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tome 1, Chapitre 36 « Une seconde chance » tome 1, Chapitre 36

Samedi 10 juillet 2032 - Makoto

– Les astronautes du programme Théânias II avancent, le visage serein dans notre direction… Bonjour, Manon, comment vous sentez-vous ? Avez-vous peur ?

– La peur ne peut pas être totalement éradiquée. J’ai confiance en l’équipe qui nous regardent depuis le Satcon, j’ai également confiance en mes coéquipiers et toutes les personnes qui ont travaillés sur la fusée et sur le projet Théânias II.

– Qu’est-ce que votre père, l’astronaute Norman Anderson, penserait de vous voir prête à monter dans la fusée pour effectuer la même mission que lui dix ans plus tard ?

– Je ne sais pas, il n’est malheureusement plus de ce monde, je ne peux donc pas parler pour lui. Excusez-moi, mais nous devons y aller. Merci à tous.

Manon salue la journaliste et les caméras. Elle s’éloigne ensuite pour rejoindre la fusée avec le reste de son équipe. Je suis fier du chemin qu’elle a parcouru. J’aurais aimé pouvoir être là pour elle en ce jour si spécial, mais mes obligations en tant que leader et chorégraphe de ma troupe de danse m’en ont empêché.

Ma vie a bien changé en dix ans. Après que Manon soit revenue d’Ouganda, nous sommes allés voir ses oncles à New York. J’ai pu rencontrer Joshua et Oliver dans un cadre moins tragique que l’enterrement de Norman. J’ai beaucoup discuté avec Oliver sur la danse et mes difficultés à obtenir ma place dans une troupe de danseurs. Il a généreusement appuyé ma demande d’entrée dans la prestigieuse école où il enseigne. Ce jour-là, l’oncle de Manon a mis sa réputation et sa carrière en jeu pour moi, un jeune homme dont il ne connaissait rien.

Manon m’a laissé à New York et elle est retournée vivre dans la maison de son enfance pour poursuivre le rêve de son père. J’ai poursuivi également le mien, j’ai été accepté dans l’école de danse et à partir de cet instant ma vie entière a basculé. Je me suis entraîné dur jour et nuit pour atteindre le niveau exigé par l’établissement, mais je ne comptais pas m’arrêter là, je voulais devenir le meilleur danseur. Mes nombreux efforts ont fini par me permettre d’être approché par une chorégraphe de renommée. Elle m’a offert une place dans sa troupe, et ainsi a débuté ma carrière. Mon talent c’est rapidement démarqué des autres, mon arrogance et mon égo aussi. J’étais devenu un homme qui ne cherchait que le succès, l’admiration et l’argent. Des magazines me contactaient pour faire leur première de couverture, ma notoriété a été propulsée dans les tendances, mais petit à petit un faussé s’est créé avec les membres de la troupe. Je les prenais de haut, leur reprochais leur manque de professionnalisme et de talent. Je me sentais si fort, si puissant et intouchable, aujourd’hui je me rends compte que j’étais simplement aveuglé par toute l’attention qu’on me donnait.

La chorégraphe a fini par me prendre à part pour me parler et m’a gentiment donné des vacances à effet immédiat. J’ai accepté difficilement, mais je suis quand même partie. Je suis allé en Floride voire Manon et lorsque je suis arrivé devant la maison, les souvenirs ont commencé à affluer. La gifle a été puissante et j’ai pris conscience de l’homme que j’étais devenu. J’ai signalé ma présence à la porte, mais j’étais désorienté. Le piédestal sur lequel j’étais s’effondrait la chute était vertigineuse. C’était comme si la maison agissait comme un miroir, je voyais l’homme que j’étais devenu et je me faisais honte. J’avais oublié ce que j’avais vécu et qui j’avais été.

Manon m’a ouvert la porte et la revoir m’a ramené à notre rencontre. Elle m’a fait entrer et nous avons discuté durant de nombreuses heures. J’avais besoin de mettre de l’ordre dans mes pensées et dans ma vie. Puis l’inévitable question a franchi mes lèvres : qu’est-ce que je fais maintenant ?

Je suis resté un mois chez Manon, pendant ce laps de temps je n’ai eu aucune nouvelle de la troupe, les médias avaient rapidement arrêté de parler de moi et je m’en sentais soulagé. J’ai compris que la célébrité n’allait pas faire mon bonheur, au contraire elle allait me détruire.

Le fait d’avoir passé du temps avec Manon m’a fait beaucoup de bien. J’étais admiratif du chemin qu’elle avait parcouru et je chérissais chaque instant passé avec elle. J’aurais aimé lui dire ce que je ressentais, mais je n’en ai rien fait. Elle me voyait comme un ami et je ne pouvais pas détruire notre relation en lui avouant mes sentiments. Je l’ai donc laissé à sa vie en Floride et j’ai pris la direction du Japon. Après ça, je n’ai plus jamais quitté mon pays natal. Une nouvelle chance m’avait été offerte et je savais exactement ce que j’allais en faire. J’ai contacté le gang auquel j’avais appartenu et j’ai repris ma place à la tête d’une section. J’avais besoin de me sentir utile pour la population et d’appartenir à une grande famille qui se soutenait dans n’importe quelle situation.

J’ai investi dans un bâtiment en ruine. Je l’ai rénové pour en faire un complexe de boxe et de danse à destination des jeunes. C’est également un endroit pour se rassembler loin de tout danger. En parallèle, j’ai constitué ma propre troupe de danseurs dont je suis le leadeur et le chorégraphe, bien que je laisse chaque membre s’exprimer et apporter ses propres idées. J’ai appris de mes erreurs passées et je ne veux pas redevenir l’homme imbu de lui-même que j’ai pu être. Grâce à notre acharnement, nous sommes devenus une troupe de renommé national. La célébrité ne m’apporte aujourd’hui plus rien. Mon arrogance m’a quitté et mon égo a drastiquement diminué. Je vis à présent comme je l’entends, j’apporte du réconfort aux jeunes et je les protège. Le seul regret que j’ai c’est Manon et la voir à travers la télévision me serre le cœur.

La sonnette de mon appartement retentit. Je me lève et rejoins silencieusement l’entrée de mon appartement. J’ouvre lentement le tiroir du meuble d’entrée et récupère mon pistolet, être membre d’un gang n’est pas sans danger, je préfère être toujours prêt à n’importe quelle éventualité. Je regarde à travers le trou de la porte et soupir de soulagement en voyant Emie. Je lui ouvre et la serre dans mes bras.

Emie est ma meilleure amie, elle fait également partie du gang, mais nous nous sommes rencontrés la première fois dans son salon de tatouage. Elle a été là pour moi et je sais que quoiqu’il arrive je peux me reposer sur elle. L’autre avantage c’est que nous pouvons être amis sans ambiguïté, car elle a une copine.

Elle entre dans l’appartement et va directement s’assoir dans le canapé. Je souris, repose mon arme dans son tiroir et rejoins la cuisine pour prendre deux bières. Le temps que je revienne dans le salon, Emie fixe l’écran géant en pleure.

– Qu’est-ce qui se passe ?

Elle n’arrive pas prononcer le moindre mot, alors elle me montre la télévision du doigt. Je me fige en voyant les images. Les bières m’échappent des mains, leur contenu et les bouts de verre inondent le sol. Une femme prend place derrière un pupitre. Derrière elle se trouve le drapeau de plusieurs nations et le logo de la NASA. L’heure en bas de l’écran m’indique qu’il s’agit d’une rediffusion.

– C’est un jour terrible et funeste qui marquera à jamais nos mémoires. La NASA tient à présenter ses sincères condoléances aux membres des familles de nos astronautes. Aujourd’hui, à 9h00, heure locale, la fusée du programme Théânias II a subi une distorsion qui a amené une perte de pression et finalement une perte de signal avant l’explosion. Il n’y a aucun survivant, les astronautes : Anderson Manon, Wang Lee, Ivanov Tonia, Williams Ferguson et Martin Anna ont succombé.

– C’est une véritable tragédie, reprend la journaliste avec en fond la conférence de presse. Dix ans après le lancement du programme Théânias qui avait tué l’équipe entière, dont l’astronaute Norman Anderson. Sa fille, Manon Anderson, est décédée à son tour pour le programme Théânias. C’est une vraie malédiction et toutes les nations compatissent au chagrin de la famille…

Je me précipite pour prendre mon téléphone posé sur la table basse. Je compose le numéro de Manon. Elle doit décrocher, elle va décrocher, elle ne peut pas être morte, ce n’est pas possible, pas elle, pas Manon.

– Décroche, je t’en prie, Manon, décroche…

Toutes mes tentatives échouent, Manon ne décrochera plus jamais… Je sens mon cœur exploser en morceau et les larmes rouler sur mon visage tandis que je hurle toute ma souffrance de l’avoir perdu.


Texte publié par Aihle S. Baye, 18 février 2023 à 11h53
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