— Ouvrez cette porte ! Répète l’homme.
— Qui est là ? je demande avec appréhension.
— L’armée noire, ouvrez !
J’ouvre la porte et le chef Flink se trouve en face de moi.
— Qu’est-ce que je peux faire pour…
Mais Flink ne me laisse pas le temps de finir ma phrase, il déplie une grande feuille de papier et lit à haute voix.
« Par tirage au sort du bureau d’ordre du quartier, les dénommés Victor et Ryan Corvinus sont dans l’obligation de participer à l’effort de la nation pour bâtir l’une des nouvelles villes mères du pays. »
— Allez, suivez-nous !
Ah non pas encore, Logan et maintenant ma famille ! Mais que veulent-ils donc ?
— Papa ! Non, tu ne dois pas y aller !
— Chef Flink, accordez-nous une minute pour dire au revoir à ma fille.
— Accordé !
Le casque noir ferme la porte et mon père me prend par les épaules.
— Marley, nous n’avons pas beaucoup de temps, alors écoute-moi attentivement. Tu dois continuer à te battre, vas dans la forêt, trouves les rebelles et vis ! Ce n’est pas un hasard si nous sommes arrachés à toi, ils te punissent pour t’être fait remarquer lors de l’exécution.
— Je ne peux pas vous laisser partir !
— Il le faut ou nous serons tous tués. Tu as bien compris ? La forêt, vers les montagnes tu ne craindras plus rien. J’ai confiance en toi.
— Je t’aime papa…
Mon père voyant ma détresse me serre fort contre son cœur, puis il me relâche et mon frère me prend à son tour dans ses bras.
— Tu es plus forte que tu le crois, restes libre grande sœur, ne les laisses pas t’avoir.
Le casque noir ouvre la porte pour nous dire qu’il est temps de partir. Je ne veux pas lâcher la main de mon père, et pendant que Flink le tire hors de la maison et l’oblige à monter dans la Jeep je peux encore lui crier quelques derniers mots.
— Je vous retrouverais, je te le promets !
Le véhicule démarre en trombe, Ryan et mon père disparaissent dans un nuage de fumée. Que vais-je devenir? J’ai tout perdu. Mon père, mon frère et l’homme que j’aime. Que me reste-t-il à présent ? Une promesse que je ne pourrais pas tenir, une maison vide? Alors, l’émotion me submerge et je prends conscience que je suis seule et que tous les êtres que je chérissais ont disparu. Les larmes ne cessent de couler, je me pelotonne sur le canapé et continue de pleurer, encore et encore jusqu'à ce que je m’endorme.
La nuit a été remplie de cauchemars ; je n’ai cessé de revoir la mort de Logan puis le départ de ma famille, toute la nuit sans pouvoir me réveiller, sans pouvoir les sauver. Je me prépare une tasse de thé et mange un morceau de pain qui traîne sur la table. Je suis perdu, tous les repères que j’avais ne sont plus. Je ne sais plus où je dois aller, ce que je dois faire. L’enterrement de Logan est prévu pour le début de l’après-midi, mais j’ai peur d’y aller, je ne suis pas prête à lui dire au revoir. Je pense à mon père et mon frère qui sont partis loin de moi sans que je puisse les retenir. Je reste assise là un long moment en me souvenant de tous ces merveilleux moments que j’ai passés avec ma famille et avec Logan. Puis je pense à maman qui nous a été enlevée trop vite, pourquoi tous les êtres que je chéris meurent-ils autour de moi ? Les cloches du début de la cérémonie me ramènent à la réalité. J’enfile ma grande cape rouge et me rends dans la prairie.
Presque tout le quartier est venu, il y a des centaines de personnes, des fleurs multicolores jonchent le sol, créant un magnifique tapis autour de la dépouille de Logan. Son corps repose sur un bûcher funéraire fait de branches de chêne. Il est tellement paisible, on pourrait penser qu’il dort, il porte ses vêtements de chasse et son couteau a été posé entre ses mains. Je m’approche au niveau du corps inanimé de Logan, je le regarde, lui caresse la joue, me penche sur lui et l’embrasse une dernière fois. Puis, je me redresse, et me remets à pleurer. La cérémonie commence et la mère de Logan entame un long discours sur la vie de son fils, jonché de sanglots, de preuves d’amour et de remerciement. Celui de son cousin est plus bref, mais tout aussi émouvant. Viens alors mon tour, personne mis appart sa mère ne savait que nous étions ensemble, nous ne voulions pas finir au bout d’une corde (car les relations amoureuses hors du mariage sont interdites pour les gens du Sud), mais j’ai décidé de tout révéler aujourd’hui.
— Logan…mon amour…
Des chuchotements commencent déjà à s’élever dans l’assistance, mais le sourire de la mère de mon bien-aimé me redonne confiance et je poursuis.
— Mon amour… Depuis que nous sommes enfants, nous avons veillé l’un sur l’autre. Les années sont passées et nous avons grandi, au même titre que nos sentiments. Tu m’as tout appris et jamais plus je ne pourrais te dire combien je t’en suis reconnaissante. Depuis des années, nous gardons en nous ce secret par peur d’être punis, mais ils t’ont puni sans aucune raison valable alors il est temps que quelqu’un dise la vérité. Notre amour a toujours été une évidence, mais cela déplaît à nos maîtres que nous ayons le choix ! Ils veulent que tout nous soit imposé, ils veulent nous prendre tout ce que nous avons ! Mais ça, ils ne l’auront jamais, ils ne me prendront jamais l’amour que j’ai pour toi. Tu m’as protégé de tout…quand cette grippe eut presque raison de moi, tu es resté à mes côtés, tu m’as soigné bien que tu fusses fortement exposé. Quand ce cerf m’a chargé, et a manqué de me piétiner tu n’as pas hésité à l’abattre pour me sauver. Et à chaque fois que je me sentais seule et perdue, tu étais là à mes côtés. Mais moi je ne t’ai jamais rendu la pareille, je ne t’ai jamais bercé quand tu étais malade, je ne me suis jamais mise en danger pour te sauver et même hier je n’ai pas été en mesure de te sauver, j’aurais du m’interposer, courir vers toi et me mettre entre les casques noirs et ton torse ! J’aurais dû te sauver la vie, je devrais être à ta place, et toi à la mienne, j’aurais pu te sauver la vie une fois au moins. Au lieu de cela, je n’ai pu que te regarder mourir, je n’ai pu qu’écouter les membres du bureau scander ton nom sans prendre ta place. Alors aujourd’hui je te demande pardon, mon amour, et j’espère que tu m’attendras parmi les anges… N’oublie jamais, je suis à toi, ici, maintenant et à jamais… Je t’aime Logan…
Ma voix s’éteint dans un sanglot, je lève les yeux vers l’assemblée et me rends compte que la plupart des personnes présentes pleurent.
— Adieu mon amour, dis-je pendant que les autres enflamment les torches.
Les maîtres de cérémonie donnent deux torches ; l’une à madame Stuart et l’autre à moi. Elle me prend par la main et nous nous approchons ensemble de la sépulture. Nous plaçons les deux torches sous le bûcher. Les flammes grandissent vite et le brasier s’élève dans le ciel. Petit à petit, le corps de Logan se consume et son esprit rejoint les cieux paisiblement. Nous pleurons tous en silence, moi dans les bras de madame Stuart, d’autres dans les bras de leurs proches. Mais une voix sifflante vient perturber ce recueillement.
— Quelle merveilleuse cérémonie, bravo, madame Stuart.
C’est Roseline Blate, la présidente du bureau de quartier. Une Bellãtrienne qui vient de Lutz et qui a été envoyée ici pour remettre de l’ordre au sein du quartier Sud.
— Quel dommage de perdre un si beau garçon, dit-elle de sa voix sifflante
Je la regarde droit dans ses yeux de serpent, elle me dévisage d’un air incrédule.
— Oui oui oui quel dommage, mais il fallait faire un choix.
Un sourire se dessine sur ses lèvres fines et je sens le bouillon monter en moi.
— Le sort en a voulu ainsi.
J’explose, je ne tiens plus et l’insubordination m’est égale.
— Comment osez-vous vous montrer après tout le mal que vous avez fait madame Blate ?!
— À qui ai-je l’honneur ?
— Je m’appelle Marley Corvinus et dans la même journée vous avez réussi à m’enlever les trois personnes qui m’étaient les plus chères !
— Hi hi, comme je l’ai dit le sort en a voulu ainsi.
— Sale sorcière, vous méritez de brûler en enfer ! Vous avez fait condamner un jeune homme qui n’avait rien fait de mal il avait encore toute la vie devant lui et vous l’avez fait assassiner sans états d’âme.
— C’était un criminel.
— Et quel était son crime ?!
— Braconnage, insubordination, vol, et j’en passe !
— Dans ce cas, tuez-moi aussi ! Je suis une criminelle tout comme lui !
— Mademoiselle Corvinus, le chagrin vous fait perdre la tête !
— Ah oui, vous pouvez en parler du chagrin ! Vous m’avez pris mon père et mon frère ! Pourquoi ? Pourquoi !
— Simple tirage au sort…
— Mensonges ! Mensonges ! Vous mentez ! Allez brûler en enfer.
La colère est trop grande maintenant, je veux la tuer, je vais la tuer. Je veux qu’elle ait mal comme moi j’ai mal, mais je sais qu’elle est intouchable.
— Messieurs, calmez cette jeune fille, et rappelez lui les bonnes manières.
Les deux hommes derrière elles me saisissent par les cheveux, l’un me tient pendant que l’autre me frappe violemment au visage, puis au ventre à plusieurs reprises ce qui me fait presque perdre connaissance, ils me laissent ensuite sur le pavé en me donnant un dernier coup de pied dans les côtes. J’ai mal, je ne veux pas ouvrir les yeux, je veux juste que cela s’arrête, je veux rejoindre Logan, je veux de nouveau sentir sa peau contre la mienne et son souffle dans mon cou. Je veux qu’on me laisse mourir. Au lieu de cela, je sens qu’on me soulève de terre et j’entends au loin des voix qui se perdent dans un brouillard total.
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