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Tauriel savait bien qu'elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même.

Elle avait su dès le départ à quoi elle s'engageait. Choisir de lier son existence à celle d'un nain, c'était déjà... eh bien, c'était faire injure à leurs deux peuples, en fait.

Elle n'arrivait pas à regretter, mais bon, il fallait admettre que Kili et elle avaient offensé bien du monde, des deux côtés. Ils avaient été à un cheveu de provoquer un très grave conflit entre Erebor et le Royaume des Forêts. Oui, à un cheveu ! Lorsque Thranduil avait envoyé au Roi sous la Montagne une requête exigeant "que la déserteuse Tauriel, ex capitaine de la garde, lui soit remise afin de recevoir le châtiment qu'elle méritait". Thorin avait vu rouge ! Bien sûr, s'il n'avait tenu qu'à lui, jamais la jeune elfe n'aurait franchi les portes d'Erebor. Pour simplifier les choses, jamais Kili n'aurait arrêté son regard sur elle. Entendu. Sauf que là, ça n'avait même plus rien à voir avec Kili -cette fichue tête de pioche ! Non, ce qui fit bondir Thorin comme si un taon l'avait piqué, c'était que cet elfe cent fois maudit se permette d'exiger qu'on lui remette une personne qu'il avait acceptée dans sa forteresse et qui, par conséquent, dès cet instant était devenue une de ses sujettes ! Comme si les rois d'Erebor avaient coutume de livrer leurs sujets à un autre potentat !

Sa réponse était si cinglante que Thranduil se sentit une furieuse envie de rassembler ses troupes et d’aller mettre le feu à Erebor… avec les nains à l’intérieur, si possible ! Sa fureur fut toutefois tempérée lorsqu’il constata que par la même occasion, le roi nain lui avait renvoyé certaines gemmes "blanches comme la lumière des étoiles". Certes, le billet qui les accompagnait était presque insultant. Cependant, une fois la première colère passée, Thranduil avait froidement fait le bilan de la situation : ces pierres, il souhaitait les récupérer depuis plusieurs décennies. C'était chose faite, enfin, et il n'allait pas nier sa satisfaction. En toute objectivité, Tauriel était insignifiante. Il n'aimait pas qu'on bafoue ainsi ses ordres, bien entendu, mais à l'échelle de l'éternité, c'était là billevesée. Et puis Légolas, qui était d'une humeur de chien et avait le moral dans les bottes depuis qu'il savait la vérité, était bien trop attaché à cette garce rousse. Thranduil n'avait pas manqué de lui démontrer ce qu'il en était : elle n'était rien d'autre qu'un objet de troc puisque le roi nain, au fond, en lui restituant les gemmes lui achetait la fille !

Enfin, si l’on voulait se montrer objectif, une donzelle sans intérêt et la grossièreté inhérente au peuple des nains- et les Valars savaient à quel point Thranduil tenait les nains en piètre estime- n'étaient pas des raisons suffisantes, ou du moins des raisons suffisamment importantes, pour déclencher une guerre qui causerait des centaines de morts. Non, finalement, c'était bien ainsi. Le roi elfe enfouit l'insulte au fond de son insondable mémoire et de son coeur de glace, afin de l'y laisser dormir et de s'en venger lorsque l'occasion se présenterait. Et quand on a l'éternité devant soit, on est certain que l'opportunité se présentera un jour !

Par ailleurs, il avait suffisamment vécu pour être certain que cette union, qui représentait un véritable défi à l'ordre des choses et à la nature, ne serait pas heureuse. Du moins, il doutait fortement de la réussite d'un tel hyménée. Ce qui au fond le vengerait de la trahison de Tauriel et, dans une certaine mesure, de Thorin, puisque le gringalet qui avait ravi le coeur de la fille le touchait de près.

Bref, Tauriel savait qu'à cause d'elle, les relations qui existaient entre les deux royaumes, lesquelles n’étaient déjà pas exactement cordiales, étaient désormais tendues à l’extrême. Sans compter que nombre de guerriers auraient pu trouver la mort dans une lutte absurde. Elle savait aussi, sans l'avoir revu, le mal qu'elle avait fait à Légolas. Légolas pour lequel elle avait cru, à une époque, avoir des sentiments... tout cela la désolait et elle en éprouvait de profonds remords, qu'elle ne pouvait confier à personne.

Quant à accepter de vivre à Erebor ! Au milieu des nains, coupée à jamais des siens pour lesquels elle était désormais une paria.... honnêtement, c'était dur. Très dur. C'était pénible de n’avoir rien à faire, de n’avoir ni tâche ni responsabilité, elle qui avait toujours été très active. Elle n’aurait sans doute pas pu s’y accoutumer, heureusement elle avait trouvé un pis-aller : elle sortait chaque jour d’Erebor et s’en allait cueillir des simples destinés à Oïn, le guérisseur. Elle avait même obtenu, non sans mal, de l’aider dans la confection de ses baumes et remèdes. Le vieil Oïn n’était pas désagréable, bien qu’il ne fasse pas d’effort particulier pour être aimable. Il était même assez curieux de la science médicinale des elfes, mais le sujet avait été assez vite épuisé et, en général, Oïn parlait peu. Comme en outre il n’entendait rien, les dialogues entre Tauriel et lui étaient peu nombreux et toujours courts.

Ah et puis, il y avait Dale. Dale qui renaissait de ses cendres, Dale qui était en pleine reconstruction. Chaque fois qu'elle sortait d'Erebor, Tauriel se rendait sur les lieux. Là au moins, elle était bien accueillie, sans la moindre arrière-pensée. Les hommes du lac avaient toujours commercé avec les elfes, ils n'avaient aucune réticence contre eux. De plus, pour eux qui ne voyaient que la surface des choses, Tauriel était quelque chose comme la belle-fille du roi nain. Or, ils éprouvaient envers ce dernier une certaine reconnaissance : Thorin ne leur avait-il pas donné suffisamment d'or pour reconstruire Dale ?

Ni Tauriel, ni Kili qui l'accompagnait parfois, n'auraient osé leur dire la vérité : Thorin avait vraiment les doigts très crochus, lorsqu'il s'agissait de son trésor ! Et il n'avait jamais aimé Bard, il ne s'en cachait pas. Il ne l'aimait toujours pas, d'ailleurs. S'il avait accepté de prodiguer son or, c'était parce que l'ancien contrebandier avait recueilli Kili blessé... et parce que Kili lui-même avait beaucoup insisté !

Quoi qu'il en soit, Tauriel était toujours accueillie à bras ouverts et avait fini par s'attacher aux deux filles de Bard. Ces dernières, pas plus que leur père, n'avaient elles non plus oublié que la jeune elfe avait un jour affronté tout un groupe d'orcs pour les sauver. La petite Tilda se montrait également très curieuse lorsque Kili accompagnait son épouse :

- Comment va votre blessure ? demandait-elle toujours. Souffrez-vous encore ?

- Non, répondait-il en riant, vous m'avez bien soigné, jeune demoiselle.

- Oh c'est pas moi, répondait très sérieusement la fillette. C'est la jolie dame.

La jolie dame riait avec elle et profitait de sa visite pour faire son marché ; oui car là encore, elle se heurtait à un gros problème : tous les elfes sont végétariens. Les nains, pas du tout ! Kili avait voulu demander aux cuisines que l'on pense à elle pour les repas mais elle l'en avait dissuadé, de crainte que cela aggrave encore l'antipathie qu'on lui portait. Elle préférait se débrouiller seule.

Elle était bien consciente pourtant que le fait de ne même pas partager la nourriture des gens d'Erebor mettait encore plus de distance entre elle et eux, mais elle ne pouvait se résoudre à consommer de la viande. Même la boisson posait problème. Tauriel détestait la bière, dont les nains étaient, eux, extrêmement friands. Ils ne buvaient pas d'eau... Heureusement, il y avait fréquemment du vin à la table royale, dans lequel elle pouvait tremper ses lèvres.

Tout cela, Tauriel l'avait accepté pour Kili. Il avait beau lui demander vingt fois par semaine si elle était heureuse à Erebor, lui jurer qu’il l’emmènerait ailleurs, où elle voudrait, dans le cas contraire, elle savait bien que lui-même, malgré toute sa bonne volonté, ne pourrait jamais vivre loin des siens. Il n’était tout simplement pas fait pour cela. Aussi, sa résolution de rester à Erebor ne faiblissait pas. Malgré tout, elle avait du mal à s’habituer, sans même parler de s’intégrer.

Oh bien sûr, elle était très correctement traitée.

En apparence.

Mais tous ces regards, fuyants ou au contraire trop appuyés, ces chuchotements sur son passage, ces attitudes qui sonnaient faux... Elle se demandait depuis le début pourquoi les naines la regardaient avec une telle commisération, qui pouvait passer pour de la compassion chez les plus douces d’entre elles. Un jour, elle eut l'explication de ce mystère après avoir dépassé un groupe chuchotant : l'ouïe des elfes est fine, une autre créature n'aurait rien entendu mais elle perçut distinctement leurs paroles :

- ... pas de barbe ! Ca a quelque chose de choquant, vous ne trouvez pas ?

- ... me demande comment le prince Kili.... comme si nos filles ... ce qu'il peut trouver à un tel visage...

- Il est vrai qu'il n'a pas beaucoup de barbe non plus !

Tauriel en fut blessée jusqu'au coeur. D'un côté, elle comprenait : les elfes, eux, trouvaient que "tous ces poils sur la figure, c'est bestial et franchement répugnant" mais curieusement jamais cela ne lui était venu à l'esprit depuis qu'elle avait rencontré Kili. C'était même peut-être ce qui la dérangeait le moins chez les nains. La réciproque, apparemment, n'était pas vraie.

Une fois pour toute (pensait-elle), elle s'était composée une attitude à la fois naturelle et hautaine qu'elle arborait désormais chaque fois qu'elle quittait ses appartements : elle souriait, parlait d'un air très détendu mais demeurait sur son quant à soi. Les nains la toléraient et faisaient un effort pour se montrer courtois, ou plus exactement, pour ne pas paraître offensants, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, mais uniquement parce que leur roi en avait donné l’ordre. Cela ne changeait rien à leurs sentiments.

Il n’y avait que deux nains avec lesquels Tauriel baissait sa garde et se sentait presque détendue. D’abord son beau-frère, Fili.

Parce que Kili l'aimait tant et que tous deux étaient si proches.

Et aussi parce que Fili, lui aussi, faisait beaucoup d'efforts.

Il était le seul qui tente vraiment de la connaître et même, elle s'en rendait compte, qui cherchait à l'aimer. Lui aussi, il le faisait pour Kili. Mais enfin il le faisait.

Fili et Tauriel cherchaient à tâtons, péniblement, des terrains d'entente. Ils y mettaient tous deux beaucoup de bonne volonté.

Puis, il y avait le vieux Balin. Balin lui souriait lorsqu’il la rencontrait, elle trouvait cela amusant, ce sourire perdu au milieu de l’épaisse barbe blanche du vieillard. Même lorsqu’il parlait, on aurait dit qu’un trou s’ouvrait dans l’épaisseur de sa barbe et remuait comiquement. Balin prenait du temps pour lui parler et paraissait plus naturel, plus détendu que Fili, comme si la présence d’une elfe à la cour de Thorin Ecu-de-Chêne était une chose bien naturelle. Il lui racontait des histoires, des anecdotes, il parvenait même à la faire rire, parfois. Balin était vraiment gentil avec elle et Tauriel avait beaucoup d’affection pour lui.

Ah et naturellement, il y avait Kili. Kili semblait s’ingénier à la combler de présents et à lui proposer de nouvelles distractions, comme s’il cherchait à l’empêcher de ressasser le malaise qu’elle éprouvait en permanence dans ce nouveau milieu. Cependant, intuitive comme le sont tous les elfes, Tauriel sentait bien que Kili n'était pas heureux.

Et elle savait parfaitement pourquoi.

Il souffrait de voir son épouse tellement à part de tous. Les nains sont des êtres grégaires, ils vivent en groupes importants et entretiennent des relations très simples : ou bien on est amis et on rit, on s’amuse ensemble, ou bien on ne s’aime pas et on s’ignore. Or, tout le monde, ou presque, avait pris de la distance envers le jeune prince, désormais, comme s’il ne faisait plus tout à fait partie des leurs.

Même avec Thorin, les choses avaient changé. Sa relation avec son neveu n'était plus la même qu'autrefois.

Pourtant, on ne pouvait le nier, le roi faisait lui aussi des efforts.

A sa manière.

A vrai dire, accepter la présence d’une elfe dans sa forteresse et jusque dans sa famille avait constitué de sa part un effort de titan. Il avait également fait en sorte que nul n’agresse la jeune femme, ni par des regards ni par des paroles.

Et c’était beaucoup, de sa part.

Depuis, il s’arrangeait pour la croiser le moins possible. Et quand vraiment il ne pouvait faire autrement, il s’efforçait de faire abstraction d’elle. Il était certain, de cette manière, de ne pas laisser échapper un mot qu’il pourrait regretter plus tard. La vérité était qu’il en voulait toujours à Kili de lui avoir imposé cette épreuve, de même que Kili lui en voulait pour les paroles très dures que son oncle lui avait adressées et qui l’avaient profondément blessé. Un fossé s’était creusé entre eux, dont ils souffraient tous les deux sans qu’aucun n’ose, ou ne veuille, ou ne sache faire le premier pas pour le franchir et, si possible, le combler. Kili s’était laissé convaincre de revenir à Erebor, certes, mais plus rien n’était comme avant.

Il était du reste à peu près certain que jamais le jeune prince n’aurait consenti à revenir au bercail, quelque souffrance que cela ait pu lui causer, si Fili ne s’en était pas mêlé. Lui seul avait suffisamment d’influence sur son frère pour le convaincre.

L'arrivée de Dis à Erebor, avec un convoi venu des Montagnes Bleues, changea encore la donne. La naine étreignit chaleureusement ses deux fils et ne fit aucun commentaire à propos de sa singulière belle-fille. Elle affichait à son égard une attitude polie mais distante. En fait, toutes deux s'observaient, jour après jour. On sentait que Dis avait décidé de prendre son temps pour se forger une opinion et qu'elle réservait son jugement.

Le résultat en était que chacun paraissait constamment marcher sur des œufs, de peur de commettre un impair. Tauriel avait si peur de déclencher une nouvelle dispute entre Kili et son oncle qu’elle n’osait dire un mot lorsqu’ils étaient tous trois présents au même endroit. Et pour une femme qui avait toujours dit tout ce qu’elle pensait et n’avait jamais craint de s’exprimer, c’était terriblement frustrant.

Comme étaient mortellement ennuyeux les soirs de fête : les elfes avaient une autre idée des réjouissances ! Mais cette bande de braillards barbus qui ripaillaient, buvaient comme des trous, s’esclaffaient, échangeaient des plaisanteries salaces ou se lançaient de la nourriture à la tête.... cela n’évoquait en rien une fête à Tauriel qui s’ennuyait à mourir, un peu gênée au fond d’elle-même par ces débordements.

OOoOO

- Kili, je voudrais que Fili et toi vous preniez la tête du détachement qui doit servir d'escorte à la délégation des Monts de Fer. Il importe de bien les accueillir.

Sans enthousiasme, Kili leva les yeux sur son oncle. Ce dernier savait ce qui allait venir et prit les devants :

- Passer quelques jours hors d'Erebor te fera du bien, dit-il d'un ton qui n'admettait pas la contradiction. Et il est temps que tu acceptes tes obligations, Kili : tu es un prince de la lignée royale, tu as un rôle à jouer.

Thorin fit une pause et ajouta, très fermement :

- Je n'admettrai pas que tu cherches à t'y dérober.

Kili soupira.

- Très bien, mon oncle, dit-il mollement.

Il se détourna. Thorin en éprouva un méchant pincement au coeur. Il semblait qu'un mur s'était dressé entre Kili et lui, alors qu'autrefois ils avaient été si proches. Il avait pourtant fait de son mieux, estimait-il, qu'y avait-il donc de brisé ? Et pourquoi ?

- Vous... veillerez sur Tauriel, n'est-ce pas ?

Kili avait amorcé un mouvement pour sortir, s'était immobilisé. Avait parlé sans se retourner.

- Vous ? fit Thorin. Depuis quand tu me vouvoies, toi ?

- Oh... fit Kili.

Il fit visiblement un effort pour faire face à son oncle :

- Je ne sais pas trop, je... ça m'a échappé.

- Kili....

Mais Kili n'eut aucune réaction. Il avait le regard lointain, ses bras pendaient mollement le long de son corps, il paraissait... ailleurs. Très loin. Beaucoup trop loin, réalisa soudain Thorin, le coeur en berne.

- Kili, écoute...

Le roi s'approcha de son neveu et lui entoura les épaules de son bras. Sauf qu'arrivé là, les mots se coincèrent dans sa gorge et qu'il ne sut plus que dire.

- Je t'écoute, mon oncle, fit Kili, l'air très vaguement intéressé.

- Je... bien sûr, ton épouse n'a rien à craindre, bafouilla Thorin, qui se maudissait de ne pouvoir exprimer ce qu'il ressentait vraiment.

Il eut l'impression de sentir, physiquement, une nouvelle distance s'instaurer entre son neveu et lui-même.

- Très bien, dit Kili sans émotion, le visage impénétrable.

Puis il se détourna et quitta la pièce.

Longtemps, Thorin demeura immobile à regarder la porte qui s'était refermée derrière lui. Cette damnée fille, pensait-il.... Tout cela était sa faute ! Que maudits soient les elfes... ces diables d'elfes !

Kili expliqua très laborieusement à sa femme ce qu'il en était. Tauriel en fut consternée.

Non, elle ne craignait pas de rester sans lui à Erebor. Non, elle ne s'opposait pas à sa mission -que n'eut-elle donnée, cependant, pour pouvoir l'accompagner ! Mais elle savait bien que la présence d'une elfe au sein du comité d'accueil serait mal perçue par cette si importante délégation- non, ce qui l'affligeait tellement, c'était Kili lui-même. Il parlait d'un ton morne, atone, le regard éteint. Ou était donc le jeune nain intrépide et remuant qu'elle avait connu, ou étaient ses sourires et ses facéties ?

Kili n'était plus qu'une carcasse vide et cela épouvanta la jeune femme.

Cette nuit-là, tandis qu’il ronflait tout doucement à ses côtés, elle demeura éveillée, les yeux grands ouverts dans le noir. Cela ne pouvait pas, ne devait pas durer. La situation, leur situation était en train de détruire Kili.

Tauriel se força à examiner la situation avec toute la froideur et toute la logique dont elle était capable. Elle se força à penser à la manière de Thranduil : sans le moindre état d'âme. Lorsqu'elle y fut parvenue, le reste fut facile. Le problème, qu'elle avait, elle aussi, plus ou moins voulu ignorer, lui apparut dans toute sa noirceur. Leur union, leur amour était une bulle éphémère à la surface du monde. Mais le monde n'était pas prêt pour cela.

Lucide à présent, Tauriel envisagea les solutions. Partir ? Elle n'avait plus nulle part où aller, certes, mais elle acceptait l'idée de devoir mener une vie errante si cela pouvait rendre Kili à lui-même et aux siens... aux siens ! Bien sûr, c'était ça, la solution ! Partir ne résoudrait rien, réalisa t-elle. Kili culpabiliserait à mort en se disant qu'il n'avait pas été à la hauteur ! Il déprimerait encore plus et... non. Non.

Elle avait été sotte, se dit-elle, de penser que cacher son propre désarroi à son compagnon résoudrait tout. Quelle bêtise ! Alors que depuis le début elle avait le problème sous les yeux. Elle devait se faire accepter par les nains. Pas seulement tolérer, comme c'était le cas, mais accepter. A commencer par leur roi, de manière à ce que la famille s'unisse à nouveau. Kili avait besoin de l'affection et de l'approbation des siens.

Comment ? se demanda Tauriel. Comment parvenir au but ?

Elle réfléchit et ne vit qu'une seule solution. Elle devait absolument se mêler à eux, abandonner son quant à soi, se fondre dans la masse. Elle en frémit. Ce serait très difficile. A tous points de vue. Elle allait devoir contraindre sa propre nature et surtout, elle devait s'attendre à de nombreuses rebuffades, dont Kili ne devrait jamais être averti. Il fallait commencer par Thorin car il était impératif, et même urgent, que Kili et lui se retrouvent. Oui... Là, Tauriel eut un moment de découragement. Comment aborder ce nain hautain et arrogant qui détestait tant sa race ? Existait-il seulement un moyen de percer sa carapace, y avait-il un défaut à sa cuirasse ? Elle en aurait douté si Kili ne lui avait tant parlé de lui, du temps où il ne broyait pas du noir à longueur de temps. Thorin avait un coeur, quelque part. Bien caché. Bardé de prévention, d'orgueil et de préjugés. Un coeur qu'elle devrait atteindre. Si elle y parvenait, elle aurait gagné plus de la moitié de son combat pour s'intégrer au peuple qu'elle avait rallié.

Restait à savoir comment.

Ce fut une très longue nuit. Tauriel ne dormit guère. Au matin, elle était épuisée, n'avait toujours pas trouvé le moyen de parvenir à ses fins mais, au moins, elle était parfaitement résolue.

Elle offrit à Kili un tel sourire, une telle flamme de détermination brillait dans ses yeux que, pour la première fois depuis longtemps, le jeune nain eut lui aussi un vrai sourire.

- Tu vas me manquer, dit-il. Le temps va me paraître long.

- Tu n'en seras que plus heureux de me retrouver, lui dit-elle d'un ton taquin. Je saurais m'occuper, ne t'inquiète pas. Tu seras prudent, hein ?

Kili rit franchement :

- Prudent ? C'est une mission toute bête, il n'y a aucun risque, on va juste escorter ces gros poussahs...

- Tu ne sembles pas tellement les apprécier...

- Non, je leur en veux un peu de nous avoir laissé tomber quand il s'est agi de reprendre Erebor. Même avant, ils nous ont toujours pris de haut. Ils ont toujours paru nous considérer comme des moins que rien parce que nous avions perdu notre royaume.

- Bah ! fit Tauriel d'un ton faussement joyeux.

Pourtant, lorsque depuis les remparts elle vit s'éloigner la fameuse escorte, qu'elle eut maintes fois agité la main -chaque fois que Kili se retournait sur sa selle- elle se sentit bien seule. Balin était du groupe, si bien que tous ceux qui lui témoignaient quelque affection étaient partis... Tauriel dut se raccrocher de toutes ses forces à sa décision pour ne pas flancher : elle devait apprivoiser Thorin et son peuple et elle devait mettre l'absence de Kili à profit pour poser ses premiers jalons. Ainsi, si les choses tournaient mal, il n'en serait pas témoin et elle n'aurait plus qu'à mettre au point un nouveau plan.

Mentalement, elle retroussa ses manches. Elle ne se cachait pas qu'elle allait avoir affaire à forte partie et ne savait toujours pas par où commencer. Un simple exemple : comment parler à Thorin ? Sous quel prétexte, alors qu'il faisait tout pour l'éviter ? Et puis quoi lui dire, surtout ? Tauriel n'en avait aucune idée !


Texte publié par Syrène, 20 juin 2014 à 20h09
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