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Hydrazil Perce-Ciel

Hydrazil Perce-Ciel, dite '' la bonnasse '', guerrière sans peurs et sans reproches, fraîchement libérée-délivrééée de ses obligations de guerrière sans peurs et sans reproches, approchait d'un bon pas de son lieu de villégiature favori, j'ai nommé : '' Chez Tantine à la Bonne Chopine ''.

C'était une taverne intimiste, comme on en fait par chez eux. Une sorte de petite cahute faite de bric et de broc, mais soyons honnêtes, surtout de broc.

Elle tenait debout par un procédé ancestral quoiqu' hasardeux, nommé '' Au p'tit bonheur la chance '', et avait été fraîchement repeint par le cul d'une vache, à moins que ça ne soit des mains de la propriétaire, Gisèle. '' Gigi '' pour les intimes, '' Hé ! '' pour les plus taiseux.

Dans cette tanière curieuse et sombre, fallait pas être trop regardant sur sa sécurité.

Le plafond avait une volonté propre et tombait de-ci de-là, sur ses mauvaises têtes. Les ouïes fines entendaient parfois une petite voix sifflante maugréer des “ Bouh, j’aime pas sa gueule à c’ui là” ou encore des “ Mais quelle vilaine coiffure, un peu de plâtre par là-dessus ma p’tite dame ? ”.

Quant à la nourrituuure...bon, passons.

Mais la patronne, femme gironde au décolleté généreux et à la face rubiconde, avait le bon goût de proposer tous les vendredis soirs des concours de Air-rot * ( comprenez du chant en rotant ).

Hydrazil n'était pas la dernière pour y pousser la chansonnette, et pouvait même se targuer d'un début de notoriété jusque dans les collines avoisinantes.

( * à lire prochainement dans le petit explicatif du Glossaire d'Arabalia, rubrique '' Traditions Cheloues '' ).

Mais nous n'en sommes pas là, car pour l'instant, Jeudi de la noble année de l'an de grâce onze-cent-trente-huit sous le signe du hibou... à la Bonne Chopine, ce soir c'était belote.

Hydrazil comptait donc simplement passer saluer la tenancière, et l'égayer crassement d'une ou deux bonnes blagues bien salaces, récoltées chez les éleveurs de yacks de l'autre côté du col.

C'est donc pleine d'entrain et se remémorant les passages les plus truculents de ces traits d'esprit, qu'elle descendait la Grand Rue en pouffant comme une gamine contente de sa future connerie.

Tous s'écartaient sur son passage, car Hydrazil arborait par tous temps un air féroce et une mine patibulaire. Mais surtout, soyons honnêtes, parce qu'Hydrazil, en bonne aventurière qui ne se respecte pas, ne tâtait la surface d'un lac ou les douces bulles d'un savon... Et bien...qu'un fois l'an.

Et croyez-moi, ça refoulait sec.

Mais cela, Hydrazil l'ignorait, mettant cette attitude sur le compte de son port haltier et de ses nombreux faits d'armes, connus dans toute la contrée, et ailleurs aussi.

On se rappellera notamment avec émotion de cette fameuse chasse au Lapinus Nanitus ( comprenez '' lapin nain '' ), qui avait mis en émoi jusqu'à la Comtesse elle-même.

La partie avait durée jusque tard dans la nuit, et avait sollicité l'aide d'une bonne partie du village, qui avait servit de rabatteurs à la guerrière chevronnée, mais néanmoins mise en déroute par une ridicule bestiole.

Et lorsque, au terme d'une rude course-poursuite, Hhydrazil, victorieuse et le teint rouge, avait ouvert à tous vents les lourdes portes du Château de la Baie des Oranges, tenant triomphalement par les oreilles une magnifique et couinante petite boule de poils d'un bleu tendre, la Comtesse en avait oublié tout sens des convenances et toute retenue, et avait sauté au cou de la guerrière.

On parle encore aux veillées de leur incroyable lutte dans les fourrures, et des cris de jouissance sauvage qui avaient résonné jusqu'à la Vallée de l'Oubli.

Mais certains prétendent que c'était juste l'orage.

P.S : Le lapin nain est en parfaite santé, et répond à présent au doux nom de '' Tyrano'', ou '' Rexy'' pour les intimes. Qui en vérité, supposerait la férocité d'un si petit animal.. ? ( mon doigt putain, c'était mon doigt..! ).

Hydrazil, donc, la mise chiffonnée par de trop nombreuses nuits à la belle étoile, empruntait la voie principale pour aller se rincer le gosier aux frais d'la princesse.

Et puis elle trouverait bien un ou deux peignes-culs à rétamer au bras de fer. Une activité dont décidément, elle ne se lassait pas.

Elle arrivait à l'angle de la taverne, attirée par l'odeur enivrante laissée derrière elle par...'' renifle-renifle ''…je dirais un bon p'tit groupe d' aisselles malodorantes, et sifflotait joyeusement quelques notes suraiguës d'une chanson de jeunesse. Paillarde, bien entendu. A chacun ses références et ses petites madeleines.

Tout, donc, allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ciel bleu et mouches qui pètent.

Quand soudain.

Elle les vit.

Le temps suspendit son court.

Un tourbillon de poussière drapa la scène d'un petit aspect...hum...poussiéreux, et le sang se glaça dans les veines pulsantes sur les beaux biceps rebondis de la guerrière.

Là, à quelques mètres d'elle, deux tourterelles enamourées, toutes d' yeux et de bouches l'une pour l'autre, exprimaient leur affection mutuelle sans équivoque, mains entrelacées, soupirs troublés, et tout l'toutim.

Hydrazil stoppa net, interrompant brutalement un passage particulièrement savoureux de la Digue du Cul. ( rah, j'étais lancée, putain !)

Elle manqua d'avaler de travers, et recracha sa salive au sol d'un air mauvais.

VENTRECOUILLE.. !, jura-t-elle pour elle-même, et toutes les têtes alentours se soulevèrent de concert.

Il faut dire qu'Hydrazil a une douce et tendre voix, discrète en toutes circonstances.

Les têtes de concert cherchèrent, en déroute, la raison de la colère d'Hydrazil, fouillant confusément la Grand Rue des yeux.

Et. Ils. Les. Virent.

C'était. Une. Catastrophe.

Uneuh. Vraie. Cat... Ok j'arrête.

Les respirations se suspendirent brusquement – iuuup ! - créant un trou d'air au-dessus du village.

Les mains se portèrent aux bouches, les yeux s'écarquillèrent.

Un cataclysme de porc se profilait à l'horizon. Implacable, détestable, et toutes les rimes en ''able''.

Bref, ça allait pleuvoir des veaux.

Un silence de mort tomba sans se faire mal, rompu par un volatile inconscient, à qui avait échappé la gravité de la situation, et qui lâcha un '' craaaa, craaa '' des plus débonnaires.

Hydrazil lava prestement l'affront en shootant le corbeau d'un tir de fronde bien ajusté.

Hop. A dégager.

On entendit un bruyant '' Aïeuh !! '' - amplifié par le silence environnant -, suivit d'un '' Mais elle est folle celle-là ! Qu'est-ce que je t'ai f... ! '', interrompu brusquement lorsque le volatile blessé dans son orgueil plus que par la balle en caoutchouc, survola le couple enlacé, et pris du même coup conscience, et bien, de son inconscience...

Car tous, en cette vallée reculée, savaient bien une chose, et une seule : Hydrazil, guerrière aux multiples atouts, armée jusqu'aux dents d'armes inoffensives purement décoratives ( encore que le corbeau aurait sans doute un autre avis sur la question ), était jalouse comme un gros pou bien gras.

A vous en baver par terre d'écume de rage.

A vous en exorbiter ses beaux yeux pervenche.

Elle ne supportait tout simplement pas l'idée qu'il puisse y avoir dans tout le comté, ( que dis-je, sur Terrabelle entière ), un autre couple de femmes.

Ou en tous cas, vous l'aurez compris, il valait mieux pas qu'elle le sache.

Or les deux fanfreluches, Nini et Josuette, se bouffaient présentement la bouche à grands bruits, à quelques pas à peine de la guerrière, inconscientes du danger.

La tension était à son comble.

Plus personne dans le patelin pour bouger un orteil ou moufter, et chacun regardait son voisin en se disant '' Heu..ça pue là, nan ? ''

Les grands yeux fiévreux d'Hydrazil furent pris d'un tic nerveux, - tic-tic -, et elle se mit à renifler comme une grosse bête velue.

Oh putain-oh putain-oh putain.

Ça commençait franchement à sentir le sapin.

Sous les crânes dégoulinant de sueur froide, on se demandait encore comment, oh grand comment, on allait pouvoir passer à côté de la pu-tain de grosse cata de la mort qui tue.

Et c'est le moment qu'à choisi le vieux Ghislain pour avoir un hoquet. Ce bon vieux Ghislain.

Le con.

C'est là que, clairement, c'est partie en cahuète. Y avait plus rien à faire.

Au final, on saura jamais pourquoi Hydrazil avait pris ça comme signal de départ.

Ça ou autre chose, certains s'accordent à dire que ça aurait pas fait une grosse différence, mais bon, c'est là qu'elle a choisit de passer à l'offensive.

Faut reconnaître que '' Hhhiiiiic !'' est un bruit agaçant, et malheureusement ce jour-là, personne n'avait de verre d'eau sous la main.

Mais enfin bref, tout s'enchaîna très vite.

Ça a fait un truc comme '' Hhhhhiiic. Schlack. Boum. '' En plus rapide et en moins délicat.

Les narines d'Hydrazil tressaillirent, et dégagèrent une brume chaude et poisseuse proprement dégueulasse, qui plongea bientôt la Grand Rue dans un brouillard épais.

Bientôt, on n'y vit plus à deux pas.

Tout autour de la guerrière, ça toussait, ça crachait, ça se percutait dans des jurons fleuris...bref, c'était un vrai foutoir.

Malgré ça, les habitants en déroute se demandèrent avec assiduité ce qu'ils pouvaient faire pour calmer la guerrière.

Non je déconne. Tout le monde se tira.

Les deux tourterelles, - par qui rappelons-le, tout ce cirque commença - , s'extirpèrent de cette purée de pois en toussant.

Elles émergèrent, pour leur malheur, à quelques pas d'Hydrazil, qui fulmina encore davantage devant la sollicitude très démonstrative de la grande rousse, qui s'employait à fournir à sa compagne l'oxygène nécessaire à sa survie.

Mais avait-elle vraiment besoin d'y mettre la langue.. ?

La guerrière en lâcha un pet retentissant de contrariété, qui dégénéra en mini tornade, et s'enroula autour d'Hydrazil comme une bonne couette bien chaude.

Heureusement, dans ce tableau bien sombre, une lueur d'espoir apparue à l'horizon. Enfin, au bout de la rue.

La B.N.V ( Brigade des Nains de la Ville ), alertée par un badeau plus réactif que les autres, déboula en faisant crisser les pneus de leur rutilante voiturette, ( petite automobile-bileuh ), et se précipita vers la guerrière. Go, go, go !

Leur tâche était ingrate, mais nécessaire : utiliser leur courte taille pour s'infiltrer sous les bourrasques infranchissables que produisait Hydrazil, et l'atteindre, par la force ou la diplomatie. ( La force de préférence, la diplomatie faut pas déconner non plus, on n'a pas le temps pour ça ).

C'est qu'elle en était pas à son premier pétage de watt, la Zi-zil.

Certes, ça n'était arrivé qu'en de rares occasions, et personne au juste ne comprenait comment elle parvenait à souffler de la fumée par les narines, ou à éjecter des tornades par un certains endroit de son anatomie.

Une seule chose était sûre : fallait. Pas. La faire chier.

Et ça, les habitants de la Vallée - et leurs compagnies d'assurance -, le gardait parfaitement en tête.

Y avait eu notamment cette fois-là...non, vaut mieux pas ramener ces souvenirs à la surface, c'est trop dégueulasse. Mais bon, clairement, il avait bien fallu faire quelque chose.

On avait bien cherché des façons de la calmer, un peu comme un gosse turbulent à qui on promettrait un cadeau pour bonne conduite, mais toutes les tentatives s'étaient soldées par des échecs.

Quand, en désespoir de cause, ils avaient pensé à lui lancer les enfants pour la distraire, tout le monde avait convenu qu'il fallait vraiment trouver quelque chose.

Et puis il semblerait que c'était immoral. Les enfants.

Je veux dire, c'était mon idée, et je maintiens que quand même...ça aurait pu marcher. Mais bref. Les esprits brillants restent incompris.

Du coup, les vieux sages du village avaient mené conseil, et avaient décrété que la meilleure solution était de constituer une équipe de choc, une élite, choisie parmi les meilleurs.

Des êtres inarrêtables, insensibles à la force du vent de part leur petite taille, et qui, bien campés sur leurs gambettes, combineraient intellect et force de frappe.

J'ai nommé : les nains.

Bien sûr, pour passer les défenses venteuses de la guerrière, les gens auraient aussi pu tout simplement se baisser. Mais bon, passons. Paraîtrait qu' y a des quotas à remplir.

On avait donc fait venir les nains à grands frais des contrées reculées du Grand Nord, et on leur avait donné des noms du coin, pour faire moins exotique, mais personne n'était dupe.

Vous allez me dire, ils auraient aussi bien pu bannir Hydrazil, la donzelle mal lunée à la force herculéenne.

Ouais mais bon, quand on habite dans le trou du cul du monde, on préserve ses curiosités.

On les caresse dans le sens du poil, et on leur dit merci d'appâter deux trois pélosses pour faire tourner l'économie, ( et pour que Tata Gisèle ait quelque chose à cracher au dîner, parce qu'elle aura vu un grand noir).

C'est que le tourisme fonctionne mal, voyez-vous...

Alors oui, oui, on en est réduit à donner asile et pitance à une psychopathe de la première heure.

Mais Hydrazil a aussi ses bons côtés. Par exemple, elle fume la pipe.

Comment ça, '' et '' ?

Enfin bref, je m'égare.

Toujours est-il que c'est ainsi que fut créée la Brigade des Nains.

Elle est d'ailleurs très facilement reconnaissable, principalement grâce à leurs brassards et leurs jolis petits gilets pares-balles jaune fluo.

Et, il faut le reconnaître, la B.N.V avait par le passé eût de bons résultats.

Mais cette fois-ci, Hydrazil les avait vu venir.

Elle avait reconnut notamment Hernule, ce p'tit enc..., qui avait eût la sournoiserie de lui agiter un beignet sous le nez la dernière fois.

Au chocolat en plus, son préféré. Ça avait été sa perte.

L'électrochoc. L'appel du sucre.

Imparable. Redoutable. Able.

Putain elle en pleurait encore de rage.

Quel talon d’Achille détestable, tellement petit, tellement minable.

Ça l'avait ramené direct. Paf. En trois secondes c'était plié.

Disparu, son beau brouillard de purée de pois. Envolés, ses pets-tornades. Dézingués ses instincts guerriers.

Ne restaient plus que la bave aux lèvres d'anticipation, et les yeux de chaton en manque de câlin. Enfin, de beignet.

Ridicule. Honteux. Nul.

Mais cette fois-ci elle se laisserait pas avoir.

Alors avant qu'ils soient trop près et qu'ils dégainent elle ne savait quelle arme secrète, elle attrapa le premier qui passait à sa portée, - hop, viens là le rase-moquette -, et l'envoya valser contre les autres, comme dans un jeu de quilles, mais avec plus de cheveux.

L'escouade des nains mise salement en déroute, Hydrazil, exultait et partait à présent d'un grand rire de démente.

Quelque chose comme '' Iiiiih hi hiiiiii !! '' mais en encore plus aigu.

Non, vous n'y êtes pas.

Encore un peuuuu...

Voilà-c'est-ça.

Un vent de stupeur et une brève envie de se gratter plana sur le village.

Qui, mais qui, saurait encore arrêter Hydrazil ?


Texte publié par Audrey, 3 juin 2022 à 19h51
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