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saison 1, Chapitre 2 « Ordinaire - Part I » saison 1, Chapitre 2

Les rayons du soleil traversaient le store de la chambre, frappant en plein visage du jeune homme qui n'avait aucune volonté de se réveiller. Eziel plissa fermement ses paupières, mais ne pouvant empêcher la lumière de s'infiltrer et n'ayant aucune volonté de se réveiller, il se retournait dans lit afin de se mettre dos à la fenêtre. Or dans ce même laps de temps, il se cogna contre un objet non détecté – ce n'était qu'un simple livre devant lequel il s'était assoupi dans la nuit.

Eziel lâcha un grognement et ouvrit les yeux, s'agrandissant au fur et à mesure, le temps de prendre pleinement conscience. Il prit une profonde inspiration pour ne pas hurler de si bon matin en voyant un énorme parasite, ronfler à ses côtés. Il se dépêcha d'attraper son livre pour le cacher sous son plumard, puis pinça l'oreille de la belle au bois dormant.

— Réveille-toi, sale parasite. Tu es dans mon lit !

Sa jumelle bougonna dans sa barbe, peinant à s'éveiller. Eziel n'hésita pas à employer les grands moyens : il l'a poussé sans vergogne hors du lit.

Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'une main jaillisse des profondeurs, s'agrippant au drap-housse. Remontant péniblement la pente, Eliah foudroya son frère d'un simple regard.

— Ce que tu peux être froid et sans pitié, pesta-t-elle.

— On n'a pas élevé les cochons ensemble, il me semble, brailla-t-il - même si...

— Bien sûr que si ! D'ailleurs, je suis sortie par le même trou que toi.

Faussement offusqué, Eziel ramassa le premier coussin et le balança, réussissant avec brio à éjecter la cible qui lui gâchait son existence.

Soudain, un bruit retentit à l'intérieur de la chambre – ce dernier provenait du portable d'Eziel annonçant qu'il était l'heure de se lever. Eliah reconnut les premières notes de musique. La sonnerie de son frère n'était autre que l'opening de son manga préféré. La jumelle offrit son plus beau sourire à son aîné.

Les jumeaux jetèrent de temps à autre des coups d'œil en direction de la sortie, tout en se jaugeant mutuellement. Ils aimaient se lancer des défis. Leur petit rituel était de savoir qui allait être de corvée. Pour aujourd'hui, la question était : qui des deux allait préparer le petit déjeuner. Et pour cela, ils devaient attendre patiemment la fin de la sonnerie pour pouvoir courir jusqu'à la salle de bain. En attendant, ils se rejoignirent sur la ligne de départ, qui se situait entre le bureau et le lit d'Eziel.

La tension était palpable, les jumeaux attendant impatiemment le gong – une fois celui-ci donné, Eziel ne tergiversa pas plus longtemps et poussa sa sœur de toutes ses forces pour l'envoyer valdinguer sur le lit, avec l'aide de son postérieur, puis se précipita à l'extérieur de la chambre.

Même s'il avait pris de l'avance, Eziel sprintait, jusqu'à en perdre haleine. Une fois la ligne d'arrivée franchie, il claqua aussitôt la porte derrière lui et s'enferma à double tour. S'il n'entendait pas sa sœur geindre, celle-ci se contenta de cogner contre la porte en signe de mécontentement.

— C'est le jeu, ma pauvre Lucette, la nargua-t-il – tirant la langue.

« Avec ce genre d'énergumène, il ne faut jamais baisser sa garde. » Pensa-t-il, fier de son exploit.

Eziel se dévêtit du peu qui lui restait, avant de se regarder dans le miroir.

De taille moyenne, il aurait souhaité être plus grand. Ni trop fin, ni trop épais, dont les épaules étaient aussi larges que son bassin, il rêvait parfois de ressembler à ces gars, à la silhouette taillé en V, dont la carrure était plus imposante que les autres morphologies. Sans aucun pet de graisse, agréable aux yeux de la gent féminine. Enfin, c'est ce que pensait férocement le garçon, alors que la réalité était toute autre.

Il était difficile pour le garçon de se détacher du standard masculin idéal. Un diktat qu'il s'imposait lui-même depuis son adolescence. Peut-être était-ce dû à son harcèlement à l'école ? Pourtant, ces personnes ne s'étaient jamais réellement moquées de son physique. Il lui arrivait parfois de se demander pourquoi il avait été le bouc émissaire. Quand ? Comment cela avait-il commencé ?

Alors que des pensées négatives s'insinuaient dans son esprit, il se faufila dans la douche, orientant le mitigeur vers lui. Il redressa la tête les yeux fermés. Il soupira d'aise, sentant chaque particule d'eau épouser sa peau. Il se mordilla la lèvre inférieure, s'obligeant à ne pas broyer du noir.

Même s'il parvenait à s'extraire de tout ceci, une question ne cessait de venir harceler son esprit vagabond : pourquoi ne parvenait-il pas à se souvenir d'une période si particulière de son enfance ? Peu importent les moyens employés pour faire ressurgir ses souvenirs, c'était le black-out total.

Sortant de la salle de bain, serviette enroulée autour du corps, Eziel traversa le couloir et s'arrêta à l'encadrement de la porte de la cuisine pour narguer sa sœur de corvée. Elle le toisa un bref instant, et esquissa un sourire moqueur, avant de détourner les yeux au moment propice. Le jumeau n'avait pas senti la présence de l'individu derrière lui, qui lui vola son linge. S'ensuivit une claque sur les fesses.

— Bah ça alors ! Mon coco, ton cul s'est vachement raffermi.

— Léandre ! Qu'est-ce que tu fou ici toi ?! Demanda Eziel - scandaliser.

— Ta grumelle m'a dit que tu étais rentrée et m'a gentiment invité à passer la journée avec vous.

Se couvrant du mieux les parties intimes, d'un simple geste de la main, il ordonna à ce qu'on lui rend la couverture. Il bougonna, maudissant son meilleur ami, qui lui emboîta le pas satisfait de sa connerie.

Devant l'armoire, Eziel abandonna toute pudeur pour s'habiller :

— Eliah ne m'a rien dit.

— Elle voulait te faire une petite surprise.

— Paie ta surprise, dit-il avec dédain afin de dissimuler son enthousiasme.

Deux mois en entreprise, à des kilomètres de chez lui, ne lui avaient pas permis de revenir pendant ses jours de congés. Il en avait profité pour faire des petites virées entre collègues, sans pour autant faire de nouvelles connaissances ou garder contact avec ses s conquêtes. Ce qu'il avait vécu là-bas lui semblait éphémère.

— Normalement, c'était une sortie entre filles, mais j'ai convaincu ta sœur de nous inclure dedans

— Hein ?

— Ouais... C'est le seul moyen pour faire sortir Jessy de sa grotte. Oh ! D'ailleurs, Aoi sera là, ajouta Léandre - suivi d'un petit clin d'œil.

À la prononciation de ce prénom, le cœur d'Eziel rata un battement. Il se pinça l'arête du nez. Du genre volatile – étrangement - avec Aoi il perdait tous ses moyens. Il n'avait jamais commis autant de maladresse que cette fameuse soirée. Tout ce qu'il espérait en ce moment même, c'est qu'elle avait complètement oublié cette histoire.

Eliah guettait les alentours. Si la jumelle ne trouvait pas ce qu'elle cherchait, cela arrangeait le frère. Ses mains, cachées dans les poches de sa veste, n'auront jamais été aussi moites. Il tapotait nerveusement du pied, priant qu'Aoi ait eu un empêchement de dernière minute. Pourtant, une partie de lui espérait à nouveau la revoir, pour contempler sa beauté.

« Eliaaaaah » entendait-on résonner à l'intérieur du centre commercial. La concernée, Léandre et Eziel se tournèrent vers cette voix aiguë. À quelques mètres, une brune au teint hâlé courut dans leur direction. Deux autres jeunes femmes emboîtèrent le pas, et parmi elles se trouvaient une femme plus petite, ne dépassant pas le mètre cinquante-cinq.

La jeune femme à la peau cuivrée possédait des yeux en amande, profondément noirs. Pour se démarquer de ses origines asiatiques, elle se teintait les cheveux avec un joli tie and dye. En ce moment, elle avait opté pour une couleur violine aux pointes, se fondant dans un bleu canard sur une bonne partie de la longueur. Cependant, elle gardait toujours une frange droite avec son carré plongeant, qui mettait en valeur son visage légèrement arrondi.

Eziel déglutit en la voyant arriver à leur hauteur. Aoi.

Il ne vit pas Jessy arriver à ses côtés – pas faute de pester à cause de ses lunettes embuées. Il s'aperçut seulement de sa présence quand Jehanne passa à travers son champ de vision pour prendre dans ses bras le jeune homme.

Jehanne était une femme d'apparence simple, mais était la plus excentrique des quatre. Enfin excentrique était un bien grand mot, elle restait une personne extravertie, dégourdie et très curieuse. Jessy et elle se connaissaient depuis leur tendre enfance et le considéraient un peu comme son frère – bien que ce dernier ne se montrait que très peu démonstratif à son égard. Il semblait même vouloir la fuir à tout bout de champ. Il grimaça de dégoût lorsque Jehanne l'embrassa sur la joue.

Eziel ne tarda pas à braquer de nouveau son regard vers Aoi. On ne pouvait deviner sa corpulence à travers les vêtements amples qu'elle portait aujourd'hui, mais Eziel savait parfaitement que derrière ses habits, se cachait une femme svelte, mais suffisamment musclée pour faire renverser aisément son adversaire. Depuis le collège, il n'avait quasiment loupé aucune de ses participations au concours de Kendo.

D'un naturel timide, Aoi se colla à Eliah quand elle sentit qu'on l'observait.

Effectivement de son point de vue, on pouvait remarquer un mec – un peu niais - la dévisager.

Eliah s'en aperçut et s'approcha de son frère pour plaquer ses mains sur les joues de ce dernier, gagnant ainsi toute son attention.

— Fermes la bouche, tu baves, sale pervers, lui dit-elle à voix basse.

La mâchoire crispée, Eziel piqua un fard, haïssant sa sœur dans ces moments fugaces.

La troupe pénétra dans un magasin extérieur du centre commercial. Artiste en herbe ou féru de lecture, tout le monde y trouvait son compte.

Certains s'attardèrent dans le premier rayon pour découvrir les dernières nouveautés, tandis que d'autres accélèrent le pas jusqu'au rayon musique.

Alors qu'il feuilletait un livre au hasard, Eziel entrevit - du coin de l'œil – Aoi disparaître, dans le rayon des vinyles.

– Tu devrais lui parler, tu sais.

Eziel tourna la tête en direction de Jessy, se trouvant de l'autre côté de la table où étaient disposées diverses œuvres. Il tentait de feindre l'ignorance.

– Si tu veux mon avis, elle attend que tu fasses le premier pas, mais sans être bourré.

– Ne dis pas connerie. Je ne suis pas fait pour les relations sérieuses. Je ne sais même pas ce que ça fait de tomber amoureux. Toi-même, tu le sais.

Le concerné resta silencieux, déviant son regard ailleurs, fronçant par la suite des sourcils. Il semblait hésiter à vouloir s'exprimer, mais fini par parler :

– Il y a quelques semaines de cela, j'ai aperçu ta sœur à la pharmacie.

Eziel haussa les épaules, se replongeant partiellement dans la lecture.

– Je n'ai jamais réellement compris pourquoi c'était conflictuel entre vous deux. Ce n'est pas comme s'il s'était passé quelque chose entre vous deux.

C'est vrai, Eziel n'a jamais compris pourquoi Eliah détestait autant Jessy. Ça devait être physique.

– Elle ne venait pas chercher du paracétamol.

– La vie sexuelle de ma sœur ne m'intéresse pas, tu sais. Sauf, si un mec tente de faire quelque chose sans consentement.

Jessy, la mâchoire crispée, souffla du nez.

– Loin de moi, de vouloir foutre la merde, mais c'est moi qui l'aie servi et ta sœur à été consulté un médecin, qui lui a filé des somnifères.

Pas besoin d'en dire plus pour attirer toute l'attention d'Eziel. Toutefois, il coupa court à la conversation et balaya les premiers rayons du regard.

– Elle s'est dirigée dans le rayon « bien-être », murmura Jessy.

Eziel abandonna son camarade pour retrouver sa sœur. Il croisa sur son chemin un vendeur dévorant un Winter Gut, pendant que son collègue se plaignait de son mal de dos. Il secoua la tête pour ne pas être parasité et continua d'avancer. Arrivé au point accueil de la librairie, il pivota à droite, où il trouva sa jumelle qui admirait les attrape-rêves pendus – un livre dans les mains : comment mettre fin à vos cauchemars. Eliah finit par remarquer sa présence et se figea instantanément.

– Quand est-ce que ça a recommencé ? demanda le jumeau – le visage impassible.

Eliah, un sourire contrit, se ravisa pour ne pas lui raconter de fausses excuses. Il n'était pas dupe.

— Depuis ton stage. Je crois...

— Pourquoi tu ne m'as rien dit ? L'interrogea-t-il – dissimulant sa nervosité.

— Je ne voulais pas t'inquiéter, répliqua la sœur – d'un air faussement innocent.

Par automatisme, Eziel croise les bras, arquant un sourcil suspicieux.

– Tu aurais quand même pu me réveiller et me parler ! Eziel marqua une pause, et regarda autour de lui avant de reprendre à voix basse. Imagine ma surprise de voir ma sœur, ma sœur, dans mon lit. Imagine, si je dormais à poil. C'est chelou.

— Erk... répondit Eliah - écœurée.

–J'espère juste que tu ne reprends pas de cachetons.

Il ébouriffa les cheveux de sa jumelle, évitant toute altercation inutile.

– Bref, ce n'est ni le moment ni le bon endroit pour en discuter, conclut-il.

À raison de Léandre qui venait de les rejoindre. Les problématiques que rencontraient les jumeaux ne parvenaient que très rarement aux oreilles d'autrui. Même aux parents, ils avaient la fâcheuse manie de garder tout pour et de trouver à deux les solutions. À quelques exceptions près. Même s'il connaissait Léandre depuis de nombreuses années, Eziel se confiait plus facilement à Jessy. Concernant Eliah, il savait qu'elle était moins encline à faire des confidences à ses amies, même les plus proches.

Léandre, un manga dans les mains, détourna l'attention de sa jumelle. Ses yeux vairons brillèrent instantanément de mille feux, face au dernier tome de L'Assaut des Nains de jardins. Eziel préféra fuir les deux fanatiques, mais se stoppa en chemin en tombant nez à nez avec un bouquin mis en avant sur une table au centre du rayon : Mémoire d'antan, faite face à vos traumatismes.

Perplexe, Eziel n'osa pas toucher le livre, de peur de se brûler. En vérité, il restait assez hermétique à tout ce qui avait attrait au développent personnel, comme à l'ésotérisme et tutti quanti qui remplissait les étalages de ces rayons. Il possédait la fâcheuse tendance à critiquer tout ce qui était irrationnel dans un monde rationnel et pragmatique.

Jessy passa devant lui, zigzaguant entre les clients qui affluaient. Il fuyait probablement les lieux le plus vite possible. Eziel se précipita vers lui, sachant que son ami n'aimait absolument pas se mêler à la foule. Une tape sur l'épaule pour signaler sa présence, il lui dit :

– Allons les attendre à l'extérieur.


Texte publié par (In)Somnium, 18 mars 2022 à 06h36
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