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tome 1, Chapitre 2 « Détour à Vopaqua » tome 1, Chapitre 2

La matinée était bien entamée au royaume de Vopaqua, situé au sud de Redfir. Le soleil se montrait radieux en cette journée. La température était agréable et une brise légèrement humide rafraîchissait les terres de cette nation, bordée de toute part par l'océan, sauf au nord.

Emerald.

Tel était le nom de la capitale de ce pays que la plupart des étrangers qualifiaient d'exotique. Les ruelles de cette cité étaient remplies de marchands en tout genre, et les citadins et touristes qui les arpentaient étaient nombreux. Ce lieu, en plus d'être beau à admirer, était vivant et très animé, notamment par des bardes et des troubadours qui chantaient joyeusement ou contaient diverses légendes. L'architecture des maisons en pierre était élégante, et les coraux les décorant leur donnaient un côté atypique et marin. Plusieurs grandes fontaines s'élevaient dans les différents quartiers de cette citadelle, ajoutant une touche enchanteresse à l'ensemble de cette ville.

Vêtu d'une cape de voyage brune, le visage à moitié dissimulé sous une capuche qui le protégeait du soleil et de l'humidité, Seven contemplait justement l'une de ces majestueuses fontaines assez proche de l'océan. Il pouvait d'ailleurs apercevoir la vaste étendue d'eau salée en se retournant. Cette mer calme et paisible reflétait magnifiquement les rayons du soleil à sa surface. Plusieurs pontons étaient aménagés à son bord, et les bateaux de pêcheurs se comptaient par dizaines. Une forte odeur de poisson frais s'élevait de là-bas et parvenait à titiller l'odorat fin de l'assassin. Celui-ci ne trouvait pas cette senteur désagréable. Elle lui rappelait même des souvenirs de son enfance.

L'ébène se souvenait qu'il aimait se promener au bord de la mer, en compagnie d'une amie qu'il s'était faite une dizaine d'années plus tôt. Ensemble, ils contemplaient l'océan et s'amusaient à encourager les pêcheurs qu'ils croisaient à attraper de gros poissons. Il leur arrivait également de se rendre sur une plage plus loin pour construire des châteaux de sable ou se baigner. En repensant à ces moments d'innocence, Seven ne put s'empêcher d'esquisser un petit sourire. Mais en revenant à la réalité, ce même sourire s'estompa. Il s'était passé tellement de choses, depuis. Et à cause d'un tragique événement, le petit garçon qu'il était avait dû renoncer à ces instants de bonheur, et quitter cette ville et cette fille qui l'avaient accueilli à bras ouverts.

« Et dire que c'est en partie à cause d'elle si j'en suis là aujourd'hui... » pensa l'assassin en se tournant vers le nord de la ville. On pouvait voir au loin une colline s'élever. En son sommet se dressait le palais royal de cette nation.

Plusieurs fois par semaine, Seven se rendait là-bas pour une raison personnelle. Et aujourd'hui, il prévoyait d'y retourner encore. Il aurait pu se reposer après le régicide commis la veille au soir. Mais il avait choisi d'utiliser son pouvoir de déplacement rapide pour faire le voyage entre Redfir et Vopaqua durant la nuit. Il aurait tout le temps pour se reposer plus tard, après tout.

D'un pas décidé, il délaissa la fontaine et s'avança dans la ruelle qui s'étendait devant lui, se mêlant ainsi à la foule. Le jeune homme n'était pas quelqu'un qui aimait avoir autant de monde autour de lui. Et il appréciait encore moins attirer l'attention sur lui. Il se fit donc discret. Slalomant assez rapidement entre les passants, il prit soin de ne bousculer personne et se fraya un chemin vers sa destination. Durant son trajet, il jeta un rapide coup d'œil aux marchands et aux articles qu'ils proposaient. Des tissus, de la nourriture, des bijoux, des fleurs, des objets artisanaux, des peintures... N'importe qui pouvait trouver son bonheur dans ces différentes boutiques. Le commerce était vraiment un point fort du royaume de Vopaqua. Personne à Kaärann ne pouvait nier ce fait.

Mais étant trop perdu dans ses pensées, Seven ne put voir un individu distrait lui foncer droit dessus. Cette personne le bouscula accidentellement et le fit tomber au sol. La capuche de l'assassin s'était ôtée durant sa chute, révélant son visage et sa longue queue-de-cheval noire.

« Putain... grogna-t-il en fusillant du regard celui qui l'avait bousculé.

— Désolé, c'est ma faute... » s'excusa l'inconnu, également par terre. Il s'agissait d'un garçon légèrement plus jeune que l'assassin. Ce dernier, exaspéré par ce petit incident qui avait attiré des regards indiscrets sur lui, se releva bien vite. Il observa ensuite le jeune homme au sol d'un air légèrement blasé. Il aurait bien voulu le laisser en plan comme cela et s'en aller, pour lui apprendre de façon brutale à faire plus attention. Mais après réflexion, Seven se décida à lui tendre la main pour l'aider à se relever. Le plus jeune, d'abord surpris, accepta tout de même l'aide et se remit debout rapidement.

L'assassin le dévisagea un instant : c'était encore un adolescent, il n'y avait aucun doute là-dessus. Il paraissait plutôt fin et mesurait une bonne dizaine de centimètres de moins que l'autre, qui n'était pas non plus excessivement grand. Néanmoins, ce garçon était d'une beauté qui ferait rougir les jeunes demoiselles. Sa peau brune, ses cheveux noirs en bataille qui lui arrivait aux épaules, son visage raffiné et ses yeux aux iris cramoisis se mariaient à merveille. Il était vêtu d'un pantalon brun et d'une tunique simple blanche avec des motifs colorés plutôt jolis. En le regardant de cette manière, Seven se rendit compte de quelque chose d'assez curieux. Les traits physiques de cet individu, à savoir les teintes de sa peau, de ses cheveux et de ses yeux, étaient des caractéristiques propres à un peuple particulier de Kaärann : celui de l'empire de Xen, à l'extrême est du continent.

« Un Xenois à Vopaqua ? » s'étonna l'assassin qui demeurait silencieux alors que l'adolescent s'inclinait légèrement devant lui, à la fois pour s'excuser de l'avoir accidentellement bousculé et pour le remercier de l'avoir aidé à se relever.

« Je promets de faire plus attention à l'avenir ! »

Il se redressa ensuite, avant d'adresser un léger sourire à Seven. Celui-ci haussa un sourcil d'un air las. Ce n'était pas qu'il n'appréciait pas les excuses qu'on lui présentait, mais il trouvait que ce jeune Xenois en faisait un peu trop. Une question survint à l'esprit de l'assassin : qu'est-ce qu'un habitant du désert comme lui faisait à Emerald ? Vopaqua et Xen étant deux pays positionnés aux extrémités opposées de Kaärann, il n'était pas commun de voir une personne originaire de la nation des sables dans ce royaume.

« Quelque chose ne va pas ? » demanda le plus jeune avec étonnement. Seven ne s'était pas rendu compte qu'il continuait de le fixer sans rien dire. L'adolescent devait probablement trouver cette attitude étrange de sa part. Le plus âgé lui fit rapidement volte-face en remettant sa capuche.

« Rentre chez toi, petit. » lui conseilla-t-il en s'éloignant lentement, sans lui adresser un regard de plus. Le Xenois resta bouche bée devant une telle réaction, et ne bougea pas de sa position. Constatant qu'il restait planté là comme un piquet à le regarder, l'assassin s'arrêta et tourna légèrement sa tête en direction du garçon.

« Je ne dis pas ça pour me donner un genre mystérieux ou une connerie du genre. Il est dangereux pour un garçon aussi jeune que toi de se promener seul, surtout par les temps qui courent. Tu ferais mieux de très vite retourner d'où tu viens.

— Je pourrais te donner ce même conseil, vu que tu sembles également jeune et étranger aux terres Vopaquines, toi aussi. » retourna l'adolescent d'un sourire amusé sans paraître malveillant. Seven ne s'était pas attendu à cette répartie de sa part. Il ignorait s'il devait en rire ou s'en vexer. Faisant complètement face au Xenois d'un air neutre, il lui demanda :

« Faire le con avec les inconnus que tu croises t'amuse tant que ça ?

— Je te rends juste la pareille, pour te remercier de m'avoir prévenu des dangers auxquels je m'expose, en restant plus longtemps ici. »

Son sourire un tantinet plaisantin demeurait scotché à ses lèvres, et cela agaça Seven qui préféra couper court à cette conversation qu'il jugeait sans queue ni tête. Souhaitant ne pas perdre plus de temps avec ce gamin, il choisit de partir en direction du palais royal. Le jeune garçon aux yeux cramoisis en fut visiblement surpris. À en juger par sa bouche entrouverte, il ne s'attendait absolument pas à se faire snober de cette manière. Mais il ne chercha pas à retenir cet homme en vert, qui désirait sans doute qu'on le laisse tranquille. Il se contenta donc de regarder le plus grand s'éloigner, tandis que son joyeux rictus se faisait désormais amer.

*

Dans la cour du palais souverain, deux jeunes sœurs jouaient à un jeu particulier. La plus jeune, âgée d'une douzaine d'années, courait en riant et en essayant d'éviter des jets d'eau qu'invoquait la plus âgée, qui devait avoir trois ans de plus. Les deux avaient la particularité d'avoir des cheveux bleu azur, trait caractéristique des natifs de Vopaqua, tout comme la faculté de pouvoir manipuler la magie de l'eau.

« Tu m'as encore ratée ! fit la benjamine en tirant la langue pour la narguer gentiment son aînée.

— Tu as beaucoup de chance, c'est tout ! » répliqua celle-ci en lui envoyant un autre jet d'eau. La petite sœur l'évita en sautant joyeusement sur le côté. Tout cela sous les yeux d'une troisième jeune fille, quasiment adulte, se trouvant assise en retrait sur une rambarde en pierre. À l'instar des deux sœurs qui s'amusaient, celle-ci avait également les cheveux bleus, mais avec une teinte légèrement plus foncée. Elle observait les deux plus petites d'un air bienveillant.

« Fiona, attention à ne pas baisser ta garde ! conseilla-t-elle à la plus jeune.

— Ne t'en fais pas, grande sœur ! rassura la concernée avec un large sourire moqueur vis-à-vis de celle qui la poursuivait. La magie d'Irina n'est pas suffisamment puissante pour me faire flancher !

— Je te demande pardon ? s'indigna ladite Irina devant cette provocation. Tu vas voir si ma magie n'est pas puissante ! »

Motivée par l'envie de rabattre le caquet de sa petite sœur, Irina se concentra quelques secondes sur sa magie, afin de faire apparaître une trombe d'eau plus grosse que les autres. Étant plus épaisse et plus vive que les précédents jets invoqués, Fiona ne pouvait pas utiliser sa méthode habituelle pour l'esquiver. Hurlant, elle se prit le sort en pleine figure. Elle chuta sous la puissance du courant et glissa sur quelques mètres au sol. Face à un tel spectacle, la jeune femme assise ne put s'empêcher de rire :

« Je crois que tu as parlé trop vite, ma petite Fiona !

— Ma magie n'est pas puissante, tu disais, hein ? » enrichit Irina qui avait positionné ses mains sur ses hanches, arborant un air fier en regardant sa cadette par terre. Celle-ci, trempée jusqu'aux os, se redressa pour se retrouver assise en tailleur, avant de croiser ses bras en boudant.

« Ça, c'était un coup bas... » murmura-t-elle suffisamment fort pour que les deux plus grandes l'entendent. Irina rit un bon coup suite à cela, avant de s'approcher de sa petite sœur pour l'aider à se relever. Au même moment, un grand jeune homme vêtu de noir et aux cheveux mi-longs blonds attachés en une queue-de-cheval à l'arrière, arriva auprès de la plus âgée du trio sororal. Il lui adressa un sourire jovial.

« Je vois que vous vous amusez bien, toutes les trois !

— Voir mes petites sœurs faire ce genre de jeu peut être très drôle, parfois.

— J'aurais bien voulu contempler un tel spectacle à tes côtés Ewen, répliqua le jeune homme. Mais votre père m'envoie te chercher. Il souhaite te parler immédiatement.

— Ah oui ? s'étonna la concernée. C'est à propos de quoi ? Il te l'a dit ? »

Le blond secoua négativement la tête. Néanmoins, il confia à la jeune fille que son géniteur semblait assez nerveux depuis son réveil.

« Je ne sais pas de quoi il veut te parler, mais je pense que ça doit être grave.

— Harvay, est-ce qu'on peut venir nous aussi ? » demanda Irina au jeune homme alors qu'elle s'était rapprochée avec Fiona. Les deux plus jeunes sœurs, après avoir tout entendu, affichaient des airs inquiets. Elles voulaient savoir pourquoi leur père était aussi agité en ce jour.

« Il a principalement réclamé la présence d'Ewen, répondit l'homme en noir en souriant tendrement, mais je ne pense pas que les vôtres le dérangera. Bien au contraire ! »

Irina et Fiona furent ravies d'entendre ces paroles. Ewen se leva donc et demanda à Harvay de les emmener jusqu'à leur père.

Quelques instants plus tard, le groupe débarqua dans la salle du trône. Un tapis bleu roi était déroulé sur un carrelage éclatant depuis l'entrée jusqu'au siège suzerain, légèrement surélevé grâce à quelques marches d'escaliers. À chaque côté de cette salle se dressaient de grandes et hautes fenêtres décorées par des rideaux de la même couleur que le tapis central. Les vitres laissaient passer les rayons du soleil, qui offrait une très belle luminosité à l'endroit.

Harvay conduisit les trois jeunes filles jusqu'au trône. Un homme aux longs cheveux azur attachés, probablement âgé d'une quarantaine d'années, s'y trouvait assis. L'armure légère rouge et bleu marine qu'il portait, et la cape assortie accrochée sur ses épaules lui donnaient un certain charisme, en plus d'une allure plutôt imposante.

Othéo Vopaqua. Le roi du royaume éponyme qu'on appelait également la nation des océans.

Arborant un air plutôt amical au premier abord, ses traits sérieux et sa prestance inspiraient toutefois le respect. À sa droite, se tenait une femme de la même tranche d'âge. Il s'agissait de Saya, l'épouse du roi et la mère d'Ewen, d'Irina et de Fiona. Ses cheveux possédaient une teinte similaire à ceux d'Ewen. Elle était vêtue d'une longue robe bleu canard, simple mais élégante, qui lui procurait une beauté saisissante.

« Papa. Maman. » fit alors Ewen en souriant et en s'inclinant légèrement devant eux en guise de salutation et de respect. Elle fut aussitôt imitée par ses sœurs et par Harvay. Cette politesse à leur égard fit sourire les deux parents, mais le père reprit rapidement son air grave. Il échangea brièvement un regard avec son épouse, avant de s'adresser à ses deux plus jeunes filles.

« Je ne pensais pas qu'Harvay vous aurait amenées ici, vous aussi. Mais c'est une bonne chose que vous soyez là. J'ai quelque chose de très important à vous révéler.

— Quoi donc ? » demanda Irina, ne comprenant pas vraiment la raison de leur présence en ce lieu. Un silence long de plusieurs secondes s'ensuivit. Tour à tour, le roi dévisagea ses enfants, puis Harvay, et termina par sa femme qui hocha doucement la tête, lui faisant signe de leur dévoiler le sujet de leur réunion. Othéo n'y alla pas par quatre chemins.

« Sa Majesté le Roi Moreh est décédé. »

À l'entente de ces mots, les trois princesses ainsi que Harvay se tétanisèrent, les yeux écarquillés d'effroi.

« Attendez... Quoi ? fit Ewen qui n'était pas sûre d'avoir bien entendu.

— Le souverain de Redfir a été assassiné la nuit dernière, raconta Othéo. Sa fille, son épouse et plusieurs de ses gardes l'ont retrouvé dans l'une des bibliothèques de leur palais, gisant sur le sol avec la gorge tranchée.

— Par tous les dieux... Quelle horreur... » murmura Irina, terrorisée devant une telle annonce. Et elle n'était pas la seule à réagir ainsi. Ewen affichait un air horrifié tant elle n'en revenait pas. La famille royale de Vopaqua avait d'excellentes relations avec celle de Redfir. Alors apprendre brusquement la mort du roi Firois lui avait fait un énorme choc. Il en était de même pour Fiona, dont les larmes coulaient le long de ses joues. Mais la personne semblant la plus affectée par une telle annonce était Harvay. Contrairement à la famille royale Vopaquine qu'il servait actuellement, il était originaire de la nation des flammes, surnom qu'on donnait au royaume de Redfir. Il avait personnellement connu le roi Moreh, et avait grandement apprécié et admiré cet homme. Mais en apprenant sa mort soudaine, le jeune serviteur ne savait pas comment réagir. Partagé entre la consternation et la tristesse, il ressentait une profonde colère envers l'auteur d'un tel meurtre.

« Bon sang... murmura-t-il en serrant ses poings et en détournant son regard de tout le monde.

— Comment vont Dame Nefer et Liz ? demanda Ewen, inquiète pour la reine et la princesse de ce pays voisin.

— Nefer est encore sous le choc, répondit doucement sa mère. Mais elle va bien. Par contre, Liz a très mal pris cette tragédie et est actuellement inconsolable. »

Devant cette réponse, Ewen baissa la tête, attristée. Les pauvres... Qu'avaient-elles fait pour que le sort s'acharne ainsi sur elles ?

« Est-ce qu'on sait quelque chose au sujet du meurtrier ? demanda ensuite l'aînée des princesses en relevant les yeux avec curiosité.

— Non Ewena, nous ne connaissons pas encore son identité, répondit le roi. Mais grâce à Liz qui l'a brièvement aperçu, nous savons deux choses sur lui. La première est qu'il s'est servi d'une petite lame pour trancher la gorge de Moreh. La seconde, c'est qu'il possède de longs cheveux noirs.

— De longs cheveux noirs ? répéta Harvay avec étonnement. Serait-ce une personne originaire du royaume de Vegario, le meurtrier ?

— C'est une possibilité à laquelle j'ai moi-même songé, affirma Othéo en croisant les bras d'un air pensif. Mais il n'y a pas que les Vegarions de souche pure qui peuvent avoir cette particularité sur ce continent. Une enquête est en cours pour retrouver l'assassin, et la sécurité à Redfir a été renforcée depuis cette attaque. Je compte renforcer celle de Vopaqua de la même manière. »

Les princesses et le garde du corps furent un peu surpris par une telle décision sur le moment. Le suzerain exposa alors ses principales craintes.

« Ce meurtrier qui a tué Moreh pourrait tout aussi bien s'en prendre à n'importe quel autre dirigeant de Kaärann, dont moi. Ou même l'une d'entre vous. »

Cette simple phrase avait jeté un froid glacial dans toute la salle. Mais toutes les personnes présentes à cet endroit étaient forcées de l'admettre : le souverain Vopaquin avait raison. La mort de Moreh, en plus de provoquer une panique générale à Redfir qui se propageait peu à peu sur le reste du continent, n'était peut-être que le premier régicide sur d'autres à venir. Désormais, les dirigeants de chacune des autres nations de Kaärann, à savoir Vopaqua, Norte, Grendia, Vegario et Xen, devaient se montrer plus vigilants que jamais, non seulement pour leur survie, mais également pour la protection de leurs familles et de leurs peuples respectifs.

« J'ai peur... » murmura Fiona en s'accrochant inconsciemment au bras d'Harvay, alors que celui-ci tentait de la rassurer.

« Papa, maman, les appela Ewen. Permettez-moi de me rendre au palais royal de Redfir. Je voudrais présenter mes condoléances à Dame Nefer et à Liz, et j'aimerais me joindre à l'enquête pour retrouver l'assassin du roi Moreh.

— Quoi ? fit Irina avec surprise.

— Tu n'y penses tout de même pas, ma chérie ! intervint sa mère, pas très enchantée à l'idée de laisser partir sa fille aînée dans une atmosphère aussi anxiogène.

— Je pense sincèrement pouvoir aider, affirma l'aînée des princesses. Pour tout vous dire, j'ai peut-être même une piste concernant cette affaire.

— Une piste ? s'étonna son père. Que veux-tu dire ? »

Sous les yeux étonnés des autres, la princesse Ewena exposa certaines recherches entreprises depuis quelques semaines. Même si c'était la première fois qu'un souverain se faisait tuer, de nombreux meurtres, visant des personnes de sang noble ou issues de familles influentes, ont été commis récemment. Et à chaque fois, l'assassin n'avait jamais été démasqué.

« J'ignore si ces crimes sont perpétrés par la même personne, mais j'ai l'intime conviction qu'ils sont tous plus ou moins liés, expliqua la jeune fille.

— Vu sous cet angle, il est vrai que c'est une piste à ne pas négliger, approuva Othéo. Mais le plus important est de retrouver l'assassin de Moreh, et de le mettre hors d'état de nuire le plus rapidement que possible.

— En fait... » hésita la plus grande des princesses. En vérité, elle avait un suspect potentiel en tête. Mais n'étant pas sûre qu'il soit réellement coupable, et surtout n'ayant aucune preuve concrète à son encontre, elle ne pouvait rien affirmer. Elle voulait continuer ses recherches avant de tirer des conclusions hâtives.

« Non, dit-elle finalement. Laissez tomber, je divague un peu. Mais j'aimerais tout de même me rendre à Redfir.

— Ewena... fit son père.

— S'il vous plaît ! »

Les deux parents s'échangèrent un regard. Ils ne s'attendaient pas à ce que leur plus grande fille s'entête ainsi à vouloir se rendre au palais Firois. Fiona et Irina étaient également stupéfaites par la volonté de leur aînée à vouloir voyager jusqu'au lieu où un roi avait été assassiné. C'est alors qu'Harvay s'avança de quelques pas vers le roi, avant de s'incliner devant lui.

« Votre Majesté. Si vous accordez votre autorisation à Ewen, alors permettez-moi de l'accompagner.

— Harvay, c'est trop dangereux aussi bien pour Ewen que pour toi ! répondit la reine. Je sais que vous vous inquiétez tous les deux pour la famille royale Redfir, mais... »

Soudain, Othéo leva sa main, faisant signe à sa femme de ne pas dire un mot de plus.

« Ewena, je peux voir de la détermination dans tes yeux et je dois avouer être très admiratif. Toutefois, ta mère a raison. Ce n'est pas prudent de te rendre là-bas. Et même si Harvay t'accompagnait, cela ne rendrait pas ton voyage moins dangereux pour autant.

— Je comprends ton inquiétude, papa. Mais tu m'as appris à me défendre. Je pense pouvoir m'en sortir. »

En voyant que sa fille aînée était aussi têtue, le roi poussa un profond soupir avant d'afficher un léger mais tendre sourire.

« Si on m'avait dit que mon héritière serait une véritable tête brûlée... Enfin ! Je vais réfléchir plus calmement à ta proposition, et te donnerai ma réponse ensuite. Pour le moment, je préfère que tu restes ici, en attendant que l'agitation provoquée par la mort de Moreh se calme. »

Comprenant que son géniteur allait reconsidérer son idée, Ewen lui retourna son sourire. Suite à cela, et après une mise en garde concernant le renforcement de la protection du palais, les trois princesses, ainsi qu'Harvay, quittèrent la salle du trône.

*

Plusieurs heures s'écoulèrent suite à cette entrevue. Chacune des princesses Vopaquines s'occupait à sa manière. Fiona, encore secouée par les récents événements, se reposait dans sa chambre sous la surveillance d'Harvay. Irina, de son côté, se promenait dans les jardins du château pour se changer les idées suite à la triste nouvelle au sujet du souverain de Redfir. Quant à Ewen, elle se trouvait dans ses appartements, installée devant son bureau. Elle feuilletait attentivement un livre et écrivait plusieurs notes sur un carnet à côté. Elle était si concentrée qu'elle ne pouvait pas remarquer la présence d'une personne extérieure en train de la surveiller.

En effet, perché sur la branche d'un arbre qui donnait vue sur sa fenêtre, Seven, parvenu jusque-là sans se faire repérer par les soldats du château, observait discrètement la jeune fille. À chaque fois qu'il revoyait cette princesse, des tas de souvenirs ressurgissaient et s'ajoutaient à ceux qu'il avait eu lors de sa traversée de la capitale. Et parmi eux, il y avait ce funeste jour où ils avaient failli mourir tous les deux alors qu'ils n'étaient que des enfants. De nombreuses années ont passé, et les deux ne s'étaient jamais revus ou reparlés depuis. Pas parce qu'ils étaient en froid, mais Seven était contraint de garder ses distances depuis son enrôlement au sein du Mortem Regis.

« Est-ce que tu te souviens encore de moi après tout ce temps, Ewen ? » questionna intérieurement le jeune assassin en serrant doucement ses poings. Une certaine frustration mêlée à de l'amertume se lisait aisément dans ses yeux. Il venait et revenait sur cette branche chaque semaine depuis plusieurs mois. Il voulait revoir le visage de cette princesse qu'il avait connu, fréquenté et apprécié. Il aurait aimé pouvoir se montrer à elle, lui parler de nouveau. Il souhaitait renouer cette relation qui s'était trop brusquement brisée autrefois. Malheureusement, et pour de nombreuses raisons, il ne le pouvait pas. Et cela le peinait encore plus qu'il ne l'était déjà.

Il poussa alors un profond soupir, avant de reprendre un visage impassible.

« J'en reviens pas de me ramollir à ce point à cause d'elle... » pensa-t-il en sortant de sa besace une pierre orangée. Il la contempla ensuite. Cet artefact que son chef lui avait confié servait à le téléporter directement jusqu'au repère du Mortem Regis. Son regard se tourna alors une dernière fois vers Ewen. Seven aurait voulu que les choses en soient autrement. Mais aujourd'hui, il devait faire une croix sur son passé et se concentrer sur les tâches qu'il devait accomplir. Tournant tristement le dos à la princesse aux cheveux bleus, il activa la pierre de téléportation qu'il tenait et disparut instantanément.


Texte publié par Kamryn Allister, 30 janvier 2023 à 17h30
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