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saison 1, Chapitre 4 « J'ai eu l'impression de voir... » saison 1, Chapitre 4

Je sors d’un rêve comme je quitte la mort. Un sursaut, une reprise de respiration soudaine. Mon cœur bat la chamade. La panique irradie tout mon corps, les pensées se perdent dans un mélange entre le réel et l’imaginaire. Les tiges de bambou me chatouillent les parties sensibles.

Je suis trempé, enfoncé dans un fossé boueux. Le froid me pénètre profondément et j’en entends mes dents claquer.

Plus haut, le gravier crisse sous le pas des piétons. Des hommes et des femmes se rendent à leur travail, n’ayant aucune conscience qu’un blaireau enlace langoureusement les graminées.

Quelques souvenirs viennent perturber mon émergence. Des éclairs bleus, une silhouette, une boule…

Je place automatiquement les mains à ma gorge, ma bouche… Rien d’anormal. Une crainte soudaine… Je me lève et me palpe le derrière… Aucune douleur. Pfiou, la sueur froide... Est-ce que c’était réel ? Mais alors, comment me serais-je retrouvé ici ?

Quelques étirements deviennent nécessaires pour faire disparaître l’ankylose. Je veille et patiente pour quitter le fossé. Je ne voudrais pas attirer l’attention, surtout sans savoir ce qui s’est véritablement passé. Au vu de mon état général, je vais devoir jouer serré.

Le jour est bien levé, et au travers de la végétation, je m’aperçois que mon vélo a disparu… Les enfoirés.

Je gravis la pente opposée pour trouver une réponse. La fontaine se dresse fièrement au centre de l’espace… intacte. Les seules traces visibles se concentrent sur la place que je me souviens avoir tenue. Dans un profond sentiment de souffrance, je retrouve la déjection canine explosée. On avait tant partagé ensemble.

Holà ! Qu’est-ce que j’ai pris hier ? Ouah ! L’hallu que je me suis tapé ! Moi qui braquerais un McDo, mais quel idiot.

Bien rassuré, je saute sur le chemin et me dirige vers mon quartier. Tout naturellement, je glisse mes mains dans la poche kangourou et éprouve le contact froid d’un obstacle. Un choc mental me fait sursauter… Je sors l’objet et découvre la bombe de poivre… vide. Eh merde !

Première poubelle, je jette l’indice et file en courant dans les rues. Rapidement, je rejoins le pied de mon immeuble. Je n’ai rencontré personne jusqu’à ce groupe d’ados qui garde l’entrée.

— Eh, Selim, qu’est-ce que tu fous encore ?

— Tu te mets à la natation synchronisée dans le canal ?

Les jeunes éclatent de rire. Comme toujours, je ne réponds pas et abandonne toute culpabilité et tout jugement. Cela fait longtemps que j’ai appris que le silence restait l’arme la plus efficace contre la bêtise humaine.

— Je suis sincèrement désolé… J’ai vraiment cherché, j’ai été dans les ordures les plus profondes, mais je n’ai pas réussi à trouver votre avenir…

Une bonne réponse, bien placée, ça fait du bien quand même. Je ferme la porte tout en affichant mon plus grand sourire. Les insultes fusent pendant que je me lance dans l’escalier.

Mes baskets couinent à chaque pas. Si on y ajoute toutes les traces humides que je laisse sur les trois étages franchis... On y repassera pour la discrétion.

Je pénètre chez moi, enfin, à l’abri. J’ôte tous mes vêtements et les fourre dans le lave-linge. La machine va rythmer ma douche. L’eau chaude n’efface pas un élément qui m’occupe l’esprit. Je tente le tout pour le tout, shampoing Dop dragibus, rien de mieux pour retrouver le sourire.

Dans une savoureuse odeur, je sors de la douche avec une serviette autour de la taille. Je m’arrête devant le miroir et l’idée d’un Bradley Cooper disparaît. J’enfile mon peignoir pour me transformer en Matthew Perry.

Je file dans la pièce principale et récupère les lunettes de soleil pour y détacher la caméra embarquée. J’y tire la carte SD et la place dans mon ordinateur. Même si l’objectif est détruit, elle a forcément enregistré une partie de la soirée et va m’éclaircir le vrai du faux.

Le dossier s’ouvre enfin. Je double-clique sur le fichier. Je redécouvre l’ambiance nocturne du fast-food… Puis l’Uber eats, les clients qui sortent… Mon entrée, la bombe. Je me souviens, elle s’appelle Pauline. Les flics et… la porte qui stoppe l’enregistrement.

Premier réflexe, le plus important… Je déplace le curseur pour l’arrêter sur la magnifique Pauline. Son sourire, sa désinvolture, le fait qu’elle se foute de moi aussi facilement. Elle est trop wahouuuuu.

Deux baffes plus tard… Donc le braquage, idée complètement tordue en passant, est réel. Mais alors la suite… ? Non... sérieux. Je suis rentré dans un comics là… J’imagine bien tomber sur Wonderwoman sous la forme de Gal Gadot. Automatiquement, la musique de son entrée dans le film Batman v Superman se déclenche ? Je la vois me protéger des éclairs bleus avec son bouclier.

Mais tu vas te concentrer oui !

Bon, comment pourrais-je m’assurer de tout ça ? Comment me serais-je retrouvé dans ce fossé si tout n’était pas vrai ? Et mon vélo ? Une agression, peut-être… sans y croire.

Je prends une feuille de papier et un crayon. J’esquisse un tableau à deux colonnes. L’une pour les faits vérifiés, et l’autre ce qui tient plus de l’imaginaire. Sans hésitation, je place Wonderwoman dans la seconde catégorie…

Je ne trouve rien sur les réseaux. L’anxiété ou plutôt ma nuit à la belle étoile me retourne les tripes. Je file aux toilettes tout en fouillant encore et toujours le net. Je ne peux pas croire que personne n’ait vu ce feu d’artifice. C’est définitivement irréel…

Tellement concentré sur mes recherches, je quitte le trône sans me refroquer. J’attrape mon crayon et me fixe intensément sur une des scènes d’hier. Tout ce qui m’apparaît, c’est cette silhouette dans le halo doré… puis cette boule. Une nausée me prend… Je ne vais pas passer ma journée aux chiottes…

Soudainement, je n’ai plus le contrôle de moi. Je me raidis, je sens tous mes muscles se contracter et les images défiler à toute vitesse dans mon esprit. J’éprouve une sorte de frénésie, comme si je rentrais dans une crise d’épilepsie. Mon corps se secoue dangereusement. Je prends réellement conscience. L’impression d’être sorti de mon enveloppe, comme ce fameux instant, hier, où j’ai perdu le contrôle…

Je sens une force, une énergie, cette électricité se rassembler dans ma poitrine. Que se passe-t-il ? Je ne souffre pas, mais j’ai envie de crier, de me libérer. Je ne rêve pas ? Cette lumière vient de moi ?

Mes doigts crispés, comprimés sur le bois, je griffonne la table. Le crayon va rompre sous ma force légendaire… ou pas. Mon intense concentration sur ce point déclenche une décharge.

L’énergie qui s’était condensée en moi s’échappe dans mon bras et explose dans ma main, me projetant en arrière. Je roule jusqu’à la porte d’entrée, le caleçon s’envolant pour atterrir sur ma tête. C’est quoi encore ce merdier ?

Je me relève d’un bond et cours me dissimuler dans les toilettes… décidément. Je jette un regard rapide, mais rien ne semble avoir bougé. Je m’approche avec prudence… Tout paraît normal.

Totalement incompréhensible, je perds la boule. Je frotte mes tempes pour me préserver d’une future migraine et dans un clignement d’œil… J’ai eu l’impression de voir mon crayon trembler…


Texte publié par Calamus, 25 février 2022 à 10h06
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