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tome 1, Chapitre 19 « Murmures et Refuges » tome 1, Chapitre 19

Assis sur la margelle du puits, il écoutait les bruits en provenance de la forge, les yeux tournés vers le ciel blanc. Soudain, il parut s’obscurcir. Les yeux baissés, il découvrit la silhouette massive de Nadia qui l’observait, l’air embarrassé.

— Un amour impossible, n’est-ce pas ?

Elle acquiesça.

Calme, Vuk, ramassa un peu de neige sur la pierre et la roula.

— Lui présenter des excuses est inutile. L’amour est une chose qui ne se commande pas ; il est à l’origine de la quête que je mène.

Toujours silencieuse, elle tourna à son tour sa figure vers le ciel voilé.

— Gamayun ? murmura-t-elle.

— En effet, Gamayun, répéta en écho Vuk.

Au creux de sa paume, la neige fondait peu à peu.

— J’ai conscience de la cruauté de ma demande. Hélas, votre fille et maître Domovoï sont à ma connaissance les seuls en mesure de m’aider, dans un duel où l'esprit prime sur la force, la volonté sur la stratégie.

— Tu es un jeune homme plein de sagesse, Vuk. Rassure-toi pour ma fille. Elle sait déjà que ton cœur est ailleurs, quand bien même elle n’aura su contenir ses élans.

— C’est une chose bonne, car réprimer ses sentiments nous amène toujours sur l’autre rive.

— Mais il est une autre chose pour laquelle je te remercie, Vuk. Vois-tu, je suis forgeronne. Mon père m’a tout appris, car fille ou garçon peu lui importait, tant que la passion était là. Ma fille est la meilleure joueuse de tout le village, alors même que nombreux sont ceux qui ne voudraient voir en elle qu’une jeune femme, future mère et bonne à tout faire. Je me suis battue pour garder ma place. À son tour de faire ses preuves et de se montrer fière de son savoir.

Au creux de sa paume, il ne restait plus qu’un noyau de glace qu’il jeta au loin.

— Merci Nadia.

Silencieux, leurs regards se croisèrent. Elle aussi brûlait de lui révéler ce secret qui les liait à Alkonost. Pourtant, ils leur devraient à tous patienter, car la nouvelle lune ne se lèverait que demain. Entre temps, la porte s’était ouvert, Kveta se tenait sur le seuil. Son visage gardait les traces de son chagrin, effacé par le sourire, sans doute un peu gêné, qui illuminait sa figure.

— Je crois qu’il est temps pour toi de prendre ta première leçon mon garçon, claironna derrière Domovoï.

À la fin de la journée, la tête emplie de cases noires et blanches sur lesquelles dansaient des figures de toutes sortes, il s’accorda une promenade solitaire aux abords de la rivière gelée. Songeur, il s’interrogeait sur le sens de ce duel. Penché sur le cours d’eau, il contemplait son reflet dans la glace épaisse ; dessous, il apercevait le flot tumultueux, tumultueux, comme l’était son cœur en ce moment.

— Vuk ? appela quelqu’un.

Dans la pénombre, Domovoï se tenait appuyé contre le tronc d’un vieux sapin, dont la cime se perdait dans la nuit.

— Tu devrais rentrer. Le vent commence à se lever et il serait dangereux de demeurer plus longtemps dehors.

Du bout des doigts, il caressa la surface gelée, puis se retira.

— Vous avez raison, maître Domovoï.

Le pas lourd, ses pieds lui semblaient s’enfoncer plus que de raison dans la neige épaisse, il rejoignit son compagnon, qui lui offrit un bras secourable. De retour à l’auberge, ils dînèrent d’une soupe aux choux, accompagnée de quelques tranches de lard fumé. Plus tard, ils se séparaient, Vuk ayant décliné l’invitation à la veillée, tandis que Domovoï se joignait à la compagnie. Plongé dans un sommeil sans rêves, il se vit volant au-dessus de la ville, poussant des cris lugubres tandis que résonnait, dans les ténèbres, le bruit des chaînes. Le lendemain, alors que la lueur crue du matin filtrait par les volets, Domovoï l’éveilla. Une heure plus tard, il se rendait à la forge et affrontait Kveta sur un terrain composé de cases noires et blanches. Les heures passaient, rythmées des coups sourds de la masse sur l’enclume, des exclamations et des soupirs de chacun des protagonistes.

Le soir venu, la pesanteur des heures solaires s’effaçait, un soulagement se lisait sur leurs traits, Nadia leur avait proposé de rester à dîner et Kveta ne cachait pas sa joie. Le repas achevé, assis autour du feu, Domovoï avait bourré sa pipe d’herbes aromatiques qui, à présent, embaumait l’atmosphère ; Nadia se laissa même à accepter le fourreau tendu par le vieil homme.

— Nadia, pourrais-je vous poser une question ? s’enquit soudain Vuk.

— Bien sûr ! Ce soir comme les deux prochaines nuits, tu n’as pas à craindre l’œil inquisiteur d’Alkonost, comme tu l’as sans doute déjà deviné.

— Sans doute, soupira-t-il.

— Et autre chose encore, ajouta-t-il pour lui-même.

— Hier, après le banquet, j’avais demandé à Kveta de m’emmener dans votre atelier et j’ai découvert une pièce tout à fait singulière.

— Tu veux parler de la bibliothèque de mon grand-père ? le questionna Nadia.

— Oui, acquiesça, Kveta. La pièce aménagée tout au fond de la forge.

— Que veux-tu savoir à son sujet, sinon que c’est une pièce que je ne fréquente pour ainsi dire jamais.

Vuk hocha la tête.

— Alors, vous n’en connaissez pas le secret.


Texte publié par Diogene, 7 août 2022 à 15h12
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