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tome 1, Prologue « Eveil calme » tome 1, Prologue

Encore ce rêve…

― Eh oh !!!! Tu dors?

Une voix aiguë et le ton visiblement excédé de sa propriétaire tirèrent Raphaël de sa léthargie, lui arrachant un sursaut.

― Oui ? Qui me parle ? fit-il d’un ton nonchalant, dissimulant difficilement un bâillement.

La jeune fille en question lui fournit sa réponse en le frappant sur la tête avec un livre d’histoire.

Il daigna lever les yeux et observer ironiquement son amie.

Son regard bleu, habituellement pétillant de malice, brillait de rage à l’instant. Ses nattes noires semblaient électrisées de colère, ses pommettes teintées d’une légère rougeur, et ses lèvres serrées en une fine ligne, signifiant son agacement.

Un parfait personnage de dessins animés Tex Avery…

― X’cuse, Lyra, j’ai mal dormi cette nuit et mon cerveau déconnecte.

― Pas seulement quand t’as mal dormi, Raph’.

Il se renfrogna, détestant ce surnom ridicule dont elle l’affublait et le ton sec qu’elle avait employé : il croisa ses bras théâtralement sur la table, une moue désapprobatrice naissant sur son visage.

Lyra se rassit sur sa chaise et exhala doucement, cherchant à gérer son énervement, son nez et sa bouche reposant sur ses deux mains jointes, telles une prière.

Ses yeux se dirigèrent vers son coéquipier, l’observant silencieusement. Les signes d’agacement commençaient à se dissiper, ses bras se décroisant et ses doigts cessant de triturer les manches de son sweat à capuche. Même ses yeux s’étaient adoucis, le vert tendre de ses pupilles retrouvant leur clarté.

Autour d’eux, le brouhaha constant des différents groupes saturait l’air dans le CDI, réservé chaque mardi pour leur option « Humanités, littérature et philosophie”. Le va-et-vient de leurs camarades entre les rayonnages et les rires de ceux traînant sur Internet à la recherche des derniers memes rythmaient la séance, leurs professeurs circulant régulièrement entre les groupes pour apporter leur aide ou veiller à ce que le fond sonore ne soit pas trop bruyant. Ce dossier comptait dans leur moyenne, et ils avaient eu une grande liberté dans le choix du sujet… C’était une bonne note assurée, et Lyra ne comptait pas passer à côté.

― Il faut qu’on arrive à avancer sur ce projet d’une manière ou d’une autre, dit-elle à voix basse, espérant lui montrer sa volonté d’apaisement.

Il hocha silencieusement la tête, saisissant son sac pour en sortir une trousse ayant vu des jours meilleurs et son bloc-notes.

Elle se leva pour s’installer plus près de lui, ouvrant ses livres et sa pochette.

― Bon…. On a déjà des documents sur les fabliaux et les fables au Moyen Age, sur les légendes celtiques, sur les récits utopistes du XVIIIème siècle, sur les romantiques du XIXème….

― Moi j’ai bossé sur tout le vingtième et les auteurs de fantasy.

Il lui tendit un paquet de feuilles écornées, mêlant photocopies et feuilles manuscrites.

Elle laissa échapper un sifflement d’admiration, auquel il répondit par un haussement des sourcils et un clin d’œil.

Ils échangèrent un regard complice, alors que Lyra retroussa les manches de sa blouse

Ils passèrent la première heure à lire et relire leurs documents, sous l’œil étonné de leurs professeurs d’histoire et de français.

― Eh bien, c’est une limace d’habitude, mais regardez comment il se motive, chuchota l’enseignante de lettres, alors qu’ils approchaient de la table des deux adolescents pour faire un point sur leur avancée.

Le professeur d’histoire approuva d’un hochement de tête : il appréciait particulièrement Raphaël, son air un peu nonchalant, et l’ardeur soudaine qu’il pouvait mettre dans les choses quand il le voulait. Cet élève avait un potentiel énorme, mais semblait toujours dans son propre monde, ses yeux reflétant la richesse de son monde intérieur. Les deux enseignants observaient les deux élèves de loin, le regard amusé par l’intense débat dans lequel ils étaient engagés.

― Bon, d’abord, une partie sur les textes concernant les légendes et les mythes, de l’Antiquité au Moyen Age.

Raphaël tapota son bloc-notes avec son stylo, l’air pensif : la proposition de Lyra ne le satisfaisait pas totalement.

― Mouais….Je pense qu’on peut l’étendre à la Renaissance…

― Non, cette période marque une coupure dans l’imaginaire et la littérature ! On peut pas l’incorporer comme ça, ça serait pas logique. Il faudrait mieux faire une partie sur la période moderne en général, et enfin, une sur le XIXème et le XXème…, proposa Lyra.

Le jeune homme se releva et lui répondit avec agitation.

― Là, ça va pas non plus ! Le XXème marque un renouveau du genre, alors que pendant le XIXème, les courants réalistes ont totalement délaissé ce genre d’écrits.

Ils relevèrent la tête simultanément la tête, leur regard tombant sur les deux adultes qui avaient du mal à garder leur sérieux.

― M’sieur, M’dame, vous pouvez nous donner votre avis ? demanda Lyra, en proie à un grand mal de crâne.

― Ne cherchez pas à faire trop compliqué, vous n’êtes qu’en première, pas en train de préparer une thèse... Néanmoins, ça fait plaisir de vous voir si investis !, s’exclama l’enseignant d’histoire, son sourire toujours vissé aux lèvres.

Sa collègue renchérit de plus belle.

― Effectivement, on sent votre passion pour le sujet ! Je pense personnellement que vous devriez réunir l’époque moderne et le XIXème siècle. Il y a bien sûr des nuances entre ces deux périodes que vous devrez préciser. En tout cas d’une manière générale, bien que ce genre de littérature subsiste, elle perd beaucoup de son importance quand on la compare au Moyen Age et au XXème siècle.

Le professeur d’histoire marqua son approbation en hochant la tête, mais la manière dont il triturait laissait penser à Raphaël que quelque chose ne lui convenait pas.

― Vous semblez avoir oublié les fables de La Fontaine et les contes de Perrault... Ils ont une grande importance au XVIIème et XVIIIème en pleine période moralisatrice. Ils marquent aussi le fait que le divertissement sert les manières de penser, la religion, etc.…

Le visage de Raphaël s’illumina, sa masse sauvage de cheveux châtains bougeant au rythme de ses hochements de tête alors qu’il prenait des notes.

― Merci Monsieur !! Je les avais totalement zappé... C’est chaud de s’y retrouver...

― C’est ça d’avoir trop de documents. Il faut savoir trier. Allez, au travail !

Alors que le professeur continuait son tour de classe, ils se replongèrent avec délice dans ce sujet qu’ils aimaient tant, en compagnie des fées, des dieux, des animaux parlants et de créatures fantastiques.

A la sortie des cours, Lyra et Raphaël coururent pour prendre leur bus à temps, dévalant la pente qui séparait l’entrée du lycée et l’arrêt de bus en contrebas.

Lyra respirait bruyamment, essayant de récupérer son souffle, alors qu’ils s’installaient côte à côte dans le bus. Raphaël se laissa tomber lourdement sur son siège, et poussa un soupir de contentement.

― Je pensais pas que ça serait si passionnant cette option !

― T’es vraiment zarbe dans ton genre. Si tu mettais un dixième de ton enthousiasme pour cette matière dans le reste, t’aurais des résultats brillants…

Il haussa les épaules avec désinvolture, ce qui entraîna la réaction en chaîne habituelle, à savoir un regard noir de son amie accompagné d’un coup de coude.

― Oui m’man ! dit Raphaël en haussant les yeux au ciel.

Cette réplique lui valu une tape sur la tête supplémentaire, arrachant un cri de surprise au jeune homme.

Lyra leva les yeux au ciel, un long soupir s’échappant de ses lèvres.

― Pardon de m’inquiéter, mais tu passes ton temps à rêvasser, à t’endormir en classe, t’es pâle comme un cadavre…

A mesure qu’elle comptait les raisons qu’elle avait de s’inquiéter sur les doigts de sa main, Raphaël sentit le besoin de la rassurer. Après tout, son esprit était bien tracassé par quelque chose ces derniers temps, et visiblement, il n’arrivait pas à le cacher.

Il interrompit son amie dans son infinie énumération, et lui fit signe de se rapprocher en portant son index sur les lèvres.

Sur le ton de la confidence, il chuchota :

― Bon, j’avoue que c’est vrai que je suis assez fatigué en ce moment. Je sais pas pourquoi, mais je fais un rêve bizarre…

― Hin hin… Les hormones qui démangent ?

Cette fois-ci, c’est Raphaël qui lui frappa l’épaule, ses joues tournant pivoine.

― Chuuuut ! siffla-t-il entre ses dents serrées, ses yeux cherchant frénétiquement autour de lui si quelqu’un avait entendu leur échange.

Il lui refit signe de se taire, et Lyra comprit qu’il n’était pas rentré dans son délire pour une fois. Il était rare de le voir avec le visage aussi fermé et l’air aussi grave.

― Déconne pas, c’est sérieux… J’fais le même rêve depuis deux semaines, chaque nuit, alors que j’me souviens jamais de mes rêves habituellement. C’est un rêve hyper space en plus…

Lyra était cette fois-ci prête à recueillir ses confidences, quand son arrêt arriva en vue. Un claquement de langue et un grognement déçu ponctuèrent chacun de ses mouvements alors qu’elle se levait pour sortir du bus.

― Tu me raconteras ça demain… et essaie de dormir un peu cette nuit, on a DS de maths.

Elle lui ébouriffa gentiment ses cheveux avant de lui faire une petite pichenette sur le front, alors qu’il se remettait à peine de son attaque mortelle, menée avec l’ennemi héréditaire de Raphaël, les maths.

Il lui fit signe à travers la vitre jusqu’à ce qu’il ne la vit plus, étouffant la frustration naissante de ne pas avoir pu déballer son sac à quelqu’un de confiance.

Une fois arrivé à destination, il entreprit malgré tout même de se préparer pour son évaluation du lendemain, après avoir repris des forces sous la forme d’une bonne douche chaude et d’une pizza surgelée engloutie en une demie-heure.

Sa mère lui avait laissé un congélateur et un frigo remplis à ras-bord, ce dernier étant constellé de post-its avec des instructions pour utiliser le four ou le lave-linge.

Il savait qu’elle était inquiète pour lui.

Il savait qu’elle faisait cela pour son bien, mais le manque de confiance lui pesait des fois. Elle l’avait élevé seule, certes, mais il avait presque 17 ans, et il allait être amené à vivre seul d’ici peu. Il avait pris cette période où il serait seul à la maison comme un moyen de faire ses preuves, et c’est regonflé d’énergie qu’il s’attela à ses révisions en entrant dans sa chambre.

Il jeta un œil mi amusé mi désespéré sur son domaine…

Des livres en tout genre tapissaient les murs de sa chambre, dont les seuls blancs étaient comblés par des images de ses personnages de jeux vidéo favoris, et des posters du Seigneur des Anneaux.

Un coin était aménagé spécialement pour son cher ordinateur, dans un état épouvantable : CD de vieux jeux en vrac sur le bureau, feuilles volantes et cadavres de paquets de biscuits ayant brillamment combattu contre sa faim…

Le sol n’avait rien à envier au coin informatique. Il était recouvert de livres, de feuilles de cours, de dessins, de bouteilles en plastique vides. Et enfin, le sanctuaire ultime, le meuble en face de son capharnaüm de lit, qui accueillait, telles des reliques, une petite télévision et deux consoles de jeux vidéo, avec un bon nombre de jeux soigneusement rangés.

Plus tard le rangement…

Bon, ça fait deux siècles que je me dis ça, mais là, j’ai plus important à faire.

Après une heure passée sur ses maudites feuilles remplies de formules et de symboles qu’il avait du mal à imprimer, il rangea ses cours dans son trieur, jetant ce dernier sur le sol de sa chambre. Les signes avant-coureurs de la migraine avaient fini de le persuader de s’arrêter là pour la soirée, une autre activité bien plus intéressante lui faisant de l’œil depuis son entrée dans sa chambre.

― Allons retrouver Lyra…

Il se saisit d’un volume sur sa table de chevet, et l’ouvrit rapidement, les yeux pétillants de gourmandise.

Il s’était plongé dans Les Royaumes du Nord, de Philip Pullman. Lui qui se disait fan de fantasy et de récits de ce genre n’avait jamais entendu parler de cette trilogie. A son grand regret d’ailleurs. Commencé le matin même, il en était déjà à la moitié du volume !

De plus, la présence d’un personnage ayant le même prénom que sa meilleure amie le faisait bien rire. Il imaginait mal la jeune fille, assez réservée et travailleuse, sortir du lycée et faire l’école buissonnière, pour se retrouver dans un voyage des plus périlleux.

Je crois que son daemon à elle serait un sublime petit toutou.

Quant au mien, ça serait sans doute un paresseux, du moins, c’est ce qu’elle me dirait.

La fatigue commençait à lui piquer les yeux après deux chapitres engloutis, et son oreiller l’appelait irrésistiblement.

―Bon, je crois que ça va être tout pour aujourd’hui… Et puis demain, je dois combattre les maléfiques Maths...

Il reposa son livre et éteignit la lumière avant de sombrer dans un chaud sommeil.

― Raphaël…

― Hein ? 

― Raphaël…

― Qui est là ? Encore toi ???

― Oui…moi, Siria... Viens à… je t’en prie…

Le jeune homme se retrouvait projeté dans un espace étrange, aux contours flous mais familiers à la fois. Des paysages se succédaient à toute vitesse, des paysages qu’il connaissait sans reconnaître. Il ne distinguait à chaque fois qu’une sorte de forêt dense, et une silhouette diaphane, doucement lumineuse.

― Qu’est-ce que vous me voulez ? demanda-t-il, la voix tremblante.

― Je t’appelle… Toi qui porte la lumière, toi qui porte le nom d’un ange… Toi qui sauvera mon monde...

―Moi ?? Vous déconnez là !!

―La ré…. Vien...… J’en…..elle…. toi… 


Texte publié par Mimisao, 19 avril 2022 à 00h10
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