Les rayons du soleil me caressent doucement le visage, j’ouvre mes yeux encore endormis, Logan m’enlève une mèche qui se promène sur mon front. Il me regarde sans dire un mot et continue de me caresser tendrement la joue. Mon père fait irruption dans l’écurie en m’appelant, complètement paniqué, il semble surpris de nous trouver ici, mais il est surtout très gêné. Tout en essayant de reprendre ses esprits, il ouvre la porte de la grange en grand pour que le soleil nous réveille.
— Logan je ne savais pas que tu étais ici, vous feriez mieux de vous dépêcher, le rassemblement a été avancé à 10h ce matin et il est déjà 9h, dit-il en détournant le regard.
Je range la couverture de laine puis je me hisse sur la pointe des pieds et donne à Logan un baiser timide sachant que mon père est dans les parages.
— File, je te retrouverais sur la place, dis-je en le poussant hors de la grange.
Je sors de ma douche froide et enfile en vitesse mes vêtements, j’ai pris une vieille robe qui était autrefois à ma mère ; c’est une robe longue en coton gris, lacé dans le dos par un ruban rouge et bien que je ne sois guère habituée à porter des robes je le fais pour honorer sa mémoire. Je détache mes cheveux et les brosse soigneusement, je mets ensuite un ruban à l’intérieur et me voilà prête. Mon père a mis un vieux costume poussiéreux et mon frère porte le costume de mariage de mon père qui lui va encore un peu trop grand. J’enfile ma grande cape de velours rouge (Cape que j’ai confectionnée après la mort de ma mère afin qu’elle ne soit pas morte en vain) avant de sortir dans le froid de l’hiver. Quand nous arrivons sur la grande place, celle-ci est déjà pleine de monde, tout le quartier Sud est là. De grands écrans ont été positionnés et les casques noirs sont partout : dans les postes de garde, dans leurs Jeeps, en points fixes autour de la place…ces hommes ne parlent pas, ne sourient pas, ne rient pas et ne connaissent que la cruauté. Nous passons devant un casque noir et son registre, il nous demande notre nom et nous place au milieu des gens. Une fois à notre emplacement, j’aperçois Logan en face de moi, de l’autre côté de la place. Je tente de sortir des rangs pour aller le voir, mais un casque noir me pousse violemment et me fait retrouver ma place auprès de mon père et de mon frère.
— Ne te fais pas remarquer, je t’en supplie, me souffle mon père à l’oreille.
Quand les derniers retardataires arrivent enfin, un décompte est donné et à zéro les écrans s’allument et le président apparaît.
« Citoyens de Gallia, soyez les bienvenus ! Suite aux récents débordements de violences ayant eu lieu dans certains quartiers de Marsilla, vous avez tous été convoqués sur vos places centrales respectives afin que le gouvernement vous montre ce qu’il en coûte de le défier. J’ai ordonné à chaque bureau de quartier de choisir une ou un citoyen afin qu’il serve d’exemple à tous. Bien, alors commençons rapidement, bureau du quartier Nord, donnez-nous un nom. »
Je tourne les yeux sur un deuxième écran et les membres du bureau d’ordre du quartier Nord apparaissent à l’écran au centre de la place du Nord.
« Monsieur le président, pour son insubordination la plus totale, nous offrons au gouvernement monsieur JACKSON Ambus. »
La caméra cherche dans l’assemblée et trouve enfin le vieil homme d’environ soixante-dix ans. Il pousse les gens et s’avance le regard haut et fier.
« Monsieur JACKSON, dit le président. Avez-vous quelque chose à dire ? »
— Vive Gallia libre ! hurle le vieil homme
Je perçois la colère dans les yeux du président, mais il se retient et continue par le bureau de l’Est.
« Pour sa participation très active au marché noir : BERTINS Salomé »
Une petite fille de dix ou douze ans sort des rangs, la foule se met à siffler l’injustice, mais le président fait taire tout le monde en demandant à la petite fille si elle souhaite dire un mot. La petite toute tremblante ne prononce que deux mots.
— Pardon maman...
Puis vient le tour de l’Ouest, où une femme de trente ans sort des rangs pour avoir été infidèle, puis le bureau du Sud prend la parole.
— Pour avoir braconné sur nos terres, avoir participé au marché noir et pour avoir bafoué énormément de règles : STUART Logan !
Oh non ! Mon cœur va exploser ! Pourquoi ? Pourquoi Logan ? Je le vois s’avancer au centre de la place. Le président lui demande s’il a quelque chose à dire et simplement il répond :
— Vous pourrez nous réduire en esclavage, vous pourrez nous torturer, nous tuer, il y a une chose que vous ne nous enlèverez jamais ! C’est l’espoir et tant qu’il nous restera de l’espoir, nous resterons debout et nous continuerons de nous dresser contre vous !
Mes yeux s’emplissent de larmes, ils ne peuvent pas me l’enlever, ils ne peuvent pas me le prendre !
Le président reprend la parole.
« Maintenant que chacun d’entre vous m’écoute attentivement ! Pour servir d’exemple à cette ville et à toutes celles de Gallia, pour rappeler aux citoyens que la rébellion ne sert à rien. Aujourd’hui, à onze heures précises, seront exécutés et laissés pour morts les quatre traîtres de Marsilla afin que le peuple Gallien n’oublie jamais qui commande ! »
À présent, un silence de mort règne sur la place. Je prends peu à peu conscience des paroles du président, « exécutés et laissés pour morts », « à onze heures précises ». Je regarde l’énorme horloge qui est placée au-dessus de la place, il est onze heures moins cinq. Dans cinq minutes, je perdrais l’amour de ma vie, l’homme que j’aime… Je le perdrais à tout jamais. Cette fois, les larmes coulent vraiment le long de mes joues, mon père et mon frère sont obligés de me tenir pour que je ne bouge pas. Logan reste calme, il laisse les casques noirs lui passer les menottes et l’attacher au poteau de bois au milieu de la place, ce même poteau qui a ôté la vie à ma mère. Son regard ne me lâche pas, il semble vouloir me dire « n’ait crainte, je suis là ! ». Mais bientôt, il ne me restera plus que le souvenir de ses magnifiques yeux, le souvenir de ses baisers et de sa chaleur. Je regarde l’horloge, deux minutes avant l’irréparable, l’angoisse me prend, ne pourrais-je pas faire quelque chose ? Non, je me ferais tuer, et qui sait ce que seront les répercussions sur mon père et mon frère. Non je suis obligée de rester là sans bouger, à le regarder mourir. Il reste une minute, l’écran se scinde alors en quatre et nous voyons tout ce qui se passe dans les autres quartiers. Mais moi, la seule chose que je vois c’est le visage de mon amour qui va bientôt se fermer à tout jamais.
« Que les soldats noirs préparent leurs armes »
Logan tourne la tête vers moi et je peux lire sur ses lèvres « Je suis à toi, ici, maintenant et à jamais ». Puis les onze coups de l’horloge retentissent tels des coups de glaives dans ma poitrine.
« En joue »
Je voudrais tant me jeter entre les casques noirs et Logan, je voudrais prendre sa place, mais mon père me retient d’un bras de fer. Je suis condamné à hurler son nom désespérément.
« Feu ! »
— Logan !!!
Les coups de feu retentissent dans mes oreilles, je vois les balles transpercer son thorax. Il crache du sang et moi je hurle, mais sans utilité.
— Logan ! Non ! Papa, laisse-moi !
Mais mon père ne me lâche pas, car il sait que si je bouge mon sort sera le même. S’il en était ainsi, je pourrais le rejoindre au moins ! Je l’aime, je veux le rejoindre ! Logan !
Le président déclare alors d’un ton de toute puissance :
« Que cela serve de leçon à tous, nul ne peut défier les Bellãtriens. Maintenant, je laisse à vos bons offices, messieurs, mesdames, le soin de vous occuper de vos morts. »
Les écrans se coupent et personne ne bouge, mis à part les casques noirs, qui s’en vont vaquer à leurs occupations comme si de rien était. Mon père me tient toujours contre lui, mais à présent je sais que je ne risque plus rien, je lui assène un violent coup de coude dans les côtes pour qu’il me lâche et cours vers Logan. Les casques noirs l’ont libéré de ses liens et l’ont laissé étendu par terre.
— Logan !
Je cours aussi vite que je peux, il y a peut-être un espoir.
— Logan !
Quand j’arrive près de lui, je le trouve baignant dans une flaque de sang, les balles l’ont transpercé à plusieurs endroits dans le torse et le sang coule abondamment.
— Mon amour…
Il ouvre les yeux faiblement.
— Logan, je t’en prie, reste avec moi… Ne me quitte pas !
— C’est comme ça…
— Tais-toi, je t’en supplie. Je vais te sortir de là, tu vas vivre et nous finirons cette vie ensemble.
— Ça ne sert à rien je…
— Non, regarde-moi. Regarde-moi ! Ne me quitte pas des yeux, reste avec moi, j’ai besoin de toi !
— Protège-les…
Mes larmes ne cessent de couler, je ne veux pas qu’il parte, c’est trop tôt ! Beaucoup trop tôt. Je lui tiens la main pour qu’il ne puisse pas me quitter, pour qu’il reste en vie.
— Embrasse-moi, dit-il dans un souffle
Je dépose un baiser sur ses lèvres maculées de sang. Je voudrais tant que ce baiser lui insuffle la vie à nouveau. Je sens sa main devenir molle, je me recule pour le regarder, ses yeux sont vides à présent.
— Logan ? Logan !
Je tente de le secouer, de le faire réagir, mais son cœur a cessé de battre, il ne battra plus jamais ni pour moi, ni pour sa mère, ni pour personne. Mon seul amour a disparu, pour l’éternité. Je ne verrais plus son sourire rassurant, je ne me blottirais plus dans ses bras quand la peur s’emparera de moi. Je lui ferme les yeux, mais ne peux me résoudre à bouger, j’ai trop mal ; mon cœur se déchire en deux, en cent, en mille morceaux. Le président m’a pris ce que j’avais de plus cher au monde.
Je sens la main de mon frère se poser sur mon épaule.
— Marley vient, nous devons le laisser à sa famille.
La mère de Logan… Elle n’est pas venue ? Et comme si mon frère avait compris, il ajoute :
— Sa mère a fait un malaise à l’instant où ils ont dit son nom. Il aura une belle cérémonie…
Il mérite cette cérémonie, il mérite que tout le quartier vienne lui dire adieu, il a tellement fait pour les gens du quartier, il était si généreux…. Mais moi je n’ai pas eu assez de temps pour lui dire combien je l’aimais. Je regarde la bague qu’il m’a offerte pour mon anniversaire la veille ; le symbole de notre amour, la seule chose qu’il me reste de lui.
Mon frère me soulève de terre et m’aide à me traîner jusqu'à la maison. Là il me dépose sur le canapé et me fait chauffer une infusion. Il me tend la tasse brûlante, je la garde dans les mains, j’ai tellement froid, ils m’ont arraché le cœur, ils m’ont brisé et comme si cela ne suffisait pas, quelqu’un se met à tambouriner à la porte.
— Qui est là ? demande mon frère.
— Ouvrez, c’est un ordre !
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