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tome 1, Chapitre 21 tome 1, Chapitre 21

Lorsqu’il revint chez lui, la nuit était déjà bien tombée. Il avait passé la plus grande partie de sa journée au jardin des explorateurs, pas très loin de chez lui. C’était un havre de paix, perdu sur la rive droite de Brest. Tout le monde le connaît, mais les promeneurs n’y sont pas légion. Beaucoup de classes viennent s’y plonger dans le conservatoire des plantes rapportées par de grands noms de la marine française. Bougainville, Commerson, Houton de la Billardière, Raoul… Des hommes et des oeuvres. Un musée à ciel ouvert sur la pointe, juste en face du château. De la butte, on y découvrait la rade sous un nouvel angle. Simon avait toujours adoré se retrouver là-bas. Le port de plaisance ou le Vallon du Stangalard étaient par trop peuplés pour lui. Au jardin, il s’y sentait à son aise.

Toute la journée, il avait tenté de faire le vide en lui. Il ne connaissait rien aux techniques de yoga, alors il respira. Il avait toujours entendu dire qu’une bonne respiration, celle faite par le ventre, avait des vertus déstressantes. Pour avoir sonné dans son jeune âge, il connaissait cette respiration. Et ça avait atténué ses angoisses liées à ses doutes récents.

L’alcool lui manquait cruellement. Il se serait bien acharné sur les bouteilles qui ornaient son placard. Il n’en avait certes pas beaucoup, mais suffisamment pour ne jamais être en rade au beau milieu d’une envie pressante. Et quand il commençait une bouteille, il se faisait un devoir de la finir. Comme pour les verres déjà servis, il ne supportait pas la vue d’une bouteille débouchée. Depuis la gifle, cela lui était devenu impossible. Tout devait être frais, servi devant lui. S’il lui arrivait de ne pas terminer une bouteille, elle finissait invariablement dans l’évier dès le lendemain matin. L’alcool s’immisçait dans toutes ses pensées, les pores de sa peau en réclamaient, à tel point qu’il se dirigea vers son unique placard, l’ouvrit et prit la première bouteille qui lui tomba sous la main. Il la déflora et vida tout son contenu dans l’évier. Les effluves lui chatouillaient les narines. Il tremblait en agissant. Alors, il accéléra le mouvement. Il embarqua plusieurs bouteilles en même temps lors de son second passage. Après les avoir dénudées, il les retourna vivement et laissa s’échapper tout le nectar pour repartir à l’assaut du reste du placard. Une bouteille de whisky, plusieurs bières et une petite panoplie de vin rouge conditionné dans des bouteilles de plastique. Quand tout fut terminé, vidé, essoré jusqu’à la dernière goutte, Simon, pourtant ébranlé, se félicita de n’en avoir bu aucune jusqu’à la lie.

Sa lie à lui, c’était sa vie. Et il la buvait à petites lampées. Il était temps qu’il y remette bon ordre. Cela faisait deux jours qu’il n’avait rien avalé. Mais pour lui, ce n’était que secondaire. Le plus important était d’affronter la réalité en face. Un combat à mains nues, les yeux dans les yeux. Son père lui suggérait de voir au-delà des apparences. Ça lui convenait comme philosophie. Le problème était qu’elle émanait justement de son père. Pourtant, en écrivant, il avait relevé des… Non pas réellement des incohérences. Juste des petites choses qui pouvaient à la fois être anodines, aussi bien que porteuses d’un sens nouveau.


Texte publié par Migou, 6 mai 2014 à 18h29
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