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tome 1, Chapitre 15 « Mortem Orbis » tome 1, Chapitre 15

Deux soldats Vegarions venaient d'escorter Othéo jusqu'aux appartements qu'avait fait préparer Aeren pour l'accueillir dans sa demeure. Ewen et Harvay l'avaient rejoint quelques instants plus tard. Alors que le souverain Vopaquin s'assit sur le bord du grand lit aux draps fleuris, situé au fond de la pièce, sa fille s'approcha pour lui parler d'un ton presque réprimandant.

« Ce n'était vraiment pas prudent de venir jusqu'ici seul. Et dire que tu as insisté pour que je me rende à Redfir, avec toute une escorte pour assurer ma sécurité !

— J'ai privilégié la vitesse à la sécurité pour cette fois, répliqua Othéo en souriant légèrement dans le but de rassurer Ewen. Je voulais atteindre Rhéa au plus vite. Et puis, j'ai quand même réussi à résister à l'assaut d'une tribu Vegarionne tout seul !

— J'admire votre force et votre courage pour entreprendre un tel voyage en solo, Majesté, intervint Harvay en s'inclinant légèrement par respect. Mais votre fille a raison. C'était très inconscient de votre part d'agir ainsi. D'ailleurs, cela m'étonne beaucoup de vous... enfin, sans vouloir vous offenser.

— Allons allons, vous deux ! Ce qui est fait est fait. L'essentiel, c'est que je sois arrivé à destination en vie et sans trop de blessures, non ? »

Othéo avait prononcé ces mots alors que son sourire s'était élargi, à l'étonnement d'Ewen et d'Harvay qui s'étaient échangé un regard déconcerté. Mais le visage du roi de Vopaqua se fit plus sérieux et grave quelques secondes plus tard :

« Il y a plusieurs choses dont il faut qu'on parle, Ewena.

— Je m'en doute bien, papa. Je suppose que tu veux connaître les pistes que j'explore pour retrouver les assassins du roi Moreh et du prince Aelan, n'est-ce pas ?

— Entre autres, oui.

— Entre autres ? » répéta Harvay qui se demandait à quoi d'autre pensait son roi. Le suzerain azur se leva de son lit et alla vérifier à la porte si personne n'était derrière celle-ci, en train d'écouter leur conversation. Puis, il prit soin d'aller fermer les fenêtres ouvertes. Visiblement, il ne voulait que personne n'entende leur discussion, ce qui surprit Ewen et Harvay qui ne comprenaient pas la raison derrière une telle attitude de sa part. Le souverain revint ensuite vers eux en croisant les bras.

« Je ne pense pas que les assassins de Moreh et d'Aelan soient les seuls dangers que courent le continent, confia-t-il aux plus jeunes d'un air suspicieux.

— Que veux-tu dire ? » questionna sa fille. En guise de réponse, Othéo raconta sa rencontre avec les enfants du dirigeant de Grendia, à savoir Léonard et Annette. Par l'intermédiaire de ces deux-là, il avait appris que leur père, Edgard, était en contact constant avec le roi Vegarion, et qu'il avait été informé de la présence d'Ewen à Rhéa grâce à lui.

« Mais... Quel est l'intérêt pour Sire Aeren de divulguer ça au président de Grendia ? demanda la princesse Vopaquine, stupéfaite par cette révélation.

— C'est exactement ce que je me suis demandé sur le coup. J'ignore pour l'instant si c'est juste à but informatif ou s'il y a une quelconque arrière-pensée derrière cet acte. Mais les souverains de Grendia et de Vegario complotent sans doute quelque chose, s'ils demeurent en contact constant.

— Peut-être qu'ils se sont alliés pour tenter d'arrêter les meurtriers qu'on recherche ? présuma Harvay en croisant les bras, l'air pensif.

— Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir aussi contacté les autres souverains de Kaäraan, en particulier Dame Nefer, vu qu'elle est directement concernée par ces tragédies ? questionna alors Ewen, plus que dubitative devant cette supposition.

— Il ne faut pas non plus oublier que certaines nations sont en conflit entre elles, intervint son père. Je pense à Vegario et à Xen d'un côté, mais également à Redfir et à Norte d'un autre. Suite à la mort d'Aelan, pas mal de personnes pensent que l'empereur Xenois serait mêlé à cette histoire. Quant à l'assassinat de Moreh, des accusations pointent l'empereur Lawrence de Norte. Honnêtement, cela m'étonnerait qu'Edeus ou Lawrence soient responsables de ces tueries. Je pense plutôt que les meurtriers ont fait en sorte que ces deux empereurs soient accusés à tort. Et quelque chose me dit qu'Edgard et Aeren ne sont pas étrangers à tout cela. Surtout Edgard. »

Ewen et Harvay s'échangèrent un nouveau regard. Pourquoi le président de Grendia agirait-il de cette manière ? Les accusations d'Othéo envers lui et le roi de Vegario étaient très graves ! Le jeune duo avait du mal à imaginer qu'une telle chose soit possible. Mais ce n'était pas pour autant des pistes à écarter, pour éclairer cette histoire.

Le souverain de Vopaqua demanda ensuite à sa fille ce qu'elle avait découvert concernant les meurtres en eux-mêmes. La bleue observa alors son père, puis Harvay. Elle n'avait pas mis ce dernier au courant de ses trouvailles jusqu'à maintenant. Elle avait préféré attendre le moment opportun pour le faire. Et cet instant se présentait enfin. Après avoir réfléchi à la meilleure façon d'exposer ses découvertes, elle se lança.

« Est-ce que le Mortem Orbis vous dit quelque chose ? »

Un grand étonnement se lut sur les visages des deux hommes devant une pareille question, à laquelle ils ne s'attendaient pas.

« Mortem Orbis ? répéta Harvay. La secte de sorcières que mentionne l'une des légendes de Kaärann ?

— Elle-même, acquiesça Ewen, l'air sérieux. Je commence à me demander s'il ne s'agit que d'une simple légende.

— Qu'est-ce qui te fait dire cela ? demanda Othéo, plutôt sceptique devant une telle hypothèse.

— Eh bien, vous ne trouvez pas cela étrange que de nombreuses personnes de sang noble ou royal se fassent tuer récemment, et que leurs assassins ne laissent aucune trace permettant de les retrouver ? J'ai combattu l'un de ces meurtriers, celui qui a tué Sire Moreh. Et j'avais vu cette espèce d'aura pourpre qui entourait son corps. Sa force et sa vitesse semblaient décuplées grâce à elle.

— Tu penses qu'il aurait utilisé une quelconque magie, ou quelque chose du genre ? l'interrogea son serviteur blond.

— J'en suis même certaine. Mais ce n'est pas une magie naturelle comme on retrouve chez les natifs de Vopaqua ou de Vegario. Je n'avais jamais rien vu de tel, auparavant.

— Admettons qu'il y ait vraiment une magie inconnue derrière tout ceci, intervint le roi aux cheveux azur, toujours aussi perplexe devant ces explications. Pourquoi penses-tu qu'il y aurait un lien particulièrement avec ce Mortem Orbis ? »

La jeune princesse, voyant que son père n'était pas convaincu, jugea bon de rappeler la légende du Mortem Orbis. Il s'agissait d'une secte composée de dix femmes désirant prendre le contrôle de Kaärann en utilisant comme arme la magie renfermée dans les reliques divines, ainsi que diverses techniques de sorcellerie normalement prohibées dans tout le continent. Ce groupe, qui était parvenu à réunir les six reliques divines, s'en était servi pour créer ce qu'on appelle les auras. Ces sources d'énergies magiques étaient si puissantes qu'elles pouvaient rivaliser avec la magie des reliques divines. Dix auras de couleurs différentes et aux attributs différents avaient été créées à ce moment-là. Une pour chacune des sorcières composant ce groupuscule.

« Parmi ces auras, continua la princesse aux cheveux bleus, il en existait une de couleur pourpre qui confère à son utilisateur une force incommensurable, ainsi qu'une vitesse ahurissante. Deux choses que mon agresseur semblait posséder, en plus de l'aura pourpre elle-même. Je ne pense pas que tout cela ne soit qu'une simple coïncidence.

— Hum... réfléchit alors son père. Il est vrai que cette histoire d'aura est plutôt étrange. Mais de ce que je me souvienne, Mortem Orbis, selon la légende, aurait existé il y a plusieurs siècles. Ces sorcières sont mortes, depuis.

— Les sorcières ont disparu, intervint Harvay, l'air penseur, mais les auras ont sans doute perduré. Des personnes, dont l'assassin de Sire Moreh, sont probablement parvenues à mettre la main dessus et à s'en servir pour continuer ce que les sorcières de cette époque ont commencé. C'est-à-dire tenter de prendre le contrôle du continent.

— Cela expliquerait pourquoi ils se sont mis à assassiner des nobles, puis certains membres des familles dirigeantes. » conclut Ewen en se tournant vers son père, qui paraissait totalement surpris. Le roi Vopaquin ne voulait pas y croire et avait encore au fond de lui une part de perplexité devant une telle hypothèse. Mais il était forcé de constater que cette histoire concernant le Mortem Orbis faisait sens avec certains faits.

« Ce qui voudrait donc dire que cette secte n'était pas qu'une simple légende, et qu'elle s'est reformée avec des gens partageant les mêmes idéaux et objectifs que les sorcières, murmura-t-il en détournant le regard. Si cette piste s'avère juste, alors nous avons à faire à des ennemis vraiment dangereux.

— Selon la légende, les armées des différentes nations étaient parvenues à faire disparaître les sorcières du Mortem Orbis, non ? demanda Harvay.

— Pas sans mort d'hommes, répondit Ewen. De plus, les sorcières n'étaient que dix. Peut-être que nos criminels sont plus nombreux cette fois, et qu'ils se sont préparés à une éventuelle riposte de la part des nations. »

Othéo se contentait d'écouter les deux plus jeunes sans rien dire, semblant réfléchir à quelque chose. Il ignorait la véracité des soupçons de sa fille, même si ces derniers semblaient justifiés. Mais si cette hypothèse se confirmait, le roi de la nation des océans craignait pour l'avenir de Kaärann.

« On devrait en parler aux autres souverains, tu ne crois pas ? demanda tout à coup Ewen, ce qui le tira de ses pensées.

— Pour la sécurité des populations, il faudrait effectivement mettre les familles dirigeantes au courant. Mais avant, je voudrais avoir une discussion avec le roi Aeren à ce sujet. Il y a quelques points que j'aimerais éclaircir, avant de révéler cette piste que tu proposes.

— Je comprends. » se contenta de répliquer la princesse avec un léger sourire. Elle était soulagée d'avoir pu enfin révéler tout ce qu'elle savait à son père et à Harvay. Mais d'un autre côté, elle avait un mauvais pressentiment. D'une part par rapport aux suspicions de son père vis-à-vis de certains souverains, et d'autre part, car qu'elle avait peur qu'une nouvelle tragédie ne se reproduise au sein des familles dirigeantes.

*

La vie continuait son cours dans cette nation des forêts. Les heures défilaient à la capitale Vegarionne sans que personne ne s'en rende vraiment compte. Le visage à moitié caché sous une capuche de voyage, Seven venait de poser ses pieds à Rhéa. Il n'avait rencontré aucun problème durant sa traversée du désert de Xen, grâce à l'escorte mise en place par Shira, ou durant son trajet à travers les forêts de Vegario. Néanmoins, la chaleur subie à la nation des sables, combinée aux heures de marche et de course endurées pour arriver à destination, l'avaient épuisé. Il savait qu'Ewen séjournait à l'intérieur du palais royal. Le moment le plus propice pour abattre sa cible était le milieu de la nuit. Il avait donc un peu de temps à perdre avant de passer à l'action. Se mêlant aux nombreux villageois longeant les longues allées de la capitale, le jeune assassin avançait en direction du château, tout en admirant l'architecture des habitations et la beauté de cette ville fleurie.

Rhéa était un lieu agréable à regarder et à visiter. Ce n'était pas la première fois que l'homme à la longue chevelure ébène s'y rendait. Mais à chaque fois qu'il visitait cette ville, il se sentait bien. L'environnement apaisant le relaxait, et le fait de ne croiser quasiment que des Vegarions pur souches lui donnait le sentiment d'être comme chez lui. Malgré tout, Seven ne s'y sentait pas vraiment à sa place. Déjà parce qu'il n'était pas totalement Vegarion, mais aussi à cause de son statut d'assassin du Mortem Regis.

« Jeune homme ! Que dirais-tu d'offrir des fleurs pour ta petite amie ? » l'interpella alors une fleuriste Vegarionne souriante devant laquelle il passait. Haussant un sourcil d'un air blasé face à une telle proposition, Seven interrompit sa marche pour s'approcher d'elle.

« Je n'ai pas de petite amie... » répliqua-t-il dans un murmure. Toutefois, il ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil aux fleurs disposées sur l'étalage de la jeune femme. Il connaissait quasiment toutes les espèces présentes. Il y avait des fleurs qu'on trouvait à foison à Vegario, mais certaines semblaient importées des autres nations. Une espèce de fleur en particulier attira l'attention de l'assassin : elle ressemblait à une grosse marguerite, excepté que ses pétales étaient d'un rouge vermillon. Seven n'avait jamais vu de telles fleurs auparavant. La vendeuse, en constatant son intérêt pour cette variété, lui donna quelques explications.

« Elles sont jolies, pas vrai ? Ce sont des lizs. Ces fleurs viennent de Redfir. Elles ont la particularité de pousser à proximité du volcan Sena et de résister à la chaleur. D'ailleurs, la princesse de Redfir a été nommée par rapport à cette espèce, à ce qu'il paraît ! »

Seven afficha un air amer en repensant à la princesse Liz. Il se rappela qu'elle était présente au moment où il avait assassiné son père sous ses yeux.

« Elles sont belles, en effet, intervint tout à coup une douce voix de femme, différente de celle de la fleuriste. Pouvez-vous m'en faire un bouquet, s'il vous plaît ? »

Tandis que l'assassin tourna sa tête vers celle qui venait de parler, la vendeuse s'inclina devant celle-ci avec un léger sourire aux lèvres.

« Avec plaisir, votre Majesté. »

L'homme aux cheveux ébène écarquilla ses yeux de stupéfaction en dévisageant celle qui se trouvait en ce moment à ses côtés. Il s'agissait de l'épouse du roi de la nation des forêts. La reine Alfrid. Celle-ci avait tourné son regard vers Seven et lui adressa un léger sourire.

« Vous aussi, vous êtes venu acheter des fleurs pour l'un de vos proches ? » demanda-t-elle. Seven ne savait pas comment réagir. Il ne pensait pas rencontrer un membre de la famille royale Vegarionne en ce jour. Ce n'était pas spécialement une bonne chose pour lui, mais soit ! Il devait se débrouiller pour ne pas lui paraître suspect. Il décida alors de jouer au citoyen de Rhéa, tout ce qu'il y avait de plus normal, et de s'incliner devant elle.

« Non Madame. Je ne faisais... Je ne faisais que les regarder. »

Devant une telle réponse, le sourire d'Alfrid s'attendrit et son regard se tourna de nouveau vers les lizs. La vendeuse en avait pris quelques-unes pour composer le bouquet demandé.

« Mon fils adorait particulièrement ces fleurs, raconta la souveraine. Il nous en offrait souvent, à ma fille et à moi. Il disait que ces fleurs dégageaient quelque chose de joyeux et d'apaisant.

— Mes sincères condoléances, votre Majesté. » répliqua Seven, qui s'était lentement redressé mais qui n'était pas très à l'aise devant la reine Vegarionne. En vérité, n'ayant jamais vu ni connu le prince Aelan, la mort de celui-ci ne l'affectait pas spécialement. Mais voir cette mère aussi peinée par la perte de son fils aîné était désolant. Et malgré la carapace de pierre que l'assassin en vert s'était forgé autour de son cœur, il ne parvenait pas à rester insensible face à une personne ayant perdu un proche. Il avait lui-même connu cette tragédie à plusieurs reprises, durant son enfance.

« Vous lui ressemblez beaucoup, confia alors la reine, tirant Seven de ses pensées. J'ai même cru qu'il s'agissait de lui lorsque j'ai posé mes yeux sur vous. »

Le jeune homme se montrait plutôt surpris par ce fait. Lui ? Ressemblant au prince Aelan ? Il ignorait s'il devait prendre cela comme un compliment ou non.

« Voici votre bouquet, votre Majesté ! » fit joyeusement la vendeuse en tendant le bouquet de lizs à la reine, qui la remercia chaleureusement. Alfrid se tourna ensuite vers Seven pour lui parler de nouveau. Mais à sa grande surprise, le jeune homme avait disparu. Il s'était comme volatilisé, ce qui étonna à la fois la reine et la vendeuse.

En vérité, Seven avait profité de leur moment d'inattention pour s'éloigner d'elles et se réfugier derrière l'une des nombreuses bâtisses de la ville.

« Bon sang... » pesta-t-il intérieurement en serrant ses dents. En quelques minutes, il venait à la fois de croiser une personne qu'il ne souhaitait pas voir en ce jour, et raviver des souvenirs assez douloureux. Cela en faisait trop d'un coup. À croire que le mauvais sort s'acharnait contre lui pour rendre encore plus compliquée la tâche qu'il devait effectuer.

L'assassin poussa un léger soupir pour évacuer une certaine anxiété qui s'était installée chez lui. Mais au même instant, une soudaine pluie commença à s'abattre sur la capitale, à la stupéfaction des habitants qui ne s'attendaient visiblement pas à une météo aussi maussade en cette journée, pourtant ensoleillée.

Chacun pressait le pas pour se mettre à l'abri sous les habitations, en attendant que cette averse ne cesse. Seven, lui, restait à son emplacement, laissant l'eau de la pluie ruisseler sur ses vêtements. Il savait pertinemment que ce changement soudain de climat n'était pas naturel. Sortant de sa cachette improvisée, son regard se tourna vers le toit d'une maison haute de deux étages. À son sommet se dressait la silhouette d'une personne, toute vêtue de noire et possédant un masque blanc recouvrant la totalité de son visage. Cet individu n'était nul autre que le boss du Mortem Regis. Et l'assassin aux longs cheveux ébène savait qu'il ne se trouvait pas en ce lieu par hasard. Son supérieur voulait sans doute s'assurer personnellement que Seven tue Ewen. Le jeune homme comprit donc qu'il n'avait pas le droit à l'échec, même si sa mission ne l'enchantait pas.

« Tch ! Quelle emmerde... » fit l'assassin en toisant l'encapuchonné du regard, avant de lui tourner le dos et de reprendre sa route.

*

Au palais impérial de Xen, qui resplendissait sous la lumière d'un soleil radieux, Shira se tenait debout près d'une fenêtre de la chambre dans laquelle avait séjourné Seven. Tenant contre lui la peluche de singe que l'assassin avait promis de récupérer, le jeune prince observait la cité de Xenati d'un air légèrement attristé. D'habitude, à cette heure-ci, il parcourait les rues de la capitale pour se promener. Mais aujourd'hui, il n'en avait pas réellement envie. Depuis le départ de Seven, le second prince de Xen se sentait un peu seul et s'ennuyait. Pourquoi avait-il fallu que son unique ami s'en aille aussi vite ?

« Je t'ai connu bien plus joyeux, mon chéri. » résonna tout à coup la voix d'une femme qui tira l'adolescent de ses pensées. Il se retourna pour voir sa mère, l'impératrice Shante, entrer dans la chambre et se diriger vers lui, un sourire bienveillant aux lèvres.

« Je m'étais plutôt attendu à te retrouver dans ta chambre, et non ici.

— Je ne comptais pas m'y éterniser, affirma Shira en rendant le sourire à sa génitrice. Je désirais seulement récupérer cette peluche, et j'en ai profité pour admirer cet angle de vue de notre cité.

— J'ignorais que tu possédais une peluche. Tu n'as pas passé l'âge pour ce genre de jouet ? »

Shira rigola légèrement devant cette question.

« Je ne pense pas qu'il y ait un âge spécifique pour avoir des peluches, maman. Et puis ce n'est pas la mienne mais celle de Seven. Il avait l'air de fondre devant elle lorsqu'il l'a aperçue sur un étalage. Alors je l'ai achetée pour lui, en me disant qu'un tel cadeau lui ferait plaisir.

— Si c'est la sienne, pourquoi se trouve-t-elle ici ? demanda l'impératrice, de plus en plus intriguée.

— Il l'avait oubliée. Mais avant de quitter Xenati, il m'a affirmé qu'il reviendrait la chercher, la prochaine fois qu'il viendrait me rendre visite.

— Je vois. Je ne pensais pas que ce jeune homme adorait à ce point les peluches !

— Il est vrai que c'est très surprenant, venant de quelqu'un comme lui. Mais à chacun ses passions, comme on dit ! »

Shante observa son plus jeune fils sans perdre son sourire. Selon elle, Shira était très doué pour cacher ce qu'il ressentait vraiment derrière son côté jovial et optimiste. Mais le connaissant que trop bien, elle voyait bien que le petit prince n'était pas aussi enthousiaste qu'il voulait le montrer.

« Seven te manque, n'est-ce pas ? »

Ne s'étant pas attendu à une telle question de la part de sa mère, Shira demeura silencieux quelques instants. Son sourire se fit amer tandis qu'il détourna son regard de l'impératrice.

« C'est pour cette raison que tu restes dans cette chambre, je me trompe ?

— Euh... Eh bien... Il y a effectivement une part de vérité... avoua le garçon en se grattant nerveusement le bras, les joues légèrement empourprées.

— Cela peut se comprendre ! Après tout, c'est la première fois que je te vois aussi proche de quelqu'un n'appartenant pas à notre famille. Surtout que Seven est plutôt dans le genre exceptionnel ! Je veux dire : il a quand même réussi à donner du fil à retordre à ton père et à le vaincre lors de leur duel !

— Oui, il est très fort au combat. Je l'avais déjà vu à l'œuvre à plusieurs reprises. J'avoue avoir une certaine admiration pour lui, de ce côté-là. »

Shira croisa ensuite les bras, avant de continuer.

« Après, il n'a pas vraiment un caractère facile, et peut paraître brutal dans ses gestes ou dans ses propos. J'étais même tenté de lui mettre des claques à plusieurs reprises, à vrai dire. Mais lorsqu'on apprend à le connaître, on découvre en lui une personnage sympathique, et bien plus compatissant et sensible qu'il ne le laisse paraître. J'aurais tellement voulu qu'il reste ici plus longtemps et mieux le connaître... »

Shante n'avait pas lâché son fils du regard, qui avait perdu son sourire. Elle le regardait avec une certaine tendresse, le trouvant particulièrement adorable en cet instant. Cependant, la souveraine regrettait qu'il ne soit pas plus heureux qu'il devrait l'être, surtout à l'approche de son dix-septième anniversaire.

« Je constate à quel point tu t'es rapidement attaché à ton ami, parla-t-elle en posant sa main sur la joue de son enfant. Et cela se voit, qu'il te manque énormément. Mais je ne suis pas sûre qu'il serait ravi d'apprendre que tu tires cette tête d'enterrement pour cette raison. Surtout que le jour de ton anniversaire arrive à grands pas ! Beaucoup de personnes seront présentes au palais pour cette occasion. Une telle idée devrait te redonner le sourire, non ?

— Hum... »

Shira ne répondit pas. Certes, la fête organisée à son honneur réunira beaucoup de personnes, principalement des familles proches de la sienne. Seulement, il ne se sentait pas aussi à l'aise avec tous ces gens qu'il ne l'était en compagnie de Seven. Les présences de tous ces invités ne pouvaient remplacer celle de l'assassin, à ses yeux. Shante fut quelque peu surprise de son silence, elle qui espérait une autre réaction de sa part.

« Mon chéri, j'essaye de te remonter le moral, tu sais ?

— J'ai remarqué, ne t'inquiète pas ! À vrai dire, je me sens un peu mieux grâce à cette petite discussion, affirma le prince en souriant sincèrement.

— Tu en es sûr ? Tu sais que je n'aime pas te voir triste, Shira.

— Triste est un bien grand mot. Mais tu ne devrais pas t'inquiéter autant pour moi, maman. C'est vrai que l'absence de Seven fait un vide, mais j'ai surtout besoin de temps. Je pense que ce sentiment me passera au fil des jours. »

L'impératrice observa son fils quelques instants, pour tenter de repérer un geste qui pourrait trahir la sincérité des paroles de ce dernier. Mais elle constata avec soulagement qu'il n'y en avait aucun, et sentit que Shira pensait réellement ce qu'il disait. Elle lui adressa alors un grand sourire avant de le prendre tout à coup dans ses bras et de le blottir contre elle. Elle n'hésita pas à enfoncer la tête de l'adolescent dans sa généreuse poitrine.

« Là, je reconnais mon cher petit Ashira !

— Doucement maman, tu m'étouffes... ! » se plaignit le jeune homme en tentant de se débattre. Au bout de quelques secondes, il parvint à extirper sa tête de la poitrine de sa mère, les joues empourprées d'embarras. L'impératrice, devant sa réaction, rigola gentiment avant de le lâcher.

« Allez ! Ne reste pas tout seul dans ton coin. Tu devrais aller voir ton frère à la bibliothèque. Je crois qu'il y a des livres qu'il aimerait te montrer.

— D'accord. Je vais le rejoindre dans quelques instants. » promit le jeune prince tandis que sa mère, après l'avoir salué, quitta la chambre. Shira afficha un sourire en la regardant partir. Cette conversation avec sa génitrice lui avait fait du bien. Il se sentait beaucoup mieux, désormais. Il observa une dernière fois la capitale de Xen par la fenêtre, avant de finalement délaisser la pièce à son tour, toujours en tenant la peluche de Seven dans ses bras.

*

En dehors de ce palais, Nineteen et Sixty-Nine, vêtues de robes traditionnelles Xenoises, jaune pour la première et rose pour la seconde, se tenaient debout dans l'une des ruelles de la ville. Elles avaient toutes deux les yeux rivés sur la résidence impériale, et plus particulièrement sur une certaine tour de celle-ci.

« La chambre du prince Ashira se trouverait dans cette tour, selon Four, informa la petite rousse à sa complice.

— Ils ont dû renforcer la garde, depuis l'assassinat du roi de Redfir et du prince de Vegario, prévint la blonde. Il va falloir ruser si on veut choper ce garçon sans se faire repérer.

— Une fois qu'on aura mis la main sur lui, il nous suffira d'utiliser une pierre de téléportation pour revenir directement à notre repère.

— Alors faisons ça proprement. Le boss compte vraiment sur nous. On n'a pas le droit d'échouer. »

La plus jeune approuva les dires de son amie, et les deux reprirent leur route comme si de rien n'était. Tout comme Seven qui attendait la tombée de la nuit pour attaquer Ewen, le duo féminin allait également patienter jusqu'au soir pour infiltrer le palais Xenois, et capturer le plus jeune prince de cette nation.


Texte publié par Kamryn Allister, 24 mars 2023 à 14h25
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