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saison 1, Chapitre 5 « Ses yeux semblent... » saison 1, Chapitre 5

Depuis quand les crayons possèdent-ils un mode vibreur ? On est tous d’accord que ce n’est pas normal…

L’objet de mon interrogation convulse et perd de sa rigidité. Ce cauchemar ne prendra donc jamais fin, Stephen King sort de ma tête.

Soudain, tout s’arrête. J’attends quelques secondes, plaqué contre le mur, formant l’étoile de mer. Plus de mouvement inhabituel, le mélange de bois et de graphite repose sur la feuille, totalement inerte.

C’est le moment où on prend toujours les mauvaises décisions. Oui, l’instant où le héros traverse des zones à risque et que le tueur lui saute dans le dos. Pour répondre à cette logique cinématographique, je m’approche doucement de la table. Pourquoi la bande-son du film Saw se déclenche-t-elle dans ma tête ? Sérieusement… Je suis timbré…

Dans l’intention de me protéger, je me décale derrière la chaise. Le léger grincement des pieds sur le parquet me transforme en hérisson. Est-ce que j’ai vraiment peur d’un crayon ?

Je me redresse d’un bond, avec mes parties libres qui sautent de joie. Bien décidé, je pose mon index tremblotant sur le coupable.

— N’en profite pas pour me peloter !

— Aaaaaahhhh !

Comme un hystérique, je m’enfuis, trébuchant dans la chaise et m’écroulant de tout mon long. Je repars à quatre pattes, aussi vite qu’un chat qui dérape sur le carrelage et rejoins ma cachette favorite… Vous l’avez deviné… les toilettes.

— C’est de ça que j’ai hérité ?! Mauvais diable que voilà !

Muni de la ventouse et de rouleau de papier-cul, je sors la tête pour découvrir l’impossible. Le crayon, droit debout, avec des yeux, une bouche, des bras, des mains et pas trop d’humour.

— T’es quoi toi ?

— Je suis ton nouveau compagnon, le grand Crit.

Compagnon ? Grand ? Gnééé ?

— Alors c’est toi qui as vaincu l’ancien proprio ? Tu avais l’air plus costaud avec ta tenue près du corps. Un peu ridicule, mais balèze. J’en ai bavé, mais j’aurais pu t’avoir si tu n’avais pas sorti ton deuxième pouvoir. Tu en as combien ? Ça fait combien de temps que tu es chevalier ? Tu en as buté beaucoup ?...

— Ohohoh ! On arrête tout ! Je ne comprends rien à ce qui est en train de se passer !

Crit place sa main droite sous son menton absent et se plonge dans une réflexion intense, tout en se grattant le derrière.

— Attends… Tu es un chevalier… Tu es forcément au courant de…

— Je pige que dalle ! Et je parle à une hallucination de malade ! Je ne sais pas ce que j’ai pris, mais c’est de la putain de booooombe !

Il se laisse tomber à plat sur la feuille, désemparé. Je m’approche à nouveau, toujours affublé de mes armes et protections. Est-ce la fin du rêve ?

— Ce n’est pas possible… Il fallait que cela m’arrive à moi…

— Aaaaaahhhh !

De retour dans les toilettes.

— Viens t’asseoir. On doit avoir une discussion.

Je réapparais timidement.

— Si c’est moi le maître… Ce n’est pas moi qui dois donner des ordres ?

— Assis !

Une interjection qui n’appelle pas à réponse. En un rien de temps, je me retrouve bien droit au fond du canapé.

— Écoute-moi bien… Cela va te paraître invraisemblable…

— Oh ben non... Tout semble tout à fait normal.

Il sautille sur place d’agacement. Il devrait faire attention à ne pas se casser la mine.

— En tant qu’humain non initié, tu n’as pas conscience de toute la réalité de ce monde.

— Ah ! Maintenant que tu le dis…

— Ferme-là !

Je me replie derrière des coussins. On ne sait jamais, il pourrait me dessiner des lunettes sur le visage pendant que je dors.

— Bien ! Des entités plus évoluées que les humains existent. Ce que vous pourriez appeler des divinités. Un peuple détenant de grandes connaissances. Ils résident sur un autre plan de la vie. Cela remonte maintenant à plusieurs millions d’années, deux d’entre eux, des rivaux et amis, s’ennuyaient à mourir. Et pour se divertir, ils ont imaginé une sorte de jeu. Ils ont créé un monde qui s’appelle la Terre, et y ont donné vie à plusieurs espèces… jusqu’à aboutir aux humains.

— Gnééé ?!

Sa main laboure tellement son visage que je crois voir apparaître des copeaux.

— Vous représentez de simples figurines de loisirs pour deux tarés souhaitant pimenter leurs existences. Ils s’ennuyaient. Ils ont donc imaginé ce divertissement…

— On est des sims ?

— … Tous les ans, à la Toussaint, ils se lancent dans une sélection. Ils choisissent chacun leur tour cinq humains et les transforment en chevaliers. Ces derniers reçoivent un pouvoir unique et ont pour mission de se battre contre les forces adverses. Tu es tombé au milieu d’un combat entre mon nouveau maître et un plus expérimenté. Tu as pu le découvrir, il possédait au moins deux capacités. Chaque fois qu’un guerrier en tue un autre, il gagne un de ses pouvoirs et augmente sa puissance.

— C’est ça la boule noire ?

— Oui ! Voilà ! C’était moi !

— Je suis souillé… J’ai perdu toute ma pureté…

— Comment il a fait pour abattre un chevalier ?...

— Alors ce n’est pas ma faute… Il m’a surpris en tombant sur le banc et…

— Tu ne comprends pas… Tu n’es qu’un humain qui a reçu un pouvoir. Ce n’est jamais arrivé auparavant. Je ne sais pas ce que cela va provoquer, mais je crois que nous vivons un tournant important de l’histoire de l’humanité.

— En vrai, ce pouvoir est pourri… Qu’est-ce que je peux faire d’un crayon sans jambes ? En plus, tu me saoules à parler sans arrêt…

Crit en tombe par terre. Il semble dépité, je comprends… Le pauvre, ça ne doit pas être évident de perdre son maître.

— Ta capacité… c’est de m’incarner dans l’objet que tu souhaites… Comme le lion de la fontaine.

— Ah parce que c’était toi le bloc de pierre qui s’est fait raboter le cul ? C’était quand même plus classe qu’un morceau de bois… J’ai du mal à suivre tes choix.

Crit se cache les yeux avec ses mains.

— Donnez-moi un taille-crayon que j’en finisse avec ma vie.

— Alors du coup, en gros si j’ai tout compris… D’un côté, dieu et de l’autre, le diable, et chacun à son armée pour s’affronter.

— Mais oui ! C’est ça !

— Quelque chose me turlupine depuis tout à l’heure.

— Dis-moi.

— Tu te situes de quel côté ?

Crit se relève, se place de côté et se dresse bien droit. Doucement, son regard se tourne vers moi, un large sourire sadique se dessine. Ses yeux semblent s’enflammer diaboliquement.


Texte publié par Calamus, 4 mars 2022 à 12h23
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