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saison 1, Chapitre 2 « Il est loin... » saison 1, Chapitre 2

Pas de situation inattendue, c’est pourtant ce que je m’étais dit. Bien, résumons, la femme de ma vie, face à moi, pliée en deux de rire ; deux flics à l’arrière, prêt à dégainer et à me demander de poser le pistolet à bille que j’ai en main.

Rien ne sert de se mentir, je me trouve dans une merde infinie. Et c’est toujours à cet instant que mon super pouvoir se déclenche. Je ne pourrais le justifier ni l’expliquer, mais lorsque je dois réaliser un choix, une musique me vient à l’esprit et m’indique une direction à suivre.

Sauf que là… Rien ne se passe.

— Pose ton flingue tout de suite sale face de rat !

La demande me provoque un léger sursaut, surpris par la délicatesse des forces de l’ordre. Mes yeux me piquent, la sueur coule sans discontinuité et me brûle la rétine. Réflexe idiot, je tente d’essuyer avec ma manche, et forcément utilise ma main armée.

— Fais pas le con ! Arrête, je te dis !

La panique n’envahit pas que ma personne, l’assistance semble sur les nerfs. J’écarte les bras, sans émettre un son, puisque je sais d’avance que cela ne m’aidera pas. Doucement, je me penche dans le but de déposer mon flingue au sol.

Un contact contre ma cuisse m’interpelle. Un objet resté dans ma poche kangourou… un déclic, la musique s’enclenche dans mon esprit. Do bad well de KSHMR résonne très distinctement.

Je ralentis le mouvement, relève la tête et fixe la demoiselle. Elle ne rit plus et s’interroge même sur la tournure de la scène. Je crois sentir une certaine crainte sur ses traits. Mon regard glisse sur l’étiquette agrafée à son haut, Pauline. Oui, le temps est venu de lancer le jeu.

Ma main gauche se faufile dans la poche et attrape la cartouche de bombe au poivre, pivote légèrement en déposant l’arme au sol.

Les deux flics s’avancent déjà vers moi pour m’immobiliser, rassurer par mon obéissance. J’en profite pour tout leur décharger dans les yeux. Des cris déchirants viennent perturber la symphonie qui rythme mes gestes. L’un d’eux, les paupières fermées, le visage décomposé par les larmes m’attrape par la capuche. Dans un mouvement d’une souplesse sans égale, je glisse en dehors, quittant mon habit, me libérant de son emprise.

Je prends mes jambes à mon cou et m’enfuis par où je suis venu… Et merde, mon sweat… avec ma signature. Sans attendre, j’opère un demi-tour et fonce dans le tas, les percutant tous les deux. Ils glissent sur le sol humide, tandis que d’un geste sec, j’arrive à récupérer mon précieux. Tout en repartant, je ramasse mon flingue et n’oublie pas de saluer avec grande classe la belle demoiselle. Je ne serais plus Smile si cela devait se terminer ainsi… J’ai omis que la porte s’ouvrait en tirant… Vous imaginez la suite… Passons.

Enfin dehors, je ne perds pas de temps, j’enfile mon sweat retourné, ce qui va me permettre de me dissimuler efficacement. À présent, j’arbore un haut jaune fluo avec un logo souriant noir. Je détache la sacoche arrière et y planque mon flingue, puis enjambe ma bécane.

Les flics ont repris leurs esprits, je les vois sortir par l’autre porte et se diriger vers leur bagnole. Je dois les distancer. J’appuie de tout mon poids sur la pédale et projette mon BMX Haro… La course poursuite est lancée.

Je saute sur le trottoir et prends vers l’avenue qui dessert l’hôpital, pour bénéficier de la circulation. Virage à gauche, les gyrophares illuminent toute la zone et les sirènes ne me laissent que peu d’illusions. Les voitures se décalent déjà pour ouvrir une voie centrale aux flics.

Je passe au milieu de la rue et fonce entre les automobilistes qui roulent dans les deux sens. Le rond-point de la chaufferie est tout proche. Comme je le pensais, les véhicules ralentissent et des embouteillages apparaissent, je vais pouvoir reprendre de la distance.

J’atteins le giratoire, les doigts sur les poignées de frein pour maîtriser mon approche. Non, mais c’est pas vrai ? Sur la gauche, des motards sont installés pour un contrôle de vitesse. Ils ont reçu l’information et se positionnent pour partir à ma poursuite. L’un d’eux vient de me repérer, je crois que la couleur de mon sweat n’était finalement pas une bonne idée.

Sans hésiter plus longtemps, j’accélère sur le pédalier et traverse le rond-point en slalomant entre les voitures. Les klaxons, bruits de froissement métallique et de fracas plastique ne m’arrête pas. D’un saut, j’atterris au centre de l’immense carrefour, une surface en herbe, formée par plusieurs monticules et plantations.

Les flics effectuent le tour pour me couper la route. Je vire à droite pour filer derrière eux et me sers du terrain pour me propulser sur une rampe de terre et quitte les lieux en passant au-dessus d’une voiture, tout en flirtant avec une autre.

Rétablissement parfait, mais pas mal d’énergie épuisée, je fonce malgré tout pour atteindre mon but. Un regard en arrière, la voiture s’engage dans la voie. Des bosquets jalonnent le trottoir et projettent de grandes surfaces d’ombre. C’est ma chance, encore un peu.

La voiture accélère, le vrombissement du moteur n’en laisse aucun doute. Ils seront sur moi en quelques secondes. Je saute sur l’accotement et d’un coup de frein, je glisse dans un des bosquets, quitte mon sweat que je retourne à nouveau et me fixe sans bouger.

La voiture passe illuminant le secteur de bleu et de rouge, mais sans se rendre compte de leur erreur. Je me tourne vers le grillage qui entoure la chaufferie, tire dessus pour le replier. Je vous l’avais dit que j’avais tout prévu.

Je pousse le vélo devant moi et m’élance vers le parking pour rejoindre l’entrée principale. Une poubelle bien placée me permet de balancer le tout de l’autre côté et de franchir la porte sans trop de difficulté. Sans attendre, je reprends la route sur mon BMX, je sais que le secteur va rapidement fourmiller et je dois disparaître avant cela.

J’emprunte la petite ruelle qui mène au parc de la Ceriseraie, je vais pouvoir rejoindre mon quartier comme une fleur. Je vais peut-être en tirer quelque chose de cette vidéo finalement. Je retire mes lunettes pour en juger, et je constate que ma rencontre avec la porte du McDo a laissé des traces. La caméra apparaît en miettes, comme mon ego.

Un éclair bleu éclate sur ma droite. Ne m’y attendant pas, je perds le contrôle de mon vélo et viens percuter un banc. La chute me projette dans les marais qui parcourent tout le parc.

La vase me recouvre et les roseaux me chatouillent les parties sans ménagement. Mais ce qui m’interpelle le plus, c’est ce flash lumineux. Je rampe sur le fossé opposé pour atteindre le sommet et tenter de me frayer un passage dans les graminées. Un nouvel éclat et des cris de terreur viennent immédiatement m’arrêter.

De chaque côté d’une fontaine à face de lion, deux hommes s’observent. L’un tient une sorte d’épée bleutée, et celui qui me tourne le dos se met à faire danser ses mains.

Qu’est-ce qu’ils foutent à cette heure, les saltimbanques ? Putain de merde… C’est quoi ce bordel ?

C’est dans une surprise hallucinogène que je découvre le mouvement de la fontaine, et plus précisément la face de félin qui se met à rugir sauvagement.

Je me retourne et m’assieds, fixant mes deux mains, pour me foutre deux claques et me rendre compte de la réalité de l’instant. Il est loin, mon lit…


Texte publié par Calamus, 11 février 2022 à 10h15
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