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tome 1, Chapitre 20 « Je vois tout » tome 1, Chapitre 20

Note de l'auteure :⚠️Les chapitres de Manon sont difficiles à lire : phrases courtes, informelles avec un vocabulaire peu enrichi et les actions très décrites. Le personnage voit le monde différemment des autres personnes, les émotions/sentiments lui sont étrangers. Merci de prendre en compte ces informations durant votre lecture.

Samedi 2 octobre 2021 – Manon

Le repas s’est déroulé dans le silence. Makoto n’a pas prononcé un mot. Nos regards ne se sont presque pas croisés. Mon incompréhension au monde qui m’entoure pose des problèmes. Je le sais. J’en ai conscience. Je le vois avec Makoto. Maintenant qu’il sait que je suis malade son comportement est différent. Il ne dit pas ce qu’il pense. Il ne me pose pas toutes les questions qui traversent son esprit.

Je marche à côté de lui dans le silence. Se rendrait-il compte si je partais ? Je ne le ferais pas. Je ne serais pas où aller. Je vois des personnes faire la queue à côté d’un bâtiment. Est-ce là que nous nous rendons ? Je crois. Makoto prend place dans la file.

Les minutes passent. Nous n’avançons pas beaucoup. À côté de moi Makoto n’arrête pas de bouger. Il saute sur place. Il frappe dans ses mains. Il souffle bruyamment. Ma tête tourne à la voir bouger autant. Je pose mes mains sur ses épaules. Il s’arrête. Il me regarde.

– Arrête…de bouger.

Ma vue devient floue. Tout tourne autour de moi. J’appuie mon front sur le torse de Makoto. Je ferme les yeux. Je soupire. Il pose une main sur mon épaule.

– Manon, est-ce que ça va ?

– Je…

Je prends de grandes inspirations. Lorsque j’ouvre les yeux, le sol ne tourne plus. Makoto me frotte l’épaule. Je relève la tête. Mon regard se pose sur la cicatrice qu’il a à la joue. Je lève ma main gauche. Je la porte à sa joue. Je touche sa cicatrice. Elle ressort sur sa peau si lisse.

– Manon…

Makoto soupire. Il ferme les yeux un instant. Puis il me repousse loin de lui. Mes bras retombent le long de mon corps. Que se passe-t-il ? Il se pince le nez. Il passe sa main dans ses cheveux.

– Qu’est-ce qu’il y a ?

– Rien…

Makoto se détourne de moi. La file avance soudain rapidement. Il entre dans le hall du bâtiment sans dire un mot. Il donne des informations à une secrétaire. Elle lui donne un numéro. Il le colle sur son haut noir. Nous entrons dans une grande salle. Il y a beaucoup de monde. Je peine à avaler ma salive. Mes mains deviennent humides. Makoto pose son sac dans un coin vide de la pièce. Je le suis.

– Je vais m’échauffer, tu peux partir si tu veux, on se retrouvera plus tard.

Je n’ai pas le temps de lui répondre. Il m’a tourné le dos. Je m’assois par terre. Je le regarde s’étirer à côté d’autres personnes. Ils portent tous un numéro. Celui inscrit sur le haut de Makoto m’interpelle. 201. Je plaque ma main sur ma bouche. 20/01. Ma respiration se coupe. Des larmes coulent sur mes joues. Je la revois. Sa petite tête blonde. Son grand sourire. Ses yeux…

– Bonjour à tous, l’audition va commencer. Les classiques allez dans l’autre salle, un jury vous y attend. Les autres, mettez-vous en ligne.

Le mouvement autour de moi me ramène à la réalité. J’essuie mes joues. Je replace mes cheveux roux dans mon dos. Je me concentre sur ce qui se passe devant moi. Je ne veux pas revivre ça. Je ne veux pas y repenser. C’est trop difficile.

– Je vais décomposer la chorégraphie et vous la reproduisez. L’audition commence maintenant, nous évaluons votre attitude, votre capacité à mémoriser et exécuter rapidement des pas. Allons-y !

L’homme se place face au miroir. Il sort une petite télécommande de sa poche. Il tend son bras vers une chaîne hifi. Il appuie sur un bouton. Une musique se diffuse dans la salle.

– 6, 7 et 8 !

Je le regarde faire des gestes rapides. Je ne comprends pas comment quelqu’un peut bouger son corps ainsi. Toutes les personnes commencent à répéter les mouvements. Certains mémorisent plus rapidement que les autres. Mes yeux se posent sur Makoto. Ses gestes sont les mêmes que ceux réaliser par l’homme.

– Bien, maintenant exécuter la chorégraphie en boucle ! Tant que je n’appelle pas vos numéros, vous continuez de danser. Si je l’appelle, la sortie est là-bas.

Il indique la porte. Celle près de moi. Makoto me regarde. Je baisse les yeux. J’essaye de comprendre ce qui m’arrive. Ce qui se passe. Mais la musique reprend. Tous se mettent à danser. Le bruit de leurs chaussures sur le parquet m’empêche de réfléchir. Je regarde l’homme passer à travers les rangs. Il appelle des numéros. Des personnes partent. Certains restent pour regarder.

Au milieu de la pièce, Makoto semble briller. Je n’arrive pas à décrocher mon regard de lui. Le poids qui emprisonne mon cœur semble s’alléger. Les morceaux brisés commencent à se reformer. Est-ce grâce à lui ? Je ne sais pas. Pourquoi est-ce différent auprès de lui ? Est-ce parce qu’il ne connaît pas toute l’histoire ? Je ne sais pas. Je ne sais rien…

La musique s’éteint. Les derniers encore présents s’arrêtent de danser. Seul le bruit de leurs respirations s’entend. Ils sont trempés. Makoto pose ses mains sur ses genoux. Il prend le temps de respirer. Il passe ses doigts dans ses cheveux humides.

– Félicitations ! Vous êtes retenus pour la deuxième partie de l’audition qui aura lieu la semaine prochaine. Vous pouvez rentrer chez vous.

Makoto me rejoint. Il se penche au-dessus de moi. Il fouille dans son sac. Il récupère une serviette. Il se redresse et s’essuie le visage. Il reprend son sac. Il me tend la main pour m’aider à me relever. Je la prends. Nous quittons la salle. Makoto s’étire. Je le regarde. Devrais-je ressentir quelque chose ? Je soupire. Je suis fatigué de n’avoir des réponses à aucune de mes questions. Le mois dernier tout semblait différent. Je ne me posais pas de questions. Pourquoi depuis que Makoto est là je réfléchis autant ? Que se passe-t-il ?

– Ça te dit d’aller te promener ?

– D’accord.

Nous marchons dans Miami. Makoto s’arrête devant chaque magasin. Nous entrons dans certains. Il en ressort avec un objet. Moi je n’achète rien. À quoi ça sert ? Nous faisons une pause sur un banc face à la mer. Je regarde les vagues.

– Tu veux allez manger une glace ?

– Ok.

Makoto soupire légèrement. Mais lorsque je le regarde. Il me sourit. Nous rejoignons le marchand de glace. Je le laisse choisir les parfums pour moi. Makoto paye l’homme. Puis nous allons nous asseyons sur la plage.

Il regarde le paysage en mangeant. Il ne fait pas attention à moi. Je le regarde. Ma bouche s’ouvre. Je voudrais lui dire. Tout lui expliquer. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas en parler.

– Makoto ?

– Hm ?

– D’où vient-elle ?

Je montre sa cicatrise à la joue. Il la touche du bout de ses doigts.

– Tu veux entendre l’histoire de cette cicatrice ?

– Oui.

Je veux savoir. Je ne sais pas pourquoi. Mais je veux voir ses yeux briller d’une lueur que je ne comprends pas. Que je ne connais pas.

– Cette cicatrice date de plusieurs années. À l’époque j’habitais encore au Japon. La vie y était si facile, j’allais en cours, puis en répète de danse et le soir je traînais avec mon gang. Je te rassure on n’était pas un gang comme tu pourrais l’entendre.

Il me regarde.

– Ou pas…on était qu’une dizaine de mecs au début, puis le gang s’est forgé une réputation et nous avons gagnés beaucoup de membres. Nous avions des chefs de section et le fondateur. J’étais un des chefs de section, j’adorais aller patrouiller dans Tokyo la nuit. Nous protégions les habitants des autres gangs bien plus violents.

Il fait une pause pour finir de manger sa glace.

– Les gangs les plus célèbres à Tokyo sont les plus dangereux. Ils terrorisent les habitants, cambriolent les maisons, brûlent les voitures, violent femmes et enfants, tuent les hommes.

La mâchoire de Makoto se contracte. Ses mains forment deux poings. Il emploie des mots durs. Je le sais. Je connais ces mots. Je sais ce qu’ils veulent dire. Je sais que je devrais avoir une réaction. Mais je n’en ai aucune. Je suis vide à l’intérieur.

– On ne voulait plus de cette violence perpétuelle. Des membres du gang avaient perdu des proches à cause de ces barbaries. Ils réclamaient vengeance. Alors nous avons confronté le gang le plus violent de Tokyo. C’était un bain de sang. La cicatrice à ma joue vient de cette bataille. Je me battais contre deux hommes et l’un d’eux avait un couteau. J’ai eu une seconde d’inattention et le couteau m’a entaillé la joue.

Makoto est perdu dans ses souvenirs. Je le vois. Son regard semble loin.

– Je lui ai rendu son coup de couteau, j’ai même failli le tuer… Nous avons vaincu le gang, même si nous avons eu de nombreux blessés. Au final, vengeance avait été faite et nous avons trouvé le but. Nous nous sommes jurés de défendre Tokyo de ses monstres.

Le torse de Makoto se bombe. Un sourire se désigne au coin de sa bouche.

– En rentrant à la maison ce soir-là, j’ai pu constater que j’avais manqué de peu de perdre mon œil et même mon oreille. Je ne suis pas allé à l’hôpital. Je voulais me soigner tout seul pour garder un souvenir de cette soirée. Au fil des années, cette cicatrice est devenue une fierté. Puis ça me donne un côté mauvais garçons. Tu ne trouves pas ?

Makoto se penche vers moi. Nos nez se touchent presque. Mon cœur s’arrête. Ma respiration se bloque. Mes yeux regardent les siens. Son regard descend sur mes lèvres. Il ferme les yeux avant de reculer brusquement. Il se met à soupirer fort.

– Qu’est-ce qu’il y a ? Ai-je fait quelque chose qu'il ne fallait pas ?

Makoto émet un petit bruit aigu. Il passe sa main dans ses cheveux. Il regarde le ciel en soupirant.

– Makoto ?

Son corps entier se tend. Je me lève. Je prends le sac à dos. Les larmes coulent sur mes joues. Je serre mes bras autour de mon corps. Je donne un coup de pied dans le sable. Ma poitrine se gonfle. Quelque chose de fort grossit en moi. Mes mains forment deux poings si serrés que le sang ne circule plus. Ma respiration devient plus rapidement. Plus bruyante.

Makoto m’appelle. Je l’ignore. Je continue de marcher. Mais des bras m’encerclent. J’essaye de me dégager. Je n’y arrive pas. J’entends qu’il me parle. Sauf que je ne sais pas ce qu’il dit. Je ne comprends pas. Je veux m’éloigner.

– Arrête, Manon !

Je m’arrête. Les larmes ont cessé de couler. Je lui fais face. Il penche sa tête pour croiser mon regard. Mes dents grincent. Ma poitrine se gonfle. Mes joues me chauffent. Je relève la tête pour le regarder droit dans les yeux.

– Pourquoi fais-tu ça ? Tu crois que c’est facile pour moi ? Tu crois que je ne me rends pas compte de tous tes soupires ? Tu crois que je ne vois pas ton regard sur moi ? Tu crois que je ne sais pas ce que tu penses de moi ?

– Manon…

– Arrête !

Je m’écarte de lui. Je me prenant la tête entre mes mains. Pensent-ils tous que je ne vois rien ? Que je ne remarque rien ? Ont-ils conscience de ce que c’est pour moi ?

– Rentrons à l’hôtel, nous discuterons là-bas.

Il pose une main dans mon dos. Je m’écarte de lui. Je ne veux pas qu’il me touche.


Texte publié par Aihle S. Baye, 9 février 2023 à 11h36
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