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tome 1, Chapitre 5 « Un joyeux anniversaire » tome 1, Chapitre 5

Note de l'auteure :⚠️Les chapitres de Manon sont difficiles à lire : phrases courtes, informelles avec un vocabulaire peu enrichi et les actions très décrites. Le personnage voit le monde différemment des autres personnes, les émotions/sentiments lui sont étrangers. Merci de prendre en compte ces informations durant votre lecture.

Vendredi 27 août 2021 – Manon

Manon,

Je te souhaite un joyeux anniversaire !

Je t’ai fait un petit cadeau, il s’agit d’un carnet. Je veux que tu notes chaque jour tout ce que tu ressens, tout ce qui traverse ton esprit. Écris comme si ce journal était une personne, mais qu’elle ne connaissait rien à ta vie. Décris tout, explique tout. Ce travail te paraît d’une grande difficulté, je le conçois, mais tu dois faire cet effort Manon.

Tu apporteras le carnet à notre rendez-vous de demain afin que nous puissions en discuter.

Passe une excellente journée !

Charlie H.

Je pose sur le lit la note que je tiens entre mes doigts. Je place mes mains de chaque côté du paquet. Il est recouvert d’un papier gris. Je l’ouvre. À l’intérieur se trouve un carnet noir. Un crayon est accroché à la lanière. Je ne le détache pas. Je n’ouvre pas le carnet. Je le pose à côté de moi. Je me lève du lit. Je me dirige vers la porte et quitte la chambre.

Je traverse le couloir qui mène à la cuisine ouverte sur le salon. Sur la table, le petit-déjeuner est servi. Dans mon abdomen un trou se forme à la vue de la nourriture. Comme si on creusait profondément sans jamais s’arrêter. Il y a des picotements sur ma langue. Ma gorge m’irrite lorsque j’avale ma salive.

– Bonjour, ma chérie, joyeux anniversaire !

Mon père colle sa joue barbue contre la mienne. Il me regarde les yeux brillants. A-t-il une poussière dans l’œil ? Ses lèvres commencent à s’étirer vers le haut. Le temps s’écoule. Mon père soupire. Il laisse ses bras retomber le long de son corps. Je vois les coins de sa bouche s’affaisser alors qu’il va s’asseoir. Je l’observe sans comprendre sa réaction. Est-ce à cause de la poussière dans son œil ?

Derrière moi j’entends des pattes résonner sur le carrelage de la cuisine. Apollo, un Sarabi Mastiff, et Jupiter, un American Staffordshire Terrien, s’approchent en remuant leurs queues de droite à gauche. Leur langue pend. Ils me lèchent la main. Ils s’assoient devant moi en aboyant. Je tends la main vers Apollo. Je gratte le sommet de sa tête. Je fais pareil pour Jupiter.

Mon père se lève. Il prend deux gamelles dans un placard. Il les remplit de croquettes qu’il pose par terre. Les chiens me tournent le dos pour rejoindre leurs repas. Mon père se rassoit à la table de la cuisine. Il me désigne une chaise en face de lui. Je le rejoins.

Au centre de la table se trouvent deux plats. Un de pancakes. L’autre de gaufres. À côté il y a des garnitures. Devant moi se trouve une assiette avec des couverts et une serviette. Mon père remplit un verre de jus de fruits qu’il pose devant moi.

– Ton petit-déjeuner préféré pour ton anniversaire, ma chérie. Mange, régale-toi !

Ses lèvres s’étirent en laissant voir ses dents blanches. Ses yeux semblent plus grands. Je prends le verre de ma main droite. Je le porte à mes lèvres. Je bois une gorgée. L’irritation se calme quand le liquide passe dans ma gorge. Mais le creux dans mon abdomen s’agrandit. Mes yeux se posent sur les pancakes et les gaufres. Si je mange, le trou dans mon ventre arrêtera de grandir ? Je prends la fourchette dans ma main. Je pique deux pancakes. Je les pose dans l’assiette devant moi. Je prends une boîte de conserve. Sur l’étiquette il y a une feuille d’érable. Elle est grande avec des couleurs rouges et orange. Comme une saison. Mais je ne me souviens pas laquelle. Je verse le sirop d’érable sur les pancakes. Ma langue pétille au contact d’un morceau de nourriture. Je mâche lentement avant d’avaler.

– C’est délicieux, n’est-ce pas ?

– Oui.

Je vois les yeux de mon père briller. A-t-il encore une poussière ? Sa bouche s’étire vers ses oreilles. Je vois le début de ses dents apparaître. Il croise mon regard et tout semble changer. Il ferme ses yeux et pince son nez en soupirant.

Je finis les deux pancakes. Le creux dans mon abdomen semble s’être refermé. Mais je sens encore un trou. Je prends la fourchette. Je pique dans deux gaufres. Je les garnis et les mange. Je me lève après avoir fini les gaufres. Je dépose les couverts dans le lave-vaisselle.

– Charlie m’a parlé du cadeau qu’elle t’a offert, j’espère que tu t’en serviras.

Mon père soupire une nouvelle fois quand je quitter la cuisine sans lui répondre. Je retourne dans la chambre pour m’habiller. Des vêtements sont suspendus dans un placard coulissant. Je prends les premiers habits qui me viennent. Je rejoins la salle de bain. Je retourne dans la chambre coiffée et habillée. Je récupère un sac à main posé à côté de la porte. Je regarde le carnet noir offert par Charlie. Il est toujours posé sur le lit aux draps blancs.

– MANON, IL EST L’HEURE !

Je prends le carnet. Je le mets dans le sac avant de quitte la chambre. Je passe devant la porte des chiens. Ils couinent en grattant le sol. Je rejoins mon père dans le hall de la grande maison. Je mets des chaussures et nous sortons. Une voiture est garée. C’est un 4x4 automatique GMC Sierra Denali-Crew-CAB noir. Avec un moteur V8. 403 chevaux DIN. Une boîte de vitesse BVA6. Un réservoir de 99L avec une consommation moyenne de 15L/100 km.

Je monte à l’avant à côté de mon père. La voiture quitte le quartier résidentiel pour me conduire à un rendez-vous hebdomadaire. Mon père s’engage sur la route principale. Je regarde le soleil prendre place dans le ciel bleu et sans nuages. Le véhicule s’arrête devant un bâtiment rectangulaire qui ressemble à un hôpital. Le moteur ronronne. Mon père regarde la montre accrochée à son poignet gauche.

– Je suis désolé de te déposer une heure en avance, mais je dois être au travail de bonne heure…

– D’accord.

– Je vais finir tard aujourd’hui. À ce soir ma chérie.

Je descends de la voiture. J’avance jusqu’à la porte d’entrée. J’essaye de l’ouvrir. Elle est fermée. Je regarde autour de moi. Je vois un banc en bois de l’autre côté du parking. Je vais m’y asseoir pour attendre. Les minutes passent. Je reste là sans bouger. Des personnes marchent devant moi. Je ne les regarde pas. Certains me disent bonjour. Je ne réponds pas. Le téléphone sonne dans le sac à main que je porte. Une deuxième sonnerie retentit. Je reste à fixer le sol bétonné. À la troisième sonnerie, je prends le téléphone. Mes oncles m’ont envoyé deux messages. Je ne les ouvre pas. Le dernier message est de mon père. Il me dit de profiter du temps d’attente pour me servir du cadeau de Charlie. Je range le portable dans le sac. Mes doigts touchent la surface lisse du carnet noir. Je le prends dans mes mains. Je l’ouvre. Une inscription y est notée : « Présentation ». Je place le stylo entre mes doigts. Je le tiens au-dessus de la page. Que faut-il écrire ?

Manon Anderson

Je referme le carnet. Je le range dans le sac. Puis j’attends. Les minutes continuent de défiler sans que je ne bouge. Je regarde droit devant moi. Un sifflement aigu me parvient. Une vieille voiture entre sur le parking. Elle se gare devant l’entrée du bâtiment. Un homme en sort. Il se dirige vers la porte avec un trousseau de clés à la main. Je me lève pour le rejoindre. Il ouvre la porte et me la tient.

L’intérieur du bâtiment est blanc. Par endroit sont installés des bancs et des plantes. Devant l’entrée se trouve un bureau vide. Je tourne à gauche pour prendre l’escalier. Dans le couloir de l’étage, j’attends devant une porte fermée. L’homme arrive derrière moi. Il ouvre la porte et entre.

Chaque vendredi, je me retrouve ici. L’homme qui a ouvert est celui qui donne la parole. Je ne me souviens pas de son prénom. Dans la grande pièce aux murs blancs, l’homme tire les rideaux. Les rayons du soleil se reflètent sur le parquet et piquent mes yeux. Je regarde ailleurs et les piqures s’arrêtent. Je vois l’homme disposer de la nourriture sur des tables au fond de la pièce. Il installe des gobelets, des assiettes, des serviettes sur une autre table. J’entends des pas et des voix derrière moi. Des personnes entrent dans la pièce. Ils me regardent. Certains me disent quelque chose. Je ne réponds pas. Je ne les regarde pas.

– Bonjour à tous, asseyez-vous on va commencer.

Tout le monde s’installe sur les chaises placées en cercle au milieu de la pièce. Je regarde les personnes qui m’entourent. Certaines me semblent familières. Les ai-je déjà vu ici ? Je ne me souviens pas.

– Ô, Seigneur, toi qui es grand et puissant. Nous te prions de nous accompagner en ton sein pour guider notre parole. Fais-nous prendre conscience de notre présence sur Terre, fais de nous tes sujets et tes serviteurs. Nous te sommes reconnaissants. Nous t’aimons. Nous te chérissons. Ô grand Seigneur. Amen.

Je regarde les personnes. Ils ont les mains droites et collées l’une contre l’autre. Ils ont les yeux fermés. Que font-ils ?

– Amen.

Ils ouvrent leurs yeux. Ils replacent leurs mains contre leur corps.

– Aujourd’hui, Manon fête ses 21 ans. Souhaitons-lui un joyeux anniversaire !

– Joyeux anniversaire Manon !

Les voix se mélangent. Mes oreilles sifflent. Les regards se tournent vers moi. Les coins de leurs bouches sont étirés jusqu’à leurs oreilles. Je peux voir leurs dents. Ils se mettent à taper leurs mains l’une contre l’autre. Une boule se forme dans ma gorge. Mes joues me chauffent. Mes mains deviennent humides. Suis-je malade ?

– Bien, commençons la séance !

Les regards des personnes se détachent de moi. Mes joues semblent ne plus me chauffer. Mes mains redeviennent sèches. Mais la boule dans ma gorge est toujours présente. Que m’arrive-t-il ?

– Quels sont votre dernier souvenir joyeux et votre dernier souvenir triste ? N’oubliez pas qu’il n’y a aucun jugement ici, le Seigneur ne juge personne. Vous parlez librement, nous sommes là pour vous, le Seigneur est là pour vous.

À côté de moi, les chaussures d’une femme frappent le sol à répétition. Je n’entends plus que ce son. Les battements de mon cœur s’accélèrent. Ma respiration est plus rapide. Je vois mes doigts se contracter pour former un poing sur mes cuisses. Je soupire avec force. La chaussure de la femme s’arrête. Elle croise les jambes en me regardant. Mon cœur ralentit. Ma respiration est plus lente. Mes doigts se relâchent. Je retrouve le vide habituel. Que vient-il de se passer ?

– Liam, veux-tu bien commencer ?

– Facile !

Un homme se lève de sa chaise. Est-ce Liam ? Il lève les mains près de son visage. Il plie certains des doigts. Il tire la langue. Que fait-il ? Un filet de bave coule le long de sa bouche et tombe sur son vêtement bleu. Je vois des personnes ouvrir la bouche en grand. Un bruit semble en sortir. Liam essuie sa bouche en se rassoyant.

– Alors, mon dernier souvenir heureux c’tes quand j’ai été voir ma psy. Wesh, elle m’a autorisé à continuer de fumer des bédos. C’te le plus beau jour d’ma life, wesh ! J’la kiff grave cette psy ! La meilleure qu’j’ai jamais eu !

Sa voix est aigue et forte. Je ne comprends pas ce qu’il dit. Lorsqu’il parle, ses lèvres sont étirées. Je vois ses dents.

– Un peu de silence s’il vous plaît. Et maintenant Liam ton dernier souvenir triste.

– C’tait hier, quand mon doc m’dit qu’ils vont couper ma jambe. J’suis trop deg, wesh. J’la kiff sa mère ma jambe, elle est grave utile, mais j’ai pas l’choix, mon cancer est dans ma jambe.

Cette fois sa voix est plus grave, plus faible et plus lente. Liam a les bras le long du corps. Ses yeux sont comme voilés. Le responsable de l’assemblée le remercie. Il passe ensuite à une autre personne.

J’écoute et j’observe les personnes prendre la parole. Lorsque l’homme demande un « souvenir triste », leur voix change. Une fille a les joues mouillées et les yeux rouges. Quelqu’un à côté d’elle lui tend un mouchoir. Elle le prend des deux mains. Elle le porte à son nez.

– Manon, c’est à ton tour. Quel est ton dernier souvenir joyeux et triste ?

Mes yeux regardent le sol. Je sais qu’il me parle. Mais je ne réponds pas. Je ne le regarde pas.

– Il n’y a pas de honte à nous les partager, vas-y.

Ma mâchoire se contracte. Mes doigts se referment de nouveau en poing. Ma respiration et mes battements de cœur deviennent plus rapides et forts. Je ne comprends pas ce qui se passe. Je relève la tête. Ils me regardent tous. Ils attendent tous. Je ne sais pas quoi faire. Je ne comprends pas la question qu’il pose à chaque personne. Je ne comprends pas les mots qu’il emploie. Que dois-je faire ? Je cherche. Charlie m’a-t-elle déjà expliqué ce que veulent dire les mots « heureux » et « triste » ? Je ne sais pas. Ma mémoire est vide. Mes doigts se contractent un peu plus. Mon cœur bat trop vite. Est-ce que je respire ?

– Manon, tout le monde joue le jeu. Allez fait un effort.

Je vois mes jambes trembler. Mes chaussures frappent le sol. Quelque chose grossit dans ma poitrine. Une boule se forme dans ma gorge. Ma vision devient floue. Je ne sais plus où je suis. Je ne sais pas ce que je dois faire.

– Très bien…

L’homme soupire.

– Victoria, à ton tour.


Texte publié par Aihle S. Baye, 26 décembre 2022 à 13h37
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