Sir Enosh Lochland, Alexander VanMurien et Edgar, le voiturier, étaient tous trois assis dans une bibliothèque spacieuse, aux murs couverts de livres, dans de confortables fauteuils. La bibliothèque était celle d’Alexander, et les trois hommes étaient réunis autours d’un théière fumante et de trois tasses de porcelaine japonaise. Alexander aussi, était féru de voyages, et il aimait rapporter des souvenirs des endroits qu’il visitait. Edgar, qui dépassait les autres d’au moins une tête et demie, tournait sa cuillère dans sa tasse d’un mouvement mécanique, sans dire un mot, et les yeux dans le vide. Alexander était, quant à lui, affalé dans son siège, ses deux bras reposants inertes sur les accoudoirs et ses jambes étendues. Il avait un sourire fier, sur le visage, et il regardait Sir Lochland avec une pointe de défi. Sir Lochland se tenait bien raide, le dos en angle droit avec ses cuisses, et ses pieds bien à plat sur le sol. Ses mains s’agrippaient aux cotés de son fauteuil, comme s’il avait peur d’en chuter. Ses yeux, écarquillés, aurait pu, avec un tout petit peu plus d’effort de sa part, sortir de leurs orbites. Sa bouche était entrouverte mais aucun son n’arrivait à en sortir. Son regard passait d’Alexander, à l’arme qu’il avait posé sur la table, entre la théière et le sucre, à Edgar, puis revenait à Alexander. L’argent du révolver brillait, et un reflet, dû à un rayon de soleil, lui arrivait droit dans les yeux.
« Alors Enosh, tu ne dis plus rien ? » Sir Lochland, sans cligner des paupières, ouvrait et refermait la bouche sans réussir à parler. Puis il se tourna vers son vieil ami, et dans un murmure, lui demanda : « Tu… Tu viens de tirer sur Edgar ? » Alexander se mit à rire : « Oui ! Et en pleine poitrine en plus ! Et regarde ce vieux bougre, il se porte à merveille ! » Rien, mis à part une auréole de sang s’agrandissant au beau milieu de la chemise du voiturier n’aurait pu trahir l’évènement qui venait de se produire, et l’homme était toujours en train de tourner sa cuillère dans sa tasse. « Alors Edgar, comment te sens-tu ? Montre à notre bon vieil Enosh à quel point tout va bien !
– Je me sens très bien, monsieur. » Le mort-vivant posa la petite cuillère sur la soucoupe et porta la tasse à ses lèvres. Le sang continuait à couler.
« Ce… Ce n’est pas possible. Tu me fais marcher, Alexander. Dis-moi que tu me fais marcher, que tout cela n’est qu’une farce » Alexander secoua la tête de gauche à droite, toujours en riant, car même si cet homme aurait pu être n’importe quoi, il était avant tout un bon vivant. « J’ai réussi, Enosh, j’ai réussi. La vie éternelle, bon sang ! La vie éternelle ! »
« Tu ne devrais pas te faire tant de soucis pour ton époux, tu sais.
– Je sais bien, répondit Emely, en regardant par la fenêtre embuée. Mais je ne peux pas m’en empêcher.
– C’est beau autant d’amour, après tant d’années de mariage. Cela redonne espoir aux femmes comme moi.
– Tu es encore jeune, Shoshanna, répondit Emely en se tournant vers elle. Tu n’as pas à t’en faire.
La vieille femme traversa la pièce, un petit salon aux tons pastel, et s’assit sur un sofa, à côté de son amie. Elle prit une boite à cigarette, posée entre elles deux, en sortit une et l’alluma.
– Je ne peux pas m’en empêcher, tu sais. A chaque fois qu’il part, j’ai peur qu’il lui arrive quelque chose, et qu’il meurt loin de moi.
– Il ne lui arrivera rien, Emely ! Ton mari est robuste comme un chêne !
– Pas tant que cela, et c’est bien là le problème. Et puis cet Alexander, je ne sais pas dans quelles sombres affaires il va encore l’entraîner.
Lady Shoshanna prit une cigarette à son tour, et elle posa ses pieds déchaussés sur une petite table.
– Quoi qu’il en soit, et selon les dernières nouvelles, mon train est arrivé sans soucis à chaque gare d’aujourd’hui. Dont Nottingham.
– Je n’ai jamais douté de ton train, bien au contraire ! Je lui fais plus confiance qu’à mon mari.
Les deux femmes se mirent à rire. Les cheveux de Shoshanna, longs, noirs et ondulés, lui tombaient dans les yeux. Elle les repoussa en arrière.
– Le fait est, continua Emely, qu’Alexander est un excentrique, au sens du terme que je trouve le plus mauvais.
– Un fou ? Lady Shoshanna avait levé les yeux vers elle.
– Un fou, exactement. Cet homme se prend pour un scientifique, mais il n’est rien de plus qu’une vulgaire esquisse d’alchimiste.
– Tu n’as pas l’air de beaucoup l’apprécier, dit Shoshanna d’un air amusé.
Emely Lochland se pencha en avant, souleva l’ourlet de sa robe, et défit les lacets de ses bottines. Elle les ôta et les pausa devant elle, avant de mettre à son tour ses pieds sur la table.
– Ah ça ! Pas le moins du monde ! Cet homme est dangereux.
– Dangereux ? Vraiment ?
– Oui, et je n’ai aucune confiance en lui. Alexander est prêt à tout pour ses expériences fumeuses. »
Sir Enosh Lochland, Alexander VanMurien et Edgar, le voiturier, étaient tous trois debout, dans une cave spacieuse aux murs de pierre. La cave était celle d’Alexander, et les trois hommes étaient réunis autours d’une table remplie de matériel scientifique. Des tubes, des tuyaux, des liquides de toutes les couleurs possibles et imaginables et des dizaines et dizaines de feuilles volantes, jaunies, couvertes d’écritures, de tâches d’encre et de ratures. Edgar se tenait immobile, dans un angle sombre de la pièce, sans dire un mot, et les yeux dans le vide. Alexander était, quant à lui, en train de fixer Sir Lochland, à la recherche de son approbation. Ce dernier se tenait bien raide, droit comme s’il avait été planté dans le sol. Ses mains tenaient des feuilles de recherches, fermement, comme s’il avait eu peur qu’elles ne s’envolent. Ses yeux, écarquillés, aurait pu, avec un tout petit peu plus d’effort de sa part, sortir de leurs orbites. Sa bouche était entrouverte mais aucun son n’arrivait à en sortir. Son regard passait sur chaque ligne, l’une après l’autre. Il en relisait même certaines plusieurs fois pour être sûr d’avoir bien comprit.
« Alors Enosh, tu ne dis plus rien ? » Sir Lochland, sans cligner des paupières, ouvrait et refermait la bouche sans réussir à parler. Puis il se tourna vers son vieil ami, et dans un murmure, lui dit : « Bon sang, Alexander… Tu as raison. » Alexander se mit à rire, car il le savait, lui, qu’il avait raison, et maintenant qu’Enosh le croyait, il n’en avait plus rien à faire, de passer pour un fou.
Sir Lochland fut frappé par la justesse des calculs de son ami. Pas la moindre erreur, et, de plus, tout cela paraissait soudainement d’une clarté limpide. Tout était là, sous ses yeux, couché sur des pages et des pages, et c’était vrai. La vie éternelle, bon sang. La vie éternelle.
« Enosh m’a dit qu’il craint que son ami ne perde la tête.
– Pourquoi cela ?
– La raison pour laquelle Alexander lui a demandé de venir à Nottingham est des plus surprenantes. Enosh me l’a dit, cette raison, car il me dit tout, mais Alexander lui avait demandé de garder le secret.
– Dis-moi, je t’en prie ! Shoshanna s’était mis à genoux d’un bond, sur le sofa, et elle fixait son amie avec un grand sourire, les mains jointes, comme pour une prière, en signe de supplication.
– Je veux bien te la dire, après tout, puisque je n’y crois pas une seule seconde, mais tu devras quand même la garder pour toi.
– Oui, je te le promets ! Shoshanna avait parfois des manières d’enfant.
– Alors écoute bien... Cette histoire est d’un ridicule !
– Allez, dis-moi !
– Alexander est certain d’avoir réussi à créer une potion qui procure la vie éternelle.
– … la vie éternelle ?
– Exactement. (Un silence accompagna cette confirmation. Emely, un sourire narquois aux lèvres, en profita pour tirer une bouffée de sa cigarette) N’est-ce pas stupide ? Cela est impossible. La vie éternelle, quelle idée ! Alexander est un fou.
Shoshanna ne répondit rien, et se rassit. Elle ouvrit grand les yeux et se mit à respirer de plus en plus fort.
– Mais imagine… Imagine, Emely, que ce soit vrai. La vie éternelle, bon sang ! La vie éternelle… »
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