Perle de Rosée lui donna un tas d'indications. Parce que, ce qu'elle souhaitait, Cassandra, du haut de ses six ans, ne savait pas le faire.
– Tu commences par couper un roseau.
– Avec quoi ? Je n'ai pas de ciseaux avec moi, et maman n'aime pas que je prenne les couteaux dans la cuisine.
– Et ta maman a bien raison, ma foi ! Tu n'as qu'à l'arracher !
– Ah oui ! Je n'y avais pas pensé...
La petite brunette aux boucles malicieuses regarda autour d'elle. À quelques mètres à peine se trouvait un buisson de roseaux. Elle s'y dirigea et prit une tige entre ses mains. Elle tira de toutes ses forces. Même son ventre lui venait en aide. Elle le sentait tout dur.
Quand elle l'eut arraché, elle faillit tomber une fois encore sur son derrière.
– Maintenant, mademoiselle, tu prends une petite branche d'un arbre, comme celui-là, là-bas, le saule pleureur. Tu enlèves les feuilles et tu passes la branche à l'intérieur du roseau.
– Mais... dit-elle en regardant le tube entre ses mains. C'est tout rempli ! C'est pas possible.
– À qui le veut, rien n'est impossible ! Regarde bien et tu verras que...
– Oh oui ! C'est tout mou.
– Bravo ! Tu commences à ouvrir les yeux sur ce qui t'entoure.
Cassandra lui décrocha un grand sourire. Elle avait une mèche de cheveux qui lui barrait la moitié du visage, et son sourire se perdit dans ses boucles.
– Tu vas donc, reprit Perle, passer la branche pour nettoyer le roseau de ce qu'il a à l'intérieur.
Toute à son affaire, Cassandra en oublia presque pourquoi elle était là. Elle avait toujours adoré faire des activités, du bricolage. Mais là, elle s'attelait à faire une flûte. Jamais elle ne se serait crue capable de le faire.
Quand elle eut tout nettoyé, Perle lui demanda de couper le haut du roseau en biais, là où se trouvait l'espèce de rouleau de mousse.
Cassandra se gratta la tête. Comment allait-elle s'y prendre ? Et puis, c'est quoi « en biais » ? Sa réflexion intense n'échappa guère à la grenouille, qui lui demanda ce qui la tourmentait.
– Euh... Je ne sais pas ce que ça veut dire, « en biais ». Et je ne sais pas comment je vais couper le bois. Je ne peux tout de même pas l'arracher comme tout à l'heure !
– Bon, bon, bon... Une chose à la fois. « Tailler en biais », c'est couper de travers. Un peu plus bas d'un côté et un peu plus haut de l'autre. C'est pour faire le biseau dans lequel on va souffler dans la flûte. Par contre, pour ce qui est de couper, je ne te dirai rien. C'est à toi de trouver la solution. À toi seule. Ouvre bien les yeux. La nature regorge de nombreuses ressources. C'est le seul conseil que je peux te donner.
La petite fille commençait à perdre patience. Elle aimait bien jouer, mais pas chercher. Ça l'ennuyait, parce qu'il fallait que ça aille vite. Alors, elle regarda... Sans vraiment regarder. Son papa lui disait toujours qu'elle cherchait les yeux fermés. C'était vrai pour ses chaussons, qu'elle préférait ne pas trouver, ou pour son doudou, qu'elle préférait se faire apporter. Ah ! Elle n'avait pas son pareil pour chercher le nez en l'air !
Heureusement, son petit ventre la remit sur le droit chemin. À chaque fois qu'elle passait à côté d'une chose qui aurait pu lui servir, il se mettait à gargouiller.
– Tu vas te taire, à la fin ! Lui dit-elle avec humeur.
– Tu ne comprends pas que j'essaie de te dire quelque chose ? Insista le ventre.
– Si ! Mais là, j'ai du travail !
– Oui, et moi, je veux t'aider à le faire au plus vite. Ouvre les yeux, Cassandra !
De mauvaise grâce, elle regarda un peu plus précisément. À terre, elle vit quelques cailloux de-ci de-là. Et par hasard, elle en prit un qui avait la forme d'une amande, d'une larme... d'une lame de couteau, quoi ! Les côtés pouvaient être assez tranchants pour... mais oui ! Pour tailler le roseau. Et à vrai dire, ça lui rappelait vaguement quelque chose. Cassandra ne savait plus quoi. L'avait-elle vu dans un épisode de Dora ? Qui sait...
– Aaaah ! Je vois que tu as trouvé un parfait couteau. Ça ne pouvait pas être mieux, fillette.
– Je vais voir si ça marche, lui répondit-elle toute excitée.
– Oh ! Crois-moi, ça va marcher. Tu n'es pas la première à utiliser ces pierres.
– D'autres enfants sont déjà venus ici ?
– Hum ! Ça, c'est une autre histoire, que je te raconterai quand tu seras plus grande.
– Grrr, grogna Cassandra, j'aime pas quand vous, les grands, vous disez ça ! J'ai l'impression qu'on me prend pour un bébé.
– Holàlà... Tu as encore beaucoup de choses à apprendre. Par exemple, on dit « vous dites » et non pas « vous disez » ! Et avant de pouvoir comprendre des choses très compliquées, il faut que tu puisses en comprendre d'autres, plus simples. C'est comme une maison. Avant de mettre le toit, il faut d'abord monter les murs !
Et la petite grenouille gonfla sa gorge démesurée pour se mettre à chanter : « pemp den a zo o sevel un ti... »
– Eh ! Mais je la connais, cette chanson. Ma maîtresse me l'a apprise.
Perle ferma l'un de ses yeux globuleux démesurés pour lui adresser un clin d'oeil.
– Ce sont les hommes préhistoriques qui utilisaient ce genre de cailloux, reprit Perle. On les appelle des silex.
– C'est comme dans le Périgord, il y avait des hommes préhistoriques. J'ai vu des cavernes, s'écria Cassandra, enjouée.
– Tu vois, quand ils trouvaient ces pierres, ces silex, ils enlevaient des morceaux sur le côté avec une autre pierre. Et ça leur faisait des lances, des flèches, et même des couteaux. Allez, vas-y !
L'opération prit un bon bout de temps. Ce n'était pas si facile de tailler un bout de roseau avec cette pierre. En biais, qui plus est. La petite fille dut s'y reprendre à plusieurs reprises. Heureusement que le tube de roseau était long.
Ensuite, elle eut à faire des trous. Là encore, ce fut une sacrée paire de manches. Mais quand Cassandra eut terminé, elle regarda son œuvre – son grand-oeuvre, finalement, comparé à son âge – ses beaux yeux bleus agrandis par un profond étonnement. Elle avait fait un pipeau ! De ses propres mains ! C'était un instant magique.
Cassandra prit l'instrument, le porta à la bouche et souffla doucement dedans. Un son mélodieux s'en échappa. Elle sourit...
– Bravo, la félicita Perle. Maintenant, tu vas pouvoir me la donner.
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