Pourquoi vous inscrire ?
«
»
tome 1, Chapitre 6 « Quand bénédiction devient malédiction... » tome 1, Chapitre 6

Trois jours s'étaient écoulés depuis la rencontre entre Link et Epon à la source de Firone. Depuis l'une des lucarnes de sa modeste demeure boisée, le héros d'Hyrule contempla l'averse qui déferlait tel un déluge sur le royaume. Quelques éclairs illuminaient le ciel assombri et furent accompagnés de grondements de tonnerre plus ou moins assourdissants.

« C'est vraiment un temps pour rester chez soi, ça. » affirma la voix d'Iria tandis que celle-ci venait de s'installer à une table après avoir posé dessus deux tasses en bois remplis de thé. Mais ce fut le silence qui lui répondit. La Toalienne regarda alors son ami. Une certaine inquiétude se lisait sur le visage de ce dernier, qui ne délaissait plus le paysage extérieur malmené par les éléments.

« Tu penses qu'Epon s'en est sortie ? » demanda la jeune fille, qui se doutait du soucis qu'il se faisait à l'égard de la bleue. Link poussa un léger soupir avant de lever ses iris saphir vers le firmament orageux.

« Je l'espère. En vérité, je pense qu'elle va bien. Mais j'ai un mauvais pressentiment depuis quelques jours.

— Un mauvais pressentiment ?

— Tu n'as rien remarqué d'anormal, ces derniers temps ? demanda le blond en se tournant vers elle. Comme des bourrasques anormalement puissantes qui soufflent sur Toal alors qu'on n'avait pas l'habitude d'en avoir ?

— Personnellement, je n'ai rien remarqué mais Fahd en a parlé à mon père. D'autres villageois ont également ressentit ces vents dont tu me parles. Mais ça n'a pas l'air de les inquiéter plus que ça. Je pense qu'il s'agit juste d'une météo capricieuse. Il n'y a qu'à observer cette tempête pour s'en rendre compte. »

Afin de le rassurer, la châtaine lui offrit un léger sourire bienveillant. Ce dernier fut retourné avant que le jeune homme n'observe à nouveau par la fenêtre.

« Je me demande si Epon se trouve encore à Firone... murmura-t-il suffisamment fort pour être entendu.

— Plusieurs jours sont passés depuis qu'on l'a croisée. À mon avis, elle a dû terminer ce qu'elle avait à faire avant de rentrer chez elle. Même si c'est plutôt inconscient de sa part...

— Je me demande bien ce qu'elle voulait faire dans un endroit aussi dangereux que le temple Sylvestre.

— Peut-être cherchait-elle à en savoir plus sur sa marque dont tu m'as parlée ? supposa Iria. D'ailleurs, à ce propos, j'ai beaucoup de mal à croire à l'existence de ses pouvoirs.

— Je l'ai pourtant vue à l'œuvre de mes propres yeux ! Elle est vraiment capable de manipuler l'eau à sa guise et sous toutes ses formes. Quand on y réfléchit, c'est une capacité redoutable. Je me demande bien pourquoi elle a obtenu un tel don. Raah ! Pourquoi elle n'est pas venue à Latouane ? J'aurais bien voulu en savoir plus sur elle et sur cette particularité qu'elle possède ! »

Le jeune héros avait croisé les bras tandis qu'une moue légèrement frustrée envahissait sa figure. Iria ne savait pas si elle devait être étonnée ou en rire. Une chose était sûre : Epon et le mystère entourant l'emblème de Nayru qu'elle portait semblaient fasciner Link.

« Si ça se trouve, peut-être qu'elle rôde toujours à Firone ? parla Iria après avoir bu une gorgée de thé. Peut-être qu'elle viendra nous rendre visite à Toal, une fois cet orage passé. Elle nous avait bien dit qu'elle visiterait Latouane à l'occasion, après tout ! »

La jeune fille marquait un point. Une telle perspective avait rendu le sourire à Link, tandis qu'il abaissa son regard en direction de la petite cour en bas de sa maison, non loin de l'accès au village. Mais cette mine heureuse disparut tandis que ses yeux s'écarquillèrent de terreur. Deux grandes silhouettes difformes de couleur noire se dirigeaient vers l'entrée de Toal.

« Bon sang ! » s'exclama le jeune homme en se précipitant vers son épée de légende rangée dans un coin, à la stupéfaction d'Iria qui ne comprenait pas sa réaction sur le coup.

« Quoi qu'il arrive, ne sors pas de cette maison ! » lui ordonna Link avant de quitter sa demeure. Pressé par le temps, il ne prit pas la peine de descendre l'échelle menant en bas de l'arbre sur laquelle était construit son habitat. Il sauta carrément et atterrit directement au sol en embrochant l'un des deux monstres, le tuant sur le coup. La seconde créature remarqua sa présence suite à son assaut mais Link ne lui laissa pas le temps de réagir : il accourut jusqu'à lui et effectua une puissante attaqua circulaire qui propulsa la bête un peu plus loin. L'opposant monstrueux se retrouva allongé par terre, gesticulant ses longs bras pour tenter de se mettre debout. Cependant, Link bondit sur lui et planta sa lame dans son ventre pour être sûr de l'achever.

Une fois ses deux adversaires vaincus, il les observa de plus près. Ses craintes se confirmaient : il connaissait ces monstres noirs difformes car il les avait déjà affronté à plusieurs reprises auparavant.

« Mais qu'est-ce qu'ils fichent ici ? s'interrogea Link en fronçant les sourcils. J'ai pourtant vaincu Xanto ! Puis Ganondorf ! Alors pourquoi ces créatures refont-elles surface ?! »

Hélas, aucune réponse logique ne lui venait en tête alors qu'il se tournait vers la porte de sa maison. Iria en avait franchi le cadre et avait assisté au combat, l'air horrifié.

*

Au domaine Zora, la tempête déferlait également. Si une telle météo ne dérangeait pas la plupart des êtres aquatiques vivant ici, certains avait choisi de s'abriter, effrayés par l'orage. Epon avait opté pour cette seconde option, même si elle n'avait pas spécialement peur des éclairs et de quelques coups de tonnerre. Après les rudes épreuves traversées au temple Sylvestre, la jeune fille avait choisi de retourner chez elle. Elle avait besoin de temps pour digérer tout ce qu'elle avait vécu trois jours plus tôt : sa rencontre avec Link, les créatures qu'elle avait dû affronter pour s'en sortir, l'intervention de Gray, et ce que ce dernier lui avait révélé au sujet des marques et de l'existence d'une quatrième déesse.

En repensant à cet homme en noir, l'hybride, actuellement vêtue d'une élégante robe blanche à dos nu et portant divers bijoux dorés à son cou et à ses poignets, poussa un profond soupir alors qu'elle se trouvait assise à côté de sa harpe dans sa chambre. Gray lui avait proposé de le rejoindre dans un certain village situé à la frontière des régions d'Ordinn et de Lanelle, si elle tenait à en savoir plus au sujet de la marque qu'elle portait sur sa cuisse. L'idée était terriblement tentante. Toutefois, Epon hésitait : elle ne savait pas si elle devait accorder sa confiance à ce type ou non. Il l'avait pourtant bien aidé au temple Sylvestre lorsqu'elle combattait la gigantesque plante carnivore à trois têtes. Mais il y avait quelque chose d'étrange chez Gray. Lorsqu'elle avait tenté de sonder son énergie comme elle l'avait fait avec Link, elle n'était pas parvenue à savoir si cet homme était bon ou mauvais, ce qui accentuait encore plus le doute.

Préférant se changer les idées, la jeune princesse s'installa correctement devant son instrument et commença à en jouer. Plusieurs notes s'élevèrent, composant une somptueuse mélodie. Epon affectionnait particulièrement cette harpe que son père lui avait offerte durant son enfance. Au fil des années, elle avait appris à en jouer et composait ses propres airs. Elle en jouait surtout pour se détendre et essayer d'oublier ses soucis du quotidien. Seulement, aujourd'hui, quelques fausses notes s'invitaient dans ce morceau qu'elle jouait pourtant si bien, d'habitude. La demi-zora ne parvenait pas à pleinement se concentrer. Trop de questions se bousculaient dans sa tête.

Elle interrompit sa musique, l'air maussade. Elle se sentait un peu perdue en cet instant. Elle ne savait pas quoi faire concernant sa marque divine. Alors qu'elle réfléchissait à la meilleure décision à prendre, quelqu'un toqua tout à coup à sa porte.

« Epon ? Tu es là ? »

La bleue reconnut la voix de Finiel et l'autorisa à entrer. Le zora ouvrit la porte. Il afficha néanmoins un air un peu surpris en voyant sa princesse vêtue de ses vêtements royaux :

« Rester dans ta chambre un jour de pluie, qui plus est dans cette robe, ne te ressemble pas. »

En guise de réponse, Epon afficha un léger sourire en détournant son regard de son garde personnel.

« Aussi bizarre que ça puisse te paraître, je n'avais pas spécialement envie de sortir aujourd'hui. Et puis j'avais envie de changer de style vestimentaire. »

Tout cela étonna un peu plus le zora qui observait longuement sa cadette. Il l'avait connu bien plus joyeuse que cela.

« Epon, réponds-moi franchement. Qu'est-ce qui s'est passé à Firone ?

— Pourquoi tu me demandes ça maintenant ?

— Je trouve que tu te comportes étrangement depuis ton retour de ta promenade là-bas. Tu sembles préoccupée. Est-ce que tu as vu quelque chose qui t'a... choquée ou bouleversée ? »

L'hybride demeura silencieuse un moment. Des choses qui l'avaient choquée... Epon en avait effectivement vu, entre les monstres rencontrés, les cadavres de singes transformés en hideuses créatures, les trois corps humains sans vie suspendus au plafond d'une salle lugubre et les horribles plantes carnivores géantes qu'elle avait combattues. La bleue en avait même fait des cauchemars, la nuit ayant suivi cette éprouvante journée.

« Epon, l'interpella à nouveau Finiel face à son absence de réponse. J'ignore ce qui te tracasse mais ce n'est pas en te réfugiant dans le silence que tu te sentiras mieux. Tu peux tout me dire, tu sais ? »

La demi-zora demeura muette. Ce n'était pas qu'elle ne voulait rien lui dire. Mais elle ne savait pas s'il était judicieux de lui parler de cette histoire maintenant. Si elle se mettait à mentionner l'existence d'une quatrième déesse et que ce genre d'information se propageait au sein du peuple zora, voire même au sein du peuple d'Hyrule tout entier, cela risquerait de créer des conflits. Epon voyait loin sur ce coup, mais elle savait très bien ce que la révélation d'une telle information pouvait impliquer.

Malgré tout, elle savait aussi que son garde personnel donnait souvent de bons conseils.

« Finiel, dis-moi : supposons qu'un jour, par hasard, tu rencontres une mystérieuse personne qui dit en savoir long à ton sujet, et qui détient également des renseignements que tu recherches depuis longtemps. Supposons ensuite qu'il ne te dévoilera ces informations que si tu le rejoins à un certain endroit. Sachant que c'est une personne que tu viens à peine de rencontrer et que tu ne sais pratiquement rien sur lui, qu'est-ce que tu ferais ? Est-ce que tu irais quand même le voir ? »

Devant une telle question, Finiel se frotta l'arrière de la tête, quelque peu confus. Il trouvait la question de sa cadette étrange mais prit tout de même le temps de réfléchir à sa réponse.

« Je dirais que tout dépend de si les informations en question en valent la peine. Personnellement, si l'inconnu ne me paraît pas trop louche, je serais allé le voir pour écouter ce qu'il a à dire. Mais en gardant quand même une part de méfiance. »

Les lèvres d'Epon s'étirèrent en un sourire satisfait face à une telle réponse. Décidément, elle et Finiel étaient sur la même longueur d'onde. Il venait de dire tout haut ce qu'elle projetait de faire, balayant d'un revers ses doutes et ses appréhensions. Elle en était rassurée.

D'un bond, elle se leva de son siège, se précipita vers son armoire et attrapa ses vêtements de voyage. Ceux qu'elle avait portés lors de son périple à Firone. Elle ôta ensuite sa robe royale pour les enfiler, sous les yeux de Finiel qui s'était vivement retourné pour ne pas la voir se déshabiller de la sorte.

« E... Epon ! s'exclama-t-il, complètement rouge d'embarras. P... Préviens-moi quand tu fais ce genre de choses ! »

Se changer ainsi devant Finiel ne dérangeait absolument pas la bleue, qui enfilait à présent ses chaussures. Une fois cela fait, elle s'avança de nouveau vers l'armoire et attrapa une longue cape brune dotée d'une capuche.

« Finiel, l'appela la jeune fille en s'approchant de lui, le faisant se retourner. Je m'absente du domaine un moment. Je ne sais pas si je serai rentrée aujourd'hui. Mais préviens ma mère pour moi, okay ?

— Hé, attends un peu ! la freina Finiel. Tu comptes sortir comme ça ? Sous cette pluie ? Mais pour aller où ?

— Pas le temps de t'expliquer maintenant. Mais promis, tu en sauras plus bientôt ! »

Suite à ces mots, elle fit apparaître un petit jet d'eau sous ses pieds pour la surélever à la hauteur du zora. Elle l'embrassa ensuite vivement sur la joue avant de redescendre et de se précipiter hors de sa chambre, en enfilant sa cape. Elle laissa derrière elle un Finiel aux joues roses, avec une expression complètement abasourdie sur son visage.

*

Plusieurs heures avaient passé depuis le départ d'Epon. Elle marchait à présent dans la plaine de Lanelle, en direction de la région d'Ordinn à l'est. Néanmoins, la pluie torrentielle encore présente rendait le trajet pénible. Sur sa route, l'hybride avait croisé une multitude de monstres voulant lui barrer la route. Elle était parvenue à les vaincre, mais non sans quelques blessures au niveau de son ventre, de son épaule et de son visage. Heureusement, elles n'étaient ni trop graves, ni trop profondes même si elles picotaient un peu. Aussi, la cape de la jeune fille était déchirée à plusieurs endroits et ne la protégeait plus correctement de la pluie. Epon avait dû s'en séparer pour s'alléger, avant de continuer son chemin.

Au bout de plusieurs longues minutes, elle aperçut l'entrée d'une caverne éclairée par quelques torches. Elle décida de s'y réfugier afin de s'abriter de la pluie, le temps que celle-ci se calme. Mais par curiosité et parce qu'elle n'avait rien à faire d'autres, elle s'enfonça un peu dans la grotte.

Cette dernière n'était pas longue et débouchait sur une sorte de village fermé entre plusieurs falaises assez hautes. Par contre, ce lieu semblait désert. Les maisons étaient abîmées ou en ruines pour la majorité, et il n'y avait personne dans les environs. Pas d'habitant, pas de monstre. Juste quelques chats par-ci par-là.

« C'est ça ? Le village oublié ? » se demanda Epon en s'aventurant de nouveau sous la pluie pour traverser ce village. La jeune fille distingua une présence humaine malgré le silence de mort régnant par ici. Cet endroit n'était donc pas totalement dépourvu de vie. En restant sur ses gardes, la bleue avança prudemment dans une ruelle boueuse, jusqu'à apercevoir de la lumière par la fenêtre de la maison la plus au fond du village. Elle accéléra donc le pas en cette direction avec l'intention de toquer à la porte. Mais cette dernière s'ouvrit avant qu'elle ne parvienne à l'atteindre, laissant apparaître Gray. Le jeune homme parut surpris de la voir dans un état pareil, sous une pluie aussi diluvienne.

« Je ne m'attendais pas à te revoir aussi vite, lui parla l'argenté en esquissant un sourire.

— J'ai longtemps hésité à venir, je t'avouerai... »

La demi-zora haletait, fatiguée par l'éprouvant trajet parcouru et souffrant de ses blessures. En remarquant cela, Gray l'invita à entrer chez lui pour qu'elle puisse se sécher et soigner ses blessures.

Durant une heure, Epon avait pris un bain avant de revêtir un t-shirt blanc trop grand pour elle que son hôte lui avait prêté. Ses plaies avaient également été pansées. Se trouvant à présent assise à une table carrée en bois, la princesse observa le bol posé devant elle. Elle était remplie de soupe aux potirons.

« Je sais qu'en tant qu'hybride, tu ne crains pas la fraîcheur autant qu'un zora pure souche. Mais je pense que te réchauffer un peu ne te sera pas désagréable. »

Il lui avait affiché un léger sourire. Epon la remercia pour cette hospitalité et saisit le récipient. Mais elle ne but pas son contenu tout de suite. Elle balaya rapidement du regard l'intérieur de la maison de Gray, qui n'était pas particulièrement spacieuse. Autour d'elle se trouvaient quelques chaises, ainsi qu'une cheminée allumée. Quelques étagères remplies de livres étaient aussi présentes. Il y avait également deux portes : l'une menait dans la petite salle où elle s'était rafraîchie, et la seconde menait probablement à la chambre de l'argenté. La jeune fille ne s'attarda pas trop sur tous ces détails. Elle se tourna à nouveau vers le jeune homme qui n'avait rien perdu de son sourire amusé.

« Je suppose que ce n'est pas qu'une simple visite de courtoisie, n'est-ce pas ? questionna celui-ci.

— Tu m'avais promis de m'en dire plus au sujet des marques si je venais. À présent que je suis là, j'attends tes explications. »

Gray resta silencieux quelques secondes, tout en s'avançant près d'une fenêtre pour observer la pluie dehors. Ce qu'il était sur le point de révéler à son invitée allait probablement bouleverser le quotidien de cette dernière. Mais l'homme en noir estimait qu'elle devait connaître la vérité au sujet des emblèmes divins.

« Din, la déesse du feu et de la guerre, commença-t-il. Farore, la déesse des forêts et des vents, et Nayru, déesse de l'eau et de l'amour. La légende des déesses de la création, telle qu'on la connaît, se résume à à ces trois divinités qui créent le royaume d'Hyrule avant d'y insuffler la vie.

— Jusque-là, tu ne m'apprends rien de nouveau, rétorqua Epon.

— Sauf qu'en réalité, il existe une quatrième déesse qui a participé à la conception de ce monde. Elle se nomme Lato et représente déesse des déserts et des morts. »

Cette fameuse quatrième déesse se prénommait donc Lato. La princesse des zoras se demanda alors pourquoi elle n'en avait jamais entendu parlé auparavant.

« Le fait qu'une déesse de la mort soit à l'origine de la genèse d'Hyrule est une chose assez taboue pour les Hyruliens, expliqua Gray d'un air sérieux. La plupart d'entre eux, pour ne pas dire une grande majorité, ont préféré renier cette déesse morbide et officiellement admettre que seules Din, Nayru et Farore étaient à l'origine de notre monde.

— C'est pour ça que l'existence de Lato nous est cachée ? » s'étonna Epon. Gray hocha affirmativement la tête en guise de réponse.

« C'est complètement idiot, je suis d'accord. Mais sache que la foi perturbe souvent le jugement et le raisonnement des gens, les faisant faire n'importe quoi. Cette ignorance et ce snobisme de la part des habitants d'Hyrule ont provoqué la colère de ces quatre déesses. Pour leur faire payer cet affront, les divinités ont alors sélectionné quatre personnes. Quatre sortes d'élus, portant chacun un emblème divin représentant l'une d'entre elles. »

En racontant cela, l'homme en noir se saisit d'une feuille de papier sur laquelle était dessinée le symbole de la triforce, composée de trois petits triangles dorés disposées de manière à former un seul et grand triangle. Mais ce n'était pas la seule chose que l'on pouvait voir : à l'intérieur de chaque triangle était dessiné un emblème d'une déesse. Celle de Din, de couleur rouge, se trouvait sur la partie supérieure. Celle de Nayru, de couleur bleue, se situait sur la partie à gauche. Enfin, celle de Farore, formée de deux croissants emboîtés avec un disque en leur centre et de couleur verte, était positionnée sur la partie de droite.

Cependant, il y avait un quatrième emblème divin. Celui-ci était positionné au centre de la triforce. De couleur brune, elle représentait une forme difficile à décrire mais étrangement symétrique. Avec un peu d'imagination, on pouvait penser à une tête d'oiseau abstraite. Elle représentait sans aucun doute la déesse Lato.

« Pourquoi avoir choisi quatre élus ? Quel est le but de ces quatre personnes ? Quel est notre but ? » demanda alors Epon. Mais le visage de Gray s'assombrit, tandis qu'il serrait nerveusement ses poings.

« Gray... ? »

Cette attitude de sa part étonnait un peu l'hybride. Mais ce que le jeune homme lui révéla ensuite lui glaça le sang.

« Si nous avons été élus... c'est pour détruire Hyrule. »

Epon cligna des yeux à plusieurs reprises, encore incertaine d'avoir bien entendu. Elle ne savait pas comment réagir face à cela.

« C'est une blague... n'est-ce pas ? questionna-t-elle d'une petite voix en espérant vraiment que ce soit le cas.

— J'aurais bien voulu, crois-moi. Mais je suis sérieux. Si les déesses nous ont confié des pouvoirs à travers ces marques, ce n'est pas pour rien. Elles font de nous des machines à tuer, destinés à semer le chaos dans le royaume, afin de punir ceux et celles qui ont douté de l'existence de la déesse Lato. »

L'hybride aux cheveux bleus n'en revenait pas. Elle qui pensait être une personne vouée à accomplir des actes héroïques pour son peuple... Elle qui faisait tout son possible pour préserver cette paix qu'Hyrule avait retrouvée depuis quelques mois... Elle qui portait le surnom de phénix bleu, créature divine ayant autrefois sauvé le royaume selon une ancienne légende... Voilà qu'aujourd'hui, elle apprenait que sa mission était le contraire de tout cela. La marque qu'elle portait sur sa cuisse depuis tout ce temps, c'était juste parce que la déesse Nayru l'avait choisie pour détruire ce qu'Epon cherchait à protéger depuis toujours. Cet emblème qu'elle portait et qu'elle pensait être une bénédiction des divinités, s'avérait finalement être maudite.

« Je n'arrive pas à y croire... D'ailleurs je n'y crois pas ! s'exclama-t-elle en se tournant vers Gray. Ce que tu dis n'a aucun sens ! Les déesses ont élu des personnes portant le symbole de la triforce dans le but de faire régner la paix à Hyrule. Pourquoi avoir également élu d'autres individus pour lui nuire ? Ce n'est pas logique !

— Les déesses s'en foutent royalement de la logique. Regarde Ganondorf ! C'était un élu des déesses au même titre que la princesse Zelda ou que ce héros qu'on appelle Link. Pourtant, il n'a pas hésité à faire le mal autour de lui pour tenter de s'emparer du royaume. »

On ne pouvait pas nier que Gray avait raison sur ce point. Mais si tout ceci était vrai, il y avait plusieurs choses qu'Epon ne comprenait pas :

« Si on s'en tient au fait qu'il existe une quatrième déesse, la triforce n'a plus de raison d'être, vu qu'elle est le symbole des trois déesses fondatrices d'Hyrule, à savoir Din, Farore et Nayru ! Et puis... Comment as-tu su, au sujet de tout ça ? Qu'est-ce qui me prouve que tu n'es pas en train de me mentir pour mieux me manipuler ensuite ? »

Un silence long d'une dizaine de secondes s'ensuivit, avant que Gray n'éclate de rire.

« Drôlement naïve pour une princesse ! Je me demande bien pourquoi la déesse Nayru t'a choisie toi en particulier. Tu n'es encore qu'une gamine en fin de compte. »

D'ordinaire, Epon lui aurait collé une droite dans la figure pour cette moquerie. Mais après son choc suite à la révélation de l'argenté, elle n'avait ni la force, ni l'envie de frapper qui que ce soit. Tout ce qu'elle voulait, c'était connaître la vérité même si elle était très dure à entendre. Voyant que la demi-zora n'avait pas réagi face à sa tentative ratée de taquinerie, Gray se décida enfin à répondre à ses interrogations.

« Si j'avais vraiment voulu te mentir pour te manipuler, jamais je ne t'aurais révélé le lieu où je réside.

— Tu vis vraiment dans ce village abandonné ?

— Ce village abandonné comme tu dis avait un nom autrefois. Orkidië. Mais il a subi un massacre qui a décimé sa population, il y a maintenant une douzaine d'années. Je suis le seul à avoir survécu. Mes parents, mon frère, mes amis, mon entourage... Tous ont été tués ce jour-là. »

Un nouveau choc ébranla la jeune fille, qui ne s'était pas du tout attendue à cela. Elle comprenait mieux la raison pour laquelle son homologue masculin vivait seul ici.

« Je suis désolée, s'excusa-t-elle en détournant le regard. Je ne savais pas. »

Gray se contenta de soupirer légèrement, avant de revenir sur le sujet principal de leur conversation.

« Pour ce qui est de la triforce, regarde plus attentivement ce croquis, lui conseilla-t-il en rapportant son attention sur le papier qu'il montrait. Les triangles pointant vers le haut symbolisent les trois déesses connues de tous, à savoir Farore, Nayru et Din. Mais au milieu de ces triangles, se trouve un triangle pointé vers le bas qui représente Lato, la déesse oubliée de tous. La déesse que les Hyruliens ont préféré cacher dans un tissu de mensonges, juste parce qu'elle représentait la déesse des morts. »

La princesse des zoras ignorait comment réagir face à toute cette histoire. D'un côté, elle ne comprenait pas pourquoi les habitants du royaume avaient décidé de renier Lato juste à cause de son statut. Mais d'un autre, elle trouvait que les déesses exagéraient en choisissant une poignée de gens pour semer la zizanie à Hyrule, rien que pour cela. Epon poussa un long et profond soupir, afin d'évacuer ce choc accumulé en elle durant toute cette conversation. Elle avait encore du mal à digérer tout cela. Néanmoins, il restait encore une question qu'elle souhaitait poser à Gray. Ou plutôt deux.

« Lorsque tu étais au temple Sylvestre l'autre jour, est-ce que tu as croisé une fille vêtue d'une cape noire ?

— Non. Je n'ai rencontré personne d'autre que toi, à part quelques monstres, dont les plantes géantes qu'on a affrontées ensemble. »

Epon avait espéré une autre réponse de sa part. Mais soit ! Elle ne perdit pas plus de temps et posa sa seconde interrogation.

« Ceux qui portent les marques de Farore et de Lato, tu les connais ? Tu les as déjà croisés ?

— Non, j'ignore qui ils sont. Tout ce que je peux te dire à leur sujet, c'est que la personne portant la marque de Farore possède le pouvoir du vent et de la transformation, et que celle qui porte la marque de Lato possède le pouvoir de la terre, une force surhumaine, et peut-être même d'autres pouvoirs que je ne connais pas.

— Le pouvoir du vent... murmura alors Epon.

— Tu sais quelque chose à ce sujet ?

— La fille dont je viens de te parler... Lorsque je l'ai approchée, une puissante bourrasque s'est mise à souffler et à m'emporter. J'ai pas trop compris ce qu'il s'est passé ensuite, mais elle a disparue peu après que j'ai retrouvé mes esprits.

— Est-ce que tu as vu la marque de Farore sur elle ? » l'interrogea Gray, intrigué. Mais Epon secoua négativement la tête. Elle n'avait pas eu le temps de détailler le physique de l'inconnue. Même si elle paraissait suspecte, il était pour l'instant impossible d'affirmer qu'il s'agissait là d'une élue maudite.

« Quoi qu'il en soit, reprit l'argenté en croisant les bras, tu ferais mieux de faire attention aux personnes que tu rencontreras à l'avenir. Si l'une d'elles se révèle être l'élu de Farore ou de Lato et qu'elle a de mauvaises intentions, tu risques de passer un mauvais moment.

— Et toi ? l'interrogea Epon. Tu n'as pas de mauvaises intentions ? »

Cette question fit sourire le jeune homme. Mais d'un sourire sincère qui n'avait rien de moqueur ou de sournois.

« Tu doutes encore de moi, hein ? constata-t-il. Ça peut se comprendre. Et tu as bien raison de te méfier. Il ne faut jamais faire totalement confiance à quelqu'un. Ton meilleur ami d'aujourd'hui peut très vite devenir ton pire ennemi de demain.

— Ce qui signifie que tu ne me fais pas totalement confiance non plus. Alors pourquoi me révéler tout cela ? Et puis, tu ne m'as toujours pas dit comment tu es au courant de toute cette histoire. »

Gray regarda longuement la jeune fille avant de se rapprocher d'elle, afin de lui murmurer un mot à l'oreille.

« Psysalis.

— Psysalis ? Qu'est-ce que c'est ?

— Je pense que tu le sauras bien assez tôt. En ce qui concerne la raison pour laquelle je t'ai révélé cette vérité au sujet des marques, c'est pour faire de toi mon alliée.

— Ton alliée ? Comment ça ?

— Comme je te l'ai expliqué, il se peut que les autres porteurs des marques divines soient des gens malfaisants. Dans ce cas, si on est deux, on pourra les retrouver plus facilement... et les éliminer si besoin. »

Son raisonnement échappait un peu à la jeune fille. Pourquoi éliminer ceux qui étaient comme elle et lui ?

« Même si on m'a désigné comme étant l'un de ceux qui doivent foutre le bordel à Hyrule, je refuse de m'abaisser à faire ça, confia le jeune homme. Je me fiche d'être maudit par les déesses ou d'être à l'écart de tous. Mais je ne tiens pas à être l'auteur d'un quelconque crime juste pour satisfaire l'ego des déesses. »

À cet instant précis, il se rapprocha d'Epon en la regardant droit dans les yeux.

« Je ne veux pas utiliser mes pouvoirs pour semer le chaos dans ce royaume. Et vu le genre de personne que tu es, je suis sûr et certain que tu partages cet avis. »

La bleue détourna une fois de plus son regard. Il était vrai qu'elle pensait comme lui. Malgré ce qu'elle était supposée être, elle ne voulait pas faire de mal autour d'elle, elle non plus. Mais en même temps, elle était tellement bouleversée qu'elle n'arrivait plus à réfléchir correctement. Et puis, ce Gray... Elle le connaissait à peine. Comment être sûre qu'il était réellement digne de confiance ? Alors que l'hybride se perdait dans ses pensées, elle sentit deux mains se poser sur ses épaules. C'étaient celles de Gray. Il la regardait avec un sourire qui se voulait rassurant.

« Epon. Je sais que tout ce que je viens de te dire est assez inattendu et difficile à avaler. Mais ne te prend pas la tête avec ça. Par contre, ce que je te conseille, c'est de redoubler de prudence. Si une personne connaissant l'histoire des élus que nous sommes voyait ta marque, elle pourrait chercher à te nuire même si tu n'as rien fait de mal. »

Son interlocutrice demeura silencieuse en cet instant, bien trop secouée pour répliquer quoi que ce soit. Elle n'avait pas spécialement peur. Mais apprendre qu'elle avait été élue pour faire le mal alors que ce n'était pas dans sa nature lui avait mis un bon coup au moral. Doucement, sans rien dire, elle recula de telle sorte à enlever les mains de Gray de ses épaules.

« Gray... J'ai besoin d'être un peu seule... » l'informa-t-elle sur un ton monotone. Epon ne savait pas du tout ce qu'elle ressentait en cet instant. De la colère ? De la tristesse ? De la déception ? De la honte ? Difficile à savoir. Mais elle avait besoin que ce sentiment s'évacue. Et en remarquant le regard compatissant de l'argenté, elle comprit qu'il allait lui accorder cette faveur.

« Si jamais tu as besoin d'une autre information ou de quoi que ce soit d'autre, je serai dans les parages. Repose-toi, tu en as besoin. »

Sur ces mots, le jeune homme quitta la pièce, laissant la demi-zora seule.

Seule face à ses doutes et face à ce destin cruel auquel l'avait condamnée la déesse Nayru, en apposant son emblème sur sa cuisse. En cet instant, Epon avait envie de hurler et de pleurer, mais la force lui manquait. Son regard se tourna alors vers la fenêtre : il pleuvait toujours autant que lorsqu'elle était arrivée en ce lieu. Elle contempla alors cette averse, l'air maussade.


Texte publié par Kamryn Allister, 12 février 2023 à 15h32
© tous droits réservés.
«
»
tome 1, Chapitre 6 « Quand bénédiction devient malédiction... » tome 1, Chapitre 6
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
2624 histoires publiées
1172 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Yedelvorah
LeConteur.fr 2013-2024 © Tous droits réservés