Tu as une chance de la revoir.

— J'espère juste qu'elle va bien en cet instant, et qu'elle ira bien au moment où on la retrouvera. » souhaita Link en regardant l'hybride. Celle-ci lui rendit son sourire. Mais c'était un sourire un peu attristé. Sachant que le jeune homme avait récemment vu mourir le couple de yétis vivant dans les Pics-Blancs, elle avait peur qu'il perde également Midona. Il ne s'en remettrait probablement pas si cela arrivait. Tandis que son sourire essayait de se faire plus jovial, Epon posa sa main sur le dessus de la tête du jeune homme et ébouriffa gentiment ses mèches blondes. Le plus grand fut quelque peu abasourdi par un tel geste à son égard. À part Moï, personne ne lui avait jamais fait cela. Pas même Iria.

« Te dire qu'on va à coup sûr sauver Midona et son royaume sonnerait complètement bateau et exagérément optimiste, confia la demi-zora. Mais en s'y prenant de la bonne manière, je pense qu'il n'est pas impossible d'accomplir un tel exploit et de botter le cul de nos ennemis au passage. Dans tous les cas, tu peux compter sur moi pour te filer un coup de main. »

En voyait la mine complètement ahurie de Link devant de telles paroles, l'élue de Nayru ôta sa main de ses cheveux et le regarda d'un air à la fois sérieux et déterminé.

« Link. Tu m'as aidée et sauvée à plusieurs reprises. Et même après avoir découvert ce que j'étais, tu continues à le faire et tu es même venu me réconforter lorsque j'allais au plus mal. Depuis qu'on a quitté Ordinn, je sens en toi cette inquiétude que tu éprouves à l'égard de Midona et de son royaume. Alors le moins que je puisse faire, c'est de te rassurer à mon tour et de t'aider à les sauver. »

Le blond fut extrêmement touché par de telles paroles, qu'il ne trouvait pas bateau ou trop optimiste contrairement à ce que la plus petite pensait. Il était rassuré de savoir qu'il pouvait compter sur elle pour affronter leurs ennemis et sauver ceux à qui il tenait. Il admirait le courage et la détermination de la princesse aux cheveux bleus.

« Tu as failli me faire verser quelques larmes, Epon. » plaisanta-t-il en souriant tendrement. La jeune fille ne put s'empêcher de rire devant l'absurdité d'une telle réplique :

« Au moins, j'ai réussi à te rendre moins inquiet que tu ne l'étais tout à l'heure ?

— C'est vrai. Tu es plutôt douée pour réconforter les gens. Et j'apprécie. Vraiment, merci ! Pour ça et pour l'aide que tu m'as apportée. Je suis content de t'avoir à mes côtés. »

En prononçant ces mots, le sourire du blond s'élargit tandis qu'Epon se félicitait intérieurement de lui avait remonter le moral. L'ambiance s'était apaisée et avait même pris un air plus chaleureux. Étant donné qu'ils n'arrivaient pas à dormir, les deux amis passèrent une partie de la soirée à discuter. Link raconta à Epon les différentes péripéties qu'il avait vécues en compagnie de Midona six mois auparavant. De ses transformations en loup aux différents lieux qu'ils avaient visités, en passant les terribles monstres qu'ils avaient affrontés... Rien qu'en lui racontant toute cette aventure, le jeune héros avait l'impression de la revivre une nouvelle fois.

Les sentiments de Nayru étaient partagés entre la peine et l'émerveillement. Link avait vécu des choses peu enviables, comme l'enlèvement des enfants de Toal, l'amnésie dont avait été victime Iria ou encore la bataille qu'il avait livrée contre une Zelda manipulée par Ganondorf. Ces choses avaient probablement marqué le jeune homme. Mais d'un autre côté, un tel voyage lui avait fait découvrir plein d'endroit insolites tels qu'un temple dans lequel on remontait dans le temps une fois son entrée franchie, ou une citée perdue parmi les nuages où vivait un peuple d'étranges oiseaux à têtes humanoïdes. Epon enviait son ami d'avoir eu la chance de visiter ces lieux aussi singuliers que fascinants.

« Je ne m'attendais pas à voir autant d'étoiles briller dans tes yeux ce soir, confia Link en s'allongeant sur le dos et en se retenant de rire devant la tête émerveillée de l'hybride.

— Si on oublie les tragédies auxquelles tu as fait face, ton récit donne vraiment envie de voyager à travers Hyrule pour découvrir ces temples et cités dont tu parles.

— Je ne te pensais pas aussi passionnée d'aventure et d'action ! D'où te vient ton affection pour ces choses ? »

Epon s'allongea à son tour en réfléchissant à la formulation de sa réponse. En vérité, elle ignorait l'origine concrète de cette affection pour l'exploration et les batailles. Mais elle apporta tout de même des informations à son sujet :

« J'ai toujours été comme ça depuis mon enfance. Assez turbulente et casse-cou, au grand dam de Finiel qui faisait tout pour que j'évite de me casser bêtement quelque chose.

— Même si c'est plutôt marrant à imaginer, j'ai un peu de mal à te croire.

— C'est pourtant vrai ! affirma la bleue en le regardant avec un sourire. J'ai toujours aimé bouger, m'aventurer sur des terrains qui m'étaient inconnus. Je me sens libre en faisant ça. En tout cas, je trouve ce genre d'activité bien plus amusant que gérer des affaires royales, se montrer exemplaire en toutes circonstances ou que sais-je d'autres. Et puis, je trouve vraiment enrichissant de découvrir des choses ou des lieux dont on ne soupçonnait pas l'existence.

— Je suis bien placé pour confirmer ça, rétorqua Link. Et pour l'art du combat ? Ça t'est également venu avec ton côté casse-cou ?

— Ça m'est venu un peu après, grâce à mon père. Comme tu l'as su récemment, il faisait partie des soldats d'élite d'Hyrule, et était l'un des combattants les plus talentueux et respectés de l'armée. Je l'ai déjà vu livrer des duels amicaux contre certains de ses camarades lorsque j'étais encore une enfant. En le voyant agiter son épée avec puissance et grâce, puis enchaîner les victoires avec aisance, j'ai eu envie de faire pareil. Au début, c'était parce que je voulais devenir forte et savoir me battre aussi bien que lui. Mais au fil des années, en prenant conscience du monde dangereux dans lequel on vit, j'ai voulu apprendre à me battre pour protéger ceux que j'aime, à savoir ma famille et mon peuple. Exactement comme le faisait mon père. »

Le regard de la jeune fille s'était perdu dans le vide durant cette confession. Le héros à côté d'elle ne put s'empêcher d'esquisser un sourire bienveillant. Les motivations d'Epon étaient à la fois drôles et nobles, et grâce à cette détermination qui l'habitait, elle était devenue une redoutable combattante. Était-ce cette détermination et son caractère à la fois enjoué et réfléchi qui avait poussé la déesse Nayru à la choisir, elle, en tant qu'élue maudite ? Était-ce à cause de cette volonté à vouloir devenir plus forte pour protéger les siens que le phénix bleu résidait en elle ? Ces deux questions avaient surgi dans l'esprit de Link. Seulement, le jeune homme s'abstint de les poser à l'hybride. Il n'avait pas envie de plomber l'ambiance, ni de miner le moral en hausse de la bleue.

« Quoi qu'il en soit, répliqua-t-il à la place, je n'aurais jamais cru que la princesse des zoras était une guerrière capable de me tenir tête lors d'un affrontement.

— Et moi, je ne pensais pas que le célèbre héros d'Hyrule était si simple à combattre. »

Le rictus de la jeune fille prit un air taquin tandis qu'elle détaillait ses dires :

« Maintenant que j'y pense, si j'avais utilisé mes pouvoirs lors de notre combat, je t'aurais facilement envoyé au tapis.

— N'exagérez pas, Votre Altesse ! tempéra le blond, faussement vexé. Vous n'êtes pas la seule à avoir retenu vos coups ce jour-là, vous savez ?

— Ah parce que tu te retenais aussi ? Tu avais peur à ce point de blesser la charmante princesse que je suis ?

— Charmante vite fait...

— Plus qu'un héros en vert aux oreilles pointues dont je tairai le nom, en tout cas ! »

Affichant une expression exagérément outrée, Link enfonça son index dans les côtes de la jeune fille qui se tordit brusquement en lâchant un petit cri aigu :

« Évite de me toucher à ce niveau ! »

Sa réaction étonna le blond, qui cligna plusieurs fois des yeux avant de se redresser en affichant un grand sourire sadique :

« Alors comme ça, on est chatouilleuse ? »

Il ne lui laissa même pas le temps de répondre qu'il l'attrapa pour lui faire des chatouilles au niveau de ses côtés. Epon s'esclaffa en se débattant du mieux qu'elle le pouvait :

« Arrête ça ha ha ha !

— Ma vengeance pour ce que tu as dit tout à l'heure. »

Link continua pendant encore quelques secondes rythmées par les rires et les supplications de la demi-zora, avant de finalement la libérer. L'élue de Nayru, haletante, tenta de retrouver une respiration normale.

« Link... T'es trop con quand tu t'y mets... Tu le sais, ça ? articula-t-elle entre deux inspirations.

— Hé, c'est toi qui l'a cherché, pour le coup ! » se défendit le blond qui n'avait pas perdu son sourire amusé. Devant la puérilité de leurs chamailleries, les deux rirent gentiment à l'unisson. Ils se trouvaient ridicules mais sentaient que ces taquineries leur faisaient beaucoup de bien en cette période difficile. Finalement, après quelques minutes pendant lesquelles ils discutaient encore un peu, la fatigue gagna Epon. La jeune fille s'endormit, la tête tournée vers le blond. Celui-ci afficha un léger sourire à sa vue avant de se tourner vers le plafond. Également épuisé, il ne lui fallut pas plus que quelques minutes pour se laisser aller dans un profond sommeil.


Texte publié par Kamryn Allister, 18 mai 2023 à 14h50
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tome 1, Chapitre 24 « Souvenirs ravivés » tome 1, Chapitre 24
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