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saison 1, Chapitre 4 « Confusion - Part I » saison 1, Chapitre 4

Remettant les objets à leur place initiale, il rejoignit sa sœur dans le salon pour s'avachir à ses côtés.

L'air de rien, il observait sa jumelle, concentré – encore à trouver le physique parfait pour son personnage, mais comme d'habitude, elle finissait par choisir d'incarner un quelconque anthropomorphe et de le faire jouer dans la classe des paladins. Bingo. Il devrait parier plus souvent.

De nouveau, il jeta un nouveau coup d'œil vers Eliah, la scrutant plus minutieusement. Le teint de sa peau grisâtre et ses cernes brunâtres trahissaient ses nuits d'insomnies, laissant apparaître quelques boutons par-ci, par-là.

Son échange avec Jessy ne cessait de tourner en boucle dans son esprit. Difficile de prendre sur lui plus longtemps, il l'interrogea.

– Au magasin, tu m'as dit que tes cauchemars ont repris en mon absence...Toujours les mêmes rêves ?

Une question des plus innocentes, pensa-t-il.

Si la jumelle ne répondit pas, trop absorbée par son jeu, le jeune homme savait pertinemment qu'elle l'avait clairement entendu. Ses petites mimiques invisibles à l'œil nu, sauf pour lui, la trahissaient. La tête timidement penchée vers son interlocuteur comme pour déloger le parasite venant d'entrer dans ses oreilles, se remettant aussitôt à sa place initiale ; arborant un regard inexpressif, feintant la concentration : Eliah cherchait à esquiver la conversation par tous les moyens.

Inséparables depuis leur naissance, malgré certains différends, ils ont toujours pu compter l'un sur l'autre jusqu'à aujourd'hui. Conscient qu'au fil du temps, ils grandissaient et évoluaient sur des voies différentes, finissant par vivre leur vie chacun de leur côté, il espérait au fond de lui que leur complicité resterait intacte et que l'un comme l'autre, ils répondraient toujours présents en cas de problème.

Esquissant un petit sourire pour masquer sa surprise et surtout sa contrariété, voilà que pour la première fois, elle refusait de se confier à lui. Lui. Son frère. Son jumeau. Son alter ego !

Son seul et unique confident, c'était lui - personne d'autre.

À tort ou à raison, voilà qu'une vague d'inquiétude s'empara d'Eziel, allant jusqu'à contracter son estomac. Anxieux de nature, il tenta de se persuader qu'il dramatisait pour pas grand-chose. Ce n'est pas un refus, qui allait changer la nature de leur relation, cela étant, il restait convaincu que quelque chose se tramait, mais quoi ?

Aussi loin qu'il s'en souvienne, Eliah était en proie aux parasomnies, s'atténuant durant leur année collège pour quasiment disparaître à la fin du lycée. En y repensant, il ne savait pas ce qui avait pu réellement déclencher ça et aucun d'eux n'avait cherché les causes ou ne s'était vraiment posé la question sur les troubles de son sommeil – peut-être qu'il était temps de questionner leur parent...

– Quand sont tes prochaines vacances ? la questionna-t-il.

– Pas avant Mars.

Bizarrement, il obtenait une réponse.

Impossible pour lui de ne pas l'observer, les sourcils froncés, lui conférant un air accusateur sur le visage.

– Comme Maman et Papa. Ça serait bien qu'on passe les voir, ça fait longtemps qu'on n'a pas passé un vrai moment en famille.

– Hmm ouais, répondit Eliah – prête à écraser la manette dans ses délicates petites mains. Non pas parce que son frère lui parlait ou qu'il mentionnait leur parent, mais parce qu'elle se trouvait déjà bloquer sur une des quêtes principales.

Sentant des vibrations à l'intérieur de la poche de son pantalon, Eziel dégaina son portable et vérifia rapidement l'expéditeur – ou plutôt « les » - glissant brièvement son pouce sur chacune des notifications, Jessy et Léandre le quémandaient pour jouer ce soir. Dépité, le blond préféra ignorer et se focaliser sur sa principale préoccupation. Peut-être devait-il se montrer plus subtil pour lui tirer les vers du nez. Comment ? Il n'a jamais eu de difficulté à lui faire cracher le morceau, il n'en avait jamais eu besoin.

De plus en plus oppressée par l'attention que son jumeau lui portait, Eliah finit par mettre en pause sa partie pour le confronter.

– Qu'est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle – passablement irritée.

– Je te retourne la question, rétorqua-t-il calmement.

Tous deux restèrent silencieux, se jaugeant l'un et l'autre droit dans les yeux, laissant patiemment les seconds défilés, jusqu'à ce que l'un des deux craques. Cependant, le temps paraissait interminable, mais ils tenaient bon – jusqu'au moment où la sœur ferma les yeux, expirant bruyamment. Se grattant le crâne, elle accepta de lâcher quelques mots :

– Je te l'ai déjà dit, je ne voulais pas t'inquiéter pour si peu.

– Et donc, tu préfères m'ignorer et acheter des conneries.

– Ce ne sont pas des conneries, c'est pour m'aider à lutter contre les cauchemars, répliqua-t-elle. Ce n'est pas comme si je continuais à me bourrer de cachet ...

– Encore heureux, invectiva aussitôt Eziel.

Il se pinça et se frotta l'arête du nez, examinant soigneusement les réponses proférées par sa sœur. Pourquoi tenait-elle tant à esquiver le sujet ? Il nota son tout premier mensonge, toutefois, pouvait-il réellement faire confiance à Jessy ? Il craignait le pire.

Il reprit :

– Tu ne trouves pas bizarre qu'encore aujourd'hui, tu aies des problèmes ? Tu ne penses pas que la source de tes maux serait due à un événement ?

– De quoi tu parles ?

– Et bien... Le frère grogna. Et bien, j'avais déjà fait quelques recherches de mon côté, il y a un certain temps. Toujours les mêmes cauchemars et quand même récurrents, ce qui pourrait être dû à un choc, à un traumatise...

– Un traumatisme, répéta-t-elle – un brin moqueur.

– Je sais ce que tu penses, mais voir un psy n'est pas une fatalité.

« Au contraire même » murmura-t-il, se remémorant rapidement ses séances au lycée.

– Il doit bien y avoir une cause de tout ceci. Ça dure depuis bien trop longtemps pour être anodin. Voyant sa sœur dubitative, il argua, je suis sérieux. Pose-toi les bonnes questions. N'y aurait-il pas un souvenir d'enfance que tu aurais volontairement refoulé, sans m'en parler, ni même aux parents ?

Cette question troubla davantage Eliah.

Son esprit à nouveau submergé par une brume, la poursuivant imperceptiblement depuis des années, s'étendant de jour en jour, continuait à l'étreindre. Comme si une ellipse temporelle s'était suavement glissée au cours de l'histoire...

Tout de même forcée de s'avouer que quelque chose clochait, elle persistait à tout intérioriser. Peut-être par honte ou par crainte de blesser quelqu'un ?

– Je ne sais pas. Effectivement, il m'arrive peut-être d'avoir un trou de mémoire, finit-elle par avouer – la gorge sèche. Mais quel rapport avec mes cauchemars ?!

– Qu'est-ce que j'en sais, je ne suis pas spécialiste !

Surveillant l'un et l'autre les expressions de chacun, Eziel soupira, quelque peu soulager et pris sa sœur dans les bras.

– Tu n'es pas en colère ? L'interrogea-t-elle d'une voix chevrotante.

– En colère de quoi ? Je n'aime juste pas l'idée de te savoir mal. Or, ce n'est pas en me cachant des choses, que je vais ne pas me faire du souci. Idiote.

– Idiot, objecta cette dernière – se dégageant de l'étreinte de son jumeau. On peut s'arrêter là pour ce soir ? J'aimerais aller me coucher.

L'ainé hocha la tête.

– Ouais, pareil. J'ai encore du travail qui m'attend pour demain.

Fermant immédiatement la porte de celle-ci, une fois à l'intérieur, il se colla contre balayant un bref instant la pièce et du regard, lâchant un long soupir presque décourager, puis se laissa traîner jusqu'à son bureau. Ses habitudes ne changeant pas, il alluma sa tour et la lampe, pour éteindre la lumière principale. Appuyant sur le bouton, l'écran de l'ordinateur s'éclairant la seconde d'après, il s'installa confortablement sur l'assise. Vérifiant d'abord ses courriels, il se connecta ensuite sur une application de messagerie instantanée. Les messages non lus étaient destinés à des discussions de groupes dans différents fils de discussions, cependant, il ne prit pas le temps de modifier son statut, n'étant vraiment pas d'humeur à jouer.

Nonchalamment, il se balada sur les réseaux sociaux. Coverpage, rien de nouveau sous le soleil, si ce n'est que leur parent est encore en déplacement ; Chirping, que des pleurnicheurs, si ce n'est des personnes nocives créant la cohorte sur la page d'accueil - si tu ne choisis pas consciencieusement tes abonnements ; Spotlight, Héléna n'a pas hésité à publier toutes les photos de leur sortie. Défilant, sur son profil, il s'arrêta net sur une photo d'Aoi mangeant une tartelette aux pommes : gloutonne, mais mignonne, pensa-t-il l'air béat.

Le cœur d'Eziel battait la chamade, engendrant le chaos à l'intérieur de sa cage thoracique jusqu'à réchauffer les pommettes blanches de son visage.

Il n'était même pas amoureux d'elle. Le soupirant la trouvait, certes, très attirante, mais la connaissait peu - pas faute d'avoir tenté une approche. Une approche des plus foireuses, l'alcool n'étant pas un allié sur lequel on pouvait compter. Enfin, heureusement pour lui et surtout pour elle, il n'eut aucun mot ou geste déplacé... C'était un simple pleurnichard. Encore maintenant, il éprouvait une certaine honte de s'être montré ainsi en spectacle.

Figé depuis de sempiternelles secondes, alpaguées – comme toujours –par le moindre détail qui le rongeait, son cerveau rejouait toute la scène, la seconde d'après son esprit retourna en long, en large et en travers tous les moments mouvementés et discontinus de son infime existence : voilà qu'il approchait la vingtaine, sans jamais rien avoir accompli, seulement bon à se faire malmener par les aléas de la vie –concluant qu'il était les maux de tous les problèmes.

Fragile, voilà ce qui l'était.

Tous les choix faits jusqu'à aujourd'hui n'étaient pas aussi bénéfiques.

Avant de se plonger dans la spirale infernale, Eziel secoua la tête, et se déconnecta de partout, éteignant la machine.

Sur son lit, il se pencha au bord de celui-ci, cherchant à l'aveugle le livre caché plutôt ce matin. Il poussa un grognement et rampa un peu plus près du sol, heurtant sa tête contre celui-ci. Grommelant de nouveau, il se laissa tomber par terre, tendant son bras pour attraper ce maudit bouquin qu'il avait balancé plus loin qu'il ne le pensait. Sauf, qu'il n'y avait rien.

À quatre pattes, la joue gauche sur la moquette, il regarda sous le lit. Rien. Le désert total.

« Étrange... »

Debout, le blond fouilla dans sa table de nuit, les tiroirs de son bureau.

Rien.

Statique, tête légèrement inclinée vers le bas, caressant de son pouce et de son index le pourtour de son menton imberbe, il se tritura la cervelle : « De quoi ça parlait déjà ? ». Ne se rappelant même pas des premiers chapitres, il supposa que tout cela était le fruit de son imagination après avoir rêvé. La sensation de l'avoir eu entre les mains lui semblait pourtant bien réelle. Cependant, trop épuisé pour réfléchir convenablement, il décida de se mettre au fond de son lit, se protégeant du monde extérieur.

Dans les ténèbres, étendu sur le dos, ses yeux fixaient le plafond, désamorçant les conflits du mieux qu'il pouvait.

Néanmoins, malgré les paupières lourdes, une pensée obstruait la route qui le conduisait chez Morphée.

« Un trou de mémoire ». Il imageait et entendait parfaitement le désarroi de sa jumelle. Pourquoi être aussi ébranlée ? Comme disait l'adage : avec le temps, vint l'oubli. Que pouvait-il y avoir de bien grave, pour se faire un sang d'encre ?

Les paupières d'Eziel se fermaient doucement.

Reconsidérant la question, lui aussi, ne se souvenait pas de tout. Peut-être que lui aussi avait oublié. Oublié quoi ? Contrairement à sa sœur, il n'était pas sujet aux parasomnies. Ses parents devaient sûrement connaître les raisons.

Demain, il leur enverrait un message...

Sa respiration devint plus lente, permettant au cerveau d'Eziel d'enclencher le bouton off. Quelques minutes après, le jumeau tomba dans un profond sommeil.

*****

Les chants rauques et gutturaux au milieu d'une douce nuit éclairé par une demi-lune ancré dans le ciel étoilé attiraient l'attention d'Eziel. Piétinant délicatement l'herbe, à travers les feuillages et ramures, il avança à l'aveugle, tâtonnant de temps à autre la frondaison nuancée de verts, dégageant une délicate fragrance.

Combien de temps vagabondait-il dans cet enchevêtrement ?

Poursuivant son chemin, les coassements se distinguaient de mieux en mieux, permettant au blond de prendre la bonne voie.

Quasiment arrivé à destination, il se baissa pour pouvoir passer sous une charmille menant à la source.

Devant lui s'offrait un magnifique décor, éclairé par les organes bioluminescents d'une flopée de lucioles prostrées pour la plupart sur les troncs.

Dissimulée dans une sphère végétale et rocheuse, figurait une mare ornée de plantes aquatiques telles que des nénuphars aux larges feuilles arrondies et d'autres une forme allongée. Certaines de ces dernières étaient dotées de fleurs, ne possédaient pas des sépales protégeant son petit fruit, mais offrait deux épis ornés de pétales blancs, dessinant un Y.

S'accroupissant pour observer l'une d'elles de plus près, il voyait des petites taches pourpres enluminer cette jolie fleur.

Était-ce un parfum de vanille qui émanait d'elle ?

N'osant pas arracher la fleur à sa tige, il se pencha un peu plus pour renifler. L'odeur de la vanille provenait bel et bien de la plante, dérobant un air béat à son spectateur.

Les cris des grenouilles ramenaient Eziel sur Terre.

Se redressant, il admirait l'étendue d'eau. Il en comptait trois, peu éloigné l'une de l'autre, posé chacun sur une feuille. Si les nymphéales garnissaient une partie de nappe d'eau dormante, des lenticules et des petites fougères trouvaient leur place, laissant un peu d'espace pour entrevoir ce qui immergeait au fin fond de la mare : pierres, algues et quelques têtards.

Sans se soucier de quoi que ce soit, ne se posant même pas la question, Eziel s'introduisit dans la mare. L'eau était froide, mais supportable. Plus il avançait, plus son corps s'enfonçait, mais la surface s'arrêta à la hauteur du bassin.

Pendant un instant, il regardait ses petits amphibiens ne se risquant pas de les toucher, ne sachant pas si cela était par dégoût ou par peur de leur faire mal.

Finissant par atteindre le rocher en face sans trop de difficulté.

Pourvues de fissures, les pierres laissaient jaillir des plantes d'herbacés formants couvrant avec parcimonie la surface rocailleuse. Le blond découvrait de petites fleurs étoilées essentiellement teintées en blanc et parfois en rose.

Du bout des doigts, il effleurait quelques pétales, trouvant l'atmosphère très apaisante – au point, de se sentir en sécurité dans cette grotte végétale.

En chœur, les grenouilles coassèrent. Leur cri ne tardant pas à se transformer en un vagissement.

La quiétude qui régnait disparut aussitôt, laissant place à un sentiment d'effroi et sans sommation, il se retrouva pieds et poings liés, cerné par ce qui s'apparentait à une liane qui l'entraîna irrémédiablement au fond de l'eau.

Tel un ver de terre piqué par un hameçon, il gesticulait tant bien que mal. Plus il bougeait, Plus la tige resserrait son étreinte, oppressant sa cage thoracique. Ne touchant point le fond marin, un trou béant semblait s'être ouvert sous ses pieds. Dans une descente dans les enfers de l'abysse, l'asphyxie s'emparait progressivement de lui.

Lasse et lésé de se débattre, Eziel consentit au sort qui lui était destiné.


Texte publié par (In)Somnium, 18 mars 2022 à 06h42
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