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– Maman ! Cria Cassandra.

La petite fille aux cheveux bouclés et aux si beaux yeux bleus se trémoussait dans son lit.

Elle tendit l'oreille, mais ne perçut que les petits bruits de la nuit. Les portes de l'appartement d'en bas qui claquent. Oh ! Très légèrement. Les volets qui cliquettent sous le vent. La pluie qui clapote sur la fenêtre. Mais pas les pas de sa maman qu'elle venait d'appeler. Alors, elle redoubla d'intensité :

– Maaaa... mannnnn !

Cette fois, elle avait gagné. Il faut dire qu'elle avait mis la dose. Elle entendait à présent les clics et les clacs des chaussons de maman qui accourait pour endiguer les décibels et éviter le réveil intempestif du petit frère.

Maman entrouvrit la porte, l'air un peu maussade et chuchota :

– Qu'est-ce qu'il y a ?

– Eh ben... commença Cassandra d'une petite voix chevrotante.

– Et ben quoi ? S'impatienta maman, chez qui la peur que le petit frère se réveille nouait le ventre et fronçait les sourcils.

Mais qu'à cela ne tienne, la petite fille reprit son discours, qu'elle avait déjà bien rodé dans sa tête :

– Eh ben, tu sais maman, eh ben... j'ai mal au ventre !

Le visage de maman s'assouplit un peu. Elle s'approcha et s'assit sur le bord du lit.

– Tu as mal au ventre, c'est ça ? Lui demanda-t-elle, en même temps qu'elle ôtait une mèche de cheveux sur les yeux de sa fille.

Cassandra ne répondit pas avec des mots. Elle regarda sa maman et hocha la tête plusieurs fois, tout en se tenant le ventre.

Elle avait replié ses jambes, et ses genoux formaient comme une tente sous sa couette.

– Mmm... réfléchit maman. C'est souvent que tu as mal au ventre, en ce moment.

– J'ai trèèès mal, maman !

Et, pour ponctuer ses propos, Cassandra grimaça, la bouche légèrement de travers et le petit nez retroussé.

– Hier soir, déjà. Ce matin, encore, avant d'aller à l'école. Et maintenant, de nouveau....

Cassandra voyait bien que sa maman allait flancher. Elle réfléchissait, lui souriait tendrement. Vraiment, son visage n'était plus du tout le même que celui qu'elle avait vu dans l'embrasure de la porte. Avec un peu de chance, se dit Cassandra, je n'irai peut-être pas à l'école demain.

Mais maman reprit :

– Je me demande bien ce que ton ventre veut nous dire...

Cassandra s'étonna. Qu'est-ce qu'elle raconte, maman, là ? Ce n’est pas du tout comme ça qu'elle imaginait la chose. Elle, elle espérait un câlin, voire une invitation à revenir dans le salon. Un peu. Juste le temps de se rendormir sans peur.

Elle était séchée. Elle ne savait que répondre. Maman insista :

– Qu'est-ce qu'il te dit, ton ventre, ma chérie ?

– Ben rien ! Que j'ai mal au ventre, c'est tout !

– Ah bon... En es-tu certaine ?

Là-dessus, maman caressa la joue de Cassandra, lui déposa un bisou et repartit dans le salon.

Cassandra resta là, avec son malaise et cette question qui la turlupinait. Dans sa tête, elle se parlait à elle-même :

– Qu'est-ce qu'elle raconte, maman ? C'est n'importe quoi. Un ventre, ça parle pas. Un ventre, ça fait mal. En plus, c'est vrai que j'ai mal. Et maman, elle ne me croit même pas. Je vais la rappeler... Non ! Je crois que si j'appelle, elle va me punir... Qu'est-ce que mon ventre veut me dire ? J'en sais rien, moi ! Ça parle pas, ça parle pas, ça parle pas ! T'en es certaine, qu'elle a demandé maman ? Ben oui, maman, je le sais bien, qu'un ventre, ça ne parle pas !

Et dans le calme de la nuit, les petits bruits mis à part, elle fut surprise d'entendre une voix fluette lui répondre :

– Grrou... Ouik !