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tome 1, Chapitre 23 « Un nouveau continent » tome 1, Chapitre 23

Note de l'auteure :⚠️Les chapitres de Manon sont difficiles à lire : phrases courtes, informelles avec un vocabulaire peu enrichi et les actions très décrites. Le personnage voit le monde différemment des autres personnes, les émotions/sentiments lui sont étrangers. Merci de prendre en compte ces informations durant votre lecture.

Lundi 1er novembre 2021 – Manon

Je suis avec Sue et Makoto. Nous nous dirigeons pour embarquer. Je n’ai jamais pris l’avion. Nous allons en Afrique. Là où elle a trouvé une nouvelle famille. Celle de Makoto. Il marcha à côté de moi. Il regarde ses pieds. Il n’a pas dit un mot depuis deux jours. J’ai l’impression de me voir à travers lui. Il est devenu sans réactions. Sans émotions. La lueur qui brillait dans ses yeux s’est éteinte. Pourquoi est-ce qu’il retourne en Afrique s’il ne veut pas ? Je m’arrête dans l’allée. Des personnes me bousculent. Ils marmonnent. Makoto se tourne vers moi. Il me rejoint.

– Quelque chose ne va pas ? Si tu ne veux pas y aller, on peut encore faire demi-tour.

Il veut que je dise oui. Il veut que nous partions d’ici. Il ne veut pas aller en Afrique. Il ne veut pas revoir sa famille. Pourquoi reste-t-il ? Pourquoi nous accompagne-t-il ? Est-ce à cause de moi ?

– Pourquoi es-tu là ?

– Nous avons un avion à prendre.

– Tu n’as pas envie de venir.

J’ai vu juste. Makoto ne répond rien. Il baisse les yeux.

– Tu peux rester en Floride.

– Toi aussi, si tu le souhaites !

Il a relevé la tête brusquement. Il me regarde droit dans les yeux. J’avance difficilement ma salive. Mes mains deviennent humides. Des personnes se retournent vers nous. Sue nous regarde, mais elle reste à distance.

– Je ne sais pas ce que je veux. Mon père ne veut plus de moi en Floride.

– Manon…

– Mais toi tu peux rester. Pourquoi viens-tu ?

Makoto soupire. Il ferme un instant les yeux avant de poser ses mains sur mes épaules. Son visage se rapproche du mien.

– Je viens pour toi, Manon.

– Pourquoi ?

Des larmes coulent sur mes joues. Makoto en essuie une de son pouce. Pourquoi vient-il pour moi ? Pourquoi ne vit-il pas sa vie ? Pourquoi reste-t-il auprès de moi ? Pourquoi…

– Parce que je ne peux pas t’abandonner Manon, pas maintenant.

Il passe ses bras autour de moi. Il me serre contre lui. Sa main vient se poser sur ma tête. Les battements de mon cœur s’accélèrent. Je souris faiblement. Puis je passe à mon tour mes bras autour de Makoto.

– Je ne veux pas retourner en Afrique, mais avec toi à mes côtés…je sais que je peux y arriver.

Je garde le silence. Makoto se détache de moi. Il me sourit. Il me tend sa main. Je la regarde. Que dois-je faire ? Je regarde ma propre main. Je la glisse dans la sienne. Makoto me sourit de nouveau. Nous continuons d’avancer jusqu’à l’avion. Sue nous regarde. Mais ne dis rien.

Une hôtesse nous indique nos sièges. Je m’assois à côté du hublot. Je fais signe à Makoto de s’assoir au milieu. Je ne veux pas faire le trajet à côté de Sue. Je ne veux pas lui parler.

Lorsque tous les passagers sont installés. Les hôtesses referment la porte. La voix du pilote se met à grésiller dans les haut-parleurs. Je n’écoute pas ce qu’il dit. La météo ne m’intéresse pas. En revanche, j’écoute les consignes de sécurités. Il nous demande de nous attacher. Ainsi que de mettre les téléphones en mode avion. Ce que je fais. À côté de moi, Makoto pianote ses doigts sur sa cuisse. Il se tourne pour me regarder.

– Je n’aime pas les décollages.

Pourquoi me dit-il ça ? Je n’ai pas posé de question. Je hausse les épaules.

– Je suis stressé au décollage d’où le fait que j’ai besoin de bouger.

– D’accord.

Makoto sourit. Je tourne la tête pour regarder à travers le hublot. Hier, j’ai pu voir Charlie. Elle voulait que nous fassions le point avant mon départ. Elle m’a dit que j’avais fait des progrès en peu de temps. Selon elle, c’est bon signe. Je suis sur la voie de la guérison. Mais mon père n’a pas l’air de le voir de la même manière. Sinon il ne m’aurait pas demandé de partir. Il ne m’aurait pas abandonné. Une larme roule sur ma joue. Je l’essuie. Je me sens fatiguée. En présente de Makoto tout est différent. J’ai l’impression de retrouver la lumière. Lorsque je suis avec l’un de mes parents. Je suis une coquille vide. Auprès d’eux, il ne reste que les ténèbres. Ils sont ce que j’ai perdu. Ils sont la cause de mon état. Elle était tout pour moi. Je ferme les yeux. Je me laisse aller contre le siège.

Je sens des vibrations sous mes pieds. Mon cœur bat plus fort. Je sens mon sang remonter jusqu’à mon cerveau. Ma respiration se coupe. Mes oreilles se mettent à siffler. Mon corps est plaqué contre le siège. Je sens que nous prenons de la hauteur. Nous nous envolons. Je ne bouge pas jusqu’à ce que nous revenions à l’horizontale. Le sifflement dans mes oreilles diminue. Je regarde Makoto qui a les mains sur les accoudoirs. Ses ongles sont enfoncés dans la mousse.

Le voyant au-dessus de mon siège passe du rouge au vert. Il indique que je peux me détacher. Ce que je fais. Je regarde le paysage. Nous sommes au-dessus des nuages. Le monde semble différent de là-haut. Il paraît plus petit. Je sais pourtant de quoi il est capable. De quoi est capable la vie. Je me détourne. Je ferme les yeux pour trouver le sommeil.

Makoto me réveille en me secouant légèrement l’épaule. J’ouvre les yeux.

– Nous allons bientôt atterrir, tu dois t’attacher.

J’obéis. L’avion commence sa descente. Notre atterrissage se passe sans encombre. Une fois l’appareil arrêté, les passagers se mettent à frapper dans leurs mains. Pourquoi font-ils ça ?

– Ils applaudissent le pilote, car il a atterri sans problèmes.

– Pourquoi ?

– C’est une forme de reconnaissance, car nous sommes toujours en vie.

– Est-ce qu’ils font ça aussi pour les chauffeurs de taxi ou de train ?

Makoto sourit en faisant du bruit. Je vois ses épaules bouger légèrement.

– Non !

– Alors pourquoi applaudissent-ils ? Pourquoi ne pas aussi applaudir les chauffeurs de taxi ou de train ?

– C’est compliqué, disons que c’est pour le remercie de nous avoir laissé en vie.

– Je ne comprends pas.

– Veuillez prendre vos affaires et quitter l’avion s’il vous plaît.

Makoto se lève. Je soupire. J’essaye de comprendre le monde qui m’entoure. Sans succès. Je me lève à mon tour. Il me donne le sac à dos. Je le passe sur mes épaules. Nous nous engageons dans l’allée pour sortir de l’avion. Nous récupérons les valises sur un tapis roulant. Puis nous nous dirigeons vers le hall de l’aéroport. Sue regarde autour d’elle en parlant au téléphone. Je marche derrière elle avec Makoto. Il regarde le sol. Sa tête est rentrée dans ses épaules. Son dos est courbé. Il soupire longuement à chacune de ses respirations.

– SUE !

Un homme aux traits durs fait de grands signes. C’est Tenshi. Je le reconnais d’après les photos que Sue avait envoyées. Makoto lève la tête. Il se redresse en voyant son père. Tous les muscles de son corps se tendent. Je pose ma main sur son avant-bras. Il me regarde. Il me sourit faiblement. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça. Je me suis simplement dit qu’il devait en avoir besoin. Sue rejoint son mari. Leur bouche se rencontre. Je continue d’avancer avec Makoto.

– Tenshi, je te présente ma fille, Manon.

– Enchantée, Manon.

– Bonjour.

Je m’incline légèrement face à lui. Je n’ai pas oublié les origines de la famille de Makoto.

– En route !

Je regarde Makoto. Son père ne lui a pas adressé un regard. Il ne l’a même pas salué alors que ça fait plusieurs mois qu’ils ne se sont pas vus. Les épaules de Makoto se relâchent. Il soupire bruyamment. Son visage est terne. Mon cœur se serre dans ma poitrine.

Nous quittons l’aéroport à bord d’un 4x4. Makoto est assis à côté de moi. Nous restons silencieux durant tout le trajet. Sue et Tenshi discutent. Elle a sa main posée sur la cuisse de son mari. Je la regarde. Je sens mon sang pulser dans mes veines. Mes joues s’échauffent. Mes mains se serrent en poing. Makoto se penche vers moi pour murmurer.

– Ça va ?

Non. Depuis qu’elle est arrivée en Floride, elle n’a jamais été aussi rayonnante. Elle n’a pas souri ainsi depuis… l’incident. Je déglutis. Je ne dois pas y penser. Je ne veux pas y penser. Je prends de grandes respirations. Makoto me prend la main. Je le regarde. Il me sourit. Je tourne la tête pour regarder le paysage. Arriverais-je un jour à lui expliquer ? Je ne veux pas lui mentir. Je voudrais lui dire. Mais je n’y arrive pas. L’idée qu’il soit au courant me plonge dans les ténèbres. Faut-il que je garde le silence ? Faut-il que je parle ? Je ne sais pas.

Je retire ma main de celle de Makoto. Je replie mon genou contre moi. Je pose le coude dessus en continuant de regarder à travers la vitre. En réalité, je ne vois rien. Je suis là sans l’être. Je commence à comprendre ce que ma maladie implique. J’en prends conscience un peu plus chaque jour. Je vois à quel point je suis différente des personnes qui m’entourent.

Je perds la notion du temps. Le ciel est assombri quand la voiture se gare dans un garage. Je prends le sac en descendant. Nous marchons jusqu’à une maison éclairée. Dans le hall, une jeune fille se jette dans les bras de Sue. Mon cœur se serre. Je baisse la tête. Makoto s’approche de moi. Sa main effleure la mienne. Sue s’écarte pour se tourner vers moi.

– Kyoko, je te présente ma fille, Manon. Manon, je te présente Kyoko la fille de Tenshi.

Je regarde la sœur de Makoto. Mon cœur se brise. Mon regard accroche le sien. Ce sont les siens. Ce sont les mêmes. Je tombe à genou. Les larmes coulent sur mes joues. Autour de moi tout devient flou. Tout sauf elle. Elle est là. C’est bien elle. Un trou béant se forme dans ma poitrine. Dans mon cœur. Des milliers de bouts de verre me transpercent. Je n’arrive plus à respirer.

Kyoko s’accroupit devant moi. Elle me regarde avec des yeux grands ouverts. Je tends la main vers son visage. Sa peau est lisse. Je ne vois que ses yeux bleus.

– Letty…

Un bruit fort et aigu s’échappe de la gorge de Sue. Ce bruit me déchire de l’intérieur. Puis les ténèbres m’envahissent. Je me sens tomber sur le parquet avant de m’évanouir.


Texte publié par Aihle S. Baye, 12 février 2023 à 10h17
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