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tome 1, Chapitre 13 « Combat » tome 1, Chapitre 13

La moniale acquiesça, regardant le nuage de poussière qui s'approchait. Sur un signe, Etaile colla son cheval au sien et agrippa fermement d'une main son col doublé. Solidement maintenue sur sa selle, Pélane ferma les yeux et commença ses incantations, les mains face au sol. Argon regardait la bête se rapprocher. Soudain, un mur jaillit du sol juste devant elle. Il vola en éclat presque instantanément. Pélane grimaça et prit une grande inspiration. Un second mur de terre jaillit, suivi d'un troisième juste derrière. Argon vit distinctement les six pattes et le cuir blanc du colosse avant l'impact. Il ressortit en roulant sur lui-même, et reprit sa course, à peine sonné. La bête devait faire plus de 10 mètres au garrot. Un corps massif, une tête large précédée d'une corne immense. Un hurl. Argon pensait n'en avoir jamais vu de si grand.

Pélane continua à dresser des murs, mais ils étaient de moins en moins haut. De grosses gouttes de sueurs couvraient son visage, et ses mains tremblaient. Le promontoire rocheux était encore loin. Argon prit une inspiration, saisit son pendentif à pleine main, sans ralentir sa course son destrier déplia deux grandes ailes et s'envola aussitôt. Il vira vers le hurl. Argon dégaina son épée, et fit plonger sa monture vers le colosse. Passant au plus près de la corne, plus longue que le cheval, le guerrier se pencha et asséna un coup terrible dans l'œil gauche de la créature. Le sang éclaboussa son cuir blanc en une longue traînée. L'animal fit une embardée, ralentit, puis reprit sa course vers le convoi. Argon revenait déjà sur lui, mais un brusque saut lui fit manquer le second œil. Pas deux fois dans le même sillon. Il le harcela, traçant des rigoles sanglantes sur les flancs, le dos, sans que cela ne freine sa course. Le chariot n'était plus qu'à une centaine de pas. Argon fit piquer son destrier sur la sommet de la tête de l'animal. A quelques mètres, il sauta, l'épée en avant. Tout son poids, sa fureur, la vitesse de sa chute frappèrent à la pointe de la lourde lame l'arrière du crane. L'acier s'enfonça de toute sa longueur dans la cervelle qui jaillit sur le guerrier tandis qu'il pivotait pour amortir sa chute. Il se reçut sur les deux pieds, et malgré son souffle coupé entreprit de labourer l'intérieur du crane. La bête rugit sous l'impact, manqua quelques pas, puis immédiatement reprit sa course à six pattes. Le martèlement du sol parvenait à Argon tant par ses oreilles que par ses pieds et ses mains serrées sur la garde de l'épée. Les vibrations emplissaient tout son corps. Considérant le peu d'effet de son attaque, il dégagea sa lame et entreprit de taillader le cou puissant sous ses pieds. Le hurl fit une embardée qui déséquilibra Argon, sans qu'il puisse se retenir. Il tomba au sol, roula dans la poussière. Il se releva, son destrier arrivait déjà. Juste avant que le hurl ne défonce le chariot, le sol se souleva sous l'animal, qui, emporté par sa course, passa au dessus et roula sur lui-même. Pélane avait réussi son coup. Il chargea à nouveau, dorénavant plus rouge que blanc. Argon avait enfourché son cheval, et volait à sa rencontre. Il vit distinctement Pélane couchée sur l'encolure de sa monture, dont la bride était tenue par Etaile. Longine avait pris la tête du convoi, trouvant dans la peur ce qu'il lui manquait en équitation. Le hurl se rapprochait. Par trois fois des traits de feu frappèrent sa masse sans effet notable. Quand l'immense corne dépassa le chariot, elle le renversa comme un fétu de paille, embrochant au passage les deux chevaux. Le hurl s'arrêta et piétina ce qui tomba sous ses pattes. Argon était trop loin pour distinguer les victimes. Seule certitude, les trois cavaliers continuaient leur route à bride abattue. Soudain, Erwin fut là, planant au dessus du massacre. Les lames sur son visage brillaient comme le soleil. La colère déformait ses traits. Le hurl leva la tête, hoqueta comme s'il avait été frappé, recula d'un pas, agitant sa corne. Il ne restait rien du chariot, tout avait été aplati. L'animal rugit et recula encore. Erwin joignit les mains. Trois traits de feu s'écrasèrent sur le poitrail du colosse, et ce fut comme si tout son corps s'embrasait. Sa peau noircit, il se roula à terre. Ses cris emplissaient la plaine entière de souffrance, sa peau cloquait, et l'odeur atroce frappa Argon. Le hurl agonisait déjà, sur le flanc, sa cervelle se répandant par la blessure. Argon se posa, cherchant les survivants. Erza se tenait assise, les bras autour des jambes, en plein milieu des débris. Une planche brisée avait déchiré son flanc et y était encore planté, sans qu'elle en soit consciente. A côté d'elle, le torse de son frère gisait, éventré, coupé en biais au niveau du ventre. Sous l'un des chevaux transpercés, Argon vit le cadavre d'Ygritte, serrant encore les rênes dans ses poings crispés. Son mari avait été projeté à plus de dix mètres. Argon mit genoux à terre pour l'examiner, l'homme n'avait plus longtemps à vivre. Il glissa péniblement la main dans sa chemise, en retira un parchemin plié qu'il tendit à Argon, le regard suppliant.

— Pour Erza, dit le guerrier.

L'homme acquiesça, et mourut en lui tenant la main. Argon se redressa au moment où Erwin se posait, l'air défait. Il regarda les cadavres, croisa le regard d'Argon qui lui dit :

— Tant de morts. Fichu monstre, fichu manque de chance.

— La chance n'y est pour rien. Dans ma vision-songe, j'ai vu une silhouette chevaucher la bête. Elle était contrôlée. Et pas là par hasard. C'était une attaque, et pas celle de simple brigands. Allons nous mettre à l'abri.

Il prit Erza par les épaules, la força à se lever. Elle se laissa emmener. Ils montèrent sur le cheval d'Erwin et partirent rapidement vers le roc, suivis d'Argon. Ils rejoignirent les moines. Erwin guida le groupe vers la grotte qu'il avait repéré, où ils rentrèrent avec leurs montures. Ils se regardaient, six corps épuisés par la course et le combat. Etaile guettait les mouvements dans la plaine, redevenue tranquille. Longine restait debout, muet et sombre. Argon tomba plus qu'il ne s'assit par terre, maintenant que l'énergie du combat le quittait. La douleur, les articulations écrasées, les muscles meurtris, les déchirures dans sa chair le frappèrent d'un coup. Pélane était épuisée, appuyée contre la paroi rocheuse. Erza n'avait pas dit un mot, même quand Erwin avait retiré la planche de sa plaie avant de la bander. Ils tinrent conseil.


Texte publié par cedricg, 25 juillet 2014 à 18h51
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