La soirée bat son plein, les Bellãtriens sont vraiment des créatures étranges, on pourrait les imaginer venus d’une époque lointaine, ils parlent tous d’une façon très mondaine, leurs tenues sont pour ainsi dire d’un autre temps ; les femmes portent toutes des perruques poudrées de couleurs variées, les hommes sont aussi maquillés que ces dames et ont la fâcheuse tendance à faire des manières chaque fois qu’ils font un geste simple, ce spectacle est vraiment très comique. Toute la soirée, le fils du président a souhaité danser avec moi, au grand désespoir des jeunes filles présente ce soir. Nous n’avons échangé que des banalités, car la conversation me manque, mais je sens déjà les regards envieux se poser sur moi.
— Monsieur, je dois vous avouer que je ne suis pas à mon aise avec tous ses regards tournés vers nous.
— Mina, habituez-vous les Bellãtriens ne vivent que des ragots et des histoires alléchantes.
— Ils seront déçus avec moi.
— Oh vous ne comptez pas m’aider à les faire jaser un peu ? dit-il amusé.
Je comprends où il veut en venir, mais cela m’amuse.
— Vous savez Mina, si vous voulez vraiment rendre verte de jalousie toutes ses jeunes femmes trop pales il va falloir mettre le paquet.
— Je ne vous suis pas, monsieur.
— Eh bien promenade au clair de lune, étreintes passionnées, baisers langoureux. Enfin le paquet pour choquer ce beau monde.
— Pour qui me prenez-vous monsieur ? !
Je feins l’air choqué tout en arborant un sourire très amusé. C’est étrange, cet homme semble très différent de son père, ou se donne-t-il juste cet air afin de mieux tromper les apparences. Je n’ai pas encore la réponse à cette question, mais une chose est sûre c’est qu’il m’amuse.
— Dites-moi Mina, où êtes-vous hébergées, votre sœur et vous ?
— Dans un grand hôtel, mais le nom m’est complètement sorti de la tête monsieur
— Par pitié quand allez-vous enfin cesser de m’appeler monsieur, j’ai l’impression d’être mon père, appelez-moi Peter, je ne vais pas vous suppliez à genoux.
— Vous pourriez le faire si la morale ne vous l’interdisait pas monsieur.
Je surprends le regard étrange d’Alice qui est restée assise au fond de la salle de bal, elle qui m’a poussé à entrer à fond dans mon personnage me regarde maintenant comme si j’étais une traîtresse. J’essaye de ne pas y prêter attention et retourne mes pensées vers mon plan d’approche avec Peter. Nous continuons à danser au milieu des autres couples sans prêter attention au monde qui nous entoure.
— Vous me faites rire Mina, et sachez que c’est très rare chez les femmes d’ici.
— Je ne vous comprends pas Peter, pour ma part toutes ces femmes me font beaucoup rire. Regardez-les, on pourrait les confondre avec des poupées de cire, impossible de dire à quoi ressemble leurs visages sous cette tonne de maquillage.
Peter éclate d’un rire sonore, il me regarde, passe un doigt sur ma joue puis sourit.
— En Iridia, vous avez appris à être belle sans cet excès de poudre et de fard. J’aime beaucoup ce naturel chez vous Mina. (Il voit que je rougis et s’empresse de changer de sujet) Vous savez les hôtels de Lutz ne sont pas très sécurisé et sont souvent la proie des rebelles, que diriez-vous si je vous proposais de passer votre séjour ici.
— Au Dôme ?
— Bien sûr, vous serez en sécurité, personne ne vous causera de problèmes, les gardiens seront au courant et bien sûr vous pourrez entrer et sortir comme bon vous semble. Sans compter que cela fera jaser Lutz durant des mois. Qu’en dites-vous ?
— C’est une proposition très aimable de votre part et je dois avouer que l’idée de faire jaser les langues à Lutz m’amuse beaucoup, il faut quand même que j’en parle à ma sœur et surtout il faut que votre père accepte.
— Mon père ne me refuse jamais rien, sachez-le.
Nous allons retrouver Alice qui n’a pas bougé de sa chaise.
— Mademoiselle Valentino, dit Peter en prenant la main d’Alice. Je me suis entretenu avec votre sœur et j’ai pensé qu’il serait bon pour votre sécurité de vivre ici le temps de votre séjour.
— Au Dôme ?
— Bien entendu, mon père n’y verra aucun inconvenant.
— Vous aurez tout le loisir de courtiser ma sœur comme ça, dit-elle d’un air arrogant.
Je la regarde sans comprendre ce qui lui prend, sans que nous ne fassions aucun effort, nous sommes invités à loger dans le Dôme, plus besoin de s’infiltrer, tout sera plus simple pour la mission. Je ne comprends pas du tout sa réaction.
— Certes, vous avez raison Rose, vous m’avez percé à jour, j’avais l’intention de faire plus ample connaissance avec votre sœur, mais sachez que je n’ai pas de mauvaises intentions.
— Ma sœur est une grande-fille monsieur et elle saura vous remettre à votre place si vous dépassez les bornes. Pour ce qui est de votre proposition, je suis très honoré et accepte, il est vrai que cet hôtel ne possède aucune sécurité et je crains pour notre vie.
— C’est parfait, je vais de ce pas voir mon père afin de lui demander son accord, mais je n’ai aucune crainte à ce sujet. Ne partez pas mesdames, j’en ai juste pour un instant.
Peter me prend la main et y dépose un baiser, puis il s’éloigne pour aller retrouver son père, je me tourne alors vers Alice pour comprendre la raison de cette agressivité.
— C’est quoi ton problème ? Je fais tout comme on a dit, je séduis Peter, il nous ouvre les portes du Dôme et toi tu n’es pas contente.
— Tu ne te méfies pas assez de lui ! Il est comme son père, c’est le fils du président Anderson, notre pire ennemi.
— Je joue mon rôle, ce n’est pas ce que tu voulais ?
— Ton rôle, je trouve que pour obtenir cette faveur tu es très bien entrée dans ton personnage.
— Possible, mais au moins nous allons pouvoir vivre au Dôme, et ça, ce n’est pas grâce à toi.
Maintenant, ça suffit, j’en ai marre d’être la petite nouvelle qui écoute les conseils et qui n’agit pas, je suis une Corvinus et je compte bien continuer à gérer cette mission comme je l’ai commencé.
Après la fête d’anniversaire, Peter nous fait conduire jusqu'à notre hôtel pour que nous y récupérions nos effets personnels. Nous prenons grand soin de dissimuler nos armes, et tout autre objet n’étant pas en accord avec nos personnages puis nous retournons à la voiture.
Peter nous fait installer dans une grande suite et nous laisse vaquer à nos occupations. Notre plan marche à la perfection et nous avons déjà fait un travail énorme en très peu de temps. Il est 04h30, l’un des deux communicateurs que nous a donnés Sam se met à vibrer, je le saisis et le pose sur mon lit, un petit hologramme du visage de Sam se matérialise hors du communicateur.
— Bonsoir Marley, je commençais à être inquiet.
— Bonsoir Sam, tout se déroule parfaitement, notre première impression a été parfaite, le président a marché dans notre histoire et le fils du président nous a fait installer au Dôme.
— Peter Anderson est ici ?
— Oui, je crois qu’il n’a pas été insensible à nos charmes, et nous a installés au Dôme.
— Oui, surtout au tien, dit Alice en sortant de la salle de bain. Bonsoir Sam
— Bonsoir Alice, écoutez c’est une très bonne chose que Peter Anderson se rapproche de vous.
— Tu es sûre qu’il ne risque pas de tout découvrir ? demande Alice.
— N’ayez crainte, d’ici quelques jours je vous enverrais un message écrit grâce au communicateur, ça sera plus discret, vous devrez prendre contact avec notre agent infiltré ici. Il est au contact des Bellãtriens depuis des années, il vous conduira au centre de la rébellion de Lutz.
— Nous attendrons ton message.
— En attendant comportez-vous comme des jeunes Bellãtriennes ne vous faites pas remarquez et agissez comme nous vous l’avons enseigné. Vous nous manquez.
— Vous nous manquez aussi.
— Je dois vous laisser maintenant, prenez bien soin l’une de l’autre. Bonne nuit.
L’hologramme se brouille puis le communicateur s’éteint. Il ne nous reste plus qu’à attendre les ordres.
Cette nuit je dors mal, Logan est présent partout dans mes rêves. Je me retrouve à errer dans le sous-bois près de la maison, mon arc à la main, une flèche encochée. J’attends que le gibier daigne se montrer, mais c’est Logan qui sort d’un fourré. Je m’approche de lui et fini par pouvoir le toucher.
— Logan, c’est vraiment toi ?
— Oui.
— Je rêve c’est ça ?
— Oui bien sûr que tu rêves.
Je le regarde, je retrouve chaque parcelle de son magnifique visage.
— Tu me manques tellement Logan.
— Je sais, tu me manques aussi. Viens marchons un peu.
Il me prend par la main et nous marchons ensemble, comme avant, comme si rien ne s’était passé. Nous marchons comme les deux amoureux que nous étions avant.
— Marley, tu as gardé la bague ?
— Bien sûr, je ne l’enlèverais jamais.
Logan me regarde de son air protecteur et me serre contre son cœur.
— Tu dois t’en débarrasser Marley.
Comment ça je dois m’en débarrasser ?
— Non Logan, c’est la seule chose qui me lie encore à toi.
— Ce lien t’empêche d’avancer, il te freine, je veux que tu l’enlèves.
— Non, je ne pourrais jamais l’enlever !
— Mon amour écoute moi, nous sommes liés à jamais dans nos cœurs, cette bague n’est que matériel. Marley, s’il te plaît demain enlève là et rends-toi au « Pont des âmes », tu jetteras ainsi cette bague et tu deviendras plus forte. (Ma tête est toujours contre son torse) Marley si tu ne jettes pas cette bague tous tes cauchemars ne partiront jamais.
Il pose sa main sur mes cheveux et j’entends une explosion, ma joue devient humide, je me recule pour comprendre. Le torse de Logan est couvert de sang et criblé de balles, mais il reste debout et continue de me regarder.
— Marley, le don que tu as reçu est très précieux, mais si tu ne te débarrasses pas de tes démons du passé, tu ne pourras jamais acquérir la totalité de ton pouvoir. Maintenant, jette cette bague où tu seras hanté par ces images toute ta vie !
Du sang partout, il y a du sang partout, sur mes mains, sur mes vêtements, Logan est de nouveau au sol et agonise dans une flaque de sang. Je veux me réveiller ! Je hurle de peur !
— Marley !
J’ouvre les yeux, Alice me secoue violemment. Je reprends mon souffle peu à peu, les draps sont trempés et je tremble comme une feuille. Alice me prend dans ses bras et me berce tendrement, mais je ne parviens pas à me rendormir. Le lendemain après une nuit à pleurer, je me rends au « Pont des âmes » comme Logan me l’a dit dans mon rêve afin de jeter la bague. Je suis accoudé à la balustrade, songeuse. Je n’ai pas envie de la jeter, c’est la seule chose qui me rappelle qu’il a existé, que tout cela est vrai, mais je sais que mes rêves ne mentent jamais alors je sors un mouchoir blanc de ma poche, enlève le bijou et le place soigneusement à l’intérieur, je fais un nœud au mouchoir, y dépose un baiser et le jette dans le fleuve. Je suis si triste, la seule véritable preuve d’amour de Logan vient de disparaître à jamais au fond de l’eau.
— Mina ?
Je me retourne, Peter Anderson se trouve juste derrière moi, une rose d’argent à la main.
— Je n’aurais jamais pensé vous trouver ici. Mais vous pleurez ?
Je sèche mes larmes et lui souris.
— Je devais me séparer d’un objet qui compte et je pensais que cet endroit était parfait.
— Oui, c’est un très bel endroit, il est empli de magie, dit-il en se rapprochant de moi. L’histoire raconte qu’il y a fort longtemps, avant que Lutz ne soit créée, un couple de paysans a voulu traverser la rivière agitée pour rejoindre la demeure de leur fille qui était mourante. N’ayant pas d’autre choix que de traverser à la nage les deux paysans ont plongé dans les eaux déchaînées, la femme étant meilleure nageuse et plus jeune que son époux rejoignit l’autre rive rapidement, mais le vieil homme à bout de force ne parvint pas à traverser. Il lança alors un dernier baiser à sa femme et lui jura de l’attendre dans l’autre monde. Mais la femme ne pouvait se résoudre à abandonner son époux, elle l’aimait trop, elle plongea à nouveau dans la rivière pour le secourir. Luttant contre les flots, elle réussit à saisir le bras de son mari avant qu’il ne se noie, le tirant jusqu'à la berge, elle lui sauva la vie. Mais la femme n’avait plus de force et le courant l’emporta. Sans pouvoir faire quoi que ce soit, le vieillard resta sur la berge et pleura la perte de sa bien-aimée. C’est alors que la déesse des eaux apparut devant le veuf, elle lui expliqua qu’elle ne pouvait ramener sa bien-aimée, mais pour honorer son courage, sa bravoure et sa mémoire, la déesse créa un pont magique entre les deux rives. Ainsi, toutes les personnes qui traverseraient ce pont seraient protégées par l’âme pure de la vieille femme et ressentiraient sa force et son courage. Lutz a été créée autour de ce pont magique il y a des années. Mais il existe d’autres endroits tout aussi merveilleux dans cette ville, si vous voulez je peux vous les montrer, si bien sûr votre humeur le permet.
Je sèche mes larmes avant d’accepter sa proposition, il prend le temps de jeter sa rose d’argent et d’envoyer un baiser avec sa main en direction du fleuve, il m’attendrirait presque.
— La rose est pour ma mère, elle est morte le jour de la grande crue, un soir de pleine lune.
— Je suis navré…
— Il n’y a pas de mal c’était il y a fort longtemps, et vous que jetiez-vous ?
— Je vous l’ai dit, un objet qui appartenait à un homme que j’ai aimé plus que ma vie.
— Et que s’est-il passé ? Il vous a quitté ?
— Non, on l’a tué.
— Pardonnez-moi Mina, je suis un idiot.
Je lui souris pour qu’il comprenne que ce n’est pas grave, il me prend par la main et me conduit jusqu'à sa voiture, c’est un énorme 4x4, nous montons à bord et il démarre. Nous roulons jusqu'à un petit parc au centre de la ville, il me fait descendre du véhicule et me demande de quitter mes escarpins. Je le regarde incrédule.
— Il ne faut pas perturber l’œuvre de mère Nature en faisant des trous avec vos talons, dit-il en me prenant par la main.
Je quitte mes talons hauts et nous marchons ensemble dans la neige pieds nus, nous nous asseyons sous un chêne et nous nous mettons à discuter.
— Vous cachez bien votre jeu Peter, qui aurait pu penser que vous prêtiez attention à mère Nature.
— Je tiens ça de ma mère, c’était une femme admirable, très différente de mon père en fait. Leur mariage avait été arrangé quand ils étaient jeunes, mais ma mère n’aspirait pas à être femme de président, elle voulait simplement vivre en harmonie avec la nature. C’est elle qui m’a appris certaines valeurs que ne partage pas mon père.
Il fait bon pour un mois de février, mais ma robe commence à être complètement trempée et je me mets à grelotter. Peter s’en rend compte et passe son bras par-dessus mon épaule, et son autre sous mes genoux, puis il me décolle du sol.
— Pardonnez-moi, votre robe est trempée, je n’aurais pas dû.
Il me ramène à la voiture, me dépose sur le siège avant et me tend son blouson.
— Je vais vous ramener vous ne pouvez pas rester mouillée.
— Cela m’est égal, tant que nous sommes ensemble (je ne joue plus la comédie, je le trouve vraiment très intéressent et aimable, peut être que je me trompe, mais j’ai envie de prendre ce risque), en revanche si vous savez où nous pourrions boire quelque chose de chaud, je ne dirais pas non.
Peter monte dans son bolide et nous partons dans le centre-ville de Lutz. Nous traversons les grandes avenues et les grands boulevards, la ville ressemble à une énorme fourmilière; les gens sont habillés comme pour le bal, les femmes portent toutes de longues robes de soie ornées de pierres précieuses ou de dentelles, à croire que le but est d’être le plus ridicule possible, les hommes quant à eux portent tous des costumes de l’ancien temps les caques noires ne se montrent presque pas, la vie à l’air tellement plus simple ici, pas étonnant que certains désespérés aient succombé à la tentation. Nous arrivons devant un petit café de quartier, le lieu est très simple ; une devanture de bois, à l’intérieur des petites tables de bar, des rideaux à carreaux aux fenêtres et un chat qui ronronne sur une chaise.
— Je sais qu’il y a des tonnes de bars très branchés, mais il n’y a qu’ici que je peux trouver un peu de calme et de sérénité.
— N’ayez pas peur Peter, j’aime la simplicité.
Il me prend par la main et nous nous asseyons à la table où se trouve le chat, celui-ci dérangé pendant sa sieste se met à feuler dans ma direction puis s’enfuit dans l’arrière-boutique. Peter commande deux chocolats chauds qui nous sont servis dans des tasses en terre cuite. Je trempe mes lèvres dans le breuvage qui est succulent.
— Mina je suis navré j’aurais dû vous emmener ailleurs, dans un endroit plus prestigieux.
— Non, ici c’est parfait. Merci Peter.
Je lui souris, il me rend mon sourire.
***
Nous passons tout l’après-midi au petit café puis à la tombée de la nuit nous rentrons au Dôme. Peter me raccompagne jusque devant ma chambre, il semble gêné.
— J’ai vraiment passé une agréable journée en votre compagnie, j’espère que nous nous reverrons très vite.
— Merci Peter, vous m’avez fait découvrir votre ville d’une façon fort agréable. Bonne nuit.
Il prend ma main dans la sienne et y dépose un baiser, je rentre dans la chambre et referme la porte.
Bordel mais qu’est-ce qu’il m’arrive ?
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
2451 histoires publiées 1082 membres inscrits Notre membre le plus récent est Amecaïl |