— Qu’est-ce que c’est ? Je suis un peu intriguée par la boîte.
— Barbas a pensé, que ça te ferait plaisir après ce qui s’est passé, il aimerait se faire pardonner pour ne pas t’avoir écouté pour l’usine.
Perplexe j’ouvre la petite boîte et en sort une sorte de brassard en cuir noir gravé de plusieurs symboles que je ne comprends pas.
— Barbas s’est dit que tu voudrais cacher ce bras alors il a fabriqué ça pour toi, c’est un brassard d’archer un peu spécial.
— C’est très beau, je ne sais pas quoi dire.
— Mais attends ce n’est pas fini. Mets-le.
Je passe mon avant-bras droit dans ce brassard, Peter resserre les lacets de cuir puis s’écarte légèrement.
— Flink avait une lame cachée dans sa manche, Barbas a trouvé le système très ingénieux et l’a reproduit pour toi, avec quelques améliorations. Ferme le poing comme si tu allais frapper.
Je serre le poing et c’est alors que trois lames sortent du brassard. On dirait des griffes.
— C’est génial, je ne sais vraiment pas quoi dire.
— Dis juste que ça te fait plaisir et nous serons contents. Barbas a fait tremper les lames dans un bain de produit étrange, je n’ai pas tout compris son discours de chimiste, mais il m’a dit que les lames étaient presque indestructibles, bien entendu contrairement à Flink tes lames ne sont pas pleines de poison.
Je regarde avec émotion ce petit bijou de technologie qui orne à présent mon poignet. Quelqu’un frappe alors à la porte, Peter se lève et ouvre, Barbas a le visage fatigué et fermé.
— Marley, tu es réveillée.
Il regarde mon poignet et esquisse un sourire.
— Merci Barbas, il est magnifique.
— Je te devais bien ça après la bêtise que j’ai faite.
— Ce n’est pas de votre faute Barbas, vous ne pouviez pas savoir.
— C’est vrai, mais toi tu m’as mis en garde et je ne t’ai pas écouté, et aujourd’hui Ted est mort.
— Comment va Ralph ? demande Alice.
— Il termine d’organiser les obsèques de son frère, mais cela le ronge tellement.
— Il n’aurait rien pu faire, Flink avait décidé de le tuer à la minute où il nous avait piégés.
— En tout cas, grâce à toi il est mort et la nouvelle est en train de se répandre. Tous les casques noirs parlent de cette lueur jaune qui brillait dans ton regard au travers du masque quand tu lui as transpercé le cœur. Notre plan marche, ils sont en train de te faire un nom auprès des rebelles et ils ne vont pas tarder à construire une légende autour de toi.
Ils semblent tous heureux que les Bellãtriens parlent de moi, mais j’ai comme le pressentiment que quelque chose de grave va bientôt arriver, mais je n’arrive pas à savoir quoi, je n’ai jamais été une meneuse alors devenir un symbole… J’ai peur de ne pas avoir les épaules pour ça.
Quelques jours sont passés depuis mon réveil, Peter a dû retourner au Dôme afin de ne pas éveiller les soupçons, mais il revient tous les soirs à la Citadelle. Alice m’entraîne à me battre avec cette nouvelle arme, mais donner des coups de griffe n’est pas bien sorcier quand on est un loup. Sam ne nous a toujours pas recontactés, nous ne savons pas ce qui se passe à Marsilla et être dans l’ignorance est la chose la plus difficile. Heureusement que nous sommes ensemble Alice et moi et que nous veillons l’une sur l’autre. La Citadelle m’a grandement étonné, cette ville fortifiée à des secrets dans chaque coin de rue. Et les gens semblent heureux ici, mais il ne faut pas oublier que ce n’est qu’un refuge. Personne ne voudrait rester vivre sous terre toute sa vie. Ce soir Alice et moi, sommes au bord de la fontaine de la Grand-Place, Peter nous y rejoint et dépose un baiser sur mon front, puis s’assoit à côté de moi, passe ses bras autour de ma taille et pose sa tête sur mon épaule.
— Vous avez l’air songeuses, mesdemoiselles, dit-il d’un air amusé.
— C’est Sam, il ne nous donne aucune nouvelle et cela commence à nous inquiéter, dit Alice.
Comme je la comprends, son grand amour est loin d’elle depuis si longtemps et elle ne sait même pas s’il va bien ou s’il a besoin d’elle. Elle ressent exactement la même chose que je ressens pour mon frère et mon père. Je caresse la surface de l’eau en me remémorant les bons moments que j’ai passés avec mes parents et mon frère, ces jours où nous restions à la maison afin de veiller les uns sur les autres, ces jours où mon père nous racontait les histoires de nos ancêtres, où encore quand il nous passait des morceaux de musiques interdits et que nous dansions dans le salon sans nous préoccuper de ce qui se passait dehors. Tous ces souvenirs envahissent mon esprit et m’enveloppent d’une sensation de bonheur et de chaleur, je ferme les yeux et pense à ma mère, ses beaux yeux bleus, la douceur de sa peau quand elle me caressait la joue pour me réveiller les matins d’école, l’odeur de ses cheveux de feu quand elle me prenait dans ses bras pour calmer mes angoisses, son sourire ; le plus merveilleux des sourires, je me souviens du son de sa voix quand elle riait avec mon père. Je me remets en mémoire les moindres détails de sa personne et quand j’ouvre les yeux, elle est là devant moi, assise les pieds dans la fontaine à côté de Peter et d’Alice, mais ils ne semblent pas la voir. Elle me regarde et sourit.
— Ma chérie, sache que je suis toujours avec toi, je ne te quitte jamais et je veille sur toi mon amour. Tu es devenue une jeune femme forte, tu y arriveras. J’ai confiance en toi, et je crois en toi, mon ange.
— Tu me manques maman, tu me manques tellement. La vie est devenue si difficile depuis que tu es partie.
— Je sais Marley, mais il y a des choses qu’on ne peut maîtriser. Ainsi va la vie et sache que ton père et moi avons bien vécu et nous avons profité de tout ce que la vie avait à nous offrir. Mais il est un temps où les parents doivent s’en aller et laisser la place aux générations plus jeunes.
— Mais je me sens si seule, je n’ai plus personne, vous avez tous disparu.
— Non tu nous as dans ton cœur et je ne cesserais jamais d’être présente pour toi. Maintenant, va chercher ton père et ton frère !
— Quoi ?
Mais ma mère a disparu, elle n’est plus devant moi. Peter et Alice me regardent d’un air inquiet.
— Marley, que s’est-il passé ? me demande Alice.
— J’ai vu ma mère, elle était là devant moi et je lui ai parlé.
— Il n’y avait personne Marley, me dit Peter d’un air navré.
— Je te dis que j’ai parlé à ma mère, je la voyais comme je vous vois.
— Tu sais que ta mère est…
— Morte, je sais, mais je pense qu’elle est revenue pour m’envoyer un message, elle m’a dit va chercher ton père et ton frère. Vous croyez que c’est un message ?
Mais ils n’ont pas le temps de répondre, car Ralph court dans notre direction et nous fait signe de le suivre. Nous nous levons et lui emboîtons le pas.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? demande Peter.
— Une péniche pleine à craquer d’esclaves qui revient du Nord, Barbas a dit que ce soir nous frapperons fort sur les Bellãtriens et nous en profiterons pour libérer tous ces pauvres gens.
Une péniche pleine d’esclaves du Nord…
— Alice, tu crois que mon père…
— Possible, mais ne te fais pas non plus de faux espoirs.
Ni une ni deux nous emboitons le pas à Ralph et rejoignons le conseil sur le Morgan’s Queen, à peine arrivé sur le bateau, Barbas nous fait signe de prendre rapidement place.
— Bon, je suis navré de vous faire venir si vite, mais nos contacts qui sont à la sortie de la ville nous ont informés d’un arrivage de toute une cargaison d’esclaves dans quelques heures par péniche. Ils viennent du Nord et c’est le moyen de frapper fort de plus nous sauverons un maximum de Galliens. Ralph, Peter, vous restez avec moi pour mettre en place un plan. Les autres rendez-vous dans une heure aux portes de la Citadelle. Ne soyez pas en retard !
La nuit est tombée, nous sommes tous réunis aux portes de la Citadelle à attendre les ordres de Barbas. Ce dernier arrive en compagnie de Peter et de Ralph, ils ont l’air tendus, mais ce n’est rien comparé à ce que je ressens ; un mélange d’appréhension et d’espoir. Si ma famille est dans cette cargaison, je ferais tout pour les sauver.
— A vingt-deux heures, une péniche doit arriver du Nord avec toute une cargaison d’esclaves. Notre but est de sauver le maximum de gens et de détruire la péniche, nous devons frapper fort pour montrer aux Bellãtriens que nous n’abandonnerons jamais les nôtres. Alice, Ralph et les autres, vous assurerez l’évacuation pendant que Marley, Peter et moi nous, nous occuperons de la sécurité.
— La sécurité ? demande Alice perplexe
— Il faudra tuer tous les casques noirs qui se mettront en travers de notre route !
Des morts, encore des morts. Bien que cela ne me gêne pas de faire payer chaque casque noir pour tout le mal qu’ils font à notre peuple, je ne peux m’empêcher de penser que je suis en train de devenir une meurtrière.
— Marley, tout va bien ? m’interroge Barbas.
— Oui tout va bien, c’est juste que… Ne croyez-vous pas que l’on peut éviter de tuer encore des gens ?
— Marley, je sais que ce n’est pas simple, mais n’oublie jamais que les Bellãtriens n’ont aucun scrupule à nous exterminer, souviens-toi de ce qu’ils ont fait à ta mère où même à Logan.
Soudain, tous mes doutes éclatent en fumée, Logan, ma mère ils les ont fait disparaître de la terre sans aucun état d’âme ! Barbas a raison, ils doivent payer et je n’aurais aucune pitié.
—Vous avez raison Barbas, nous tuerons tous ceux qui nous barrent le chemin !
— Bon très bien, maintenant écoutez-moi bien. Nous allons nous rendre sur les quais, je compte sur vous pour rester le plus discret possible jusqu’au signal que je lancerais.
— Quel signal ? demande Alice
— Le premier casque noir que je tuerais sera le signal du départ. Réponds froidement Barbas. Quand nous monopoliserons les casques noirs sur le pont, vous en profiterez pour vous glisser dans les cales et vous ferez sortir les Galliens. Ensuite, vous les conduirez à la Citadelle mais sans attirer l’attention, vous passerez par les souterrains afin que personne ne puisse vous suivre. Des questions ?
Personne ne répond, à en juger par ses explications, le plan à l’air simple, mais je sais que rien ne se passera comme prévu.
À vingt-deux heures, nous arrivons prêt du convoi, la péniche est déjà amarrée au quai, plusieurs casques noirs sont sur le pont et font des allers-retours tels des automates. Barbas s’est positionné sur un toit avec son sniper, il attend le bon moment pour faire feu. Peter et moi nous tenons prêts à bondir sur la péniche, nous mettons nos masques de cuir et nous attendons tapis dans l’ombre.
— Tu es sûre que tout va bien ? me demande-t-il tout bas.
— Oui, j’ai juste peur de voir dans quel état seront mon père et mon frère.
— Nous les sauverons, je te le promets.
— Non Peter, ne fais pas de promesse que tu ne peux tenir.
Je me concentre sur notre objectif, tous mes sens sont en éveils, j’arrive même à entendre la respiration lente de Barbas qui se concentre lui aussi, prêt à déclencher le plan d’action. Nos yeux sont rivés sur les sentinelles qui sont postées sur le pont, ils continuent de faire leurs va-et-vient quand soudain je perçois la détonation du sniper étouffée par le silencieux, puis un casque noir s’effondre au sol. C’est le signal, que la partie commence ! Peter et moi bondissons sur le pont de la péniche, nous nous retrouvons alors face à une dizaine d’hommes, tous poussés à la testostérone, le crâne rasé et portant un étrange tatouage sur le visage, des mercenaires noirs (ce sont des soldats surentraînés, ils n’ont pas peur de la mort et sont spécialisés pour des missions bien précises, s’ils sont ici c’est que le gouvernement se doutait qu’une attaque pouvait avoir lieu). Je n’ai pas le temps de sortir mon épée que déjà un des mercenaires fonce sur moi, je l’esquive de justesse et déclenche le mécanisme de mes nouvelles griffes, prêtes à le transpercer. Mais l’homme semble bien décidé à me tuer lui aussi, il fonce à nouveau et vient presque à mon contact ; erreur qui lui sera fatale, d’un coup de griffe je lui ouvre l’abdomen laissant déverser ses entrailles chaudes sur le pont du bateau. Peter fend l’air avec ses deux poignards, son style est parfait. Il saisit un colosse par l’épaule, puis lui transperce la carotide de ses lames. Je sors mon épée de son fourreau et virevolte en direction d’un mercenaire qui arrive dans le dos de Peter, je ne lui laisse pas le temps de se retourner et lui perfore le poumon droit. Les hommes s’effondrent un à un sous nos coups de lames. Puis le silence retombe, un silence lourd et pesant. Peter et moi nous nous regardons inquiets, cela ne me dit rien qui vaille.
— Ce n’est pas fini, reste sur tes positions ! me chuchote Peter.
Soudain, nous entendons un bruit sourd, une porte vient de se déverrouiller, de là sort une chose mi-homme mi- bête ; un bipède mesurant environ deux mètres de haut, le visage déformé et les membres disproportionnés. Le monstre nous fait face et se met à hurler de rage.
— Qu’est-ce que c’est que cette merde ? me demande Peter
— Sûrement une expérience du gouvernement !
Peter tente une attaque, mais le monstre le repousse d’un revers de bras. Je ne réfléchis pas, transmute en louve et fonce dans sa direction. Je bondis à sa gorge et plante mes crocs acérés dans sa carotide, ce qui semble être sans douleur pour lui. Il me saisit de son énorme main et m’envoie m’écraser contre plusieurs cages de métal. J’essaye de me lever, mais c’est impossible, ma pâte est complètement déformée et j’ai beaucoup de mal à la bouger.
« Tue le Peter !!! »
Peter range ses poignards et dégaine ses deux « Colts 1911 ». Il prend appui sur l’une des cages, bondit et retombe sur les épaules du monstre. Il vide l’intégralité de ses deux chargeurs dans le crane de la bête. Le sang gicle sur le visage de Peter, le monstre hurle de douleur d’une une voix grave et forte puis s’écroule à terre, mort. Peter s’essuie le visage d’un revers de manche et vient vers moi.
— Marley, tu es blessée !
Je reprends forme humaine, mais mon bras est complètement déformé et je sens que les os sont déjà en train de se ressouder.
— Peter, je cicatrise trop vite, tu dois me remettre le bras droit sinon je ne pourrais plus m’en servir.
— Non je ne veux pas que tu souffres plus.
— Peter !
Impuissant il saisit mon avant-bras entre ses mains et le replace dans l’axe d’un coup sec. Je serre les dents pour ne pas hurler, mais au moins dans quelques heures je serais guérie.
— Vite, allons aider les autres !
Quand nous arrivons dans les geôles, l’odeur est telle que je commence à avoir des haut-le-cœur.
— Qu’est-ce que c’est que cette odeur ?
— Certains sont ici depuis des semaines et le manque d’hygiène est considérable, certains sont morts et leurs corps n’ont pas été évacués. Voilà la raison de l’odeur, me dit Alice.
— Vite, sortons-les de là
Après avoir rassuré les enfants, Alice me les confit pour que je les fasse sortir. Je transmute à nouveau afin d’être plus forte et j’en fais grimper deux sur mon dos et les autres agrippent mon pelage. Ils comprennent qu’ils ne craignent rien et me suivent. Nous sortons de la péniche où Barbas nous attend pour nous ouvrir la route. Ma patte me fait souffrir atrocement, et le poids des enfants ne fait rien pour arranger les choses. Barbas voit ma difficulté et prend deux enfants dans ses bras. Deux cent mètres plus loin, il ouvre un passage dans un ancien cimetière et nous nous y engouffrons, encore un passage secret dont j’ignorais l’existence. Nous arrivons enfin vers une des entrées secrètes de la Citadelle. Les autres rebelles nous attendent avec leurs fusils et ouvrent la porte sans poser de question. À l’intérieur de la Citadelle, tous les réfugiés ont organisé une sorte de camps de secours sur la Grand-Place ; ils ont installé des tentes et des lits de camp pour accueillir les Galliens. Les enfants sont rapidement pris en charge par une vieille femme. Barbas repart immédiatement chercher les autres, je tente de le suivre, mais je ne peux plus marcher. Je m’inquiète encore pour Alice et les autres, il faut que j’y retourne. Une femme me regarde avec insistance et me fait alors signe d’approcher.
— Marley, cette femme est ma mère Tania. Elle est guérisseuse, c’est la plus vieille femme pirate de Lutz, restes ici tu ne peux plus marcher, me dit Barbas en me poussant vers la vieille femme.
« Non je dois retourner aider les autres ils ont besoin de moi. »
— Ils ont besoin de toi en vie. Laisse ma mère s’en occuper je vais prendre d’autres gars avec moi pour aller aider le reste du groupe.
Je transmute et reprends forme humaine devant Tiana, cette dernière ne semble pas écœurée de cette vision, elle examine ma blessure et y dépose une sorte de pâte noire, en quelques secondes la douleur a presque disparu et je retrouve des sensations dans mon membre, puis sans que je puisse lutter, mes yeux deviennent lourds et mon esprit s’envole ailleurs. Je regarde une dernière fois la vieille femme puis m’endors et sombre dans le néant.
J'ouvre difficilement les yeux, je perçois Alice à côté de moi, je suis de nouveau humaine, mon corps a travaillé toute la nuit afin de soigner mon avant-bras cassé et cela m’a grandement épuisé.
— Alice, la mission ?
— Tous ces pauvres gens sont avec nous, personne n'a été tué ni blessé, sauf toi, mais tu guéris vite donc je ne peux pas parler de gros dégâts de notre côté, coté casque noir par contre… Peter et toi avez fait un carnage.
— Mon père et mon frère ?
— Ils n'étaient pas dans le convoi... Je suis navrée.
Mon cœur s'emplit de désespoir, ce convoi aurait pu être leur billet de libération... Mais non.
— Par contre depuis tout à l'heure il y a une petite fille qui ne cesse de vouloir te parler alors maintenant que tu es réveillée...
— Quelle petite fille ?
— Une petite fille rousse, elle n'a pas voulu me dire son nom, mais elle attend derrière la porte elle m’a dit que c'était important.
Je sors de mon lit, la tête me tourne encore un peu, mais une fois que j’aurais avalé quelque chose tout ira mieux. J’enfile en vitesse mes vieux vêtements qui sont posés sur le dos de ma chaise. Je me regarde dans le miroir, quelle horreur ; mes yeux sont marqués et cernés, mon bras gauche n’est plus cassé, mais une cicatrice encore rouge, souvenir de ma fracture ouverte se promène sur plusieurs centimètres, sans parler de mon avant-bras droit qui doit rester camouflé par le brassard de Barbas. Mais peu importe je ne suis pas ici pour être jolie. Je sors dehors et constate que la Citadelle est en pleine effervescence ; tout le monde met la main à la pâte pour construire de nouveau logement provisoire pour les rescapés du convoi, les blessés reçoivent les soins dans l’hôpital de fortune dressé sous une immense tente au milieu de la Grand-Place. Alice pose sa main sur mon épaule et me montre une enfant assise sur les marches de la fontaine.
— C'est cette petite fille qui veut te parler.
La petite fille en question semble apeurée, ses longs cheveux roux tombent devant son visage comme si elle voulait se cacher de quelque chose ou quelqu'un. Je m'approche doucement d'elle et m'accroupis pour me trouver à sa hauteur,
— Alice m’a dit que tu voulais me parler et que c'était important...
— Je lui ai dit que je ne voulais parler qu’à Marley.
— Et comment te prouver que je suis Marley ?
— Montre-moi tes yeux de loup.
Je comprends ce qu’elle souhaite, je ferme alors les yeux, visualise mon regard de louve et uniquement mon regard de louve. Quand je regarde à nouveau l’enfant, ce sont mes prunelles jaunes qui la fixent.
— Alors ?
Pour seule réponse la jeune enfant me tombe dans les bras et se met à pleurer. Je lui caresse maladroitement la tête pour la rassurer.
— Aller calmes-toi et dis-moi tout, comment tu t'appelles ?
— On m’appelle Chip...
— Et pourquoi voulais-tu me parler seul à seul ?
— J'ai une lettre pour toi...
— Une lettre ? Mais de qui ?
— De ton père…
J’ouvre l’enveloppe que la petite fille m’a remise, mes mains tremblent. Si cette lettre vient de mon père, c’est qu’il n’est pas mort et qu’il était au même endroit que cette petite. Je reprends confiance en sachant que mon frère et lui sont en vie. Je sors la lettre, le papier est complètement jauni et les bords sont déchirés. Je reconnais l’écriture de mon père, mon cœur se serre et je commence à lire.
« Ma chère fille,
Si tu reçois cette lettre, c’est que Chip est en vie. Prends grand soin de cette petite, elle est forte et courageuse comme toi, et ton frère tient beaucoup à elle.
Ma fille adorée si tu reçois cette lettre c’est que ce que l’on raconte partout est vrai. Tu es devenue une véritable légende au sein de notre peuple. Tout le monde te connaît sous le nom de la louve noire.
Quand j’ai entendu ce surnom la première fois et que j’ai su que ce loup avait frappé à Marsilla, j’ai compris tout de suite que ça ne pouvait être que toi. Les résistants avaient besoin de véhiculer une image de liberté pour le pauvre peuple, une image qui redonnerait confiance à tout le monde et c’est toi ma fille qui est devenue ce symbole.
Je suis si fière de toi mon enfant, continue ce combat, la liberté n’a pas de prix, quel que soient les sacrifices que tu feras pour l’obtenir ils seront justes !
Venons-en maintenant à nous ma chérie, si je t’écris cette lettre cette nuit c’est que je sais qu’un convoi est prévu pour Lutz la semaine prochaine. Nous ne partons pas tous, mais je suppose que tu te trouves à la capitale, car c’est là qu’il y a le plus de boulot donc si Chip est encore en vie elle te remettra ce papier.
Si cette lettre te parvient mon enfant il faut que tu saches que nous sommes dans un camp situé sur une petite île au sud de l’Iridia, l’île se nomme Kilmoon. Nous sommes très nombreux, mais beaucoup meurt chaque jour. Les jeunes filles sont vendues comme esclaves sexuelles à de riches dirigeants Bellãtrien, les enfants travaillent dans les mines de schiste et nous les hommes, creusons toute la journée pour agrandir le camp. Puis quand ils décident que l’un d’entre nous ne travaille pas assez ils l’abattent de sang-froid.
Mais pire encore, nous avons réussi à obtenir des informations très importantes. Le roi d’Iridia a été contraint de céder son île aux Bellãtriens afin qu’ils y implantent tous les camps, en contrepartie les Bellãtriens ont comblé toutes les dettes que le roi avait envers les autres pays du continent.
Il ne faut pas blâmer ce monarque il a été contraint de céder aux caprices du président Anderson. Nous savons également qu’il ne soutient pas du tout le président Anderson ni ses idées alors je pense qu’il est possible de lui faire recouvrer la raison pour qu’il interdise la construction de nouveaux camps sur son territoire.
Ma fille tu dois faire tomber ce gouvernement ou nous disparaîtrons tous. Il faut frapper fort sur les camps d’Iridia dans un premier temps. Nous avons besoin de toi !
Ton frère et moi t’embrassons de tout notre cœur et espérons pouvoir bientôt te serrer dans nos bras.
Tendrement Papa et Ryan »
Je replie la feuille de papier et me mets à pleurer. Je reste assise sur les marches de la place quelques minutes pour reprendre mes esprits. Peter me rejoint et s’assoit à mes côtés sans bruit, puis il passe son bras autour de mes épaules.
— La petite rouquine m’a dit qu’elle connaissait ton père.
— Oui… elle était dans le même camp avec lui et mon petit frère.
— Ils vont bien ?
— Je ne sais pas, je suppose, puisque cette lettre date de la semaine dernière, elle n’est pas très vieille.
Il resserre son étreinte et passe sa main dans mes cheveux.
— Nous les retrouverons, je t’en fais la promesse.
J’aimerais pleurer et me laisser envahir par cette sensation et lâcher prise, mais je ne peux pas, cela m’est interdit. De plus, la petite Chip se rapproche de nous complètement perdue.
— Marley, je vais où maintenant ?
La pauvre enfant est seule et n’a plus personne pour s’occuper d’elle. Ce n’est pas juste, elle ne devrait pas être seule à son âge.
— Viens avec moi, tu dois avoir faim après tout ce long voyage.
Je me lève, essuie mes larmes, fais un sourire à Peter et attrape la main de Chip pour la conduire à la taverne. Peter m’emboîte le pas et prend aussi Chip par la main afin de la rassurer.
Une fois bien restauré nous ramenons la jeune enfant chez moi, Alice est enchantée d’avoir une nouvelle petite colocataire ici, elle adore les enfants. Je borde Chip dans mon lit l’embrasse sur le front et m’en vais vers la porte.
— Marley, il n’y a plus de danger ici ?
— Non, Chip, tu es en sécurité et tant que je vivrais je te promets que je te protégerais.
— Bonne nuit, Marley, et merci.
— Bonne nuit.
Nous sortons de la maisonnette, Peter me prend les mains et m’embrasse tendrement. Il passe sa main sur ma joue et me sourit.
— Marley, nous sommes en danger tous les jours et nous ne savons pas si nous verrons l’année prochaine alors je veux profiter de chaque instant avec toi, je veux me réveiller le matin avec l’odeur de ta peau et plonger mes yeux dans les tiens. Marley dort avec moi cette nuit.
J’ai peur de dormir chez lui, j’ai peur de ce qu’il pourrait se passer, je ne sais pas si je suis prête… Je me pose beaucoup trop de questions ! Peter me plaît, il est l’homme parfait en de nombreux points, il est sincère et nous n’avons qu’une vie, par les temps qui courent, cette nuit pourrait bien être la dernière que nous passerons ensemble. Il faut que j’arrête de me poser autant de questions, je lui prends la main, lui sourit et le suit jusqu’a sa petite cabane. J’entre chez lui ; c’est un tout petit espace de vie, les murs sont d’une simplicité incomparable, au centre de la pièce trône un lit, un petit bureau se trouve dans le coin gauche de la pièce et une toute petite salle de bain se trouve en face de l’entrée.
— C’est tout petit, mais je n’y séjourne jamais bien longtemps, me dit Peter comme pour se justifier.
— Non je trouve ça très bien, il y a un lit pour dormir et c’est le principal.
— Marley, je veux que tu saches que je n’ai jamais joué le moindre rôle avec toi.
— Tu m’as quand même prise pour une petite peste prétentieuse.
— C’est que tu jouais ton rôle trop parfaitement, Marley je t’aime et je ne veux pas te perdre, cela me serait insupportable et sache que je donnerais ma vie pour te protéger.
— Merci, mais je n’ai pas besoin de protection, dis-je dans un murmure au creux de son oreille.
Il passe alors ses mains autour de ma taille et m’attire plus près de lui. Nos lèvres se frôlent, je passe ma main dans ses cheveux, nos lèvres se rapprochent jusqu'à se toucher délicatement, c’est un baiser tendre et timide.
— Je savais que mon cœur s’éprendrait un jour, mais j’ignorais que ça serrait pour la louve noire…dit-il.
Il m’embrasse à nouveau, puis ses lèvres voluptueuses se promènent sur ma gorge. Il me garde dans ses bras sans dire un seul mot, cela suffit à mon bonheur en cet instant. Mais Peter semble encore préoccupé par quelque chose. Il relâche son étreinte et me regarde, les yeux pleins de craintes.
— Marley, il faut que je te dise quelque chose. La situation a Marsilla n’est pas gaie et j’ai peur que les rebelles soient obligés de quitter la ville. Pour leur propre survie.
— Quitter Marsilla ? Mais qui protégera les Galliens ?
— Marley, depuis que tu fais parler de toi le gouvernement a renforcé encore plus les mesures de répression et ils capturent chaque jour des rebelles. Sam va sûrement devoir faire évacuer le camp.
— Sam ? Comment connais-tu Sam ?
— Il a été mon instructeur pendant mes dix années de formations en Arcadia, il m’a presque élevé comme son fils pendant que mon père assassinait des innocents. C’est Sam qui m’a permis de devenir l’homme que je suis aujourd’hui.
Sam était au courant que Peter faisait partie de la rébellion et il n’a rien dit, pourquoi n’a-t-il rien dit ?
— Pourquoi ne pas nous avoir prévenus Alice et moi que tu étais dans notre camp ?
— Il fallait que vous soyez à cent pour cent dans votre rôle et le fait de savoir que j’étais votre allié ne vous aurait pas rendu service au départ. Marley, il se peut que Sam doive venir à Lutz rapidement.
Je suis tiraillé entre un sentiment de soulagement et de crainte, si Sam revient cela veut dire que Lucius et les autres reviendront aussi, mais il faut qu’ils traversent Gallia sans se faire arrêter et c’est ça qui me fait peur. Comme pour chasser toutes mes pensées, Peter me saisit par la taille, m’embrasse à nouveau. Il me pousse sur le lit et se met au-dessus de moi. Mais même si j’en ai très envie je suis morte de peur et je ne peux pas faire ça ce soir, pas après tous les événements qui viennent de se passer pas après les révélations qu’il vient de me faire. Peter sent ma réticence et se fige tout à coup.
— Pardonne-moi Peter, je ne peux pas. Je ne suis pas très experte dans ce domaine et je n’ai pas du tout la tête à cela en ce moment. Je suis navrée.
— Je comprends, pardonne ma brutalité, je suis sincèrement navré de ce geste Marley, je te promets que je serais l’homme le plus romantique et le plus attentionné qui soit et je te promets de ne pas devenir ton amant avant que tu ne m’en aies donné le droit.
— Merci Peter.
Je reste allongé contre lui toute la nuit, avec les idées de plus en plus claires. J’avais raison de lui faire confiance depuis le début. Malheureusement, je crois bien que je suis en train de tomber amoureuse de lui et cela m’effraie, à chaque fois que j’aime quelqu’un, celui-ci meurt. Je ferme les yeux et m’endors au rythme de sa respiration lente et calme.
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