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tome 1, Chapitre 10 « Le coup de téléphone » tome 1, Chapitre 10

Dimanche 29 août 2021 - Makoto

– JOSÉPHINE VIENT DE METTRE À BAS !

Je grogne en me couvrant la tête de mon oreiller.

– PAPA ! SUE ! JOSÉPHINE A DONNÉ NAISSANCE !

Je plaque mon oreiller sur ma tête dans l’espoir de ne plus entendre ma sœur hurler comme une forcenée.

– ON A UN ZÉBREAU !

Je repousse ma couette en jurant, me lève d’un bond et ouvre violemment la porte de ma chambre.

– C’EST UNE FEMELLE !

La colère irradie à travers chaque cellule de mon corps. J’emplis mes poumons d’air et l’expulse :

– FERME TA GUEULE KYOKO ! ON S’EN FOUT DE TON PUTAIN DE ZÈBRE ! Y EN A QUI AIMERAIT DORMIR !

Je claque la porte avec tellement de force qu’un morceau du plafond tombe à mes pieds. Je retourne m’allonger dans mon lit, sans parvenir à me rendormir. Frustré, je décide d’aller prendre une douche. Je laisse l’eau chaude couler sur ma nuque et vider mon esprit de mes tourments, mais les souvenirs ne cessent de venir. Je sens mes espoirs se briser, ma vie m’échappe et je ne sais pas comment en reprendre le contrôle.

– Makoto, as-tu bientôt fini ? résonne la voix de Sue.

J’éteins le robinet, m’essuie rapidement, noue la serviette autour de ma taille et ouvre la porte.

– As-tu besoin de moi ?

– Je dois bientôt partir pour le magasin et j’aurais aimé que tu commences à préparer le bureau pour pouvoir commencer les travaux.

– Pas de soucis, que veux-tu que je fasse quelque chose en particulier ?

– Déblayer la pièce pour commencer, ensuite il faudra la nettoyer du sol au plafond et reboucher les trous avant de peindre.

La maison a été construite il y a de nombreuses années. À l’époque les matériaux utilisés n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui, puis la façon de faire a également changé. Ça fait quelques mois que Tenshi et Sue ont pris l’initiative de rénover la maison par leurs propres moyens.

– Si tu pouvais faire un maximum aujourd’hui, ça me serait très utile.

– Je ferais de mon mieux.

– Merci, Makoto. Tu rangeras où tu peux les meubles.

Je hoche la tête et Sue quitte ma chambre. Je finis de me préparer et enfile de vieux vêtements. Je descends dans la cuisine où Kyoko mange son petit-déjeuner. Elle me lance un regard noir, mais je ne lui donne pas le plaisir de lui montrer que cela m’affecte, même si cette tension entre nous me pèse bien plus que je ne veux l’admettre. J’aimerais pouvoir changer ça, pouvoir retrouver la relation qu’on avait lorsque nous vivions à Tokyo. Sauf que je ne sais pas comment faire. Je pourrais essayer de lui parler, mais je connais déjà la finalité qu’aura ma tentative. J’ai bien peur d’avoir perdu ma sœur et de ne jamais pouvoir la retrouver. Elle semble tellement inaccessible. Suis-je responsable de notre éloignement ? Je ne saurais le dire.

Je mange rapidement mon petit-déjeuner, puis remonte dans ma chambre chercher mon enceinte Bluetooth et rejoins le bureau. La pièce se situe derrière l’escalier, juste après le salon et la salle à manger. Actuellement, elle sert principalement de débarras. J’allume mon enceinte, la pose sur le rebord d’une bibliothèque, connecte mon téléphone, sélectionne ma playlist et me mets au travail. Je rejoins un coin de la pièce, un carton vide à la main et entreprends de débarrasser les diverses choses posées sur le bureau en faisant attention à ne rien casser.

Les chansons défilent, le temps passe et j’oublie tout. Le rangement et le nettoyage sont des tâches répétitives qui permettent à mon esprit de se mettre en veille et de ne plus penser.

Je m’arrête lorsque mon enceinte émet le signal qu’elle s’éteint. Je me retourne et vois Tenshi.

– À table.

Je serre les mâchoires et les poings, mais ne réplique rien. Sur le seuil de la porte, je regarde le bureau presque entièrement vidé. Je souris, mais ma satisfaction s’évanouit quand j’entends Tenshi grogner à côté. Je quitte le bureau et le suis jusqu’à la cuisine.

Je me lave les mains à l’évier et m’installe à la table. Kyoko est déjà en train de s’extasier sur le nouveau zèbre. Sa voix aigüe et trop enjouée me donne la migraine, je serre mes baguettes dans ma main jusqu’à entendre un craquement. Sue me regarde du coin de l’œil. Je sais qu’elle aimerait me faire participer à la conversation sans déclencher une troisième guerre mondiale, mais c’est peine perdue. Je reste donc muré dans le silence comme si je n’existais pas.

Je finis de manger en premier. Sans même attendre, je débarrasse mes couverts et quitte la cuisine. J’entends Tenshi marmonner quelque chose, sans prendre la peine de m’en soucier, je retourne dans le bureau, rallume mon enceinte et continue de vider la pièce.

– Que fais-tu ?

Je lève la tête en direction de la porte où Kyoko se tient. Elle me regarde tandis que je suis assis en tailleur au milieu de la pièce.

– Je réfléchis. Je ne sais pas où mettre les meubles.

– Tu veux de l’aide ?

Je la regarde, elle me regarde et le temps semble s’arrêter. M’a-t-elle vraiment proposé son aide ? Je peine à y croire. Kyoko et moi n’avons pas eu de réelle conversation depuis des mois et là elle serait prête à m’aider sans rien demander en retour ? J’aimerais croire que c’est un premier pas vers une meilleure relation entre nous, mais au fond de moi je sais que je ne dois pas me faire de faux espoirs.

– Je veux bien.

Néanmoins, j’accepte avec joie son aide. Je ne peux pas empêcher mon cœur de se gonfler d’émotions, même si ce moment sera probablement fugace, je dois en profiter et le chérir.

– On pourrait mettre la bibliothèque dans le salon, propose-t-elle.

– Elle passe juste à côté de l’arche ?

Kyoko hausse les épaules et quitte la pièce pour aller vérifier. Je me mets debout et la suis. Nous examinons l’espace entre la cheminée et le mur.

– Y a moyen que ça passe.

Kyoko regarde autour de nous. Elle repasse l’arche pour rejoindre la salle à manger.

– Si on décale la table, on peut mettre le bureau là.

Ma sœur m’indique l’emplacement du doigt et je hoche la tête.

– Tu fais quoi du canapé et des deux fauteuils ?

– Dans le garage ? En passant par la baie ça devrait le faire.

– Parfait ! m’exclamais-je.

Nous commençons par déplacer la table et les chaises de la salle à manger. Nous retournons dans le bureau et prenons chacun un côté de la bibliothèque. Nous la déplaçons avec précaution jusque dans le salon, entre la cheminée et le mur. Nous sortons ensuite le canapé et les deux fauteuils à travers la baie vitrée jusqu’au petit garage qui sert de débarras. Nous les recouvrons de drap, puis déplaçons le bureau dans la salle à manger.

Je vais pour remercier Kyoko, mais son téléphone sonne et elle disparaît sans un mot. Je prends appui contre le mur en soupirant. Comme je l’avais prévu, ce moment de complicité fut bref. Je chasse la tristesse qui m’envahit et vais chercher un seau d’eau chaude. Je prends également une éponge et commence à nettoyer le plafond.

La sonnerie du téléphone fixe retentit. J’attends que quelqu’un décroche, sauf qu’il semblerait que je sois seul dans la maison. Je descends de mon perchoir, lâche l’éponge dans la bassine d’eau qui m’éclabousse et rejoins la cuisine pour décrocher.

– Maison Hashimoto.

– Sue ?

– Non, c’est Makoto.

– Bonjour, Makoto. C’est Norman Anderson. Est-ce que Sue est là ? C’est urgent !

Norman est l’ex-mari de Sue. J’ai vu des photos de lui sur les quelques clichés que ma belle-mère conserve de sa vie en Amérique.

– Sue n’est pas à la maison.

À l’autre bout du fil, Norman semble fatigué. Je me tourne pour lire l’heure sur l’horloge accrochée au mur et calcul la différence. Il est actuellement huit heures du matin en Floride. Je hausse les épaules et me concentre sur ce qu’il dit.

– Elle est dans les parages ? C’est vraiment très urgent.

L’anxiété est bien présente dans sa voix, à croire que l’apocalypse est proche.

– Elle est au magasin, elle sera à la maison que dans la soirée.

Je l’entends grommeler et finalement soupirer d’épuisement.

– Je peux lui transmettre un message, si vous voulez.

– Dis-lui que c’est très urgent, c’est à propos de sa fille. Sa fille Manon. Qu’elle me rappelle dès que possible.

– Je transmettrais.

– Merci, Makoto, au revoir.

Je n’ai pas le temps de lui répondre que la communication est coupée. Je remets le téléphone à sa place et retourne dans le bureau où du nettoyage m’attend. Je m’arrête de travailler quand Sue entre dans la pièce, plusieurs heures plus tard.

– Très beau travail ! Merci, Makoto. File sous la douche, on va bientôt manger.

Je m’apprête à lui parler du coup de téléphone, mais elle est déjà partie.

Après m’être douché, je m’installe à la table de la cuisine. Kyoko pianote sur son téléphone entre deux bouchées pendant que Tenshi et Sue discutent. Encore une fois, je reste silencieux. À la fin du repas, je décide d’informer Sue de l’appel.

– Sue, ton ex-mari a appelé cet après-midi.

Je lis la peur dans ses yeux alors qu’elle tourne la tête vers moi.

– Que voulait-il ?

– C’était à propos de ta fille Manon, il a dit que c’était très urgent. Tu dois le rappeler.

Sue se précipite sur le téléphone et compose un numéro, les doigts tremblant.

Tenshi pose ses yeux sur moi et j’y vois des éclairs. J’essaye de contrôler la colère qui monte en moi, mais c’est de plus en plus difficile.

– Allô, Norman ?

Je tourne la tête vers Sue qui commence à se ronger les ongles.

– Oui, c’est Sue. Que se passe-t-il ?

Je n’entends pas Norman, toutefois je vois le visage de ma belle-mère se décomposer à mesure que les secondes passent.

– Tu devrais monter dans ta chambre, me dit Tenshi sous le ton d’un ordre.

Je ne résiste pas et quitte la cuisine sans un mot, ne tenant pas à me faire menacer une deuxième fois avec un couteau en défiant son autorité, mais je m’arrête tout de même au milieu des escaliers pour écouter.

– Est-ce que ta fille va bien ? demanda Tenshi après que Sue est raccroché.

– Je dois partir le plus vite possible pour la Floride.


Texte publié par Aihle S. Baye, 27 janvier 2023 à 17h24
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