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tome 1, Chapitre 18 « Le pardon » tome 1, Chapitre 18

Note de l'auteure :⚠️Les chapitres de Manon sont difficiles à lire : phrases courtes, informelles avec un vocabulaire peu enrichi et les actions très décrites. Le personnage voit le monde différemment des autres personnes, les émotions/sentiments lui sont étrangers. Merci de prendre en compte ces informations durant votre lecture.

Mardi 28 septembre 2021 – Manon

Je soupire lorsque le réveil sonne. Je tire les draps. J’attends. Je ne veux pas me lever. Pourtant je le dois. Alors je me lève. Je prends ma douche. Je m’habille. Je rejoins la cuisine pour manger.

– Bonjour, ma chérie, tu vas bien ? Prête pour ta sortie scolaire ?

Sue dépose un verre de jus d’orange devant moi. Je ne la regarde pas. Je ne la remercie pas. Je ne lui réponds pas. Pourquoi devrais-je lui parler ? Je n’ai rien à lui dire. Je ne veux pas qu’elle soit là. Elle doit repartir. Elle m’a abandonné depuis des années. Elle n’a rien à faire ici.

Je mange en silence. Sue s’assoit sur la chaise à côté de moi. Elle soupire. Je ne lève pas la tête. Makoto s’assoit à son tour. Ma main se sert autour de la cuillère. Mon visage devient brûlant. Tout mon corps est tendu. Je me lève. La chaise grince sur le carrelage. Je n’ai pas fini de manger. Je ne veux plus manger. Je ne peux pas rester assise avec eux. Je rejoins la chambre. Je me brosse les dents. Je prends le sac à dos. Le carnet est posé sur le bureau. Le carnet que Makoto a lu hier. Mes yeux me piquent. Mes mains se forment en poing. Je sens quelque chose grossir dans ma poitrine. Ma respiration devient plus rapide. Plus forte. Que m’arrive-t-il ? Hier aussi j’étais dans le même état. Je me souviens avoir giflé deux fois Makoto. Je ne sais pas pourquoi je l’ai fait. Mon bras s’est soulevé sans que je le contrôle. Ma main a frappé son visage avant que je ne puisse l’arrêter. Je prends le carnet. Je le mets dans le sac à dos. Je quitte la chambre. Je rejoins le hall. Je mets des chaussures. Sue arrive derrière moi. Elle me tend un téléphone.

– Tu l’avais laissé sur la table.

Je le prends. Je le mets dans la poche arrière de mon pantalon. Elle me regarde. Qu’attend-elle ? Je réfléchis. Que dois-je faire ?

– Me…merci.

Les coins de ses lèvres s’étirent vers le haut. Mais ses yeux sont ternes. Je lui tourne le dos. J’ouvre la porte d’entrée. Je fais un pas dehors. Sue m’interpelle.

– Makoto va te conduire jusqu’à la base de la NASA, c’est bien là que tu retrouves ta classe ?

– Oui.

– Parfait ! Passe une bonne journée ! Ton père te raccompagnera à la maison si vous ne finissez pas trop tôt, sinon ça sera Makoto ou moi. Envoie-nous un message.

Je ne réponds pas. Je ne leur enverrais pas de message. Je ne veux pas leur parler. À aucun d’eux. Mon père ne me regarde plus. Il n’est jamais à la maison. Est-ce à cause de moi ? Charlie m’a dit de parler avec lui. Mais comment faire ? Je le vois plus. Est-ce encore à cause de la course de rue qu’il agit comme ça ? Je ne comprends pas pourquoi. Je devais faire la course. Chaque course est importante. Des choses sont en jeu. Pourquoi ne le comprend-il pas ?

Je rejoins le garage. Je monte dans la voiture. Makoto est assis derrière le volant. Je serre les dents. Mes ongles s’enfoncent dans la paume de mes mains. Ma poitrine se gonfle. Je claque la portière. J’attache la ceinture. Il démarre. Il sort du garage en marche arrière. Il prend la route en direction du site de lancement de la NASA. Makoto allume la radio. De la musique se diffuse. Je l’éteins. Je sens son regard sur moi. Je reste à fixer la route. Le reste du trajet se fait dans le silence.

La voiture se gare devant les barrières de sécurité de Cap Canaveral. Un militaire sort d’une cabane. Je me détache. J’ouvre la portière. Je prends le sac à dos. Je descends de la voiture. Makoto tourne la tête vers moi. Nos regards se croisent. Il ne dit rien. Je claque la portière. Je lui tourne le dos. Je rejoins les étudiants qui attendent avec le professeur. J’entends la voiture repartir. Je soupire. Mes muscles se relâchent.

– Notre guide ne devrait pas tarder, il va nous donner nos badges pour que nous puissions entrer.

Nous attendons. Quelques minutes plus tard, des pas se font entendre. Nous tournons la tête vers un homme. Il tient des colliers avec des badges dans les mains. Je déglutis. C’est mon père. Je prends la capuche de la veste. Je la mets sur ma tête. Je me recule derrière le groupe. Je ne veux pas croiser le regard de mon père. Il fait scanner son badge au détecteur de la barrière. Il la pousse. Le militaire le fouille après avoir franchi la sécurité. Il s’avance ensuite vers nous. Il regarde le groupe. Me cherche-t-il ? Non. Pourquoi le ferait-il ?

– Bonjour à tous ! Je me présente Norman Anderson, je suis astronaute. C’est moi qui suis chargé de la visite aujourd’hui. Voici vos badges, ne les perdez pas, ils vous permettent de circuler dans le bâtiment.

Le professeur vient prendre les accès des mains de mon père. Puis il nous les distribue. Je mets le mien autour de mon cou.

– Surtout, restez bien en groupe, ne vous éloignez pas de moi et ne touchez à rien. Vous avez la chance de rentrer dans la base, sachez que beaucoup souhaiteraient être à vos places, alors soyez-en digne !

Je baisse la tête. Je tire la capuche pour qu’elle cache mon visage. Chaque étudiant se fait fouiller par le militaire. Lorsque mon tour arrive, le militaire s’arrête.

– Je suis seul aujourd’hui, ça vous dérange si je vérifie que vous n’avez rien de suspicieux sur vous et dans votre sac ?

Pourquoi me pose-t-il la question ? Il ne l’a pas fait avec les autres étudiants. En quoi est-ce que c’est différent avec moi ? Est-ce que c’est parce que je suis du sexe féminin ? Il fait simplement son travail.

– Allez-y.

Il me remercie. Il s’exécute. Ses gestes sont moins précis que pour les autres. Il passe très rapidement au niveau de mes poches. Il me fait signe de poursuivre le visage rouge. Je passe le badge sur la surface du détecteur. Le voyant passe au vert. Je rejoins le groupe. Le professeur se place à côté de mon père. La visite peut commencer.

Nous marchons en silence sur plusieurs kilomètres avant d’atteindre un grand bâtiment. Je le reconnais. Je suis déjà venue ici plus jeune. Je restais dans un bureau. Je faisais les devoirs pour l’école. Une secrétaire me surveillait. Mon père travaillait. Je n’allais jamais plus loin que le sas d’accueil et des bureaux.

Nous scannons les badges aux bornes de l’entrée. La secrétaire derrière le bureau se lève de la chaise. Elle nous dit bonjour. Ses yeux brillent quand mon père lui répond. Elle le regarde passer son badge sur une autre borne. La porte s’ouvre. Il passe et nous limitons. Mon père continue de nous faire traverser des portiques de sécurités jusqu’à une lourde porte.

– Nous y sommes, la visite commence véritablement ici ! Excusez-nous pour toute cette sécurité qui peut être pénible, mais elle est essentielle pour le maintien de tout ce qui se fait ici. Nous ne voudrions pas que des espions viennent voler nos informations.

Les étudiants autour de moi font des petits bruits aigus avec leur bouche. Leurs épaules sautent quelques instants. Je ne comprends pas ce qu’il se passe. Je replace la capuche sur ma tête. Je mets mes mains dans les poches de la veste. Je baisse la tête. Je me recule de quelques pas. Je regarde la sortie. Je regarde mon père. Il me verrait avant que j’aie quitté les lieux. Je soupire.

Nous passons la porte. Elle mène dans un hangar. Celui où sont exposés des débris de fusées. D’astéroïde. De météorites. De satellites. Je connais cet endroit. Au-delà des bureaux c’était le seul endroit où j’allais. Mon père m’y emmenait. Il me parlait de l’histoire de chacun des objets entreposés.

– Bienvenue dans le musée, comme on aime l’appeler. C’est en réalité un hangar où la NASA entasse tous les débris qui entrent dans notre atmosphère.

– Pourquoi les garder ?

Le garçon devant moi vient de parler. Je déglutis. Je me déplace sur la gauche. Derrière un autre étudiant. Je ne veux pas que mon père me voie.

– Pour nous rappeler que l’univers est grand et infini et que nous sommes petits face à cette immensité. C’est la beauté du monde que nous conservons ici, ou plutôt une partie.

Je me souviens d’avoir regardé les débris étant petite. J’avais tendu la main vers un objet. Mon père m’avait arrêté. Je ne devais toucher à rien. Il me disait que les choses précieuses du monde devaient le rester. Je n’ai jamais compris ce que ça voulait dire.

La visite continue. Il nous explique chaque débris. D’où il vient. Son histoire. Les élèves posent des questions. Je reste la tête baissée. Chaque fois que mon père parle, mon cœur saigne. Je lève la tête pour le regarder. Ses yeux brillent. Il est si différent de d'habitude. Mes yeux me piquent. Ma vue devient floue. Une larme coule sur ma joue. Je l’essuie. Je me tourne pour regarder la sortie. Je pourrais partir. Je dois partir. Mon cœur bat plus vite. Je fais un pas vers la sortie.

– Manon ?

Je m’arrête. Je déglutis. Pourquoi mon père m’appelle-t-il ? Je me tourne vers lui. Les étudiants me regardent. Ils se sont écartés. Je lui fais face.

– Manon, veux-tu bien répondre à la question s’il te plaît ? résonne la voix du professeur.

Je garde le silence. Je vois mon père soupirer. Il baisse les yeux. Il fait face à un autre élève. Il l’interroge. Mon estomac se contracte. Ma poitrine se serre. Je n’arrive plus à respirer. Mon cœur se brise comme un miroir. Les larmes coulent sur mes joues. Je tourne le dos aux étudiants. Au professeur. À mon père. Je me dirige vers la porte. Je ne me retourne pas. Je ne m’arrête pas. Je dois sortir. Je scanne le badge à chaque portique de sécurité. Je respire bruyamment. Il me faut de l’air. J’ai la tête qui tourne. Mais je ne m’arrête pas. Je dois partir. Je dois quitter cet endroit. Ne plus jamais revenir.

Je passe devant la secrétaire. Elle lève la tête vers moi. Je sors du bâtiment avant qu’elle n’ouvre la bouche. Le soleil brûle mes yeux. Je dois les couvrir de ma main. Je marche jusqu’au dernier portique de sécurité. Le militaire m’arrête. Il me fouille. Je jette le badge par terre. Je me mets à courir. Je ne sais pas où je vais. Mais je partir loin d’ici.

Je m’arrête lorsque je suis devant un arrêt de bus. J’essaye de reprendre ma respiration. Ma poitrine me brûle. Je m’assois sur le banc pour attendre. Le bus arrive plusieurs minutes plus tard. Mon esprit est vide quand je monte à bord. Je m’assois sur un siège. Je replace la capuche sur ma tête. Je regarde le paysage de la ville défiler.

Je descends à l’arrêt à l’entrée du quartier résidentiel. Je rejoins la maison à pied. Je passe devant celle de mes grands-parents. Je ne m’arrête pas.

J’entre dans la maison. Je rejoins la buanderie. Je prends les harnais des chiens et la muselière de Jupiter. Je retourne dans la cuisine. Makoto est devant le robinet. Il a un verre d’eau à la main. Je vais chercher les chiens dans leur pièce. Mais ils n’y sont pas. Je reviens sur mes pas.

– Ils sont dans le jardin.

Je ne remercie pas Makoto. Je ne le regarde pas. Je sors appeler les chiens. Ils sont en train de jouer avec un bâton. Ils s’assoient devant moi. Je leur mets leur harnais. Je mets la muselière à Jupiter. Je traverse la maison. Makoto est déjà dans le hall. Il a mis des chaussures. Il me prend la laisse d’Apollo. Il ouvre la porte. Nous sortons.

– Ça te dérange si je t’accompagne ?

Je ne veux pas qu’il vienne. Mais je ne le lui dis pas. Je ne réponds rien. Alors il me suit. Nous marchons en silence jusqu’au parc. Makoto y détache Apollo. Il lui lance un bâton qui lui rapporte. Je suis assise sur un banc avec Jupiter. Elle ne peut pas être détachée. Makoto me rejoint. Il s’assoit près de moi. Trop près. Nos jambes se touchent. Je m’écarte. Je ne peux pas. Je suis au bord du banc. Il tourne la tête pour me regarder. Ma salive se bloque dans ma gorge. Mes mains deviennent humides. Je ne sais pas où regarder.

– Manon ?

Je tourne la tête vers lui. Ses yeux marrons sont ternes. Son visage semble fermé. Que se passe-t-il ?

– Je voudrais m’excuser…je n’aurais jamais dû lire ton journal. Je sais que c’est mal et je ne voulais pas te blesser. Je voulais simplement comprendre, obtenir des réponses et de fils en aiguilles j’en suis arrivé à lire ton journal. Je comprendrais si tu ne peux pas me pardonner, après tout je ne suis pas sûr de le mériter.

Il soupire. Il détourne son regard de moi.

– Je voulais juste m’expliquer que tu saches…

Il me regarde de nouveau. J’attends. Dois-je lui répondre quelque chose ? Que m’a-t-il demandé ? Je ne pas compris les mots qu’il a utilisés. Makoto a lu le carnet que Charlie m’a donné. Il m’a expliqué pourquoi il l’a fait. Que dois-je faire maintenant ?

– Me pardonnes-tu ?

– Oui.

J’ai répondu sans réfléchir. Je ne sais pas ce que veut dire « pardonner ». Ma réponse est la bonne. Je le sais.

– Pourquoi me pardonnes-tu si rapidement ? Après ce que je t’ai fait…

Je hausse les épaules. Je pensais avoir répondu ce qu’il fallait.

– Tu es trop gentille pour ce monde, Manon.

Les coins de la bouche de Makoto s’étirent vers le haut. Je vois le début de ses dents blanches. Le silence retombe entre nous. Je siffle Apollo. Le chien revient vers moi en courant.

– Tu voudrais…venir avec moi samedi ?

Je me tourne vers Makoto. Il a les mains dans les poches de son bas noir. Il ne me regarde pas. Ses épaules sont tendues. Sa voix est différente. Elle est faible. Tremblante.

– Où ?

– À Miami ! J’ai une audition de danse, j’aimerais que tu m’accompagnes.

Je réfléchis. Je n’ai pas de course ce week-end. Je n’ai pas envie de rester à la maison. Je ne veux pas voir mon père ni Sue.

– Ok.

Makoto se remet debout. Il accroche la laisse au harnais d’Apollo. Je me lève à mon tour. Nous quittons le parc. Makoto a toujours les coins de sa bouche étirés vers le haut. Ses yeux brillent de nouveau. Je sens mes propres lèvres s’étirer très légèrement.


Texte publié par Aihle S. Baye, 8 février 2023 à 14h17
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