Aujourd’hui, j’ai 17 ans, c’est mon anniversaire, mais je ne m’en soucie guère. J’ai tant de choses à faire pour aider mon père et mon frère en ces jours si sombres. J’aimerais tant que maman soit là pour m’aider, mais voilà déjà cinq ans qu’on me la prise. C’était le jour de mes treize ans, elle avait décidé de m’offrir une jolie cape de velours rouge et se rendait en ville pour acheter le tissu. Quand elle est arrivée devant le casque noir responsable de la vente de tissu, celui-ci l’a renvoyé en disant que les prix avaient augmenté et que si elle n’avait pas assez d’argent pour payer elle devait s’en aller. Mes parents avaient économisé pendant des mois pour m’offrir ce cadeau et ma mère ne pouvait pas concevoir de rentrer sans cette étoffe, alors elle a discrètement pris le tissu avant de sortir en courant de la pièce. Le casque noir s’est lancé à sa poursuite et l’a rapidement rattrapée. L’homme lui a retiré le velours rouge des mains et l’a traîné par les cheveux jusqu'à la place centrale, la conduisant au bureau du chef de la police du quartier ; le chef Flink. Celui-ci a condamné ma mère à cinquante coups de fouet en place centrale afin de servir d’exemple, pour faire passer l’envie aux voleurs de défier les casques noirs et le gouvernement.
Quand je suis rentrée de l’école, j’ai entendu des hurlements sur la place, « Encore une pauvre femme qui se fait martyriser ! » me suis-je dit. Mais le son de cette voix ne m’était pas inconnu, on aurait dit ma mère. Alors commençant à m’inquiéter je me suis avancée avec mon petit frère qui n’avait que huit ans à l’époque. Et en poussant les dernières personnes qui me barraient la route, j’ai eu une vision d’horreur ; ma mère était à genoux dans la boue, les mains liées à l’un des poteaux de flagellation, ses mèches blondes trempées de sueurs étaient collées à son visage en larmes, son chemisier était arraché et son dos ensanglanté. Elle hurlait à chaque coup de fouet supplémentaire.
— Maman ! ai-je hurlé en m’avançant et en lâchant la main de mon frère.
Mais le casque noir ne me laissa pas m’approcher davantage, il me repoussa d’un violent revers de main et reprit sa besogne, on pouvait clairement lire dans ses yeux le plaisir qu’il avait à décrocher la peau du dos de ma mère à chaque morsure du fouet. Je restais alors pétrifiée devant cette scène horrible, mon petit frère vint dans mes bras et nous attendîmes la fin de ce supplice. Je pris la peine de boucher ses oreilles et de lui enfouir le visage contre moi. Une fois que le casque noir eu terminé, il détacha notre mère et la laissa tomber dans la boue.
— Et que son châtiment serve d’exemple à tout le monde !
Puis il retourna à ses occupations comme si rien ne s’était passé. Nous restâmes sans bouger mon frère et moi en regardant notre mère qui avait perdu connaissance. La pluie commença à tomber si fort que son sang ruisselait sur le sol et le teintait d’une couleur vive. Je repris mes esprits et avec l’aide de mon frère nous la ramenâmes à la maison. Nous avons tenté de panser ses blessures, mais le manque de médicaments ne nous aida guère. Une semaine après, ma mère était toujours allongée dans son lit, les plaies ne saignaient plus, mais elles s’étaient infectées et rien ni personne ne pouvait plus rien faire pour elle, notre maman était condamnée à nous quitter. Le dernier soir de sa vie, ma mère m’a appelé d’une voix si faible que j’ai de suite compris qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps. Quand je suis entrée dans sa chambre, l’odeur de la mort était déjà présente et ma mère était plus livide que jamais. Elle m’agrippa le bras et me caressa la joue de son autre main.
— Mon amour, protège ton frère, tu es forte maintenant. Je t’ai écrit une lettre, lis là demain quand tu seras seule, promet le moi.
— Je promets, ai-je dit dans un sanglot.
— Je suis si fière de toi Marley, tu y arriveras j’ai confiance en toi chérie. Je t’aime…
À cet instant, j’ai compris qu’elle nous quittait, j’ai alors appelé mon père et mon frère pour qu’ils puissent lui dire au revoir eux aussi. Quand elle eut fini de leur parler, elle s’est retournée vers moi et a ajouté :
— Dans ma boîte à couture.
Elle a souri puis s’est éteinte.
Voilà pourquoi je déteste le jour de mon anniversaire. En règle générale, la coutume veut que l'anniversaire de quelqu'un soit un jour de fête, mais ce privilège m’a été retiré le jour où ma mère est morte, mon père n’est plus que l’ombre de lui-même et pleure sans arrêt la mort de son épouse. Voilà le seul présent que je reçois chaque année ; de la tristesse et des larmes. Mais cette année, il est hors de question de se laisser abattre, plus question de pleurer sur la tombe de ma mère, elle ne l’aurait jamais accepté. Il est temps que mon père et mon frère comprennent que nous devons tous faire notre deuil et continuer de vivre, il faut qu’ils comprennent que le gouvernement nous a pris la femme que nous aimions le plus, mais qu’il peut encore nous prendre bien plus. La vie est faite pour être partagée avec les vivants et non avec les morts !
Je me lève discrètement pour ne pas réveiller mon frère qui dort dans la même chambre que moi. Je plonge la main dans mon tiroir à chaussettes et en ressors la lettre que ma mère m’a donnée le jour de sa mort. Le papier commence à jaunir et certaines lettres ont été effacées par mes larmes. Tous les ans, je la relis pour mieux la comprendre, mais il reste encore des questions sans réponse. Je déplie la lettre encore une fois pour tenter de lire entre les lignes et comprendre son message.
« Mon amour, ma chérie, ma fille,
Si je t’écris ces quelques mots, c’est que mon heure est proche. Mon corps est fatigué et je sais qu’il m’abandonne un peu plus chaque minute. Quand je ne serais plus là, je voudrais que tu sois forte que tu prennes ma place au sein de notre famille, que tu protèges ton frère en toutes circonstances. Cette lettre me permet aussi de te dire des choses que je n’ai jamais eu le droit de te dire de vive voix.
Tu es assez grande pour connaître toute la vérité aujourd’hui. Je n’aurais jamais assez d’une lettre pour tout t’expliquer, il restera sûrement des questions, mais je vais commencer par raviver ta mémoire. Souviens-toi des histoires que je te racontais quand tu étais petite, toutes les aventures d’Alexandre Corvinus notre ancêtre mi-homme mi- loup. Eh bien il faut que tu saches qu’il n’y a que quatre générations qui te séparent de lui. Notre famille a toujours été extraordinaire, tous les membres des Corvinus ont pu traverser les siècles. Il faut que tu saches que ton père et moi avons plus de cent ans, mais nos corps sont restés les mêmes qu’a nos vingt-cinq ans, tu as sûrement remarqué que nous ne prenions jamais une seule ride, c’est là l’un des dons que nous a transmis notre ancêtre. Notre famille a toujours compté en son sein quelques membres possédant des dons encore plus extraordinaires, le premier fut Alexandre Corvinus, son fils Arthur, et tes deux grands-pères ; Éric et Cato. Ces hommes pouvaient changer d’apparences, communiquer avec les animaux et même communiquer entre eux par la pensée. Ton frère et toi êtes les derniers descendants directs d’Alexandre Corvinus. C’est important que tu le saches, car ce que je vais te révéler maintenant ne va pas t’enchanter ; ton père et moi, sommes en réalité cousins germains, voilà pourquoi toi et ton frère êtes des Corvinus pu sang. Mais notre grande famille aussi a été touchée par la crise financière et quand j’étais enceinte de toi, ton père et moi n’avions plus d’argent et je ne pouvais me résoudre à mettre au monde un enfant qui serait mal nourri alors pour gagner un peu d’or je me suis portée volontaire pour devenir « cobaye » dans le labo de la ville. Les chercheurs bellãtriens m’ont fait des dizaines d’injections différentes pour tester des produits destinés à la médecine. Quand je leur ai dit que j’étais enceinte, ils m’ont assuré que l’enfant ne craignait absolument rien. Grâce à cette activité, j’avais le droit de passer les échographies sans les payer et le jour de la dernière échographie avant le terme, le médecin a été horrifié par ce qu’il a vu. Ce n’était pas un bébé qui bougeait dans mon ventre, mais un louveteau, quand il m’a montré l’écran j’ai cru que j’allais m’évanouir puis en quelques secondes le louveteau a laissé place à un petit bébé. Le médecin a cru comprendre la situation ; d’après lui, leurs injections n’avaient eu aucun effet sur moi, mais elles t’avaient transformé en une espèce de mutation génétique, mais il se trompait sur toute la ligne. J’ai rapidement compris que tu avais reçu le don de tes ancêtres. Le médecin m’a laissé accoucher à une condition que je ne te révèle jamais la nature de ce pouvoir. Évidemment, j’en ai parlé à ton père qui a sauté de joie en apprenant la nouvelle, mais ton frère est encore trop jeune pour comprendre tout ça.
Ce don est, un héritage de notre famille qu’il faut que tu préserves à tout prix. Tu dois me promettre de découvrir comment fonctionne ce pouvoir, c’est très important que tu le contrôles, cela pourrait te sauver la vie un jour. Mais j’ai toute confiance en toi, mon ange, tu y arriveras.
Voilà, tu connais à présent la raison de tes rêves étranges, ainsi que de tes sens très aiguisés, c’est ta deuxième nature et rien n’arrive par hasard, ce don doit te servir mon ange contre le gouvernement, c’est ta destinée, et personne n’échappe à son destin.
Je t’aime de tout mon cœur et cela pour l’éternité
Maman »
Encore une fois, mes larmes ne cessent de couler sur le papier. L’esprit de ma mère est là quelque part et veille sur moi. Elle a raison, j’ai un pouvoir puissant en moi, mais je n’ai jamais su en tirer profit, j’ai toujours eu une ouïe très fine, une vision extrêmement aiguisée, sans parler de mon odorat, mais jamais je n’ai réussi à transmuter, je n’ai jamais trouvé le secret de ce pouvoir pourtant j’essaye encore et encore, pour elle.
Le soleil se lève et je n’ai pas de temps à perdre, mon gibier n’attend pas. J’enfile mon pantalon de toile, ma paire de bottes, mon blouson à capuche noir et je sors dans les rues encore désertes. Je prends bien soin de rabattre ma capuche sur ma tête afin de ne pas me faire remarquer par les casques noirs et je m’en vais en direction de la forêt de pins et des gorges en bord de mer. Je récupère dans une grande boîte bien cachée dans la forêt mon arc, mes flèches et mon épée noire qui sont le dernier héritage de notre famille, d’après mon père, cette petite épée à la lame courte et légèrement recourbée serait issue de nos ancêtres. Il me racontait quand j’étais petite que l’épée aurait été forgée pour la fille de notre ancêtre. C’était une guerrière redoutable, mais aussi une épouse aimante et dévouée. Son époux serait tombé lors d’un combat et ne supportant pas l’idée de vivre sans lui, elle se serait donné la mort en se plantant son épée dans le cœur. Au contact de son sang, la lame serait devenue noire et indestructible. De plus quand Alexandre Corvinus retira l’épée de la poitrine ensanglantée de sa fille, il aurait vu apparaître des inscriptions sur la lame « L’âme d’une louve et le cœur pur ». Bien sûr, ce ne sont que des histoires pour faire dormir les enfants.
Je récupère également l’arc en bois que mon père m’a fabriqué il y a cinq ans, ainsi que mes quelques flèches. Je n’ai pas toujours su chasser, mais après la mort de maman, mon père fut obligé de cumuler les heures à l’usine pour ramener plus d’argent à la maison, mais cela n’était pas suffisant pour nous nourrir tous les trois, et comme il n’avait plus le temps d’aller à la chasse, j’ai dû prendre le relais. Au début, ce fut un massacre, le gibier m’entendait approcher comme si j’étais un éléphant, mes flèches se perdaient dans les arbres, mon épée ne me servait à rien et puis au fil des mois j’ai commencé à faire confiance à mon instinct… J’ai commencé à sentir l’odeur du gibier et à suivre leurs traces, ensuite mes yeux se sont mis à analyser le moindre de leurs mouvements à des distances impressionnantes. Et puis un jour, j’ai enfin abattu mon premier lapin, d’une flèche plantée en plein cœur. Depuis ce jour, je m’en vais tous les matins afin de ramener de la viande à mon père et mon frère. Ce matin, le gibier se fait rare, pourtant l’air est frais, et les casques noirs ne sont pas encore passé dans leur grosse Jeep, mais rien, pas un lapin, pas même un renard ne montre le bout de son nez à croire qu’ils savent que je les traque.
Au bout de deux heures, je commence à penser que je vais rentrer bredouille, mais finalement la chance me sourit. Je suis aux abords d’un petit ruisseau et juste devant moi un castor construit son barrage. J’encoche une flèche, vise et lâche la corde, le trait mortel vient se loger dans le cœur de l’animal. Je suis fière de moi, je ne vais pas rentrer bredouille, mais mon sourire s’efface quand j’entends applaudir derrière moi. J’encoche à toute vitesse une seconde flèche et me retourne pour voir le visage de mon interlocuteur.
— Logan ?!
— Tu oserais me tuer ?
— Tu m’as fait peur, idiot ! Ne refais jamais ça !
Logan s’approche tout près de moi, pousse mon arc sur le côté et m’embrasse tendrement.
— Bonjour mademoiselle Corvinus… Joyeux anniversaire
Et il m’embrasse à nouveau.
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