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tome 1, Chapitre 6 « Chapitre 5 » tome 1, Chapitre 6

- Quelque chose ne va pas ?

Assise dans l'embrasure de la fenêtre, Tauriel tourna la tête. Kili était déjà couché et la regardait, avec tendresse, avec inquiétude.

- Non, tout va bien, répondit-elle.

Mais le coeur n'y était pas et il le sentit.

- Je te l'ai déjà proposé, si tu préfères que nous quittions Erebor....

- Kili, c'est ici qu'est ta place, auprès des tiens. Je t'assure, je ne souhaite pas quitter Erebor.

- Tu es soucieuse.... quelqu'un t'a t-il dit, ou a-t-il fait quelque chose qui...

Elle lui sourit, de ce sourire qui lui donnait l'impression que ses pieds ne touchaient plus le sol.

- Je suis inquiète, admit-elle, mais cela n'a rien à voir avec les tiens.

Kili se souleva sur un coude :

- Ah bon ? De quoi s'agit-il ?

- Ca ne repose sur rien en particulier. J'ai... c'est difficile à expliquer. J'ai un pressentiment. L'impression qu'un danger nous menace. Cela fait déjà quelques temps et le présage semble plus fort de jour en jour. Et ce soir, il me semble à chaque instant qu'il va se passer quelque chose. Regarde comme la lumière des étoiles est voilée.

Kili se mit à rire.

- Voilà Tauriel qui lit dans les étoiles ! Les étoiles qu'elle aime tant ! Allons, ne te mets pas la tête à l'envers pour ça, tu es sans doute un peu perturbée par tout ce qui est arrivé ces derniers temps, sans plus.

La jeune femme savait bien que ce n'était pas cela mais elle n'insista pas. Après tout, si elle possédait l'intuition des elfes, elle n'était pas pour autant une devineresse. Elle n'avait jamais été très forte pour interpréter les présages, il fallait le reconnaître.

Kili lui adressa un sourire de pure invite et elle le rejoignit sans se faire prier. Pourtant, elle eut beau essayer de vider son esprit de ces questions sans réponse, il lui fut tout simplement impossible de trouver le sommeil. Quelques heures plus tard, elle avait toujours les yeux grands ouverts et se sentait plus oppressée que jamais. Prenant garde à ne pas éveiller son compagnon, elle se leva et retourna se blottir dans l'embrasure de la fenêtre. Les yeux perdus dans l'immensité du ciel nocturne, elle s'engourdit peu à peu, plongeant dans une sorte de rêve éveillé dont elle sortit dans un brusque sursaut : n'avait-elle pas entendu un bruit ? On aurait dit...

L'oreille tendue, elle demeura un instant aux aguets. Plus de doute cette fois, elle entendait un bruit de pas furtifs dans le couloir. Rien à voir avec la relève de la garde. Qui donc pouvait rôder ainsi, au milieu de la nuit, dans la galerie réservée aux appartements royaux ? Tauriel savait très bien que rares étaient ceux que les gardes avaient pour consigne de laisser passer quelle que soit l'heure.

Sautant sur ses pieds, la jeune femme se glissa silencieusement jusqu'à la porte et l'ouvrit sans bruit. Ce fut pour que le corps d'un nain, appuyé contre le battant, s’affaisse mollement contre elle : l'un des gardes d’Erebor, visiblement. Une flèche dépassait de sa gorge. Il n'avait rien vu venir et n'avait pas eu le loisir de pousser un cri.

- A LA GARDE ! hurla Tauriel.

Elle ne dut qu'à ses réflexes et à sa souplesse d'éviter le trait suivant, qui lui frôla le visage. Et là, elle les vit enfin : ils étaient une bonne dizaine, des nains, à l'évidence, portant tous d'amples cagoules noires qui dissimulaient leurs visages et leurs barbes -il est assez aisé de reconnaître un nain à sa barbe- tous armés jusqu'aux dents.

- Vite ! lança l'un d'eux. Trop tard pour la discrétion, tuez-les tous ! Maintenant ! Avant qu'ils réagissent !

Trois des assaillants foncèrent sur Tauriel, leurs haches de guerre brandies. Le plus simple et le plus logique pour elle aurait consisté à leur claquer la porte au nez et à tirer le verrou, ce qui lui aurait fourni un répit et lui aurait permis d'aller chercher ses armes ! Seulement, tandis que ces trois-là se ruaient vers elle, quatre autres fonçaient sur la porte qui était en vis à vis des appartements qu'elle partageait avec Kili : la porte de son beau-frère.

- FILI ! hurla encore l'elfe. ATTENTION !!!

Elle espérait que le prince héritier n'avait pas le sommeil trop lourd car, déjà, sa porte claquait contre le mur du couloir et les assassins se ruaient à l'intérieur. Eh oui : les appartements royaux étant gardés, personne ne songeait jamais à fermer sa porte à clef... Fort heureusement, il apparut plus tard que Fili avait été éveillé en sursaut par le premier cri de sa belle-soeur et il ne fut donc pas pris par surprise. En un instant, le chaos fut total : alertés par les cris, les gardes qui se tenaient tout au fond du couloir, devant les appartements de Dis et de Thorin et qui, par bonheur, étaient protégés par le léger coude que formait la galerie, purent réagir et coupèrent la route aux derniers assaillants. Pendant ce temps, Tauriel, désarmée, bondissait de toutes parts pour échapper à ses trois agresseurs.

- TAURIEL !

Kili accourait : il n’avait pas pris le temps de se vêtir et avait seulement, hâtivement, enroulé autour de sa taille la longue tunique verte de son épouse. Mais il était armé et il lança son épée à sa femme. L'elfe la saisit au vol et se mit en garde, un sourire carnassier aux lèvres : "vous allez voir ce que vous allez voir !" semblait-elle dire.

- Tu es blessée ! s'exclama Kili.

La fine chemise de nuit de la jeune femme était fendue à hauteur de la cuisse et un filet de sang bavait sur sa peau pâle.

Elle ne répondit pas, trop prise par le combat, sa longue chevelure rousse volant en tous sens comme un halo de flammes. Kili par contre faillit bien passer de vie à trépas car l'attention qu'il portait à sa femme manqua de très peu lui être fatale. Par chance, lui aussi était jeune et souple ! Il sentit sa peau se déchirer et le sang jaillir sous une pointe métallique mais contra aussitôt.

A demi nu lui aussi, simplement vêtu d'un caleçon qui lui descendait aux genoux mais ses deux lames mortelles bien assurées en ses mains, Fili venait d'apparaître, engagé dans un combat sans merci contre ses agresseurs.

La confusion fut à son comble lorsque Dwalin apparut soudain, ses deux haches de guerre à la main, flanqué de deux gardes qui ouvraient des yeux effarés.

- Va chercher de l'aide ! jeta seulement le colosse à l'un de ses compagnons. TU M'AS ENTENDU ?! rugit-il alors que l'autre demeurait figé, les yeux écarquillés devant le spectacle impromptu des deux princes et de l'elfe, les uns et les autres fort peu vêtus, engagés dans un combat à mort contre un commando encagoulé.

Le garde ayant enfin pris ses jambes à son cou, Dwalin brandit ses armes, dont les lames émirent un sifflement semblable à celui d'un essaim d'insectes en colère, et se rua en avant. Il frappait au hasard, sans s'arrêter, se frayant un chemin droit devant lui. Ou était Thorin ? se demandait-il. Impossible que le bruit ne l'ait pas réveillé ! Ou alors... ? Il eut l’explication et se sentit rassuré en atteignant l'endroit où le couloir formait un coude : là, les derniers gardes formaient un barrage et livraient une bataille acharnée. L'appartement du roi étant tout au fond de la galerie, le bruit de devait lui parvenir qu'atténué. Et le principal : personne, à l'évidence, n'avait atteint la double porte incrustée d'or.

Dwalin fonça dans le tas et franchit la ligne.

Thorin rêvait de bataille. Il en entendait la rumeur, à nulle autre pareille, et le bruit des armes entrechoquées. Puis vinrent des coups sourds : l'ennemi usait d'un bélier pour tenter de défoncer les portes.

Boum ! Boum ! Boum !

- Thorin !

Thorin grogna.

BOUM ! BOUM ! BOUM !

- THORIN !

De très mauvaise grâce, le roi nain ouvrit les yeux et leva le nez, très ensommeillé et très peu enclin à bouger. En fait, il ne savait pas trop s'il rêvait ou s'il était éveillé, car le bruit de la bataille et du bélier contre la porte parvenait toujours à ses oreilles.

BOUM ! BOUM ! BOUM !

- REVEILLE-TOI !

Thorin se secoua : il aurait juré que quelqu'un venait de cogner à coups de manche de hache contre sa porte !! Non mais ! En voilà des manières ?!

A tâtons, il chercha une lampe à huile, ne la trouva pas et, bien éveillé désormais, lança une bordée d'injures dans le noir en rejetant les draps et en se levant dans l'obscurité. Ce faisant, il bouscula sans y penser la courtisane assoupie à ses côtés, le nez dans l'oreiller. Il l'entendit bouger, lever le nez et émettre un :

- Keskiya ?

léthargique.

Il ne jugea pas utile de lui répondre, trouva, toujours à tâtons, son manteau sur un siège, le jeta sur ses épaules nues et s'efforça de se diriger vers la porte.

Quelques mètres plus loin, il se prit les pieds dans un obstacle qu'il ne put identifier, faillit s'étaler de tout son long et, en se rattrapant de justesse, se cogna méchamment le genou dans un meuble. Il lança dans le noir un nouveau juron, particulièrement bien senti, finalement, après avoir encore un moment avancé en aveugle, trouva la porte et l'ouvrit avec la mine de celui qu'il vaut mieux ne pas avoir dérangé pour rien.

Il se trouva nez à nez avec Dwalin, la pommette fendue de l'aile du nez au lobe de l'oreille, le sang coulant sur son visage, et n'eut besoin d'aucune explication : la bataille faisait rage et il était tout à fait lucide désormais. Le temps de retourner chercher son épée, et son ami et lui se jetaient à corps perdu dans le combat.

Ce fut le spectacle pour le moins surprenant que l'escouade de gardes, qui arrivait en renfort, découvrit un moment plus tard : presque toute la famille royale, en tenue légère, livrant bataille à dix mercenaires coiffés de cagoules noires. Une histoire qui ferait cent fois le tour de la Montagne Solitaire, de Dale et même d'Esgaroth, enjolivée à chaque nouvelle redite ! Une histoire qui sans le moindre doute entrerait dans la légende de la dynastie d'Erebor.

Un simple drap noué à sa taille, Kili pestait tant et plus, assis sur un fauteuil, tandis qu'un nain armé de tampons et de bandages s'activait autour de lui.

- C'est bon ! fulminait le jeune prince, exaspéré, ça va bien ! Ce sont des égratignures, pas la peine de faire tant d'histoires !

- De vilaines égratignures, commenta Dwalin en entrant dans la pièce.

Kili lui lança un regard noir, avant d'aviser la silhouette de son oncle derrière lui.

- Ce n'est rien du tout ! assura-t-il.

Rien du tout... une belle balafre, pourtant, qui courait en travers de la poitrine et se poursuivait sur le bras gauche, assez profonde, surtout en fin de course : on voyait bien que la pointe de la lame s'était profondément enfoncée dans la chair.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Thorin d'un ton bref. Comment tout ça a-t-il commencé ?

- Est-ce que je sais ? bougonna Kili, de mauvaise humeur. Tauriel a crié... et puis voilà.

- Tauriel ?

L'elfe était toujours dans le couloir, penchée sur un garde blessée. Sa chemise de nuit était fendue en deux endroits et, dans la lumière des torches, elle soulignait de manière très suggestive les courbes de son corps. Sans un mot, Thorin alla chercher une couverture et la jeta sur les épaules de la jeune femme agenouillée.

Puis, se retournant vers Dwalin qui le suivait pas à pas, il hocha la tête et observa, en désignant le visage tailladé de son ami :

- Vas trouver un guérisseur, Dwalin. Il faut recoudre cette plaie en vitesse.

Le colosse grimaça.

- Monseigneur ? fit Tauriel.

Ayant bandé la blessure du nain sur lequel elle s’était penchée, elle venait de s’approcher des corps des agresseurs, auxquels les gardes valides étaient occupés à retirer leurs cagoules.

- Celui-ci ne m’est pas inconnu, murmura-t-elle pensivement.

Elle sentit la présence de Thorin près d’elle.

- Je l’ai vu le jour où j’ai soigné Ori. Il m’a tenu compagnie un moment.

- Il n’est pas mort, constata froidement Thorin. Emmenez-le ! ajouta-t-il à l’adresse des gardes. Celui-là parlera.

OO0OO

- Un coup d'état.

Balin avait le visage gris et les traits tirés. Lui aussi avait été tiré du sommeil en plein milieu de la nuit et les heures qui s’étaient écoulées depuis avaient été éprouvantes.

- Une faction rebelle qui estimait qu'après tout ce temps, le trône d'Erebor n'appartenait pas plus aux descendant de Durin qu'à quiconque. Les trésors de la montagne les faisaient saliver depuis longtemps, seule la peur du dragon les tenait à l'écart. Ils préparaient leur coup depuis la mort de Smaug.

- Mais ils connaissaient bien les lieux, à l'évidence. Ils savaient aussi où trouver les gardes et combien il y en avait.

- Ils ont dû acheter les renseignements.

- A qui ? gronda Dwalin d'un ton farouche, la main serrée sur le manche d'une de ses haches (il ne l'avait pas lâchée depuis la bataille de la nuit). Qui a trahi ?

Entre-temps, il s’était décidé à aller faire recoudre sa blessure, ce qui lui faisait un faciès effrayant. Balin eut un geste vague.

- Ca peut être n'importe qui, mais surtout, ça n'est pas forcément une trahison. Il suffit de savoir lier conversation avec les gens, une discussion dans une taverne ou aux cuisines, sur le ton de la plaisanterie... on peut apprendre beaucoup de choses de cette manière et celui qui donne les informations ne s'en rend même pas compte. C'est probablement l'un des gardes. Si je voulais obtenir ce genre d'information, j'offrirais à boire à l'un d'eux et je le ferais bavarder l'air de rien. Ils savent tout et la plupart sont sans malice.

Il fit une pause et ajouta :

- Nous ne le saurons sans doute jamais.

- Dwalin, le coupa Thorin. Tu interroges tous les gardes qui ont accès à l'aile royale. Tu finiras bien par trouver lequel s'est laissé aller à bavarder.

Le regard farouche, Dwalin acquiesça. Thorin n'ajouta rien, c'était inutile : il savait que son ami pouvait être patient, et même retors lorsqu'il le voulait. Il savait aussi que lorsqu'il aurait trouvé celui qui avait bavardé à tort et à travers, il lui dirait sa manière de penser de telle manière que l'autre ne l'oublierait jamais plus et surveillerait désormais sa langue !

Balin, qui le savait aussi, eut un léger sourire avant de poursuivre, comme si de rien n'était :

- Il faudra néanmoins nous montrer vigilants, à l'avenir. On ne sait jamais. Ces assassins pouvaient avoir des complices à l'extérieur, prêts à récidiver. Je pense qu'il faudra aussi renforcer la garde - et aussi, prendre l'habitude de fermer les portes à clef.

Dwalin grommela quelque chose dans sa barbe.

- Nous n'avons pas d'autre alternative, mon frère.

- Et ce nain, qui se faisait passer pour un marchand ? demanda Tauriel. Il s'est montré... exceptionnellement affable avec moi, il y a quelques jours de cela, ajouta-t-elle avec un regard d'excuse pour ceux qui n'avaient pas coutume d'être affable envers elle...

- Il voulait en savoir plus sur vous. Apparemment, il a essayé également de vous soutirer des renseignements au cours de la conversation.

Elle parut effrayée :

- Je n'ai pas souvenir...

- Vous lui avez parlé des vô... des elfes, n'est-ce pas ?

- Oui... entre autres....

- Aucun d'entre eux n'avait jamais combattu les elfes et on raconte toutes sortes d'histoires à leur sujet. Il voulait en savoir plus, sachant qu'ils auraient à vous éliminer.

Chacun y alla ensuite de son commentaire et de ses suggestion, mais Balin avait parfaitement résumé la situation, et il n'y avait rien de plus à faire dans l'immédiat.


Texte publié par Syrène, 14 août 2014 à 22h26
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